Ségrégation
La ségrégation désigne la séparation subie de groupes sociaux dans l'espace. On la qualifie souvent de sociospatiale pour insister sur l’idée qu’elle est le résultat de choix politiques situés dans l’espace.
La ségrégation, du latin segregare (ôter du troupeau, disjoindre), désigne à la fois :
- Un état : la séparation physique des lieux de résidence des groupes sociaux dans l’espace urbain. Le sens du mot est alors voisin de division sociale de l’espace. La ségrégation résidentielle se mesure par différents indices. L’indice de dissimilarité, défini par Beverly et Otis Dudley Duncan en 1955, compare la distribution de deux groupes à travers des unités spatiales (quartiers, unités de recensement) et mesure leur séparation spatiale de 0 (intégration complète) à 1 (ségrégation complète). L’indice d’isolement ethnique mesure de 0 à 1 la probabilité qu’un membre d’un groupe partage la même unité spatiale avec un membre de son propre groupe. La valeur varie de 0 à 1 (du moins au plus grand isolement) ;
- Un processus de mise à l’écart de groupes sociaux, résultant de stratégies spatiales concernant les lieux de résidence, mais aussi les lieux d’éducation, les lieux de travail, les lieux de loisirs, le mode de sociabilité. Cette différenciation sociospatiale peut se faire sur des bases ethniques, culturelles ou encore socio-économiques. Elle implique à la fois des mouvements subis de relégation et des mouvements choisis de l'entre-soi : un espace ségrégé peut être habité par des pauvres ou par des riches. Elle s'alimente aux lois du marché et aux politiques urbaines.
- Une perception : les représentations qu’ont les groupes sociaux vis-à-vis de l’espace urbain et des autres catégories sociales permettent de légitimer la séparation spatiale.
La ségrégation s'observe à plusieurs échelles, de l'État (bantoustans en Afrique du Sud pendant la période de l’apartheid) à l'immeuble (micro-ségrégation verticale selon l'étage). L'enclave résidentielle à l'échelle du quartier, de l'îlot ou de l'immeuble de grande hauteur est aujourd'hui un mode privilégié de développement de l'habitat dans les métropoles des pays riches et des pays émergents. Les limites des espaces ségrégués sont bien marquées dans l'espace (murs, grilles, voies de circulation, buffer zone) et dans les représentations, et l'accès en est contrôlé par des moyens de filtrage.
(MCD), juillet 2015. Dernière modification (JBB) en juillet 2018 et en juillet 2021.
Quelques exemples dans Géoconfluences
- en Afrique du Sud : Jean-François Perrat, « La Promenade de Sea Point et de Mouille Point (Le Cap, Afrique du Sud), un espace public post-apartheid ? », Géoconfluences, janvier 2023.
- en Colombie : Camille Reiss, « Téléphérique ou taxis collectifs ? Vers un désenclavement des quartiers informels de Medellín (Colombie) », Géoconfluences, mai 2021.
- au Brésil : Alice Moret, « Une "gated community low cost" au Brésil : le logement social, du droit à la ville à la distinction sociale ? », image à la une de Géoconfluences, avril 2018 ; Alice Moret, « Le logement social à Florianópolis (Brésil) : des gated communties low cost ? », Géoconfluences, 2019.
- aux États-Unis : « La fin des ghettos noirs ? Politiques de peuplement et recompositions socio-ethniques des métropoles américaines », David Giband, 2015.
- en Turquie : « Istanbul : de la mégapole à la métropole mondiale », Antoine Fleury, 2010.
- en France : « Nouveaux territoires de l'habiter en France : les enclaves résidentielles fermées », François Madoré, 2006
Pour aller plus loin
- Sylvie Fol et Julie Vallée, « Ségrégation ». MobiDic, Dictionnaire critique des mobilités [en ligne], novembre 2023.