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Risques et sociétés

Risques, incertitudes et précaution : la planète des Organismes génétiquement modifiés (OGM)

Publié le 13/05/2005
Auteur(s) : Sylviane Tabarly, professeure agrégée de géographie, responsable éditoriale de Géoconfluences de 2002 à 2012 - Dgesco et École normale supérieure de Lyon

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Les progrès fantastiques des biotechnologies au cours des dernières décennies permettent à l'homme de modifier génétiquement tous les organismes vivants, animaux ou végétaux, en intervenant directement sur l'ADN des cellules reproductrices. Ces modifications sont transmises à la descendance. Une directive de l'UE définit un OGM comme "un organisme dont le matériel génétique a été modifié d'une manière qui ne s'effectue pas naturellement par multiplication et/ou par recombinaison naturelle".

Les multiples applications, effectives ou potentielles, de ces biotechnologies, dans les domaines de la santé, de l'agriculture et de l'alimentation notamment, nourrissent, tout à la fois, espoirs et craintes. Les OGM représentent un volet important des discussions relatives au principe de précaution. Il ne s'agit pas d'aborder ici les dimensions proprement scientifiques du débat sur les OGM, d'autres sites experts le font (voir la sélection de ressources ci-dessous), mais plutôt de dresser un panorama de la "planète OGM" en 2004.

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La biologie moléculaire, qui a donné naissance aux OGM, est née en 1953 avec la découverte de la structure de l'ADN. Les premières bactéries génétiquement modifiées en laboratoire le furent en Californie en 1972 (Paul Berg et son équipe). Les premières plantes OGM furent des plants de tabac dotés d'un gène de résistance à un antibiotique, créés en Belgique en 1983. Les OGM commercialisés sont en général obtenus par les jeux de construction d'ADN relativement court. Cette construction est considérée comme une invention brevetable, et le brevet s'applique lorsque l'être vivant se reproduit lui-même. L'enjeu économique devient alors considérable.

Le développement des cultures transgéniques est rapide, les logiques spatiales en sont originales. Sur la scène internationale, les enjeux géopolitiques et géoéconomiques sont considérables compte tenu des distorsions, en termes de concurrence et d'avantages comparatifs, que les différences législatives et réglementaires font apparaître : entre Europe et États-Unis, entre pays du Nord et du Sud, entre pays membres d'ensembles régionaux (Amérique du Sud par exemple), entre pays producteurs et pays consommateurs.
Certains exemples montrent à quel point la situation est mouvante à l'échelle internationale. Ainsi, au Brésil, l'État du Rio Grande do Sul est devenu le principal producteur de soja transgénique du pays. En 2003, le gouvernement Lula a successivement autorisé la vente de soja transgénique puis sa culture, alors que l'opposition aux OGM faisait partie de son programme de campagne.

Les cultures transgéniques dans le monde

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De manière pragmatique, il prend ainsi acte de la culture clandestine du soja transgénique (depuis 1997 environ), à partir de semences importées illégalement d'Argentine ou du Paraguay. Le taux réel d'OGM dans le soja brésilien dépasserait ainsi les 25% en 2004. Le Brésil était, en 2003, le 2e producteur mondial de soja (27,2% de la production mondiale) ce qui représentait 13% des exportations brésiliennes en 2003, en direction de l'UE et de la Chine notamment. La levée de l'interdiction des cultures OGM pourrait poser des problèmes pour certains flux d'exportation, vers l'UE par exemple, le Brésil ne pouvant plus jouer sur sa qualification non-OGM, pour laquelle les pays européens acceptent de payer plus cher certaines productions.

La République populaire de Chine, de son côté, se soucie peu de savoir si le soja qu'elle produit ou importe contient ou non des OGM. La croissance de la production et de la consommation d'OGM dans le pays est très rapide. (Cf. Daniel Vernet - Libres OGM - Le Monde Horizons du 25 novembre 2003).

Les caractères transgéniques des OGM végétaux cultivés actuellement dans le monde portent sur : la tolérance à un herbicide pour 75% ; la production d'un insecticide pour 25% ; les deux à la fois pour 8%.

Les principaux types d'OGM cultivés dans le monde

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Les végétaux fournissent la grande majorité des OGM dans l'environnement. En superficie, il s'agit, principalement, en 2004, à 59,8% de soja, 23,8% de maïs, 11% de coton, 5,3% de colza. Mais d'autres cultures devraient être concernées à court ou moyen terme, et se développer plus ou moins vite : le riz, la papaye par exemple.

Par exemple, un riz transgénique enrichi en bêta-carotène (un précurseur de la vitamine A) a été conçu par les chercheurs Ingo Potrykus (Suisse) et Peter Beyer (Allemagne). On peut penser qu'il puisse contribuer à pallier les carences en vitamine A (facteur de cécité par exemple) dans des pays où sévit la malnutrition. Ce serait alors la première application commercialisée de la transgénèse végétale dans le domaine des "aliments - médicaments" OGM. La couleur jaune foncé de ce riz lui a valu le nom de Golden rice ou riz doré.

Sur l'évolution et l'état des cultures OGM aux États-Unis, voir la page et les documents (texte, graphiques et cartes) proposés par la Maison de l'agriculture de l'Aisne :www.agri02.com/pages/Dossier/dossier_detail.php?IdD=322

À télécharger en .pdf, CulturesOGM aux États-Unis : le point en 2004 :www.agri02.com/_Documents/Telecharge/ogm.pdf?SSID=...

Résumé : "Les premières variétés OGM commerciales ont été diffusées en 1996. Les agriculteurs américains sont de loin ceux qui ont le plus adopté ces cultures dans le monde (63 % des surfaces totales en 2003). De 1996 à 2003, la surface OGM aux États-Unis a été multipliée par 28,5 (dans le même temps la surface mondiale de cultures commerciales d'OGM a été multipliée par 39). Les variétés OGM cultivées aux États-Unis sont le maïs, le coton, le soja, le colza, et la papaye."

 

La difficulté à trouver des zones agricoles exemptes d'OGM dans le monde s'accroît donc chaque jour. Les fournisseurs de produits non OGM devront s'assurer à chaque étape que la matière achetée et utilisée est garantie sans OGM, soit par le biais de tests onéreux, soit en contrôlant toute la filière, de la semence jusqu'à la livraison des produits agricoles. D'après une étude du cabinet de conseil bruxellois Arcadia International, les grandes firmes agro-alimentaires seraient bénéficiaires de l'organisation de la filière non OGM. En revanche, les petites ou moyennes entreprises agricoles des pays producteurs seraient pénalisées par les surcoûts qui pèsent essentiellement en amont de la chaîne. L'organisation de filières garanties sans OGM pourrait, paradoxalement, donner un avantage aux grands opérateurs internationaux comme, par exemple, les américains Cargill ou Adem : ils sont en mesure de dédier quelques silos au stockage sélectif et d'organiser des filières d'exportation de produits sans OGM ; ils peuvent en faire pousser les quantités suffisantes en étant assurés de la qualité car ils travaillent déjà avec des agriculteurs sous contrat ; enfin, ils ont les moyens de s'assurer contre le risque de dissémination fortuite.

Les problèmes législatifs et réglementaires se situent à plusieurs niveaux :

  • celui des modalités de la mise sur le marché de produits qui peuvent être importés,
  • celui de la production en plein champ elle-même,
  • celui de l'expérimentation et de ses modalités.

 

À l'heure actuelle, les réponses de l'UE consistent à se doter d'un dispositif légistlatif s'efforçant d'assurer rigueur et transparence dans la circultation des OGM, en garantissant un étiquetage clair et une traçabilité contrôlée.

En 1999, sept pays européens (France, Belgique, Luxembourg, Autriche, Italie, Grèce, Danemark) imposaient un moratoire de fait sur l'autorisation de mise sur le marché de nouvelles plantes génétiquement modifiées, tant que l'UE ne disposerait pas d'une législation complète sur l'étiquetage et la traçabilité des OGM. La Commission a décidé de seuils d'étiquetage des aliments destinés aux humains et aux animaux contenant des OGM au delà de 0,9% de composés transgéniques. Le moratoire a été levé en 2004 et divers OGM (variétés de maïs, soja, colza, coton) sont autorisés, au terme de procédures longues et complexes, à l'importation et à la culture.

Le 4 février 2005, 20 régions européennes (dont cinq françaises : Aquitaine, Bretagne, Ile-de-France, Poitou-Charentes et Limousin) signaient, à Florence, une "Charte des régions et des autorités locales d'Europe sur la coexistence entre les OGM et les cultures traditionnelles et biologiques".

À ce stade, si les OGM sont peu présents directement dans les aliments proposés à la consommation humaine, ils le sont beaucoup plus largement dans l'alimentation animale.

En France, une mission parlementaire a été constituée pour étudier, initialement, les "conséquences environnementales et sanitaires des autorisations d'essais OGM" puis les "enjeux des essais et l'utilisation des OGM". Son dernier rapport, remis le 14 avril 2005, propose une "stratégie du pas à pas". Il présente une vision positive des OGM mais propose d'encadrer plus strictement les expérimentations en plein champ. Il tente de trouver des solutions au départ des équipes de recherche scientifique à l'étranger.

Quelques premiers litiges et procès mettent en jeu les principaux acteurs des filières des OGM. Ainsi, le 6 décembre 2002, le Ministère (Department) de l'agriculture américain (USDA) a infligé une amende de 3 millions de dollars à la compagnie de biotechnologie texane ProdiGene, lui reprochant d'avoir contaminé du maïs et du soja destinés à la consommation humaine avec des organismes génétiquement modifiés pour produire un vaccin animal. L'USDA s'est appuyée sur le Plant Protection Act, loi fédérale adoptée en 2000 pour encadrer la production et le transport des OGM. L'affaire a relancé le débat sur la coexistence entre les "pharmers", contraction américaine de pharmacien et agriculteurs (farmers) tentés par cette production à haute valeur ajoutée avec l'agriculture traditionnelle.

 

Quelques autres sources et ressources en ligne

Il existe de nombreux documents informatifs et scientifiques en ligne pour alimenter le débat. En voici quelques uns.

Sites experts, sites scientifiques
Sites experts et documentaires de source institutionnelle
Autres, divers

On pourra faire des recherches sur les nombreux acteurs du débat : associatifs ; semenciers des firmes agro-alimentaires (le suisse Syngenta, l'américain Monsanto par exemple) ; producteurs ; etc.

En voici une sélection très partielle :

 

Conception et mise en page web : Sylviane Tabarly

Documentation graphique et cartographique réalisée par Hervé Parmentier


Mise à jour :   13-05-2005

 

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Pour citer cet article :  

Sylviane Tabarly, « Risques, incertitudes et précaution : la planète des Organismes génétiquement modifiés (OGM) », Géoconfluences, mai 2005.
https://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/transv/Risque/RisqueDoc4.htm