La loi des rizôto et la perception du tourisme au Japon

Publié le 04/02/2011
Auteur(s) : Raphaël Languillon-Aussel, chercheur, agrégé de géographie - Université de Genève

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La loi japonaise des rizôto date de 1987. Cette loi a trois objectifs : permettre l'enrichissement des activités de loisirs, favoriser le développement économique des régions, et répondre à l'augmentation de la demande intérieure.

La loi des rizôto concerne six ministères : l'Agence de l'aménagement tout comme le ministère du Développement régional se servent de cette loi pour aménager des rizôto à grande échelle. Le ministère des Transports développe des complexes de rizôto en zones rurales. Le ministère de la Construction a pour objectif de développer des rizôto attractifs dans des zones portuaires. Le MITI (Ministry of International Trade and Industry, devenu depuis le METI, Ministry of Economy, Trade and Industry) se charge d'équiper le territoire d'installations liées aux loisirs. Le ministère de l'Agriculture s'occupe de développer des rizôto dans des villages de pêcheurs et des régions montagneuses rurales.

La Loi de 1987 prévoit des aménagements intégrés devant permettre au peuple japonais de mener une vie équilibrée et promouvant le développement des régions. Elle prévoit aussi de faciliter les activités des entrepreneurs privés engagés dans l'aménagement des rizôto (appelés dans la loi "zones récréatives d'intérêt général"), à la condition explicite que ces zones soient accessibles aux Japonais et leur offrent la possibilité de pratiquer une large variété de sports et d'activités récréatives, éducatives et culturelles dans un cadre naturel favorable. La loi des rizôto avait pour but d'aménager les zones rurales, surtout littorales et montagnardes concernées par le problème de dépeuplement. Ces deux espaces (littoral et montagne) reprennent les thématiques de rizôto les plus répandues. On distingue ainsi le kôgen rizôto (station montagnarde de villégiature), et le kaigan rizôto (station balnéaire) que l'on développe dans les deux cas suivants.

Le premier exemple concerne un kaigan rizôtô : il s'agit du rizôto de la préfecture de Mie, qui a été étudié par Kobori Iwao et Seko Yuriko. C'est le premier rizôto aménagé par la loi de 1987. Il a bénéficié de capitaux mixtes, comme Tôkyô DR : les capitaux de la préfecture de Tôkyô, et les capitaux de l'ôtemintetsu Kintetsu. On retrouve le même système de financement que celui de la Oriental Land Company (OLC, la compagnie qui possède Tôkyô DR), avec la préfecture de Chiba et l'ôtemintetsu Keisei. Le projet du rizôto s'appelle Mie Sun Belt Zone et s'inspire de ce qui a été fait dans le Languedoc-Roussillon : dans la partie sud de la préfecture, 23 municipalités ont été désignées en "région spéciale" (région éligible dans le cadre de la loi de 1987) dans laquelle ont été décidées huit Zones à aménager en priorité (ZAP) comportant des complexes touristiques. Ainsi, ont été construits des hôtels, des immeubles résidentiels, des terrains de golf, des bâtiments pour des manifestations culturelles, en plus d'un musée océanographique à Shima et d'un "village espagnol".

Le second exemple est un kôgen rizôto : il s'agit du rizôto de Karuizawa, considéré au Japon comme l'exemple-type du rizôto. Karuizawa est la première station de vacances de type occidental du pays, c'est-à-dire de type resort dans son acception anglo-américaine. C'est un lieu de villégiature (hishi-chi) pour Occidentaux qui fuient la chaleur moite des étés de Tôkyô à partir de 1885. Il connaît une première phase de construction accélérée en 1919 avec les débuts immobiliers du futur groupe Seibu (ce groupe constitue l'une des grandes ôtemintetsu de la région de Tôkyô).

Dans les années 1960, de nouvelles zones sont construites à Karuizawa, en incluant des commerces qui sont à 50% des tarento shop, boutiques vendant des objets à l'effigie d'une vedette popularisée par la télévision, un peu comme les Disney Stores qui vendent des objets à l'effigie de vedettes Disney factices. Se développent aussi à Karuizawa, dans les années 1980, des resort  club (hôtels ou complexes réservés aux membres qui ont acquitté un droit d'entrée souvent annuel), des complexes hôtels-golfs, des rizôto manshon (grands ensembles d'appartements, plus petits et discrets à Karuizawa qu'ailleurs). À la vie de villégiature qui caractérisait Karuizawa avant les années 1980, se substitue, au cours des années 1980, la resort-life qui met en avant les activités de loisirs plus que le temps du séjour touristique.

On retrouve ce concept à Tôkyô DR, qui en a fait un principe de développement : favoriser la consommation boulimique d'attractions dans un laps de temps très court (entre 1 et 3 jours) au lieu d'insister sur la durée propre à la villégiature (entre 1 et 3 semaines). Si Karuizawa était à l'origine un lieu de villégiature, c'est à présent un véritable resort, et, depuis les années 1980, un véritable rizôto. La définition juridique s'est surimposée à un développement antérieur et n'a fait qu'officialiser une évolution dans la pratique de l'espace-temps de Karuizawa.


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Raphaël Languillon-Aussel, université de Lyon (Lumière Lyon 2),

UMR 5600 "Environnement, ville, société",

pour Géoconfluences le 4 février 2011

Pour citer cet article :  

Raphaël Languillon-Aussel, « La loi des rizôto et la perception du tourisme au Japon », Géoconfluences, février 2011.
https://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/typespace/tourisme/popup/TourismeLanguillon.htm