L’élargissement de l’Union européenne à l'Est : Bruxelles au défi des relations transfrontalières

NB. Le contenu de cet article donne des informations disponibles au moment de sa publication en 2008.
La chute du mur de Berlin et le processus d'intégration européenne ont fait des frontières externes de l'Union européenne (UE) un thème récurrent de l'actualité et de la recherche scientifique. Leur tracé actuel, des confins septentrionaux de la Scandinavie aux rives de la Mer Noire isole les Balkans de l'Ouest. Il a été constitué en plusieurs étapes depuis la fin des régimes communistes d'Europe centrale et orientale, au gré des élargissements de l'UE.
Ce processus de déplacement de la frontière s'est accompagné de changements profonds quant à la nature et au sens même de la limite externe de l'Europe communautaire. La mondialisation et l'accroissement des flux de tous types entre les différents points de la planète ont soutenu l'idée d'un affaiblissement des frontières d'État [2 et 3]. Si l'on peut effectivement considérer qu'il y a eu dévaluation des frontières entre les États aujourd'hui intégrés à l'UE – dévaluation relative néanmoins –, les recherches menées depuis quelques années tendent toutefois de plus en plus à démontrer que la frontière externe de l'UE est quant à elle renforcée, réactivée, et ce notamment par des contrôles accrus des flux de personnes et de biens.
Or, les frontières concernées par cette réactivation sont le plus souvent des lieux où se nouent d'importants échanges avec les pays voisins (Turquie, Ukraine, Biélorussie, Russie, mais aussi Albanie et États ex-yougoslaves) : mobilités de travail, échanges commerciaux, relations culturelles, déplacements touristiques sont autant de liens. La construction européenne génère donc des configurations ambivalentes, marquées d'une part par une volonté politique européenne de contrôle, d'autre part par des interactions fortes entre habitants implantés sur les deux côtés de cette frontière, interactions qui mettent Bruxelles au défi des relations transfrontalières et qui incitent à la mise en place de dispositifs de coopération transfrontalière.
Ouverture des frontières postcommunistes et reprise de la circulation
Après la chute des régimes communistes, l'Europe centrale et orientale est caractérisée par une ouverture nette des frontières des États. Immédiatement des mobilités transfrontalières apparaissent, qui tout à la fois sous-tendent et témoignent de relations sociales fortes entre populations des pays concernés.
Les mobilités marchandes et la débrouille comme stratégie de vie
L'ouverture des frontières à la fin de l'année 1989 se traduit instantanément par l'essor d'un type spécifique de mobilité transfrontalière. Il s'agit du petit commerce et plus précisément de ce que l'on appelle, dans la littérature scientifique, le commerce "à la valise", le navétisme (shuttle trade), le tourisme commercial (trade tourism) [4]. Dans les faits il y a des arrangements différents sous ces vocables désignant l'association entre mobilité internationale et activités marchandes.
Ce commerce "à la valise" est pratiqué par des individus qui pénètrent et/ou séjournent dans un pays donné au titre du tourisme, et en profitent pour vendre des produits acquis ailleurs, voire remporter chez eux des biens destinés à leur propre consommation ou à la revente. Le plus souvent il s'observe de part et d'autre d'une frontière marquée par un différentiel de niveaux de vie. Les promoteurs de ces activités tirent profit des différentiels de prix pratiqués sur certains produits entre un État et un autre. L'amplitude des déplacements varie fortement d'un pays à l'autre et d'une période à une autre.
En Roumanie, en particulier, avant la chute du régime communiste, des échanges de faibles volumes et à valeur ajoutée limitée étaient tolérés entre frontaliers. Ce processus s'est renforcé et généralisé dans l'immédiate sortie du communisme. Aujourd'hui encore, les imaginaires attribuent aux habitants des communes frontalières un niveau de vie supérieur à la moyenne, du fait d'échanges rendus possibles par-delà la frontière. Toutefois, cette activité a été fortement affaiblie par l'émergence de chaînes commerciales locales ou nationales dans les communes frontalières comme dans le reste du pays.
Il ne faut pas s'y tromper : le commerce "à la valise" repose certes sur des échanges informels ; mais il tire son descriptif nominal du nombre restreint des produits transitant par ce biais. Qui plus est, les échanges reposent pour l'essentiel sur des articles de consommation courante ou introuvables sur les marchés locaux. Cette activité commerciale préfigure le plus souvent une institutionnalisation à venir de réseaux d'échanges transfrontaliers organisés à partir de places centrales alimentant des détaillants appelés à terme à ne plus franchir les frontières.
Actuellement, aux marges de l'UE, ces mouvements convergent vers un type de lieu spécifique : les "open air markets", c'est-à-dire les marchés à ciel ouvert. En effet, c'est autour de ces marchés et de ces mobilités commerçantes que la présence d'immigrants s'est développée en Europe centrale et orientale [5] ainsi que dans l'ex-URSS. Les marchés des villes, et particulièrement ceux situés à proximité d'une frontière, sont les lieux privilégiés de ces commerçants particuliers [6 et 7]. En réalité, le phénomène se spatialise sous différentes formes et en différents lieux : les petits étalages installés à la hâte sur un bout de trottoir ou les vendeurs qui s'installent fugitivement au coin d'une rue sont considérés comme faisant partie intégrante de ce commerce particulier. Il existe un continuum, qui va des lieux les moins institutionnalisés vers ceux qui le sont davantage [8]. On se trouve donc face à du multiforme et à du multispatial.
Le continuum spatial du commerce. Autour du bazar Nicolina de Iasi (Roumanie)
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De gauche à droite, de haut en bas : Le commerce à même le trottoir ; Le commerce à la sauvette ; Les kiosques ; La double organisation spatiale du bazar de Iasi
Clichés : B. Michalon, avril 2006
Par ailleurs, ces lieux de commerce sont eux-mêmes organisés spatialement : il y a des divisions internes, le plus souvent en fonction des nationalités des commerçants, voire de leurs groupes ethniques, mais aussi en fonction des produits vendus (habillement, chaussures, aliments…) [9]. Enfin, ces lieux fonctionnent en réseau et sont liés à d'autres places marchandes, localisées cette fois-ci dans les pays d'origine des "touristes commerçants" : une fois de retour, certains touristes vont revendre ce qu'ils ont acheté à l'étranger.
Le commerce des Moldaves en Roumanie au gré des changements de statut de la frontière
À l'époque communiste, la frontière entre la Roumanie et l'URSS était fermée et strictement contrôlée tout au long de ses 1 330 kilomètres. Ses fonctions militaires et sécuritaires passaient au premier plan, les échanges entre habitants étaient limités. Cette frontière faisait alors l'objet d'une politique de marginalisation territoriale. À partir de 1991, la frontière avec la Roumanie s'ouvre et divers types de mobilité (commerçante, de travail, familiale, de durée plus ou moins longue…) apparaissent. Depuis, la circulation transfrontalière a évolué au gré des transformations des conditions légales de passage d'un pays à l'autre, étroitement liées aux négociations pour l'entrée de la Roumanie dans l'Union européenne.
La première phase couvre l'ensemble des années 1990. La circulation est aisée, les ressortissants moldaves entrent en Roumanie en tant que touristes, avec une simple carte d'identité, et ne sont pas obligés de déclarer les biens qu'ils transportent. Ils en profitent pour développer une activité marchande, en jouant sur les différences de prix et sur la pénurie de biens de consommation courante en Roumanie. Les Moldaves y suppléent en acheminant des produits issus de l'industrie soviétique, ou des produits achetés en Turquie, mais également en faisant commerce de produits agricoles. La circulation transfrontalière sert aussi à la pratique de la contrebande : cigarettes, alcool et essence sont vendus sous le manteau par des Moldaves à des prix défiant toute concurrence sur le marché roumain.
À la fin de la décennie et au début des années 2000, les choses changent, tant pour la circulation transfrontalière que pour les places marchandes. Afin de satisfaire aux conditions d'entrée dans l'UE, les contrôles à la frontière sont renforcés. À partir de 2001, les Moldaves doivent détenir un passeport pour entrer en Roumanie. Par ailleurs le gouvernement roumain met en route un processus de restructuration du commerce : si les années 1990 étaient celles de l'improvisation et du commerce informel, les années 2000 sont celles d'un renforcement du contrôle de l'État sur les marchés et les bazars [1]. Les conséquences pour les Moldaves se font immédiatement ressentir : ils se voient obligés d'obtenir une autorisation de vente, tout comme leurs confrères roumains. Enfin, des limites sont imposées à la frontière sur les quantités de marchandises transportées. Ces nouvelles obligations entraînent des stratégies d'adaptation et de contournement, mais le coup est porté et le petit commerce transfrontalier est affaibli.
Au milieu des années 2000, l'heure est à la stabilisation. Les marchés sont de plus en plus organisés et contrôlés. Cela n'empêche pas les commerçants moldaves d'acheminer des quantités de marchandises supérieures aux limites autorisées aux frontières, ou de vendre certains produits sans y être autorisés. Mais le renforcement des contrôles à la frontière et sur les marchés a une contrepartie : le développement du commerce de gros. Une partie des touristes-commerçants moldaves change en effet de stratégie, afin de s'adapter aux nouvelles conditions de circulation et de négoce [2]. Les stratégies d'adaptation sont diversifiées : d'autres Moldaves transportent de petites quantités de marchandises, qui peuvent passer pour des effets personnels. À proximité de la frontière, ils les revendent à des Roumains qui feront eux-mêmes la vente finale sur les marchés.
Enfin, depuis le 1er janvier 2007, les ressortissants moldaves doivent avoir un visa pour passer la frontière et entrer en Roumanie (alors que les Roumains peuvent entrer en Moldavie sans visa). Ce visa est gratuit, permet des entrées multiples et son obtention est facilitée dans de nombreux cas de figure, par exemple pour les chauffeurs de bus et de convois de marchandise. Mais la mise en place de ce nouveau dispositif génère des tensions immédiates. D'abord, la procédure à suivre pour déposer une demande de visa semble inadaptée au contexte social moldave. Il faut prendre un rendez-vous auprès du Consulat pour déposer le dossier par Internet auquel de nombreux Moldaves n'ont pas accès. Beaucoup vont alors directement au Consulat, en espérant pouvoir y être reçus ce qui génère de longues files d'attentes et de forts mécontentements. Par ailleurs, les services consulaires sont immédiatement débordés par le nombre de dossiers à traiter. Les conséquences sur le commerce transfrontalier sont immédiates, il se heurte désormais à des obstacles importants et voit sa survie sérieusement remise en question [3 et 4].
L'attente devant le Consulat de Roumanie à Chisinau
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Clichés : B.Michalon, juin 2008
De nombreux Moldaves se voient obligés de passer la nuit sur place pour pouvoir obtenir le rendez-vous nécessaire au dépôt de la demande de visa pour la Roumanie.
Notes
[1] Chelcea L., Radu C., Constantinescu L. - "Informalizare şi instituţionalizare : geografia compărării şi pieţele agricole din două sectoare ale Bucureştiului [Informalisation et institutionnalisation : géographie des achats et marchés agricoles dans deux secteurs de Bucarest]", in Chelcea L., Mateescu O. (coord.) - Economia informală în România: Pieţe, practici sociale şi transformări ale statului după 1989 [Économie informelle en Roumanie : marchés, pratiques sociales et transformations de l'État après 1989], Bucarest, Paideia, 2005
[2] Reportage sur les frontières de la Roumanie, Centrul Român pentru Jurnalism de Investigaţie (CRJI, Centre Roumain du Journalisme d'Investigation), 2003. Consultable sur www.crji.org
[3] Michalon B. - "New forms of mobility at the Romanian-Moldovan Border. European Enlargment and Changing Living Strategies", Cahiers du Cefres, pp.106-127, 2007
[4] Michalon B. - "La périphérie négociée. Pratiques quotidiennes et jeux d'acteurs autour des mobilités transfrontalières entre la Roumanie et la Moldavie", L'Espace Politique, n°2, pp.97-120, 2007
Emmanuel Bioteau et Bénédicte Michalon
Le commerce "à la valise" n'est pas l'unique forme de valorisation commerciale d'une frontière de niveaux de vie. L'ouverture des frontières entre pays ex-communistes a également entraîné des changements dans la localisation des activités commerciales, en fonction des disjonctions économiques entre les différents versants de la ligne frontalière. L'exemple des relations entre la Hongrie, pays membre de l'UE et désormais de l'espace Schengen [10] , et la Serbie, longtemps soumise à embargo et à ce jour extérieure à l'UE en témoigne.
Complément. Ouverture postcommuniste et relocalisation des activités commerciales à Szeged au milieu des années 1990
Bien avant l'acceptation d'une économie concurrentielle, la relative souplesse des dirigeants de Hongrie et de Serbie face à l'initiative entrepreneuriale individuelle (micro entreprise) a permis l'émergence de commerces privés de proximité. De surcroît, les échanges entre habitants des deux pays étaient tolérés, dont certains alimentaient les étals des marchés locaux de produits d'import, souvent hors de toute légalité. Ces échanges se sont renforcés à la chute des régimes communistes dans les deux pays, devenant à sens unique, depuis la Hongrie vers la Serbie, dès les prémices de conflits civils et interethniques en ex-Yougoslavie. Un système s'instaure peu à peu pour conduite, entre autres, à l'organisation d'un espace commercial transfrontalier entre les villes de Szeged (Hongrie) et Subotica (Serbie).
L'autoroute reliant Szeged à Budapest se prolonge aujourd'hui jusqu'à la frontière entre Hongrie et Serbie, distante d'une dizaine de kilomètres seulement de Subotica. Avant la construction de cet axe routier, dès le milieu des années 1990, les grandes surfaces commerciales, certaines spécialisées (bricolage, machines-outils et véhicules), mais en général des hypermarchés, se sont développées dans et à proximité de la ville de Szeged en s'implantant prioritairement au nord de la ville, en direction de Budapest et de l'intérieur du pays (le long de la route nationale ayant précédé la construction de l'autoroute) et au sud-ouest en direction de Subotica et de la Serbie.
Ce sont ces dernières qui ont connu le plus fort développement, au point que la Chambre de commerce et d'industrie de Szeged et de sa région (aire urbaine) a proposé au début des années 2000, sans succès cependant, que soit accordé le statut de zone franche à ces espaces commerciaux. L'idée était de faire de cet espace commercial du sud-ouest un outil phare de la coopération transfrontalière entre Hongrie et Serbie. Un lieu où les Serbes viennent s'approvisionner sans que la Serbie ne soit perdante financièrement, tout en maintenant la mainmise des capitaux hongrois sur les infrastructures et sur les sociétés de service liées au parc. L'association "Eurorégion DKMT" (pour Danube-Kris-Mures-Tizsa), issue d'un partenariat entre des territoires serbes, hongrois et roumains, aurait fourni par le biais de son "Agence de développement économique" le cadre juridique adéquat pour un tel projet. Celui-ci n'a pas vu le jour, mais sa seule évocation suffit à souligner l'intensité des trajets de chalandise depuis la Serbie en direction de la Hongrie voisine. Quelle qu'en soit l'origine, ces différents acheteurs étrangers à la Hongrie alimentent en parallèle à leurs navettes des petits marchés locaux – le plus souvent informels – de fournitures d'alcools, de cigarettes, de textiles, etc. La débrouille des uns les aide à franchir la frontière sans trop de difficultés, tandis que le système commercial intérieur structuré des autres leur permet de tirer des bénéfices d'un différentiel frontalier de salaires et de niveaux de vie.
L'intensité des relations entre ces pays a différentes origines qui, toutes, fonctionnent en parallèle. Consacrons-nous aux seules relations entre Serbie et Hongrie. L'observation des mouvements de commerce "à la valise" révèle deux dimensions effectives, et affectives, de la frontière d'État. La proximité géographique et culturelle joue un rôle important dans ces échanges, en estompant l'effet frontière. La Voïvodine, au nord de la Serbie ; accueillait au début des années 1990 une très forte minorité ethno-linguistique hongroise qui œuvrait en faveur d'un maintien des liens physiques et affectifs avec sa "Nation mère", contenue dans le territoire de l'État hongrois. Bien que s'étant amoindrie depuis, cette présence magyarophone, notamment à Subotica et dans ses alentours, explique en partie l'orientation des parcours d'approvisionnement en direction de la Hongrie. Mais ce facteur explicatif ne suffit pas à lui seul, dans la mesure où le premier argument pour une telle mobilité commerciale transfrontalière, considérée officiellement comme déplacement touristique, repose sur les différences de fournitures et de pratiques tarifaires d'un marché étatique à l'autre. L'écart entre pouvoirs d'achats induit une distance relative entre les sociétés serbe et hongroise : elle renforce l'effet frontière, associant une rupture salariale et tarifaire, ainsi que d'achalandage, à la barrière juridique du tracé frontalier.
Emmanuel Bioteau et Bénédicte Michalon
Localisations des principaux espaces commerciaux de la région de Szeged en 2007 (sur images Google Earth)
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Notes, image de gauche :
- le diamètre des cercles correspond à l'importance relative de chacun des espaces commerciaux indiqués,
- les axes représentés correspondent aux principales artères de la ville et de sa région, dont l'autoroute reliant Budapest à la frontière serbe via Szeged (trait rouge plus large),
- l'étoile jaune correspond au poste frontière entre Szeged et Subotica en Serbie.
Notes, image de droite :
- le diamètre des cercles évidés correspond à l'importance relative de chacun des espaces commerciaux indiqués, en dehors du centre-ville de Szeged (disque plein),
- les axes représentés correspondent aux principales artères de la ville et de sa région.
Les mouvements de main-d'œuvre et les recompositions des marchés du travail
L'ouverture des frontières des pays d'Europe centrale et orientale (PECO) provoque aussi des déplacements de personnes liés à la recherche d'un emploi. L'état différencié des marchés du travail dans les pays postcommunistes exerce en effet des effets d'attraction et de répulsion au sein des populations.
Si la relative stabilité politique actuelle explique en partie cette évolution, d'autres facteurs interviennent, parmi lesquels le passage à l'économie de marché et la restructuration du marché de l'emploi qui en découle. Ainsi, l'accès des migrants au marché du travail des PECO bénéficie de la reprise des économies nationales, plus ou moins avancée selon les pays, et de l'entrée dans l'UE. Elle s'appuie aussi sur l'économie informelle et le travail non déclaré, amplement représentés. Enfin, elle vient compenser certains déséquilibres économiques et sociaux : l'inadéquation entre formations et besoins du marché du travail, répartitions inégales des emplois et des réservoirs de main-d'œuvre sur les territoires nationaux, déclin démographique enfin.
Plusieurs pays sont particulièrement touchés par ces flux régionaux de main-d'œuvre : la République tchèque, dont les liens étroits et multiples avec la Slovaquie et l'Ukraine génèrent les flux les plus importants d'arrivée dans le pays ; la Hongrie, notamment du fait de l'immigration de membres des minorités magyares des pays voisins (Roumanie, Ukraine, Serbie…) qui s'appuient sur les liens culturels et/ou familiaux qu'ils ont dans le pays pour y chercher du travail.
L'essor de l'immigration en Pologne à partir des mouvements frontaliers
Le cas polonais mérite d'être examiné dans le détail car il témoigne de l'imbrication des problématiques de la frontière et des mobilités. La Pologne reste un pays d'émigration pour nombre de ses ressortissants mais c'est aussi un des pays les plus attractifs pour l'immigration dans la région. Le va-et-vient de ressortissants ex-soviétiques explose dès 1990-1991. Son ampleur surprend, elle était inattendue des gouvernants tant polonais qu'ex-soviétiques [11]. Jusqu'en 1993, ces Russes, Biélorusses et Ukrainiens viennent en Pologne pour vendre des biens achetés chez eux, peu chers et de qualité inférieure. Puis, avec l'augmentation du niveau de vie dans les États ex-soviétiques, il devient plus intéressant d'acheter en Pologne pour revendre dans le pays de départ. Les échanges se font sur les bazars des grandes villes, où convergent également les commerçants extra-européens, asiatiques notamment. Pour les commerçants, les séjours en Pologne sont très brefs (moins d'une semaine). De manière parallèle, certains parviennent à trouver des emplois de court terme en Pologne (moins de deux semaines), emplois non déclarés, parfois du travail saisonnier. La répartition des activités se fait selon les sexes : le commerce ambulant est davantage pratiqué par les femmes, les hommes se concentrant sur la recherche d'emplois temporaires.
Peu à peu les réseaux de connaissances en Pologne sont renforcés ; la possibilité d'une entrée du pays dans l'Europe communautaire se précise, allant de pair avec un durcissement des conditions de circulation. De plus en plus de ressortissants des États ex-soviétiques voisins de la Pologne y trouvent des emplois. Tout comme les commerçants frontaliers, ces nouveaux travailleurs migrants ont un emploi dans leur pays mais considèrent qu'il ne leur permet pas de vivre décemment. La Pologne en revanche est, à leurs yeux, un pays où ils gagnent leur vie de façon plus correcte. Rapidement ils s'imposent dans certains secteurs d'activité, demandeurs en main-d'œuvre abondante et peu chère, et dans lesquels l'activité informelle est traditionnellement élevée : le bâtiment, l'agriculture, les services domestiques, et certains secteurs de l'industrie (le textile, les mines) [12]. Tout comme les commerçants, les travailleurs ukrainiens, russes et biélorusses rentrent fréquemment dans leur pays du fait du caractère fréquemment saisonnier de leurs emplois et des liens avec leur famille restée au pays.
L'adhésion de la Pologne à l'UE en 2004 puis à l'espace Schengen le 21 décembre 2007 entraîne des modifications dans le régime d'entrée et de séjour des étrangers, qui ont des répercussions sur les circulations avec les États ex-soviétiques. Le pays doit mettre en place des régimes de visa à l'égard de certains de ses voisins : la Biélorussie, la Russie, la Moldavie, l'Ukraine. Dans un premier temps l'objectif est de maintenir les liens économiques et sociaux qui lient la société polonaise à certaines régions de ces pays. Le visa est donc délivré gratuitement, mais restent les contraintes de l'invitation par un ressortissant polonais et du délai d'attribution du visa, qui ne peut être délivré que par une autorité consulaire polonaise [13]. Depuis décembre 2007, ces facilitations ont toutefois été levées et le visa pour la Pologne coûte 35 euros aux ressortissants des pays concernés. En parallèle, des mesures sont prises pour faciliter l'immigration dans certains secteurs économiques centraux. Ainsi, depuis septembre 2006, les saisonniers n'ont plus besoin de permis de travail pour travailler dans l'agriculture ; ici le gouvernement polonais a satisfait aux revendications des très puissants syndicats agricoles [14]. Ces changements législatifs montrent la volonté politique de distinguer commerce transfrontalier et immigration de main-d'œuvre en favorisant cette dernière qui répond à des nécessités économiques nationales.
Quelques données sur la présence étrangère en Pologne
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Tableaux ci-dessus :
- le montant des dépenses effectuées en Pologne par des étrangers des pays voisins de la Pologne, 1994 à 1996,
- les entrées d'étrangers en Pologne, 2003 à 2006 (principales nationalités)
Note : le PLN correspond au "nouveau zloty" qui a remplacé l'ancien złoty (PLZ) en 1995 à la suite de l'hyperinflation qui régnait en Pologne au début des années 1990.
Les mobilités "touristiques" comme réponse à l'accentuation du contrôle douanier
La chute des régimes communistes d'Europe centrale et orientale signifie principalement aux yeux des habitants le retour à une libre circulation entre pays. À partir de ce moment reprennent, ou se renforcent dans certains cas, des trajets d'échanges locaux ou sous-régionaux qui prendront la forme de commerce "à la valise" ou s'institutionnaliseront rapidement par le biais de groupes de discussion ou à l'appui de réseaux associatifs et/ou commerciaux [15]. Les liens culturels et la proximité géographique aidant, des tentatives de mise en valeur touristique de la frontière et des espaces frontaliers voient le jour.
Le plus souvent, les mobilités qui en résultent s'appuient sur des équipements ou des sites déjà valorisés par le passé : stations thermales ou montagnardes, centres des villes, etc. On entre alors dans un débat outrepassant la seule thématique frontalière, qui rejoint l'ensemble des travaux déjà engagés sur les pratiques touristiques en Europe et dans le monde et sur les jeux d'offre et de demande de séjours. Mais dans le cas des espaces frontaliers d'Europe centrale et orientale, deux problématiques se chevauchent, complexifiant le schéma classique.
Un premier point d'achoppement repose sur la fonctionnalisation sécuritaire de ces frontières consécutive au durcissement du contrôle des tracés durant la période communiste et, actuellement, au renforcement de la surveillance des limites extérieures de l'UE. La frontière devient une zone tampon entre deux mondes, loin des préoccupations d'une mise en valeur touristique. Entre Roumanie et Serbie par exemple, un relatif relâchement de ce contrôle durant les années 1990, jusqu'à l'adhésion de la Roumanie à l'UE, a permis le développement d'un tourisme de proximité accompagné d'une reprise des échanges culturels et commerciaux locaux de part et d'autre du tracé frontalier. L'actuel statut de cette frontière périphérique de l'UE questionne le devenir de ces échanges... Rien n'interdit en effet des parcours touristiques, mais l'obligation de disposer de visas d'entrée dans le territoire de l'UE risque de restreindre les mobilités de proximité et donc les échanges informels comme les pratiques de commerce "à la valise".
La seconde problématique résulte de l'absence, ou de l'obsolescence, des équipements de transports et d'hébergements au sein des espaces frontaliers. Longtemps fermées aux transits, les frontières d'Europe centrale et orientale s'apparentaient jusqu'en 1989-1990 à des no man's land : routes coupées, voies ferrées abandonnées ou trop peu utilisées pour justifier leur entretien régulier, etc. Des liaisons séculaires sont interrompues par le renforcement du contrôle des frontières qui restreint l'aire d'attractivité de villes et petites villes devenues frontalières du jour au lendemain, comme c'est le cas une fois de plus entre Serbie et Roumanie...
Des constatations similaires sont dressées au sujet de villes qui, comme Sighetu Marmatiei, située à proximité de la Tisza faisant frontière avec l'Ukraine, ou Satu Mare, sur la rivière Somes, affluente de la Tisza, à quelques kilomètres de la Hongrie, perdent de leur influence régionale au profit de villes intérieures de Roumanie : s'agissant dans le cas de ces deux villes du nord-ouest de la Roumanie du renforcement de l'influence régionale de Baia Mare. Ou bien ces contrôles rendent caduques des sites privilégiés d'échanges comme dans le cas des villes doublons du Danube, à la fonction frontière accrue [16].
Le "tourisme" frontalier est alors une réponse à l'accroissement des contrôles douaniers. Il permet d'envisager une mobilité autre que reposant sur les enjeux strictement financiers et commerciaux induits par l'échange de biens de part et d'autre de la frontière. Laquelle formule d'échanges est rendue moins aisée par les contrôles douaniers, ainsi que le montre l'évolution du commerce "à la valise". Ainsi, les offres d'hébergement d'une part et l'équipement en outils de promotion culturelle ou de mise en valeur de sites de villégiature d'autre part, répondent à un besoin économique local. Mais ils permettent aussi d'attirer des touristes extérieurs au territoire de l'État et ainsi de renforcer le lien social transfrontalier : une meilleure interconnaissance et la possibilité de construire ensemble une réflexion sur le devenir des territoires frontaliers.
Du "tourisme" frontalier à l'émergence d'une coopération eurorégionale entre Hongrie, Roumanie et Serbie
La description des relations entre Hongrie, Roumanie et Serbie est intéressant à plusieurs points de vue. D'une part, il s'agit actuellement d'une frontière extérieure de l'Union européenne. D'autre part, le tracé de la frontière entre ces deux pays, au sein des plaines du Banat et au cœur du territoire historique de cette province, montre combien l'apparition et le renforcement d'une frontière rompt des liens socioculturels et commerciaux ancestraux. Ce qui est observable le long de cette frontière l'est dans l'ensemble du pourtour frontalier de l'UE. Prenons toutefois le temps de revenir sur les raisons de l'émergence d'un tourisme frontalier, avant de penser le développement d'une coopération régionale transfrontalière entre ces trois pays.
L'une des principales difficultés pour l'étude des franchissements de frontières liés au tourisme résulte de l'absence d'un outil statistique fiable. Sont enregistrés comme "touristes" l'ensemble des résidents étrangers entrant dans le pays sans raison professionnelle apparente. Le cas se présente entre Hongrie et Roumanie notamment dès la sortie du communisme, renforçant des mouvements jamais tout à fait interrompus par le contrôle accru des frontières avant 1989-1990. Pour les citoyens hongrois, l'offre d'un tourisme de montagne et l'équipement en stations thermales de la Roumanie complètent des motivations de voyage dans ce pays pour raisons familiales et/ou culturelles. Inversement, des citoyens roumains se rendent en Hongrie pour profiter de prix plus attractifs sur les produits alimentaires, les équipements électroménagers, les soins, etc. Ces mouvements d'échanges se poursuivent et se renforcent aujourd'hui grâce à de meilleurs équipements de transports, à l'amélioration des offres d'hébergements, aux nouveaux centres commerciaux, etc.
Des processus similaires ont vu le jour entre la Serbie et ces deux pays. Pourtant le déplacement est, dans ce cas précis, complexifié par l'exclusion de la Serbie des frontières de l'UE. Deux périodes doivent être prises en compte. La première est antérieure à l'adhésion de la Hongrie (1er mai 2004), puis de la Roumanie (1er janvier 2007) à l'UE. La seconde lui est postérieure.
Durant la première phase, les transits frontaliers s'accroissant, des équipements nouveaux ont fait leur apparition dans les principales villes frontalières (hôtels, restaurants, points d'accueil et d'information des touristes). Dans le cadre de l'association eurorégionale DKMT, la petite ville roumaine Jimbolia, a organisé un circuit touristique transfrontalier à partir d'un réseau pédestre et cyclable. Des chemins et des axes routiers de faible gabarit reliant les villages frontaliers aux frontières délimitant les trois pays existaient déjà et, restructurés, ils ont permis de tracer une boucle chevauchant les trois frontières. Ce projet a bénéficié d'une aide européenne dans le cadre du volet culturel du programme PHARE et sa promotion est passée par l'organisation de camps de vacances pour adolescents associant des jeunes issus des trois pays, en particulier des communes frontalières.
L'impact de cette démarche sur la mobilité touristique est trop modeste pour pérenniser ce projet. Celui-ci, sans être abandonné aujourd'hui, n'a pas atteint les objectifs escomptés. L'attrait touristique de la région est extrêmement réduit, en l'absence de sites remarquables ou d'équipements culturels. La contrainte des contrôles douaniers entre Serbie et UE (Hongrie et Roumanie) s'ajoute à cette première limite au projet. Peu utilisés, hormis pour les activités agricoles (accès aux parcelles), les chemins sont en friches (les "chemins" dont il est ici question prolongent le réseau routier bitumé afin de relier entre eux les villages). Le réseau routier rural souffre d'investissements insuffisants d'où l'état de dégradation avancée des portions bitumées. Ces raisons expliquent le devenir en pointillé du projet. Toutefois, il a eu l'avantage de faire émerger une réflexion sur l'offre touristique au sein de l'eurorégion. L'objectif initial recherchait moins l'élaboration d'un parcours appelé à durer qu'un renforcement de l'interconnaissance : créer une habitude de vivre ensemble, permettant d'outrepasser les clivages identitaires (entre Hongrois et Serbes notamment) et offrant de reconstruire une "identité territoriale banatéenne", peu à peu disparue depuis le tracé, en 1920, des frontières dans cette région du Banat. Cette démarche se couple avec d'autres projets, engagés à l'échelle de l'eurorégion par des collectifs culturels (Institut interculturel de Timisoara notamment) ou des églises. La promotion d'une offre touristique eurorégionale permet indirectement la promotion du territoire et du cadre institutionnel de coopération transfrontalière, une coopération qui dans ce cas précis s'appuie sur le territoire historique du Banat, chevauchant lui-même les trois frontières. Seul bémol : la situation politique de la Serbie oblige au maintien d'un contrôle douanier strict aux frontières de ce pays.
Depuis l'adhésion de la Hongrie et de la Roumanie à l'UE, le contrôle aux frontières s'est accentué et une politique de visas a été réactivée dès le début des années 2000. Depuis le 1er janvier 2008, la Hongrie est de surcroît membre à part entière de l'espace Schengen alors que la Roumanie reste pour le moment un État coopérant dans ce système. La tentative de valorisation touristique de l'espace eurorégional révèle un fonctionnement à deux vitesses : une ouverture réelle et un accroissement de la mobilité entre Roumanie et Hongrie dans le cadre d'une continuité territoriale au sein de l'UE d'une part, et un isolement relatif des citoyens serbes d'autre part. Avant même l'entrée dans cette seconde phase, le projet eurorégional souffrait de cette dichotomie interne.
Depuis lors, la coopération eurorégionale se contente d'aménagements ponctuels aux frontières des trois États : l'Agence de développement économique mise en place au sein de cette association répond exclusivement à des besoins constatés en Roumanie et en Hongrie. Seul un projet associant la Serbie est actuellement discuté : il s'agit d'octroyer un droit de transit sur le territoire roumain pour des ouvriers serbes employés dans les industries des villes frontalières roumaines, en réponse à leur besoin de main d'œuvre... avec obligation de retour dans la journée dès la fin de leur service.
Jimbocicleta, un concours fédérateur
Ce concours réunit des amateurs de cyclisme de Roumanie, de Hongrie et de Serbie, mais aussi d'Allemagne dont les liens avec la petite ville roumaine de Jimbolia sont forts. Les populations allemandes y ont représenté jusqu'à 90% de la population locale en 1920, alors qu'à la suite des différentes vagues d'émigration en direction de l'Allemagne au cours du XXe siècle, elles ne sont que moins de 5% aujourd'hui.
Le concours a pour objectifs (inscriptions sur l'affiche ci-contre) :
Traduction libre de l'auteur (E. Bioteau) Source documentaire : site de la mairie de Jimbolia : www.jimbolia.ro (en accès libre, visité le 12 mai 2007). |
L'affiche ci-dessous est proposée en trois langues (par colonnes), respectivement en Roumain, en Hongrois et en Serbe (ici en ayant recours à l'alphabet latin).
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Les logiques ambivalentes de l'Union européenne sur sa frontière orientale
L'intégration européenne des États post-communistes d'Europe centrale et orientale induit un déplacement de la frontière et de son contrôle aux nouveaux membres. Dès l'amorce des négociations pour leur adhésion, cette question est placée au centre de l'attention et représente un volet majeur des réformes à entreprendre. Les mobilités sont aujourd'hui mises en difficulté par la politique de renforcement des contrôles aux frontières demandée par l'UE aux nouveaux États membres.
La politique de renforcement des frontières dans le processus d'élargissement européen
En effet, l'élargissement de l'UE et l'entrée des nouveaux États membres dans l'espace Schengen contribuent à replacer la problématique des frontières sur le devant de la scène politique européenne. Pour les États alors candidats, cela implique des réformes profondes : des changements législatifs et une réorganisation des institutions compétentes, une modernisation des équipements de contrôle des frontières, une formation des agents aux nouvelles technologies de surveillance… Certains pays déjà membres aident les candidats à avancer dans cette voie, c'est notamment le cas de l'Allemagne, qui a par exemple fourni à plusieurs reprises du matériel à la Police des frontières de Roumanie.
Le renforcement des contrôles aux frontières vise tout particulièrement à mieux surveiller – et limiter – les migrations au sein de l'espace Schengen : les États membres les plus anciens ne veulent pas que l'élargissement encourage l'immigration en leur direction et incitent les États candidats à maîtriser ces flux de manière plus efficace. En effet les ressortissants des États ex-soviétiques n'avaient, dans un premier temps, pas d'obligation de visa pour se rendre dans les PECO. Dès la fin des régimes communistes, les nouveaux gouvernements ont passé des "accords simplifiés" sur le franchissement des frontières autorisant la mobilité des résidents entre anciens pays communistes. Ces gouvernements avaient trouvé des moyens de gérer la mobilité intra régionale et d'en respecter certaines caractéristiques [17]. La Pologne a maintenu jusqu'au début des années 2000 ses accords passés avec la Lituanie, l'Ukraine et la Russie, ce qui a facilité les mobilités commerçantes entre ces États. De même, en 1994, la Lettonie a conclu des accords avec la Russie et la Biélorussie pour garantir une souplesse dans le déplacement des résidents des zones frontalières de chacun des États concernés. L'accord avec la Russie a été aboli en 2000. L'accord avec la Biélorussie a été remplacé dès 2002 par un accord pour un régime simplifié de visas.
Or, dès l'amorce des négociations pour l'adhésion à l'UE et au dispositif Schengen, ces accords favorables à la mobilité sont remis en cause. En avril 1998, la Commission recommande aux États candidats de mettre un terme aux dispositifs fondés sur une certaine ouverture des frontières [18]. Les effets se font immédiatement sentir. En Pologne, dès 2000, les ressortissants de plusieurs États de la Communauté des États Indépendants (Moldavie, pays du Caucase, pays d'Asie centrale) se voient soumis à la réintroduction de l'obligation de visa. C'est chose faite quelques temps après pour les Biélorusses et les Russes, touchant de plein fouet leur circulation migratoire. Pour l'Ukraine, partenaire régional majeur de la Pologne, l'échéance a été repoussée le plus possible. Mais le dernier élargissement à la Bulgarie et à la Roumanie au 1er janvier 2007 s'est également traduit par l'imposition d'un visa pour les ressortissants d'États voisins : Ukraine, Moldavie, Turquie, Albanie et États issus de l'ex-Yougoslavie.
Les États européens et l'espace Schengen : situations, évolutions
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Afin de concrétiser au mieux la collaboration des États membres sur la gestion et le contrôle des frontières externes de l'UE, une agence européenne spécifique est fondée à la fin de l'année 2004 : l'agence Frontex [19] dont le siège est installé à Varsovie. Si, selon la communication officielle de l'agence, elle représente un acteur clé dans la mise en œuvre d'une politique commune de l'UE sur le "management intégré des frontières" (Integrated Border Management), les exemples de réalisations affichés par l'agence elle-même montrent que la lutte contre les migrations supposées clandestines est toutefois au cœur de sa mission. Ainsi, en avril 2007, Frontex a organisé une action collective à quatorze États membres contre la migration illégale des ressortissants moldaves dans l'UE. La Moldavie est en effet dans le collimateur : les responsables de Frontex supposent que l'intégration de la Roumanie exerce un effet attractif sur les Moldaves, dont les migrations se développeront.
L'ère du compromis… mais est-il durable ?
On semble malgré tout s'acheminer vers un compromis entre besoins de contrôle des entrées dans l'UE, espace de libre circulation intérieure et nécessité de ne pas interrompre les relations de proximité sur les frontières extérieures de l'Union, ce qui serait synonyme d'isolement des régions périphériques et des États voisins. Pour ce faire, l'UE met en place de multiples dispositifs de coopération transfrontalière et de "bon voisinage" [20]. Les réformes sur la frontière externe de l'UE s'inscrivent en effet dans un autre volet de l'action européenne, celui de la politique de voisinage. L'objectif est de créer une ceinture d'"États amis" au sud et à l'est de l'Union. Il faut pour cela développer des relations économiques et politiques étroites avec eux, sans pour autant aboutir à une adhésion [21]. Des mesures sont prises pour prévenir la constitution de lignes de rupture trop fortes entre les nouveaux États membres et leurs voisins : un régime spécial de visa pour les frontaliers ; une meilleure coordination des financements européens à destination des pays ex-communistes ; l'ouverture de nouveaux consulats des PECO dans la CEI, et, pour finir, la création de nouveaux points de passage des frontières [22]. Néanmoins la volonté de sécuriser les frontières orientales et méridionales de l'UE reste forte : la nécessité d'un rapprochement avec les États voisins coexiste avec le maintien de mesures de prévention contre les menaces diverses qui pourraient en provenir (immigration illégale, demande d'asile, trafics divers…).
Par ce biais, l'UE entend garantir une continuité territoriale sur ses pourtours extérieurs. Mais le renforcement des échanges entre ces périphéries contribue à créer de nouvelles discontinuités : des lignes de fracture internes aux États, dans et hors de l'UE, induites par l'apport économique et socioculturel des coopérations transfrontalières. L'exemple de l'eurorégion trinationale Danube-Kries-Mures-Tiza (DKMT) [23] éclaire cette ultime problématique. Les différentes phases de sa constitution ont d'abord conduit à renforcer une discontinuité intérieure à la Roumanie. Depuis l'adhésion de cette dernière à l'UE, une discontinuité du même ordre se tisse entre le nord de la Serbie, limitrophe et partiellement intégré à un espace de coopération transfrontalière avec l'UE (à savoir l'eurorégion DKMT) et le reste du territoire serbe.
Les dynamiques de l'eurorégion trinationale Danube- Kries-Mures-Tiza (DKMT) en Europe centrale
L'entité transfrontalière Danube-Kris-Mures-Tizsa (DKMT) fut fondée en 1997. Cette eurorégion s'est construite sur la base de trois territoires politiques, qui correspondent à des découpages internes aux États : la région administrative Dél-Alföld (Grande plaine du Sud) en Hongrie, la région de développement Ouest en Roumanie et la Voïvodine serbe qui, si elle a un temps bénéficié d'une autonomie territoriale, est aujourd'hui dirigée depuis Belgrade. Ces territoires sont de grande taille et de poids démographiques sensiblement équivalents. Ils couvrent à eux trois une superficie de 71 867 km² et recensent une population totale de plus de 5,3 millions d'habitants. Si l'ensemble eurorégional ainsi créé ne permet pas de développer des projets portant sur l'intégralité de son territoire, le partage d'actions permet de dépasser les clivages interétatiques, voire identitaires et des projets communs voient le jour, malgré les frontières. Retirant de leurs contacts avec l'extérieur des expériences singulières, les acteurs locaux sont à même de produire des initiatives novatrices. Mais la constitution de ces territoires transgressant les frontières tend à induire de nouvelles discontinuités internes aux territoires des États.
L'eurorégion DKMT est le fruit d'une initiative conjointe des départements Timis (Roumanie) et Csongrad (Hongrie). Assemblée de départements hongrois et roumains elle associe cependant dès l'origine le territoire serbe de Voïvodine. La réflexion conduisant à la réalisation de l'eurorégion s'était amorcée dès 1992 dans la perspective de refonder le Banat historique à l'appui de la coopération transfrontalière. L'eurorégion DKMT est dans sa quasi totalité une vaste plaine (partie méridionale du bassin pannonien) avec pour seul relief une partie des monts Apuseni en Roumanie. Elle est rainée par un important réseau hydrographique (Danube, Mures, Kris, Tisza…) qui représente 26% des voies navigables internes et 61,5% des canaux d'Europe centrale et du sud-est. Leur utilisation en tant qu'éléments fédérateurs est peut-être plus neutre que la référence à la "région historique" du Banat qui renvoie à une région homogène, reconnue sur le plan historique et faisant sens pour les habitants. Mais le Banat est peu connu en Europe, d'où le choix d'une dénomination à partir des fleuves et rivières qui bornent et irriguent le territoire de cette eurorégion souvent dénommée le "Territoire des quatre rivières".
La dénomination de l'eurorégion d'après les quatre cours d'eau permet une reconnaissance extérieure plus aisée, par la référence explicite à la toponymie fluviale, largement plus connue en Europe, au moins pour le Danube et la Tisza. La référence aux fleuves et rivières se surimpose au Banat, fondant une identité territoriale forte par laquelle les habitants montrent une volonté de coopérer. La réalisation du projet eurorégional pouvait a priori s'effectuer sans l'adjonction de la Voïvodine. Le rétablissement d'une image d'ouverture et de respect mutuel, de même que nombre de contacts administratifs internes, en auraient notamment été facilités. Mais la présence de populations d'ethnicité roumaine et, surtout, magyare dans le nord du territoire serbe, justifie pour partie son rattachement. Associer la Voïvodine consiste à recomposer le Banat historique, en l'élargissant sur ses pourtours occidentaux.
Les territoires administratifs constituant l'eurorégion DKMT ont peu de capacité de prise de décisions. À titre d'exemple, en Roumanie, tout projet de coopération locale doit être visé par les ministères concernés. Il en va de même pour l'octroi de subventions et pour la gestion des fonds européens alloués. La Voïvodine, elle, n'existe plus à proprement parler en tant qu'entité territoriale. Les décisions la concernant sont prises depuis Belgrade, hors du champ territorial eurorégional. Enfin, la région hongroise concernée reste sous l'influence économique et politique directe de Budapest. L'eurorégion peut alors être assimilée au seul assemblage de trois vastes entités territoriales frontalières. Elle est perçue de la sorte par les populations difficilement sensibilisées à cet outil de coopération pénalisé par un déficit d'image. Les acteurs entrepreneuriaux et associatifs rencontrés dans les petites villes frontalières en témoignent, l'eurorégion est une construction encore floue et peu productive à leurs yeux. Paradoxalement, c'est le conflit yougoslave qui a conféré à la construction eurorégionale l'un de ses identifiants majeurs. Durant quelques années, alors que l'espace de voisinage se ferme, la prise de conscience des possibilités offertes par une frontière ouverte s'affirme ce qui joue en faveur de meilleures interactions frontalières en Europe centrale. Des financements sont donc alloués par les États et par l'UE pour soutenir le projet DKMT.
L'identité banatéenne est au cœur de la réflexion transfrontalière et la création de l'eurorégion DKMT fournit le cadre de recomposition d'un territoire passé. Les élus à l'origine du projet poursuivaient l'objectif de "recomposer une structure territoriale autour des villes de Timişoara et Szeged qui s'appuie sur l'identité du Banat (…) au plus proche des limites de cette province". L'eurorégion se doit de fonder de nouveau, non pas tant le territoire, mais bien l'image véhiculée par le Banat compris dans ses limites antérieures aux découpages frontaliers, un territoire marqué par le caractère pluriculturel de l'ancien Empire d'Autriche-Hongrie. De fait, sans la portion ex-yougoslave de l'ancien Banat, toute référence à l'identité territoriale antérieure se trouverait tronquée.
La référence banatéenne est perçue comme gage d'ouverture du fait d'une pluriconfessionnalité et d'un multiculturalisme passés. L'eurorégion DKMT est susceptible de garantir un renouvellement des rapports culturels entre des populations désormais séparées par la frontière. Auparavant, Allemands, Hongrois, et Orthodoxes (Serbes et Roumains) assuraient un équilibre tripartite. Désormais, de poids démographiques équivalents dans l'eurorégion, Serbes, Hongrois et Roumains composent l'essentiel du peuplement de ce territoire.
Il transparaît derrière cette construction territoriale transfrontalière l'idée suivant laquelle les différentes composantes du Banat historique conservent la capacité de construire entre elles des liens durables. De là se forme l'idéal d'un modèle banatéen, soutenu par quelques élus et entrepreneurs. Les premières coopérations menées dans le contexte eurorégional visent à renforcer l'altérité transfrontalière, par le développement de parcours touristiques, l'organisation de rencontres et l'édition d'une revue trilingue. Désormais, le renforcement des connexions transfrontalières permet d'envisager la recomposition d'une "région" Banat.
Des effets de calques sont identifiables entre l'eurorégion DKMT et le territoire de la province historique du Banat. La régionalisation en cours en Hongrie contribue au retrait, au début de l'année 2004, du département (ou comté) de Jasz-Nagykun-Szolnok qui n'est pas membre de la région du Dél-Alföld où se retrouvent les trois autres comtés hongrois de l'eurorégion qui se concentre sur le territoire originel du Banat. Cette adaptation témoigne d'un recentrage des actions eurorégionales. Le département roumain d'Hunedoara, l'ouest de la Voïvodine, de même que le district hongrois de Bacs-Kiskun, sont considérés comme des "espaces en marge", pour lesquels "l'intérêt de la coopération eurorégionale résulte d'une volonté politique extérieure plutôt que d'une implication locale", suivant l'un des responsables du Bureau des relations internationales et eurorégionales de la Mairie de Szeged. L'eurorégion s'organise autour des trois grandes villes polarisant leurs régions respectives que sont Timişoara (région de développement V-Ouest en Roumanie), Szeged (région Dél-Alföld) et Novi Sad (Voïvodine). Celles-ci forment un réseau de villes au cœur duquel prennent place la plupart des projets coopératifs : infrastructures de transport, protection des milieux naturels, projets de développement touristique transfrontalier, etc.
L'eurorégion DKMT peut prétendre redevenir un pôle carrefour des relations internationales dans le Centre-sud de l'Europe élargie bien que les contrôles aux frontières soient désormais plus contraignants [1], pour les Serbes surtout. Elle est située à égale distance de Budapest et de Belgrade, mais aussi proche de Sofia et de Vienne. Elle reste proche de Bucarest. L'association eurorégionale entend désormais jouer de sa situation, laquelle est jugée "nettement plus favorable que celle de l'eurorégion Carpates" [2].
La fonction de rupture de la frontière, née de la stricte application du droit conventionnel, n'est plus tant spatiale que sociale. À charge pour les collectivités territoriales concernées de rendre la frontière accessible et appropriée par leurs habitants. Les apports attendus en retour (investissements, mobilisations sociales) sont essentiels au devenir collectif et la frontière devient enjeu de développement dans la mesure où elle contribue à infléchir les recompositions territoriales dans les limites de l'application du pouvoir légitime de l'État. Le questionnement formulé par Michel Foucher, demandant si l'on passe en Europe centrale de "la division" à "des divisions plus locales", se confirme.
Ces nouvelles limites internes entre des régions sont perçues comme des frontières. Ainsi, vu de Roumanie, l'espace frontalier hongrois représentait une porte d'entrée de l'UE. Cette frontière constitue aujourd'hui la limite orientale de l'espace Schengen, auquel aspirent la Roumanie et ses habitants. Prochainement, cette même limite pourrait être celle de la zone euro à laquelle la Hongrie demande l'accession. L'UE reste encore aujourd'hui, aux yeux des Roumains, gage d'une modernité qui fait encore défaut au pays : en témoignent les migrations continues en direction de l'Europe occidentale. Certes aussi, la proximité géographique de la Grèce, donc le passage par la Bulgarie et la frontière danubienne, constitue une autre porte d'entrée de l'UE ; mais celle-ci reste lointaine vu de l'ouest roumain.
Quelques grandes entreprises investissent dans l'est de la Hongrie, franchissant la frontière. Des travailleurs et des étudiants font le choix d'une émigration temporaire en Hongrie peut-être appelée à se pérenniser. Ils s'établissent essentiellement dans l'intervalle spatial séparant la frontière de Budapest. Peu de citoyens roumains vivent dans l'ouest de la Hongrie. En parallèle, en Roumanie, hormis à Bucarest, peu d'implantations hongroises se localisent hors de l'ouest du pays, à proximité de la frontière ainsi que dans une région, le "Pays Sicule", situé au cœur de la Roumanie et peuplé en majorité de magyarophones.
Pour les Hongrois comme pour les Roumains, les incidences spatiales de la frontière s'étendent et un gradient apparaît dans l'espace frontalier. Au sein des territoires étatiques des régions frontières peuvent être identifiées. Elles sont nimées par la proximité du tracé frontalier, ainsi qu'en témoignent les performances économiques des régions de développement situées dans l'ouest de la Roumanie. L'extension de l'intermédiaire frontalier s'opère par étapes qui correspondent à celles de l'intégration dans le système d'échanges européen. L'unité territoriale des États n'est pas pour autant remise en question. Il faut lire dans l'extension des espaces qualifiés d'intermédiaires (au regard de la frontière) l'accroissement de leurs potentiels de développement, auparavant limités par des schémas organisationnels qui faisaient des bordures frontalières des espaces clos. Cet exemple démontre que l'espace frontalier redevient un facteur de cohésion.
Sources
- Bioteau E. - Des frontières et des Hommes. Approche des recompositions territoriales frontalières. L'exemple de l'Ouest roumain - Thèse de Doctorat, Université d'Angers, 2005
- Popa N. - Frontiere, Regiuni transfrontaliere si Dezvoltare regionala în Europa mediana [Frontières, Régions transfrontalières et Développement régional en Europe médiane], ouvrage en langue roumaine - Editura Universitatii de Vest, Colectia Terra, Timisoara, 2006
Notes
[1] Le journal roumain Evenimentul Zilei, daté du 3 mai 2004 (source : www.lecourrierdesbalkans.org ) rapporte ainsi les difficultés rencontrées par les transporteurs routiers roumains souhaitant franchir la douane de Nadlac, suite au changement de régulations consécutif de l'entrée de la Hongrie dans l'Union européenne, le 1er mai 2004. Les files de camions attendant le contrôle sont, suivant l'auteur de l'article, "interminables" et "inadéquates avec les discours prônant une meilleure coopération". Au point que dès ce jour l'opportunité de l'élargissement est remise en cause, en Roumanie, par quelques observateurs.
[2] Ilies A. - România. Euroregiuni. [Roumanie. Eurorégions] - Editura Universităţii din Oradea, Oradea, 218 p. - 2004 - p.62.
L'eurorégion DKMT, documents :
Entre l'eurorégion DKMT et la province Banat, des effets de calque ? |
Le PIB/hab des unités administratives de l'eurorégion DKMT en 2004 |
Conclusion : quelles discontinuités internes dans l'Union européenne et ses pourtours ?
Les frontières centre-européennes ne sont plus, aujourd'hui, remises en cause. Cependant, toutes ne revêtent pas les mêmes valeurs aux yeux des populations. Elles ne présentent pas, non plus, les mêmes degrés de fermeture ou d'ouverture. Les frontières d'États ont pour rôle la protection de l'intérieur face aux interventions extérieures. C'est là du moins une perception occidentale de tracés frontaliers correspondant, sauf exceptions minimes, à l'extension territoriale optimale de la nation.
L'émergence d'une stratégie communautaire de contrôle des frontières extérieures de l'UE présente le risque de limiter l'intensité des contacts et de réduire les volumes d'échanges entre régions frontalières, et entre habitants de ces régions. Partout en Europe, des exemples montrent qu'entre l'UE et ses États voisins, des stratégies de bon voisinage étaient rendues possibles au travers des coopérations transfrontalières, par l'octroi de visas gratuits, par différents procédés d'échanges à échelle micro régionale : ainsi entre l'Allemagne, la Pologne et la République Tchèque quand bien même les deux dernières n'étaient pas membres de l'UE [24]. Ce qui change entre cet exemple et la situation de 2008, c'est le risque de vouloir définir un territoire optimal de l'UE qui interdirait tout élargissement vers l'est et autoriserait dès lors un renforcement hiérarchique de ses frontières.
L'expérience de ce durcissement est encore trop récente pour que nous puissions en établir un bilan, qu'il s'agisse des effets de Frontex sur les relations sociales transfrontalières ou simplement du maintien d'une obligation de visas pour les ressortissants d'États non membres de l'Union sur le territoire de cette dernière – politique à laquelle s'opposent ouvertement certains gouvernements d'Europe centrale et orientale [25]. C'est pourquoi il nous semblait opportun de mettre en parallèle des situations frontalières, issues de différentes régions d'Europe, et de différentes périodes historiques.
Notes et références
[1] Emmanuel Bioteau, maître de conférence, Université d'Angers, CARTA (UMR 6590)
Bénédicte Michalon, chargée de Recherche CNRS, "Aménagement, Développement, Environnement, Santé et Sociétés" (ADES, UMR 5185)
[2] Badie B. – La fin des territoires - Paris, Fayard, 1995
[3] Raffestin C. – "Autour de la fonction sociale de la frontière", Espaces et Sociétés, n°70-71, pp.157-164, 1993
[4] Les acteurs du "tourisme marchand" (trade tourism) : "sont des commerçants qui passent pour des touristes ; leurs marchandises passent pour des effets personnels ; et de cette manière ils évitent de payer les taxes imposées" (Konstantinov Y. - "Patterns of Reinterpretation : Trader-Tourism in the Balkans (Bulgaria) as a Picaresque Metaphorical Enactment of Post-Totalitarianism", American Ethnologist, vol.23, n°4, pp.762-782, 1996) (citation traduite de l'anglais par B. Michalon).
[5] Souvent désignée par le sigle PECO : Pays d'Europe Centrale et Orientale.
[6] Sík E. – "The Spatial Distribution of Informal Marketplaces and Informal Foreign Traders in Contemporary Hungary", in Feige E. L., Ott K. (éd.) - Underground Economies in transition, Aldershot, Ashgate, pp.275-306, 1999
[7] Sword K. - "Cross-Border ‘Suitcase Trade' and the Role of Foreigners in Polish Informal Markets", in Iglicka K., Sword K. (éd) - The Challenge of East-West Migration for Poland – London - Macmillan, pp. 145-167, 1999
[8] Les définitions de l'institutionnel et du formel ici utilisées sont celles avancées par Sík et Wallace : est institutionnalisé ce qui réapparaît de façon chronique en un lieu, même si c'est quelque chose d'illégal. Est formel ce qui est soumis à une régulation de l'État (Sík E., Wallace C. – "The Development of Open-Air Markets in East-Central Europe", International Journal of Urban and Regional Research, Vol. 23, n°4, pp.697-714 - 1999).
[9] Bodnar J. - "Assembling the Square: Social Transformation in Public Space and the Broken Mirage of the Second Economy in Postsocialist Budapest", Slavic Review, vol.57, n°3, pp.489-515, 1998
[10]
[11] Iglicka K. - Nomads and Rangers from Central and Eastern Europe - Varsovie, Institute for Social Studies, série Prace Migracyjne, n°27 - 1999.
[12] De Tinguy A. - La grande migration. La Russie et les Russes depuis l'ouverture du rideau de fer, Paris, Plon, 2004
[13] Dura G. - "A tale of two visa regimes – Repercussions of Romania's accession to the EU on the freedom of movement of Moldovan citizens", Eurojournal.org, janvier 2006.
[14] Kepinska E. - Recent Trends in International Migration. The 2006 Sopemi Report for Poland – Varsovie, CMR Working Papers, n°15/73, 2006.
[15] Bioteau E. - Des frontières et des Hommes. Approche des recompositions territoriales frontalières. L'exemple de l'Ouest roumain - Thèse de Doctorat, Université d'Angers, 2005
[16] Bioteau E., Boulineau E., Cristescu J., Michalon B. - "Lorsque l'eau fait frontière : fleuves et frontières, leur gestion en Roumanie" - Conférence, FIG Saint-Dié, 2007
[17] Par exemple pour les besoins en circulation des populations russophones installées de part et d'autre de la frontière letto-russe. La Lettonie a conclu en 1994 des accords avec la Russie et la Biélorussie, qui devaient garantir la souplesse des déplacements des résidents des zones frontalières de chacun des États concernés. L'accord avec la Russie a été aboli en 2000, celui avec la Biélorussie l'a été en 2003 mais a été remplacé dès 2002 par un accord pour un régime simplifié de visas (Gromovs J. - "L'adhésion de la Lettonie à l'Union européenne", Migrations Sociétés, vol.16, n°92, pp.99-116 - 2004).
[18] Moore M. - "Politiques migratoires émergentes en Europe centrale et orientale", Migrations Sociétés, vol.16, n°92, pp.61-82, 2004
[19] Voir le site de l'agence Frontex
[20] La Politique européenne de voisinage (PEV) a été lancée en 2004 afin de gérer les relations entre l'Union européenne et les États qui la voisinent, tant à l'Est que sur la rive sud de la Méditerranée. Il s'agit, officiellement, d'adoucir les effets de rupture régionaux induits par l'élargissement de l'UE, grâce au développement de relations économiques et politiques étroites avec ces voisins. Il s'agit aussi - mais cela n'est pas mis sur le devant de la scène politique – de faire mieux passer la "mise en sommeil" actuelle des élargissements, en proposant des solutions alternatives.
[21] Guild E. - "What is a Neighbour? Examining the EU Neighbourhood policy from the Perspective of Movements of Persons", Liberty and Security - 2005.
[22] Commission des Communautés Européennes - L'Europe élargie. Voisinage : un nouveau cadre pour les relations avec nos nouveaux voisins de l'Est et du Sud - Bruxelles, 2003
[23] Le site de l'eurorégion trinationale Danube-Kries-Mures-Tiza (DKMT)
[24] Lepesant G. - Géopolitique des frontières orientales de l'Allemagne, L'Harmattan "Pays de l'Est", Paris, 266 p., 1998
[25] Dans un article paru dans la revue Le Courrier des Balkans (parution initiale dans Dnevnik, Belgrade, le 11 décembre 2007 - auteur : Petar Tomic), l'ambassadeur de Roumanie à Belgrade, s'exprimant au nom de l'État roumain, répond ainsi à une question sur les visas : "tant que nous aurons besoin de visas je ne peux pas dire que tout a été réglé. La Roumanie a tout fait pour que le problème soit résolu. Actuellement, les Serbes obtiennent des visas gratuits pour une période allant jusqu'à six mois. Ils peuvent rester jusqu'à 90 jours en Roumanie. J'espère que lorsque la Serbie aura réglé toutes ses difficultés, le jour viendra où les citoyens serbes pourront voyager dans les pays de l'UE sans visa. La Roumanie sera la première à l'accepter". Il ajoute : "nous nous préparons au début de l'année 2008 à signer un accord de collaboration économique entre nos deux pays et nous aurons un cadre juridique approprié. En ce qui concerne nos rapports dans le domaine de la main d'œuvre, nous n'avons toujours rien convenu, mais j'espère que cela aussi sera à l'ordre du jour car chez nous, à Timisoara ou ailleurs, les gens sont très intéressés à ce que les ouvriers de Serbie viennent travailler, que ce soit nos voisins de Voïvodine ou ceux d'autres régions de Serbie".
Quelques ressources en ligne (liens supprimés en 2024)
- Sur Géoconfluences, dans le cadre du dossier "Territoires européens : régions, États, Union" (nouvelle fenêtre) :
- Centre de recherche sur les migrations (Centre of Migration Research / CMR) de l'université de Varsovie
- Les périphéries de l'Union européenne, L'espace politique, n°2 (02-2007), coordonné par Yann Richard
- Le Courrier des Balkans
- L'agence Frontex
- L'eurorégion Danube-Kries-Mures-Tiza (DKMT)
- L'initiative "Söderköping process" (ou Cross-Border Co-operation Process - CBCP) a été adoptée en 2001 afin de coordonner la coopération en matière d'asile, de migration et de gestion frontalière pour les pays concernés par la frontière orientale de l'UE
Emmanuel Bioteau, Université d'Angers, CARTA (UMR 6590)
et Bénédicte Michalon, CNRS, ADES (UMR 5185),
pour Géoconfluences le 16 octobre 2008
réalisation, mise en page web : Sylviane Tabarly, ENS de Lyon / Dgesco
Pour citer cet article :
Emmanuel Bioteau et Bénédicte Michalon, « L’élargissement de l’Union européenne à l'Est : Bruxelles au défi des relations transfrontalières », Géoconfluences, octobre 2008.
https://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/typespace/frontier/FrontScient7.htm