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Jeux de frontières à Chypre : quels impacts sur les flux migratoires en Méditerranée orientale ?

Publié le 17/12/2008
Auteur(s) : Olivier Clochard, Chercheur associé - CNRS, Université de Poitiers

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Bibliographie | citer cet article

Depuis la chute de l'empire ottoman, Chypre comme la région d'Évros [2] ou les îles (Lesbos, Chio, Samos, Rhodes) situées dans la mer Égée qui ont été rattachées progressivement à l'État grec, sont des espaces frontaliers où se cristallisent nombre de tensions entre la Grèce et la Turquie. Si les belligérances entre les deux États se sont globalement apaisées au cours des dix dernières années, la question du contrôle des migrations internationales en direction de l'Union européenne tend à replacer ces territoires frontaliers au cœur des discussions entre la Grèce et la Turquie et, plus généralement, entre l'Union européenne et ses pays voisins. Avec les îles de Malte, de Lampedusa, de Sicile et de la mer Égée, Chypre est sur le plan migratoire une des sentinelles de l'Union européenne : ces îles méditerranéennes sont en effet devenues depuis la fin des années 1990, des régions de première destination pour un grand nombre de migrants internationaux.

Située dans la partie orientale de la mer Méditerranée, l'île de Chypre constitue toutefois un espace insulaire particulier pour deux raisons : d'une part, elle continue d'être scindée en deux parties, la République Turque de Chypre du Nord (RTCN) et la République de Chypre au Sud, entrée dans l'Union européenne le 1er mai 2004 ; d'autre part, c'est un archipel qui, par sa position géographique, matérialise la confluence de trois grands ensembles continentaux : le Proche et Moyen-Orient, l'Afrique et l'Europe. Depuis trente ans, les déplacements des personnes de part et d'autre de la ligne de démarcation sont perçus par la majeure partie des Chypriotes comme un problème social lié à des troubles ou à des conflits (Papasavva A., 2006). Ces désordres semblent prolongés par l'immigration clandestine en provenance de la partie Nord de l'île, dans le contexte du processus de réunification en cours. Quelle est alors la place de la ligne de démarcation dans le contrôle des migrations internationales que la République de Chypre tente d'organiser ? Quel est aussi l'effet de son insertion dans l'espace de l'Union européenne ?

Nous nous intéresserons tout d'abord aux différentes frontières qui marquent l'île, depuis l'indépendance de Chypre en 1960. Puis nous présenterons la façon dont s'organisent les migrations vers l'île depuis l'entrée de la République de Chypre dans l'Union européenne. Enfin nous ferons un état des lieux des conditions de vie des demandeurs d'asile dont le nombre annuel a considérablement augmenté depuis qu'il est possible de franchir la ligne de démarcation, en rappelant notamment la situation singulière des requérants déposant une demande dans l'une des deux bases britanniques.

1. De la partition de l'île au processus de réunification : déplacés et migrants clandestins

Avec l'indépendance de Chypre en 1960, l'occupation britannique de l'île prend fin partiellement et les Chypriotes acceptent, sous l'égide des autorités britanniques, grecques et turques [3], de fonder une république unitaire. Mais la cohabitation entre les populations grecques et turques est troublée par de violents affrontements en décembre 1963 avant de prendre fin brusquement au cours de l'été 1974 lorsque la garde nationale, avec l'appui de l'armée grecque, tente de provoquer l'annexion de l'île par la Grèce, ce qui entraîne un débarquement de l'armée turque [4], la défaite des troupes helléniques et la chute de la "dictature des Colonels". Lors de ce conflit, 180 000 Grecs quittent le nord de l'archipel pour trouver refuge dans la partie méridionale de l'île et inversement 20 000 Turcs fuient le sud de l'île pour s'installer dans la région de Kyrenia ou dans le quart nord de Nicosie (carte ci-dessous à droite). Le mandat de la Force des Nations unies chargée du maintien de la paix à Chypre [5] est alors étendu. Une zone tampon ("Buffer Zone" / BZ) autour d'une ligne verte [6] allant de Karavostassi à Famagouste (soit une distance de 180 km) établit une partition de l'île et de sa capitale, Nicosie, en deux ensembles. Le Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) accepte de prendre en charge des personnes déplacées dans leur propre pays alors qu'il n'intervenait principalement jusqu'alors qu'auprès de personnes ayant franchi une frontière internationale (Billard A., 1984, p. 9).

Chypre, une île fractionnée

(cliquer sur la miniature pour l'agrandir)

La partie septentrionale (soit 38% de la surface de l'île) s'autoproclame en 1983 République Turque de Chypre du Nord et est reconnue seulement par la Turquie. Elle est la moins riche et la moins dynamique [7]. La partie méridionale, où s'exerce l'autorité de la République de Chypre, est par contre l'un des États membres les plus riches de l'Union européenne (UE) avec un PIB/hab à prix courants qui s'élève à  18 900 euros en 2006 et une croissance soutenue  depuis les années 1990. Le tourisme (20% du PIB), l'agriculture, l'industrie, la marine marchande et les activités offshore [8] sont ses principales ressources économiques.

À cela s'ajoutent les loyers des deux bases britanniques, Akrotiri et Dhekelia [9], qui constituent un troisième type de territoire (256 km² au total) sur l'île de Chypre (Miossec J.-M., 2001, pp. 78-79). En 2006, la partie septentrionale de l'île a une population qui avoisine 264 000 personnes contre 778 000 dans la partie sud, dont 100 000 Maronites et Arméniens.

Le conflit de 1974 n'a pas entraîné une homogénéisation totale des espaces sur le plan confessionnel. Des Chypriotes grecs et une petite communauté de Maronites se sont maintenus dans le Nord de l'île, de même que 25 000 Chypriotes turcs (selon le recensement de 2001) ont continué d'habiter dans la partie sud. Et les migrations internationales, notamment de populations réfugiées issues des différents conflits du Proche-Orient (Libanais, Palestiniens et Syriens), se sont poursuivies dans les deux parties de l'archipel (Davie M. F., 1992).

 

L'intégration européenne inachevée

Pendant trente ans, la ligne verte contrôlée par l'ONU et considérée par la communauté internationale comme une ligne de cessez-le-feu, a altéré durablement les échanges entre les communautés grecques et turques. Les passages de part et d'autre de la limite sont restés quasiment nuls jusqu'au 23 avril 2003, date à laquelle le plan établi par les Nations Unies pour restaurer l'unité de l'île s'est concrétisé par l'ouverture de plusieurs points de passage sur la ligne verte [10].

Ligne verte, zone tampon et points de passage à Chypre

La ligne verte (Green line) est une ligne de démarcation tracée, à l'origine, dès 1964 lors des premiers troubles intercommunautaires, par un officier britannique. Elle tirerait son nom de la couleur du crayon qu'il avait alors utilisé pour la tracer sur une carte de Nicosie. Les turcs l'appellent ligne Attila du nom du commandant des forces d'occupation turque en 1974, Attila Sav.

À la suite des événements de 1974, les Nations Unies ont organisé une zone de sécurité pour séparer les deux parties de l'île. Longue de 180 km elle suit le tracé de la ligne verte. Cette zone tampon (Buffer Zone / BZ) est surveillée en permanence par 1 200 Casques bleus de l'ONU (UNFICYP). Elle couvre approximativement 3% de la superficie totale de Chypre. Par endroit, sa largeur ne dépasse pas 20 mètres, notamment à Nicosie. Longtemps infranchissable, chypriotes turcs et grecs sont autorisés à la traverser depuis avril 2003 mais les véhicules ne sont pas autorisés à tous les passages. Ledra Palace, au cœur de Nicosie, est le principal point de passage.

"Les lignes de cessez-le-feu s´étendent à travers l´île sur une distance d´environ 180 kilomètres. La zone tampon des Nations Unies a une largeur qui va de 20 mètres à 7 kilomètres. Elle représente à peu près 3% de la superficie de l´île et certaines des meilleures terres arables du pays y sont situées. Le statu quo maintenu par l´UNFICYP dans la zone tampon est devenu un élément vital pour empêcher la reprise des hostilités. L´UNFICYP surveille constamment les lignes de cessez-le-feu et la zone tampon grâce à un réseau de postes d´observation et à des patrouilles.
Les tâches de l´UNFICYP sont compliquées par l´absence d´un accord de cessez-le-feu formel. De ce fait, UNFICYP est confrontée à des centaines d´incidents chaque année. Les incidents les plus graves tendent à se produire dans des zones où les lignes de cessez-le-feu sont proches, notamment à Nicosie et ses banlieues." 
Source : www.un.org/french/peace/.../unficypB.htm

Les conditions d'accès à la République de Chypre et de franchissement de la zone tampon (BZ) ont évolué depuis 2003. L'ouverture partielle et sous conditions de la ligne verte permet aux Chypriotes de franchir cette séparation. Les citoyens de l'UE peuvent aussi la franchir dans les deux sens. Les points de passage ouverts sont les suivants (situation fin 2008) :

  • à Nicosie, Aghios Dometios / Metehan (pour voitures et piétons), Ledra Palace (piétons uniquement) et au centre de la vielle ville à Ledra street (pour piétons uniquement).
  • à partir des territoires des bases britanniques orientales, Aghios Nikolaos / Strovilia et Pyla / Pergamos, proche du village de Dhekelia, (pour piétons et voitures)
  • dans la secteur de Morphou/Guzelyurt, Astromeritis/Zodeia (ou Zodhia, Bostanci en turc, pour piétons et voitures).

 

En principe, seuls les ressortissants d'un pays membre de l'UE peuvent accéder à la République de Chypre via la partie Nord (aéroport de Tymbou/ Ercan, ports de Kyrenia, Famagouste) avec un document valable (passeport ou carte d'identité) et en remplissant un formulaire tenant lieu de visa. Il est aussi permis d'entrer en République de Chypre par le Sud et de quitter l'île par le Nord.

Mais, si la tendance des dernières années est à l'ouverture croissante aux flux des biens et des personnes, la situation est loin d'être stabilisée. Elle est fortement corrélée aux négociations sur l'avenir global de l'île et sur l'évolution des relations entre l'UE et la Turquie. Environ 35 000 soldats sont stationnés encore en RTCN.

Mais pour la première fois depuis 2004 et l'échec du plan de paix des Nations Unies (plan Annan), les négociations directes entre les deux parties ont repris en septembre 2008, à la faveur de l'arrivée au pouvoir d'un nouveau président en République de Chypre, Demetris Christofias, dont le programme électoral comportait la relance des pourparlers en vue d'une réunification. Aucun calendrier précis n'a cependant été adopté.

Déploiement des forces de l'Unficyp à Chypre, novembre 2008

Accès au document en .pdf

Source : site officiel de la Force des Nations Unies chargée du maintien de la paix à Chypre (UNFICYP)  www.un.org/french/peace/.../unficyp/unficyp.htm

En délégation pour l'UE afin d'examiner les perspectives de règlement de la question chypriote, une mission de parlementaires français s'est rendue à Chypre du 4 au 7 juin 2008. Elle a rencontré des personnalités représentatives des deux parties, chypriotes grecques et chypriotes turques, ainsi que des représentants des Nations Unies.

Témoignage :

"La visite de la zone tampon au centre de Nicosie, entre des maisons bombardées et un décor de théâtre sinistre qui n'a pas bougé depuis trente-quatre ans, donne l'impression qu'il pourrait être relativement facile de faire tomber cette ligne verte. Le franchissement de la ligne verte par la mission, facile la première fois, au bord de l'incident la deuxième, donne l'impression d'une situation un peu irréelle, mais qui n'est pas un blocus de même nature que le mur de Berlin.

Mme Marietta Karamanli a déclaré que le franchissement de la ligne verte peut sembler facile, mais pèse sur la vie quotidienne des gens qui doivent présenter à chaque fois leur pièce d'identité et sont soumis à des limites pour les échanges commerciaux et les transferts d'argent. Dans la zone tampon, la partie sud est habitée jusqu'à la limite du mur. De l'autre côté, il n'y a pas d'habitants mais une présence militaire qui impressionne dans un décor qui date et constitue un arrêt sur image. C'est bien une zone de séparation où les gens ne vivent pas à proximité les uns des autres."

Source : Délégation pour l'Union européenne, compte rendu n° 57, 9 juillet 2008

La mission était composée de M. Bernard Deflesselles, co-président du groupe de suivi des négociations d'adhésion avec la Turquie, et de Mme Marietta Karamanli et M. Gérard Voisin, respectivement Présidente et membre du groupe d'amitié France-Chypre. Source : www.assemblee-nationale.fr/13/europe/c-rendus/c0057.asp

 

Anatomie de la zone tampon (BZ) et d'un point de passage : Zodeia (Zodhia) / Astromeritis

Zoom sur le point de passage. Une importante installation récente de l'UNFICYP est clairement identifiable, avec l'inscription des deux caractères UN, le mirador avec son ombre projetée et une piste pour hélicoptères. La "Buffer zone", laissée en friches, apparaît bien par le contraste de végétation avec les parcelles mises en culture qui l'encadrent.


GEarth.gif Un pointeur sur l'image Google Earth (fichier .kmz)

> Le lien sur Google Maps : http://maps.google.fr/maps?f=/.../862&t=h&z=17

Cyprus : Buffer Zone (CPACS)

 

Synthèse et conception de l'encadré : S. Tabarly


Des documents vidéo (presse et université) :

France 24

  • Réouverture d'un point de passage au cœur de Nicosie, 3 avril 2008

" Chypriotes grecs et turcs ont rouvert les 80 mètres de la rue Ledra à Nicosie, symbole de la partition de l'île et des efforts de réunification (récit : P. Paccard)". www.france24.com/fr/../1060659//2

 

Centre for Peace and Conflict Studies (CPACS), université de Sydney (Australie) Contested Spaces Video Project.
(A Series of video talks by specialists on territorial and identity issues around the world.)

Une intéressante exploration visuelle de la zone de démarcation et du processus d'ouverture en cours. www.arts.usyd.edu.au/.../contestedspaces/


Une vidéo de Simon James du Centre for Peace and Conflict Studies (CPACS), Université de Sydney (Australie) : www.youtube.com/watch?v=srbgzyXDGic

Le processus d'adhésion de la République de Chypre à l'UE pouvait être une bonne occasion pour hâter la réunification de l'île. Depuis avril 2003, plusieurs points de passage ont été ouverts sur la ligne verte et, en avril 2004, un plan de réunification de l'île, conçu sous l'égide des Nations Unies (plan "Annan" du nom du Secrétaire général de l'ONU à ce moment) a été proposé, par référendum, aux habitants des deux parties. Mais, alors que les Chypriotes turcs se sont prononcés en faveur du plan à 65%, son rejet par les Chypriotes grecs, à 75%, a enrayé le processus de réunification. Ainsi, le 1er mai 2004, seule la partie méridionale de l'île a pu adhèrer à l'UE.

À la différence des autres États membres qui ont rejoint l'Union à la même date, la République de Chypre n'a pas intégré l'espace Schengen à la fin de l'année 2007. Comme pour l'Italie au milieu des années 1990 ou la Grèce à la fin de cette même décennie, les premiers États de la communauté européenne considèrent que les autorités chypriotes n'offrent pas toutes les garanties nécessaires aux contrôles des frontières extérieures, l'intégration de Chypre dans l'espace Schengen (voir l'encadré "Réfugiés et requérants infra) est donc reportée à une date ultérieure qui à ce jour n'est pas fixée [11]. Depuis l'adhésion de la République de Chypre à l'Union, la ligne verte qui la sépare de la partie turque fait l'objet de nombreux passages de migrants irréguliers depuis la République turque de Chypre du Nord vers la partie sud de l'île. Entre avril 2003 et mai 2007, les cinq points de passage de Ledra, Ayios Dometios, Metehan, Pergamos et Strovilia ont enregistré 13 millions de passages, sans compter les passages effectués à Pergamos depuis le 1er septembre 2006, date à laquelle la partie chypriote turque a cessé de publier les statistiques sur ce poste [12].

 

Le casus belli des contrôles migratoires sur la ligne verte

La Commission européenne a demandé à plusieurs reprises aux autorités chypriotes grecques de prendre les mesures nécessaires pour lutter contre l'immigration illégale en provenance de la partie Nord de l'île. Mais pour la République de Chypre, établir des contrôles sur la ligne verte similaires à ceux qui existent aux autres frontières extérieures de l'UE, reviendrait à reconnaître indirectement la République Turque de Chypre du Nord, ce qu'elle n'est pas prête à faire [13]. Plusieurs documents officiels, tel le règlement du Conseil de l'UE n° 866 du 29 avril 2004 [14], soulignent que la ligne verte ne constitue pas une frontière extérieure de l'UE, tout en indiquant que la République de Chypre doit exercer "une surveillance effective tout le long de la ligne de démarcation, de manière à dissuader les personnes de se soustraire aux contrôles aux points de passage". Ainsi la République de Chypre est chargée de faire respecter ces règles concernant le franchissement de la zone tampon. Elle a, en outre, l'obligation de surveiller la ligne verte au-delà des points de passages ouverts depuis 2003 en établissant des contrôles qui devraient être similaires à ceux applicables aux frontières extérieures de l'UE. Selon une étude de l'agence Frontex [15], le nombre d'étrangers interceptés sur la ligne s'élève à 41 pour les trois dernières années (2005-2007), alors que, pour la même période, 21 403 étrangers en situation irrégulière ont été arrêtés sur l'ensemble de l'île.

La Commission étant tenue de surveiller l'établissement des contrôles aux frontières extérieures et d'en faire état aux autres États membres de l'UE, Brice Hortefeux, ministre français de l'immigration (et de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire) en visite sur l'île en avril 2008 pour la préparation de la présidence française de l'UE, a proposé au ministre de l'Intérieur Neoclis Sylikiotis que la gestion des contrôles soit confiée à l'agence Frontex [16]. Or pour Andrew Rasbash, chef du Département de la communauté chypriote turque à l'UE, la République de Chypre ne peut pas recevoir d'assistance de la part de Bruxelles, tels que celle de l'agence Frontex ou du fonds pour les frontières extérieures, pour lutter contre l'immigration clandestine à travers la ligne verte. Pour les représentants chypriotes turcs favorables à la réunification, si cette limite est considérée comme une frontière extérieure de l'UE (sur le plan des contrôles migratoires), elle pourrait être un frein au processus de réunification tant que la partie Nord ne participe pas plus activement à la lutte contre l'immigration clandestine.

La séparation de l'île et la difficulté d'établir des contrôles sur la ligne verte constituent des obstacles pour l'intégration de Chypre au sein de l'espace Schengen, souvent synonyme de prospérité aux yeux des candidats à l'immigration. De plus, la République de Chypre présente des conditions économiques plus favorables que nombre de ses voisins de Méditerranée orientale : en 2006 son PIB/hab en Parité de pouvoir d'achat (25 882 $) est largement supérieur à celui de la Turquie (8 417 $) et de pays situés à l'est et au sud de l'île, tels que la Syrie (4 225 $), le Liban (9 741 $) qui sont en proie à de nombreuses difficultés économiques et sociales [17].

Beaucoup de migrants voient donc la partie sud de l'île comme une destination permettant d'avoir de meilleures conditions d'existence, d'autant plus qu'il est relativement facile de franchir la ligne verte depuis la République Turque de Chypre du Nord. Depuis 2003, le rôle géostratégique et migratoire de la partie nord de l'île, interface territorial frontalier entre pays tiers et pays de l'UE, s'est imposé.

Chypre et le contexte régional des migrations clandestines dans le monde méditerranéen

Réalisation : O. Clochard, Migrinter, UMR 6588, 2008

2. Chypre proche de "l'Orient"...

... et dans la dynamique des politiques européennes d'asile et d'immigration

Les objectifs du programme de La Haye [18] soulignent qu'une approche globale des migrations, et notamment la surveillance des flux migratoires en direction de l'UE, doit s'opérer avec la coopération des pays d'origine et de transit. Il y est notamment indiqué que "la politique de l'UE va soutenir, dans le cadre d'un véritable partenariat (…) les efforts déployés par les pays tiers pour améliorer leur capacité à gérer les migrations et à protéger les réfugiés (…) pour renforcer les moyens de surveillance des frontières, pour améliorer la sécurité des documents et pour s'attaquer au problème du retour". La coopération entre les États membres et les pays tiers visant à renforcer la surveillance des frontières extérieures de l'UE, apparaît dans différents accords relatifs au Partenariat euro-méditerranéen, voire plus largement au sein de la Politique européenne de voisinage (PEV), établie en 2004 [19]. Ce principe de cogestion des frontières se traduit par la volonté des États européens de renforcer les contrôles des flux migratoires à l'extérieur de leurs frontières ; ainsi concernant l'île de Chypre, plusieurs événements survenus dans la partie Nord depuis l'année 2007 soulignent ces intentions.

Par exemple, la mise en place d'une ligne maritime régulière entre Lattaquié en Syrie (Latakia) et Famagouste (Famagusta, RTCN) en octobre 2007, avec un navire battant pavillon géorgien, a incité les autorités grecques chypriotes à demander à la Syrie de renforcer ses contrôles au départ de Lattaquié, voire de mettre fin à la liaison [20]. En effet, aux yeux de la République de Chypre, les bateaux qui relient la Syrie (et aussi la Turquie) à la partie septentrionale de l'île, seraient utilisés par les candidats à l'immigration clandestine afin d'atteindre l'UE [21]. Fin 2008, la fréquence des rotations de ce ferry est hebdomadaire. On peut aussi noter que la République de Chypre est de plus en plus disposée à coopérer avec la Turquie [22], ce qui reviendrait à externaliser une partie de ses contrôles migratoires hors de son territoire.

Dans la dimension extérieure du renforcement des contrôles migratoires, il y a également la mise en place d'accords de réadmission qui obligent les États signataires à "reprendre" leurs nationaux ou/et des immigrés ayant transité par leur territoire lorsque ces derniers sont en situation irrégulière. La République de Chypre a établi des accords de réadmission avec l'Égypte, le Liban et la Syrie. Dans les États voisins, Chypre (comme les autres pays de l'Union) tente d'exercer son influence afin de mieux maîtriser les flux migratoires, processus qui dessine en quelque sorte les nouveaux périmètres de l'UE dont ils constituent une extension de frontière, des "frontières avancées" (Duroselle J-B, 1990, p.232). Ainsi pour limiter ces réadmissions qui peuvent être vues comme de potentiels sujets de discordes diplomatiques, les pays tiers voisins interdisent aux migrants le passage de leurs propres frontières. En conséquence, ils renforcent à leur tour les contrôles vis-à-vis des étrangers. Si les deux parties de l'île ne sont pas liées par un accord de réadmission, plusieurs événements soulignent que les contrôles dans la partie septentrionale ont tendance à se renforcer [23]. Une directive du Haut commissariat aux réfugiés (UNHCR), qui estime le nombre de demandeurs d'asile dans le nord de l'île aux environs de 600, est venue rappeler aux autorités de la partie turque, que les immigrés en provenance d'Irak et de Palestine ne devraient pas faire l'objet de mesures disciplinaires. Ce texte faisait notamment référence à des situations de Palestiniens ayant passé plusieurs semaines en prison alors que leurs enfants avaient été placés dans une institution par les autorités de l'île.

Une île d'immigration ?

De par sa situation géographique, Chypre se situe à proximité et aux croisements des flux migratoires en provenance du Moyen et du Proche-Orient (voire d'Afrique) vers l'Europe. Les deux guerres en Irak [24], le conflit israélo-palestinien récurrent, les crises épisodiques au Kurdistan et au Liban ont en effet entraîné au cours des vingt dernières années, le départ de plusieurs millions de personnes dont certaines ont transité par Chypre ou se sont installées sur l'île pour rechercher de meilleures conditions d'existence. De plus, les populations voisines de Syrie ou de Palestine, très jeunes (respectivement 45 et 50% de moins de quinze ans, Bethemont J., 2001, p.29), appauvries, privées de perspectives démocratiques ou de libertés, cherchent à émigrer.

Une partie des migrants transitent par la République Turque de Chypre du Nord (cf. carte ci-contre) avant de franchir clandestinement la ligne verte pour aller dans le sud de l'île. Selon des informations de différents journaux locaux, faute d'éléments chiffrés officiels, les immigrants en provenance de Syrie et de Palestine seraient majoritaires au cours des dernières années, à l'exception des Turcs (provenant d'Anatolie en grande majorité) venus occuper le vide laissé par le départ des 180 000 Grecs en 1974 [25]. D'autres migrants arrivent par l'aéroport de Larnaka avec un visa de tourisme ou de travail  et parmi ces derniers, certains se maintiennent sur le territoire après l'expiration de leur titre de séjour. Enfin, plus rarement, des bateaux peuvent s'échouer sur les côtes de l'île. En 2002, le ministre des Affaires étrangères de la République de Chypre, M. Ioannis Kassoulides, soulignait qu'"il arrive (…) que des bateaux accostent à Chypre, où les passeurs abandonnent les réfugiés en leur disant qu'ils se trouvent en Italie ou en Grèce. Toutes proportions gardées, les effets de l'arrivée de 70 réfugiés à Chypre sont équivalents à ceux que connaît l'Italie lorsqu'elle voit débarquer 1 000 personnes d'un bateau" [26].

Au cours des années 2006 et 2007, selon l'agence Eurostat, la croissance de la population méridionale de l'île est principalement due au solde migratoire. Ce dernier, relativement faible comparé aux autres pays de l'UE, avoisine annuellement les 14 000 individus, soit très loin derrière l'Espagne (636 000), la France (160 000) et le Royaume-Uni (159 000).

L'immigration irrégulière à Chypre entre 2005 et 2007

Réalisation : O. Clochard

Par contre le taux brut du solde migratoire de l'année 2007 est de 18,5‰, soit le premier des 27 pays de l'UE. En 2006, le taux brut du solde migratoire était de 8,1‰, soit en troisième position derrière l'Irlande (18,7) et l'Espagne (14,4). Malgré ces chiffres, les autorités du sud de l'île continuent à refuser de considérer leur pays comme un territoire d'immigration. En 2006, les principaux groupes nationaux seraient issus à 41% de pays de l'UE (les britanniques représentent 11% de cet ensemble) et à 59% de pays tiers, ensemble composé à 13% de Sri Lankais, 10% de Philippins qui occupent principalement des emplois dans les services à domicile et dans l'agriculture. Enfin parmi ces étrangers, il y a aussi des étudiants et des demandeurs d'asile qui sollicitent une protection au titre de la Convention de Genève de 1951.

 

3. Les demandeurs d'asile, entre précarisation et mise à l'écart

Durant toute la guerre du Liban (1975-1991), l'île de Chypre a assuré à de nombreuses reprises la fonction de pays de transit ou de refuge temporaire pour les populations libanaises ou palestiniennes (Davie Michael F., 1992). Les migrations des demandeurs d'asile issus d'autres pays et à destination de la partie méridionale de l'île sont plus récentes. L'augmentation du nombre de demandes d'asile (graphique ci-dessous) est liée, d'une part, à une meilleure accessibilité de la partie méridionale de l'île depuis la partie Nord (pour rappel, le 23 avril 2003, plusieurs points de passage sur la ligne verte ont été ouverts) et, d'autre part, à l'entrée en vigueur, en février 2001, des décrets de la loi sur les réfugiés (Refugee Law) du 31 janvier 2000 ([27] et encadré ci-dessous).

Réfugiés et requérants

Évolution des demandes d'asile enregistées par la République de Chypre (1998 à 2007)

Télécharger les données correspondant au graphique (.pdf, 61 ko)

Quelques termes et jalons pour comprendre législations et réglementations

- La convention de Genève du 28 juillet 1951

Traité des Nations unies relatif à la définition et à la protection des étrangers, la Convention définit comme personne réfugiée "toute personne qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner". (art. 1A, al.2 de la convention de Genève relative aux réfugiés)"

La Convention pose donc pour principe les réfugiés ne peuvent être refoulés ou expulsés sur les frontières des territoires où leur vie ou leur liberté seraient menacées. Le Haut Commissariat pour les réfugiés des Nations unies (UNHCR) a été chargé de la mise en œuvre et de l'application de la convention de Genève.

En 1967 le protocole de New York a étendu la zone d'application de la Convention initialement limitée à l'Europe. L'OUA en 1969, adopte à son tour une Convention sur les réfugiés en Afrique.

L'asile conventionnel correspond au droit d'asile en application de la Convention de Genève alors que le seul asile territorial confère aux réfugiés une protection sur le territoire du pays d'accueil qui n'est que temporaire et qui ne leur confère pas le statut prévu par la Convention.

Les personnes reconnues comme réfugiées au sens de la Convention de Genève bénéficient d'un titre de séjour de dix ans. Mais, dans le cas du seul asile territorial, elles ne bénéficient que du statut humanitaire ou d'une protection subsidiaire et disposent alors d'un titre de séjour d'un an renouvelable, ou non, par les autorités.

Le principe de non-refoulement est un point essentiel de la Convention de Genève (article 33). Il protège aussi bien les réfugiés reconnus que les requérants d'asile. Ce principe est d'ailleurs devenu partie intégrante du droit public international en usage et, ainsi, tous les États y sont liés.

- En Europe, au niveau de la Communauté européenne, les accords de Dublin sur l'entrée et la condition des réfugiés dans l'espace européen signés en 1990 ont été ratifiés en 1997. Ils instituent une solidarité entre pays européens dans la réponse faite aux demandeurs. La politique de contrôle est de plus en plus intégrée à la politique de contrôle de l'immigration des pays européens. Dans la pratique, en Europe, la Convention de Genève est interprétée d'une manière de plus en plus restrictive.

L'européanisation des politiques migratoires s'est faite en plusieurs étapes, d'abord par la convergence des politiques nationales entre États européens, assorties de quelques dispositions communes :

  • Accords de Schengen de 1985 (mis en application en 1995) qui abolissent les frontières intérieures et renforcent les frontières extérieures.
  • Traité d'Amsterdam de 1997 (titre IV, articles 61 à 69), entré en vigueur en 1999, communautarise la majeure partie du 3ème pilier (Justice et Affaires intérieures) sur la libre circulation des personnes, la politique des visas, de l'asile et de l'immigration : premiers objectifs d'une politique commune d'asile et d'immigration, adoption dans un délai de 5 ans d'une politique d'asile commune et d'une législation communautaire qui aboutit, le 1er mai 2004, à la communautarisation des politiques migratoires. La majorité qualifiée s'applique aux processus de décision.
  • Convention de Dublin sur les réfugiés et l'asile ; signée en 1990 qui définit une politique d'asile communautaire et un dispositif de contrôle renforcé pour éviter les demandes d'asile multiples ou leur déplacement d'un pays à l'autre de l'UE. Elle fixe les critères relatifs au pays compétent pour traiter la demande pour éviter qu'un requérant débouté ne dépose une autre demande d'asile dans un autre État. Cette convention a été remplacée et rénovée en 2003 par un règlement européen dit "Dublin II"

En corpus documentaire de ce dossier, L'Europe, une "forteresse" ? :

La gestion des politiques migratoires et le rôle de l'agence Frontex.

- L'accord de Schengen entré en application en 1995, définit un espace communautaire sans frontière pour les États signataires où la liberté de circulation des personnes est garantie. En conséquence, tout étranger qui entre, légalement, dans un des pays signataire a le droit de circuler dans tout l'espace Schengen.

L'abolition des contrôles aux frontières intérieures (terrestres, aériennes et maritimes) de cet espace a reporté ces fonctions aux frontières extérieures dont les dispositifs de surveillance et de contrôle des flux migratoires ont été renforcés.

Une politique commune de "visas Schengen" est encouragée et un fichier informatique commun, le Système d'information Schengen (SIS / ISS), mutualise les identités des personnes "interdites de territoire". Chaque État peut rétablir, lorsqu'il le veut et le juge nécessaire, des contrôles sur les personnes à ses frontières.

Voir : L'Europe entre associations, alliances et partenariats : zoom sur l'espace Schengen (autre dossier, nouvelle fenêtre)

Chypre, du fait de la partition de l'île, a un calendrier différé et la date de son intégration dans l'espace Schengen n'est pas fixée.

Les travaux en vue de la création d'un Régime d'asile européen commun (RAEC) ont démarré immédiatement après l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam, en mai 1999. Pendant une première phase, il s'agissait d'harmoniser les cadres juridiques des États membres grâce à des normes minimales communes.

Le programme de La Haye fixe comme objectifs de la seconde phase : la mise au point d'une procédure commune d'asile et d'un statut uniforme pour les personnes bénéficiant de l'asile ou d'une protection subsidiaire ; le renforcement de la coopération pratique entre les services d'asile nationaux ; la dimension extérieure de l'asile. La Commission a présenté un Livre vert (juin 2007) ernvisageant les options pour cette seconde phase du RAEC en vue de l'élaboration d'un plan d'action. Ce dernier définit une feuille de route pour les prochaines années et énumère les mesures que la Commission entend proposer. L'entrée en vigueur du traité de Lisbonne (ou "Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne" / TFUE) modifiera le cadre juridique dans lequel s'inscrit la politique d'asile. Le plan d'action sera appliqué conformément à deux régimes juridiques différents, celui du traité existant et celui du TFUE qui s'inscrivent tous deux dans le cadre de la convention de Genève.

Source : Plan d'action en matière d'asile : une approche intégrée de la protection au niveau de l'Union. Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au comité des régions, Bruxelles, 17 juin 2008
http://ec.europa.eu/.../asylum/...htm

- Le Pacte européen sur l'immigration et l'asile a été adopté par les chefs d'État et de gouvernement de l'UE lors du sommet européen d'octobre 2008. Parallèlement, la Commission européenne a proposé un "Plan d'action en matière d'asile, une approche intégrée de la protection au niveau de l'Union" et, par une communication consacrée à "une politique d'immigration commune pour l'Europe, principes, actions et instruments", elle a défini des  principes communs et de nouveaux mécanismes et instruments relatifs au contrôle, à l'évaluation et au renforcement de la gouvernance en matière d'immigration dans les 27 États membres.

- Étrangers / Immigrés : On rappellera ici la distinction entre l'étranger qui est un non-national au sens du droit de la nationalité en France alors que l'immigré est celui qui est né sous une autre nationalité et qui a effectué une migration, qu'il ait ou non la nationalité. Tous les immigrés ne sont donc pas des étrangers.

- Requérant(e) : un(e) requérant(e) d'asile est une personne qui recherche la protection internationale, mais n'en bénéficie pas encore et qui est dans l'attente d'une décision gouvernementale de lui accorder, ou non, le statut de réfugié(e).

- Migrants : Notons que toutes les personnes qui fuient leur pays ne sont pas des réfugiés au sens du droit international : migrants dits "économiques" par exemple. Ils ne sont donc pas protégés par le droit des réfugiés mais par les droits humains. L'Organisation internationale du travail (OIT), dont le siège est à Genève, a adopté de nombreux accords juridiques internationaux contraignants traitant des droits spécifiques des migrants. Depuis 2003 une Convention internationale pour la protection des droits de tous les travailleurs et travailleuses migrant(e)s et des membres de leur famille est entrée en vigueur, mais les principaux pays d'accueil du monde développé ne l'ont pas encore ratifiée.
http://portal.unesco.org/shs/.../=201.html

L'évolution des demandeurs d'asile au cours des dix dernières années

Immédiatement après son adhésion à l'UE le 1er mai 2004, Chypre est devenue, en peu de temps, une importante destination pour les demandeurs d'asile et les immigrés illégaux dans l'Union.

En 2004, les principaux pays d'origine des requérants étaient le Pakistan (1 328), l'Ukraine (867), la Géorgie (759), la Syrie (547) et le Sri Lanka (497) [28]. En 2007, sur un total de 6 784 demandes reçues, 1 700 étaient syriens, plus d'un millier palestiniens, 660 sri lankais, 475 iraniens, 352 géorgiens, 339 pakistanais, 294 indiens, 264 bangladais, 214 chinois et un peu plus de 200 Irakiens. Le tableau, dans l'encadré ci-dessous, rend bien compte des rapides évolutions statistiques au gré des évolutions géopolitiques. Le taux de reconnaissance du statut de réfugié (au sens de la convention de Genève de 1951, cf. encadré supra) est passé de près de 40% en 1998, lorsque le nombre de demandes d'asile était très faible, à 1% environ au cours des quatre dernières années, période durant laquelle le nombre de demandes d'asile a fortement augmenté (cf. graphique supra). Ainsi au cours des dix dernières années (1998-2007), sur près de 35 000 demandes cumulées (34 295), seules 452 personnes ont bénéficié du statut de réfugié, et 640 personnes ont obtenu une protection temporaire, soit à titre humanitaire, soit dans le cadre de la protection subsidiaire (voir encadré "Réfugiés et requérants" supra). Comparé à d'autres pays de l'UE comme l'Autriche ou le Danemark, où le nombre de réfugiés reconnus annuellement est plus élevé, dans un contexte géopolitique totalement différent [29], la République de Chypre accorde un faible nombre de statuts de réfugié (tableau ci-dessous). La possibilité d'obtenir la protection du statut de réfugié selon la Convention diffère donc fortement d'un pays de l'UE à l'autre et elle dépend du lieu où le demandeur d'asile dépose sa demande. Dans ces conditions, faute de pouvoir aller dans un autre pays de l'Union, les requérants déboutés de leur demande perçoivent l'île de Chypre comme une nasse.

Caractéristiques de la population réfugiée et des demandeurs d'asile à Chypre, 1996 à 2005

La population réfugiée en 2005 :

- Caractéristiques démographiques : Femmes = 303 / Hommes = 398 / Total = 701

- Bases légales : reconnaissance au titre de la convention de Genève de 1951 = 465, soit 66% du total.

Origines des réfugiés entre 1996 et 2005 :

Origine
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
Iran
2
4
14
14
14
26
86
185
254
302
Territoires palestiniens
1
2
2
1
4
4
4
14
42
60
Turquie
-
-
1
1
1
1
1
19
32
52

Origines des demandeurs d'asile entre 1996 et 2005 :

Origine
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
Syrie
1
3
11
22
30
47
10
37
547
1 188
Géorgie
-
-
1
-
-
24
19
178
759
886
Sri Lanka
-
-
1
4
16
22
5
5
497
806
Pakistan
-
-
2
3
10
124
71
481
1 328
594
Ukraine
-
-
2
-
-
23
19
91
867
587

Source : Cyprus Statistics (Expanded) - 2005 UNHCR Statistical Yearbook Country Data Sheet - Cyprus, UNHCR Statistical Yearbook Country Data Sheets, publié les 30 avril 2007
www.unhcr.org/cgi-bin/texis/vtx/country?iso=cyp&expand=statistics

Les dispositions relatives à l'accueil des demandeurs d'asile dans les deux bases britanniques

Depuis l'indépendance de Chypre en 1960, le Royaume-Uni continue d'exercer sa souveraineté sur deux bases militaires situées dans la partie méridionale de l'île (carte supra). Jusqu'en avril 2001, les demandes d'asile qui étaient déposées auprès des instances britanniques d'Akrotiri ou de Dhekelia, étaient instruites par le Home Office. Certains demandeurs d'asile arrivaient sur la base située au nord-est de Larnaca en franchissant illégalement la frontière qui sépare la base militaire de la partie turque de l'île. Mais d'autres arrivaient sur les bases depuis la partie méridionale de l'île. Devant le nombre croissant d'arrivées au cours de l'année 2000 [30], l'administration britannique a prétexté que la responsabilité de l'instruction d'un grand nombre de demandes d'asile des personnes revenait à la République de Chypre, seule autorité garante de l'application du droit d'asile sur l'île. Les autorités chypriotes ont alors fait valoir que, n'étant pas garantes des contrôles qui pouvaient être effectués sur ces zones, la responsabilité des demandes d'asile revenaient aux autorités britanniques !

Face à ces différends entre les deux gouvernements et dans le contexte de l'intégration de Chypre à l'UE, un mémorandum a été signé entre les deux parties pour résoudre en partie l'instruction des demandes d'asile enregistrées sur les bases militaires. Les autorités britanniques n'acceptent donc plus la responsabilité des demandes d'asile de celles et ceux qui sont entrés sur leurs bases depuis la partie méridionale de l'île. Cependant, les demandeurs d'asile qui arrivent directement sur les deux territoires britanniques depuis un pays tiers, soit par la voie maritime, soit par la voie terrestre depuis la partie turque de l'île pour la base de Dhekelia, demeurent sous la responsabilité du Royaume-Uni. Leurs demandes sont toutefois traitées par les autorités chypriotes au nom des autorités britanniques. Si le statut de réfugié est accordé aux requérants, ces derniers ont le droit de circuler librement, de travailler et de bénéficier de l'éducation et des soins de santé dans toute la partie méridionale de l'île de Chypre. Cet accord est entré en vigueur lors de l'adhésion de Chypre à l'UE en mai 2004.

Les demandeurs d'asile entrés avant la mise en application de cet accord n'étaient pas concernés par le mémorandum mais les autorités britanniques ont fait en sorte que ces "situations résiduelles" soient résolues selon les principes énoncés dans le mémorandum. Ainsi on peut dire que les entrées et les sorties des zones britanniques sont, depuis, contrôlées conformément à la législation sur l'asile et l'immigration de l'État chypriote.

Des conditions de vie difficiles

Comme pour bien d'autres pays européens, la gestion de l'asile et de l'immigration pèse fortement sur la vie politique chypriote marquée par une position sécuritaire face aux migrations internationales. L'influence croissante des contrôles migratoires de la police, le rôle des acteurs administratifs et judiciaires, ne cessent de fragiliser l'accès des demandeurs d'asile à une procédure équitable. Le délai entre le dépôt d'une demande d'asile et la première réponse des autorités, peut être de plusieurs années (cf. les entretiens, document de l'encadré ci-dessous). Le graphique (supra : évolution de la demande d'asile à Chypre de 1998 à 2007) souligne le décalage qui existe entre le nombre de demandes d'asile enregistrées et le nombre de dossiers instruits chaque année. Selon le service de l'asile (Asylum Service, sous la tutelle du ministère de l'Intérieur [31]), plus de 9 000 demandes d'asile (9 059) étaient en attente au mois de juin 2007. Cette situation est liée en partie au manque de personnel pour faire face à la demande croissante d'examen de dossier. Le (non) fonctionnement du service de l'asile participe à un processus de mise à l'écart des demandeurs d'asile. De nombreux exilés sont soumis à l'épreuve du temps, temps long qui les dissuade de rester, mais pour aller où ? Aller dans un autre pays de l'UE est quasi impossible car les contrôles migratoires subsistent. Ainsi l'État ne garantit plus le droit d'asile mais en limite plutôt l'exercice.

Histoires de vie de demandeurs d'asile dans la partie méridionale de Chypre (document)

Témoignages recueillis par O. Clochard dans le cadre de l'étude STEPS, consulting social réalisé à la demande de la commission des Libertés civiles, de la Justice et des Affaires intérieures (LIBE) du Parlement européen, décembre 2007 www.europarl.europa.eu/activities/.../49

De plus tous les requérants ne bénéficient pas de l'aide sociale prévue par la loi et distribuée par le Welfare Office au cours de la première année. Selon un employé, cette pratique est liée à l'absence de moyens financiers et elle conduit à des pratiques qui relèvent de l'arbitraire. Celles et ceux qui n'obtiennent pas ces aides travaillent au noir ou plus rarement dans le secteur de l'agriculture, le seul métier que la loi leur permet de pratiquer. Or ces emplois ne sont pas adaptés à des familles dont le père est parfois absent, et leur caractère saisonnier ne suffit pas à subvenir aux principaux besoins des étrangers (logement, alimentation).

En conséquence les demandeurs d'asile, mais aussi les immigrés sans papiers (déboutés, migrants clandestins), constituent une main d'œuvre peu exigeante et qui est disponible pour occuper des emplois, alors non déclarés, dans la restauration, les activités liées au tourisme (Limassol, le plus important centre touristique de l'île, Paphos et d'autres zones touristiques du littoral), les services domestiques, les services portuaires de la marine marchande (Limassol, Larnaka, respectivement premier et deuxième port de l'île).

Le seul centre d'hébergement ouvert pour demandeurs d'asile, d'une capacité de 70 personnes environ, est situé à Kofinou (voir la carte ci-dessous). À 4 km du village, 2 km de l'arrêt de bus, les requérants y accèdent la plupart du temps à pied par une petite route : cette situation souligne la mise à l'écart à laquelle ils sont confrontés. Les centres fermés, le centre de rétention administrative situé dans l'enceinte de la prison de Nicosie (Block Ten), en bordure de la ligne verte, et les commissariats de Limassol et de Larnaka où sont maintenus les étrangers sans papiers, sont d'une grande vétusté, ils sont surpeuplés et les conditions matérielles et d'hygiène y sont très mauvaises.

Camps de détention, centres ouverts et zones de transit à Chypre en 2007 : études et enquêtes du Parlement européen

Au cours des années 2007 et 2008 des études et enquêtes de la commission des Libertés civiles, de la Justice et des Affaires intérieures (LIBE) du Parlement européen se sont intéressées à la République de Chypre :

  • l'étude STEPS de consulting social (décembre 2007) sur les "conditions des ressortissants de pays tiers retenus dans des centres (camps de détention, centres ouverts, ainsi que des zones de transit), avec une attention particulière portée aux services et moyens en faveurs des personnes aux besoins spécifiques au sein des 25 États membres de l'Union Européenne." www.europarl.europa.eu/activities/.../49
  • des visites de centres fermés pour immigrants et demandeurs d'asile dans les différents pays de l'UE pour en connaître les conditions d'accueil et vérifier que les normes communautaires sont effectivement appliquées dans les États membres. La délégation de la commission LIBE a remis son rapport le 11 juillet 2008 (visite à Chypre en mai 2008, rapporteur : J. Plasschaert). www.europarl.europa.eu/.../738723fr.pdf
  • Ces audits permettent de préciser la situation officielle de l'exercice du droit d'asile en République de Chypre.

 

De la requête à l'asile

Il en ressort qu'à l'issue d'un entretien avec le demandeur un rapport et une évaluation sont transmis aux services de l'asile. En retour, à réception d'une lettre dite "de confirmation", le demandeur d'asile doit introduire, gratuitement, une demande de livret d'étranger et de permis de séjour temporaire. En outre, il doit se soumettre à un examen médical dans les trois jours qui suivent la réception de la "lettre de confirmation". Si la décision est positive, il reçoit une lettre de reconnaissance qui confirme le statut qui lui a été accordé (statut de réfugié, protection subsidiaire ou permis de séjour pour raisons humanitaires). En cas de décision négative, le demandeur reçoit une lettre justificative et il a le droit de faire appel.

En attendant la décision finale concernant sa demande d'asile, le requérant a le droit de : rester à Chypre et y circuler librement ; chercher un travail dans l'agriculture et l'élevage, au bout de six mois seulement ; recevoir une aide publique par l'intermédiaire du bureau de la sécurité sociale en présentant sa "lettre de confirmation" ; recevoir des soins médicaux gratuits, en fonction de ses revenus ; recevoir un enseignement, pour les enfants non accompagnés ou les enfants mineurs de demandeurs d'asile.

Aux termes de la loi sur les réfugiés (article 7), le demandeur d'asile qui a détruit ou jeté ses documents d'identité et/ou de voyage ou qui a utilisé de faux papiers, peut être placé en rétention par décision judiciaire pendant 32 jours au maximum. Pour ceux dont la demande a été rejetée par les services d'asile puis par l'autorité de révision, une décision d'expulsion peut être prise et la rétention, de 32 jours maximum, est alors possible. Passés les 32 jours, le demandeur d'asile doit être libéré. Aux termes de la loi et en vertu de la jurisprudence, la rétention est également possible sur la base des décisions d'expulsion et de rétention prises par le directeur de l'état civil et du département de la migration lorsque la personne concernée a été précédemment un immigré illégal interdit et/ou au cas où elle a été condamnée à une peine d'emprisonnement pour une infraction pénale. La détention d'un immigrant ainsi "non désiré", sur la base d'une décision d'expulsion et de rétention, est illimitée.

Les lieux de l'accueil et de la rétention / détention

La République de Chypre dispose de différents lieux destinés à l'accueil ou à la détention des ressortissants de pays tiers à l'UE :

  • le centre d'accueil de Kofinou, centre ouvert pour les familles et les femmes ayant déposé une demande d'asile,
  • le centre de détention administrative de Block Ten, centre fermé où sont maintenus les hommes étrangers, sans titre de séjour, et des demandeurs d'asile déboutés,
  • le centre de transit de l'aéroport de Larnaka, centre fermé où sont maintenus temporairement (quelques heures selon la police) les étrangers en instance d'expulsion et les étrangers arrivant sur le territoire sans titre de séjour valide,
  • enfin, les commissariats de police chypriotes, ceux de Limassol ou de Lakatamia par exemple, peuvent aussi retenir un grand nombre de sans-papiers et assurer la fonction de centre de détention administrative.

 

Une galerie photographique

(accès à Flickr en lien externe)

Source : Flickr, les centres pour migrants à Chypre (Cyprus, migrants' centres)

www.flickr.com/photos/clarecita1/.../429

Synthèse et conception de l'encadré : S. Tabarly

La durée maximale de détention n'est pas déterminée par la loi dans les centres fermés. Ainsi, en juin 2007, Karimi Hamed, de nationalité iranienne, était maintenu dans le centre de rétention administrative de Chypre depuis 29 mois. Il avait d'abord passé neuf mois dans le commissariat de police de Legavidos, en conséquence son entrée dans le centre de Block Ten remontait à juillet 2005. Osman Kane, de nationalité sierra léonaise, était dans le centre depuis 28 mois, les autorités chypriotes ayant tenté de l'expulser à deux reprises, en décembre 2004 et en en juin 2005. Et dans ces trois lieux destinés à accueillir spécifiquement des étrangers des pays tiers à l'UE, de graves problèmes persistent : manque de soins médicaux, de services, de conseil ou d'interprètes, comme en témoignent les rapports de visite effectué par la Cimade en 2007 (Clochard, 2007) ou ceux des parlementaires européens en 2008 (encadré ci-dessus).

Conclusion

Avec l'intégration d'une partie de l'île dans l'Union européenne en 2004, de nombreux ressortissants de pays tiers ont pensé que Chypre allait pouvoir leur offrir de meilleures conditions de vie et d'accès aux territoires de l'Union. Mais le gouvernement chypriote peine à établir la politique d'asile et d'immigration dont il a la charge. L'environnement européen ne conduit pas à de réelles avancées dans ce domaine en maintenant un grand nombre de ressortissants issus de pays tiers dans des conditions de vie médiocres [32]. La connexion d'une partie de Chypre à l'Europe des 27 a non seulement repoussé les frontières extérieures de l'Union européenne vers un grand nombre de pays tiers ; mais elle a aussi conduit la ligne de démarcation dans une situation singulière dans le sens où la zone tampon qui sépare Chypre en deux parties n'est pas officiellement considérée comme une frontière extérieure de l'Union européenne et doit en même temps faire l'objet de contrôles semblables à ceux établis ailleurs autour de l'Europe. Le cas de la Turquie dont la candidature à l'Union européenne fait l'objet de nombreux débats (parfois hostiles) parmi les États membres, pourrait dans un avenir proche, ralentir à son tour le processus d'unification de l'île ; car la Turquie pourrait demander en contrepartie de son soutien à l'unification de l'île que l'Union européenne assouplisse certaines exigences relatives à son processus d'intégration européenne.

 


Notes et références

[1] Olivier Clochard, docteur en géographie, chercheur associé à Migrations internationales, espaces et sociétés (Migrinter), CNRS, université de Poitiers.
Thèse soutenue en 2007 sous la direction d'Emmanuel Ma Mung : Le jeu des frontières dans l'accès au statut de réfugié : une géographie des politiques européennes d'asile et d'immigration.

Parmi ses publications :

  • "The maritime border of Europe: upstream migratory controls" in Brunet-Jailly Emmanuel (2007) Borderlands, Ottawa, University of Ottawa Press, p.19-40, 2007
  • "Les réfugiés dans le monde entre protection et illégalité", EchoGéo, n°2, 2007http://echogeo.revues.org/index1696.html
  • “Le jeu permanent des frontières dans le processus de mise à l'écart des “réfugiés” dans Bouquet Christian et Velasco-Graciet Hélène, Regards géopolitiques sur les frontières, Paris, L'Harmattan (collection Géographie et Culture) p. 79-96, 2007
  • La Méditerranée, dernière frontière avant l'Europe, Cahiers d'outre-mer, 2003  http://com.revues.org/document862.html.


Cette page peut aussi être mise en relation avec, sur Géoconfluences :

 
[2] La région d'Evros est située dans la seule partie continentale qui sépare la Grèce de la Turquie (Thrace).

[3] Les accords de Zurich (1959) relatifs à la question chypriote et auxquels prirent part la Grande Bretagne, la Grèce et la Turquie, aboutirent à la reconnaissance de la république de Chypre composée de deux communautés distinctes et associée au Commonwealth.

[4] Invoquant les accords de Zurich, la Turquie estime que les intérêts de la communauté turque de l'île sont menacés et décide d'intervenir militairement en août 1974, envahissant le quart nord de Nicosie et le tiers nord de l'île.

[5] La Force des Nations unies chargée du maintien de la paix à Chypre (UNFICYP pour United Nations Peacekeeping Force in Cyprus) avait été créée dès mars 1964 afin de prévenir les affrontements entre les communautés grecque et turque. Pour plus de précisions, voir la résolution 186 (1964) du Conseil de sécurité des Nations Unies : www.un.org/french/peace/peace/cu_mission/unficyp/unficyp.htm
À la suite de l'intervention militaire turque de 1974, le Conseil de sécurité de l'ONU a élargi le mandat de l'UNFICYP en lui attribuant la surveillance de la zone tampon démilitarisée établie autour de la ligne verte.

[6] Les Chypriotes turcs l'appellent également ligne Attila. Cette zone tampon qui représente près de 3% de la superficie de l'île est large de 20 mètres (milieu urbain) à 7 kilomètres selon les endroits.

[7] Le PNB par habitant est quatre fois moins élevé dans la partie nord de l'île que dans la partie sud (source : www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/chypre/chypre.shtml ).

[8] Les sièges sociaux des sociétés offshore sont implantés dans des lieux qui leur permettent d'échapper aux législations nationales contraignantes en termes de fiscalité, de règles de sécurité ou d'embauche de main-d'œuvre. Ces lieux sont souvent de nature insulaire ou littorale.

[9] La base de Dhekelia qui s'étend du rivage à la ligne de démarcation sépare la région des Kokkinokhoria du reste de Chypre (Koumides, 1980).

[10] Entre avril 2003 et mai 2007, les points de passage de Ledra, Ayios Dometios / Metehan, Pergamos et Strovilia ont enregistré 13 millions de passages, sans compter les passages effectués à Pergamos depuis le 1er septembre 2006, date à laquelle la partie chypriote turque a cessé de publier les statistiques sur ce poste) / Source : Rapports du Secrétaire général sur la Force des Nations Unies chargée du maintien de la paix à Chypre (www.un.org/french/peace/peace/cu_mission/unficyp/drp.htm ).

[11] Selon le document intitulé "Background on Schengen enlargement" datant du 31 mars 2008, Chypre doit toujours passer par un comité d'évaluation avant d'adhérer à l'espace Schengen. Selon ce document, la date exacte de l'adhésion ne peut être envisagée à ce stade (site consulté le 2 décembre 2008)http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=MEMO/07/...

[12] Source : Rapports du Secrétaire général sur la Force des Nations Unies chargée du maintien de la paix à Chypre, www.un.org/french/peace/peace/cu_mission/unficyp/drp.htm). Au début de l'année 2008, un sixième point de passage piétonnier a été ouvert dans le centre de Nicosie (rue Ledra). http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/GEN/N08/356/17/PDF/N0835617.pdf?OpenElement

[13] "Comment contrôler une frontière qui n'existe pas ?", Courrier International, n°891, p.18, 2007.

[14] Règlement (CE) n° 866/2004 du Conseil du 29 avril 2004 concernant un régime en application de l'article 2 du protocole n° 10 de l'acte d'adhésion de 2003. En droit, toute l'île de Chypre est entrée dans l'Union européenne en tant qu'État membre à partir du 1er mai 2004. L'application de l'acquis dans la partie nord de l'île est cependant suspendue jusqu'à ce que le Conseil, statuant à l'unanimité sur la base d'une proposition de la Commission, en décide autrement. En pratique, la partie administrée par la République turque de Chypre Nord est écartée des bénéfices des retombées de l'adhésion.

Un règlement sur le franchissement par les personnes, les biens et les services, de la ligne "verte" de démarcation, non assimilable à une frontière extérieure de l'Union européenne, est entré en vigueur le 1er mai 2004. http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/site/fr/oj/2004/l_161/l_16120040430fr01280143.pdf

[15] Dont une partie des résultats a été publiée dans un article de Marianna Pissa, Cyprus Mail, 2008, www.cyprus-mail.com/news/main.php?id=38632&cat_id=1

[16] Cyprus Mail 2008, www.cyprus-mail.com/news/main.php?id=38435&cat_id=1  
Voir aussi, dans ce dossier : L'Europe, une "forteresse" ? Le rôle de l'agence Frontex

[17] Perspective monde, Université de Sherbrooke (Québec, Canada) http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/statistiques/2

[18] Le programme de La Haye est un programme européen de cinq ans (2005-2010) qui vise à renforcer la coopération entre les États de l'Union dans les domaines de la justice et des affaires intérieures ; l'objectif étant d'établir un "Espace de liberté, de sécurité et de justice". Il doit notamment permettre aux États membres de l'UE de se doter d'une politique d'asile et d'immigration commune.

[19] Voir le glossaire du dossier suivant (nouvelle fenêtre) : Territoires européens : régions, États, Union (entrée "Voisinage, Politique européenne de -")

[20] Une dépêche de l'AFP, Nicosie le 24 septembre 2007 : "Les autorités chypriotes ont demandé lundi à Damas des explications sur la liaison maritime inaugurée samedi entre la Syrie et la République turque de Chypre du nord (RTCN, reconnue uniquement par la Turquie) qu'elles estiment illégale. L'ouverture de cette liaison maritime est illégale, le port de Famagouste (nord-est) étant un "point d'accès fermé" vers et depuis la République de Chypre depuis que l'île est coupée en deux, a indiqué le ministre des Affaires étrangères par intérim, Photis Photiou, lors d'une rencontre avec le chargé d'affaires syrien Nader Nader.

La RTCN a inauguré samedi une liaison par ferry avec la Syrie qui devrait être ouverte au public en octobre. "Nous pensons qu'il est inacceptable qu'un gouvernement, spécialement ami comme la Syrie, signe des accords avec un régime d'occupation", a ajouté M. Photiou, estimant que la signature d'un tel accord serait perçu comme "un acte inamical" par Chypre. Il a demandé à Damas de communiquer sa position officielle sur cette question, ce que la Syrie devrait faire dans la journée, selon lui. Une croisière promotionnelle a été organisée samedi entre le port de Famagouste et celui de Lattaquié, en Syrie. Des liaisons régulières sont prévues à partir d'octobre entre ces deux cités portuaires, distantes de moins de 200 kilomètres. Cette liaison avait pour la première fois été ouverte aux passagers en 1978 mais n'avait été assurée que pendant un an." (Copyright AFP) : www.marine-marchande.com/info-en-direct-1847.htm
Le ferry opère une fois par semaine selon les informations du 28 novembre 2008 : www.ferrylines.com/fr/ferries/pays-de-destination/Chipre%20nord/

[21] Christou Jean, "Georgia pulls brakes on controversial Syrian ferry", Cyprus Mail du 8 janvier 2008. Suite à un incident technique au début du mois de janvier 2008, la liaison maritime a été interrompue pendant plusieurs semaines. De leurs côtés, les autorités géorgiennes auraient donné leur consentement auprès du gouvernement chypriote grec pour arrêter prochainement la ligne. Pour plus d'informations voir l'article à l'adresse : www.cyprus-mail.com/news/main.php?id=36870&cat_id=1  )

[22] The Financial Mirror du 2 juin 2008, "Cyprus ready to cooperate with Turkey to curb illegal immigration" www.financialmirror.com/more_news.php?id=11391&nt=Politics (consulté le 2 juin 2008).

[23] Rappelons que la partie Nord s'est prononcée majoritairement pour la réunification de l'île en avril 2004 espérant ainsi entrer dans l'Union européenne.

[24] Le nombre de réfugiés irakiens en Syrie est estimé à la fin de l'année 2007, à plus d'un million deux cents milles personnes (source : Kamel Doraï / Chercheur Cnrs à l'Ifpo de Damas)
www.ifporient.org/spip.php?auteur213

[25] Au bout de 35 années d'occupation turque, la partie nord de l'île a profondément évolué. Environ 50 000 colons et des milliers de travailleurs immigrés turcs, souvent d'origine anatolienne (ce qui explique souvent les toponymes attribués par la Turquie aux localités), sont venus s'y installer et y travailler. www.unhcr.org/refworld/country,,,,CYP,,487ca238a0,0.html

[26] Commission des Affaires étrangères du 29 octobre 2002 www.assemblee-nationale.fr/12/cr-cafe/02-03/c0203007.asp (consulté le 2 décembre 2008)

[27] Dans la partie septentrionale de l'île, la loi sur l'octroi du statut de réfugié (Refugee Law) est entrée en vigueur le 31 janvier 2000 et ses règlements ont été adoptés en février 2001. Quelques dispositions de la loi ont été modifiées en février 2002 afin que la législation relative à l'accueil des demandeurs d'asile et des réfugiés soit conforme aux règlements européens.
L'article 12 du droit des réfugiés précise douze motifs (demande d'asile manifestement infondée, pays tiers sûrs…etc.) pour lesquels une demande d'asile peut être rejetée. Et les étrangers dont la demande d'asile est considérée comme manifestement infondée, ne peuvent pas établir de recours contre cette décision administrative.
Les étrangers peuvent déposer leur demande d'asile dans un poste de police mais plusieurs situations constatées par l'UNHCR et l'association KISA attestent que des demandeurs d'asile ont pu rencontrer d'importantes difficultés pour faire enregistrer leur demande.

Pour compléter : www.cimade.org/uploads/File/admin/Rappor_Chypre.pdf
www.unhcr.org/refworld/publisher,NATLEGBOD,,CYP,3dde6ec17,0.html

[28] Les données sont disponibles sur le site du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (www.unhcr.org/country/cyp.html ).

[29] Par exemple pour l'année 2004, l'Autriche a enregistré 24 634 demandeurs d'asile et reconnu le statut de réfugié à 4 785 personnes ; les chiffres pour le Danemark sont de 3 235 demandeurs d'asile et 1 045 réfugiés (source : UNHCR).

[30] Les données chiffrées sur ces arrivées, mentionnées à deux reprises lors des entretiens que nous avons menés au cours de l'année 2007 à Chypre (étude STEPS) manquent à ce jour.

[31] Service de l'asile (Asylum Service) du ministère de l'Intérieur de la République de Chypre www.moi.gov.cy/MOI/asylum/Asylum.nsf/DMLindex_en/DMLindex_en?OpenDocument

[32] La directive "retour" adoptée par l'UE le 18 juin 2008 précise que la durée maximale du maintien des étrangers en rétention est désormais de 18 mois.


Références bibliographiques

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  • Bethemont Jacques - "La Méditerranée en partage", La Documentation photographique, n° 8039, 64 p., 2004
  • Blanc Pierre - La déchirure chypriote : géopolitique d'une île divisée, Paris, L'Harmattan, 287 p., 2000
  • Billard Annick - Chypre, 10 ans après, Réfugiés, n°8, pp. 9-10, 1984
  • Clochard Olivier - Conditions des ressortissants de pays tiers retenus dans des centres (camps de détention, centres ouverts, ainsi que des zones de transit), avec une attention particulière portée aux services et moyens en faveurs des personnes aux besoins spécifiques au sein des 25 États membres de l'Union Européenne. Rapport de visite à Chypre, STEP Consulting Social et la Cimade, 25 p. disponible à l'adresse Internet www.cimade.org/uploads/File/admin/Rappor_Chypre.pdf, 2007
  • Chiclet Christophe - "Chypre : les enjeux européens d'un conflit gréco-turc", Questions internationales, n°12, pp. 87-91, 2005
  • Davie Michael F. - Cyprus : Haven and Stepping-Stone for Lebanese Migrants and Emigrants, in - Hourani Albert & Shehadi Nadim, The lebanese in the world, A century of emigration, London, Centre for Libanese Studies, pp. 627-650, 1992
  • Miossec Jean-Marie - Les îles in Bethemont Jacques, Le monde méditerranéen : thèmes et problème géographiques, Paris, Sedes, pp. 63-83, 2001
  • Papasavva Anna - L'immigration à Chypre : découverte du problème ou procrastination ? Revue Outre-Terre, n°17, pp. 231-237, 2006
  • Richarte Marie-Pierre - "La Ligne Verte du partage de Chypre", International Political Science Review, Vol. 17, n° 1, pp. 55-66(1996). Sources : La partition de Chypre : étude géopolitique en Méditerranée orientale, Marie-Pierre Richarte, thèse de doctorat, Paris IV, 1995
  • Gildas Simon - Migrants et migrations du monde, La documentation photographique, n° 8063, mai-juin 2008
  • Wihtol de Wenden Catherine - Atlas des migrations dans le monde. Réfugiés et migrants volontaires, Editions Autrement, collection Atlas/Monde, 2005

Quelques ressources en ligne

Sur Géoconfluences
Expertises, recherches
Dans le cadre de l'Union européenne
Dans le cadre onusien
Autres, divers (ONG, médias...)

 

 

Olivier CLOCHARD
Chercheur associé à
 Migrations internationales, espaces et sociétés (Migrinter), CNRS, université de Poitiers

 

 

Pour Géoconfluences, le 17 décembre 2008. 
Compléments documentaires (encadrés), réalisation, mise en page web : Sylviane Tabarly, ENS de Lyon / DGESCO

Pour citer cet article :

Olivier Clochard, « Jeux de frontières à Chypre :  quels impacts sur les flux migratoires en Méditerranée orientale ? », Géoconfluences, décembre 2008.
URL : http://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/typespace/frontier/FrontScient8.htm

Pour citer cet article :  

Olivier Clochard, « Jeux de frontières à Chypre : quels impacts sur les flux migratoires en Méditerranée orientale ? », Géoconfluences, décembre 2008.
https://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/typespace/frontier/FrontScient8.htm