Exode rural, migrations rurales, exode urbain
L’exode rural désigne, dans le langage courant, le départ massif de populations rurales à destination des villes, motivé par la recherche d’un travail ou de meilleures conditions de vie. L’expression a été d’abord appliqués aux pays d’Europe et d’Amérique du Nord du début de l’âge industriel jusqu’à la fin des années 1970, pour être aujourd’hui utilisée principalement dans les pays dits « en développement », que ce développement soit d’origine industrielle ou non.
Si l’expression reste d’usage commode, on lui préfère aujourd’hui celle de migration rurale, pour plusieurs raisons :
- Le terme « exode », d’origine biblique, n’est pas neutre et il est même lourdement chargé. Sa connotation est fortement négative (il a ainsi servi à désigner la fuite des civils français devant l’avancée de l’armée allemande lors de la débâcle de 1940). Or l’exode rural a été vécu par une partie des populations rurales comme un espoir, davantage que comme une défaite.
- Le terme d’exode n’est applicable qu’à des situations où les espaces ruraux ont été significativement vidés de leur population. C’est le cas par exemple dans certaines montagnes sèches des campagnes méditerranéennes. Mais d’autres campagnes ont pu être touchées par un solde migratoire négatif tout au long de l’âge industriel sans se vider pour autant, en raison d’une natalité restée longtemps élevée, par exemple dans l’Ouest de la France.
- L’expression « migration » réintègre cette forme de migration particulière, celle des ruraux vers les villes, dans le champ des études migratoires, et plus généralement dans celui de la mobilité. Ainsi, comme la plupart des migrations, la migration rurale est une circulation, qui peut comporter des étapes intermédiaires voire des retours. En France, certains migrants ayant quitté la campagne au cours des « Trente glorieuses » sont retournés y vivre à l’âge de la retraite. Au Kenya, Jean-Baptiste Lanne (2017) cite l’exemple de ruraux venus travaillés en ville qui, voyant leurs espoirs déçus, retournent au village.
L’expression a inspiré un opposé malheureux, l’exode urbain, très contestable et rarement utilisé, car le phénomène de renouveau démographique des espaces ruraux n’a presque nulle part la même ampleur que celle que le départ des ruraux vers les villes a pu avoir. Si un basculement démographique significatif a pu s’observer dans certaines campagnes, entraînant un regain de population grâce à des soldes migratoire et démographique positifs, cela n’entraîne pas de retournement dans la proportion des urbains et des ruraux dans la population totale. De plus, le jeu d’opposition entre « exode rural » et « exode urbain » masque un phénomène beaucoup plus important aujourd’hui, visible dans les pays post-industriels comme dans les pays émergents, en développement ou les plus pauvres, à savoir le dynamisme démographique des espaces périurbains.
(JBB) mai 2021, dernière modification : septembre 2024.
Pour compléter avec Géoconfluences
- Lina Le Bourgeois, « Image à la une. "El bosque humanizado" (Andalousie), un espace oléicole candidat au patrimoine mondial de l’UNESCO », Géoconfluences, décembre 2023.
- Yannis Nacef, « Trajectoires des villages désertés des vallées de la Guarga et de la Solana (Haut-Aragon, Espagne) : de l’abandon à l’émergence de communautés villageoises alternatives », Géoconfluences, septembre 2023.
- Yves Duchère, « L'État-parti et la ville. Le moment post-moderne de l'urbanisation vietnamienne », Géoconfluences, janvier 2023.
- Jean-Benoît Bouron, « Carte à la une. Des projections de la population française qui parlent surtout des tendances démographiques actuelles », Géoconfluences, janvier 2023.
- Romane Michaux et Lionel Laslaz, « Le Parc national de forêts face au dilemme de son acceptation sociale : une analyse géographique », Géoconfluences, juin 2022.
- Joseph Samba Gomis, « Quand la débrouille des habitants pallie une politique urbaine défaillante : l’extension de l’habitat informel dans l’agglomération de Ziguinchor (Sénégal) ». Géoconfluences, septembre 2021.
- Sophie Blanchard, « De l’enfermement aux migrations internationales, les mobilités des travailleuses domestiques boliviennes », Géoconfluences, avril 2019.
- Jean-Baptiste Lanne, « Portrait d’une ville par ceux qui la veillent. Les citadinités des gardiens de sécurité dans la grande métropole africaine (Nairobi, Kenya) », Géoconfluences, janvier 2017.
- Bernadette Mérenne-Schoumaker, « Les migrations environnementales : un nouvel objet d’enseignement », Géoconfluences, juillet 2020.
- Monique Poulot, Nathalie Reveyaz, « Les espaces ruraux et périurbains en France : populations, activités, mobilités », cadrage du dossier, Géoconfluences, avril-mai 2018.
- Pour une synthèse sur l’histoire de la géographie rurale en France : Pierre Cornu, « La géographie rurale française en perspective historique », Géoconfluences, avril 2018.