Organiser un jeu de rôle en classe sur la "crise requin" à la Réunion
Ce jeu de rôle sur un conflit d’acteurs au lycée est basé sur un article de Géoconfluences paru en 2016 : Emmanuelle Surmont, « Peur sur les plages. Du "risque requin" à la "crise requin" à la Réunion ». Anne Le Berre propose une mise en oeuvre en classe qui utilise cet article sous forme de documents à distribuer aux élèves pour préparer leur rôle pour répondre à la problématique suivante : comment gérer le risque requin à la Réunion dans une perspective durable ?
Programmes et compétences visés
- seconde : chapitres sur les risques et les littoraux
- première : thème 3, chapitre sur les territoires ultramarins de l’UE et leur développement
- première STMG : thème 1, les territoires européens, sujet d’étude : une politique européenne d’aménagement et de développement du territoire : l’île de la Réunion
Compétences mises en œuvre : analyse d'une situation géographique, argumentation, autonomie, écoute, citoyenneté.
Proposition de mise en œuvre
1. Accroche : extrait vidéo d’un reportage sur une attaque de requin à la Réunion. On partira par exemple de la veille de Géoconfluences du 31 août 2016 : Attaque de requins à la Réunion : rejeu de la « crise requin » ?
2. Présentation d’une situation fictive entraînant une réunion de crise des différents acteurs.
3. Présentation des personnages aux élèves, choix des personnages par groupe d’élèves, choix de l’élève qui interprète le rôle dans chaque groupe. Le maire peut être épaulé par un représentant de l’État ou/et de l’Union européenne.
4. Travail de préparation du rôle avec les documents et des consignes). Durée : 1 h. L’enseignant passe dans chaque groupe pour voir la progression. Les journalistes peuvent avoir un document supplémentaire annonçant une nouvelle attaque de requin sur un surfeur (voir ci-dessous : documents pour le rôle du journaliste). Cette information est à donner en fin de débat pour relancer les interventions.
5. Jeu de rôle. durée : 15-20 min. Le journaliste commence en rappelant la situation et en présentant les différents acteurs présents, à l’aide de petites pancartes que les élèves auront préparées ; il peut conclure la réunion en faisant un bilan. Les élèves spectateurs peuvent commenter le jeu de rôle.
Matériel pour les élèves
Documents pour le rôle du surfeur
Doc. 1 : la crise requin vue par les surfeurs
La crise requin s’articule autour d’un petit groupe de surfeurs, de chasseurs et d’usagers de la mer qui dénoncent un danger global et réclament une gestion radicale du risque requin. Ils se sont mobilisés à partir de 2011 et ont formé des associations, dont les noms puisent dans le registre du risque et de l’émotion : "Océan Prévention Réunion" (OPR), "Prévention Requin Réunion" (PRR) et "Protégez nos enfants".
Selon eux, le risque requin ne concerne pas uniquement les surfeurs : il s’agit d’un problème de « santé publique » touchant l’ensemble de la communauté des baigneurs et, par extension, l’ensemble de l’île, menacée dans son principal secteur économique. Ils se présentent donc comme « lanceurs d’alerte » et construisent un discours autour de l’invasion des côtes par les requins, qui ne seraient pas à leur place dans les eaux côtières.
Les milieux des surfeurs et des chasseurs sous-marins sont proches, voire intriqués. Cependant les surfeurs apparaissent plus légitimes à s’exprimer, parce qu'ils sont les premiers concernés par les attaques et que leur activité est socialement plus consensuelle. La protection des requins leur paraît infondée, dans la mesure où ceux-ci représenteraient une « invasion biologique » du milieu et seraient en surnombre sur les côtes et anormalement « agressifs ».
Enfin, les surfeurs remettent en cause les études des car ils les considèrent comme orientées et non-neutres, dans la mesure où ces études vont dans le sens des écologistes.
Doc. 2 : les actions
Le best-seller de la protection anti-requin est sans conteste le filet. À larges mailles, il empêche le passage des gros squales et sécurise les zones de baignade. Il a été mis en place précocement sur les côtes sud-africaines et australiennes. Le filet est grandement contesté par les associations écologistes, qui dénoncent le manque de sélectivité opérée par la barrière et les dommages collatéraux pour les « prises accessoires », qui peuvent être des dauphins, des tortues ou d’autres espèces protégées.
Plus sélective, la drumline est constituée d’une ligne verticale fixe comportant un seul hameçon et un seul appât. Elle permet de pêcher sélectivement les squales. À La Réunion, les drumlines complètent le dispositif scientifique d'écoute acoustique et de caméras sous-marines visant à évaluer la fréquentation de la zone par les requins. Lorsqu'un requin mord à l'hameçon, il est soit marqué et remis à l'eau, soit prélevé.
Toute une série de dispositifs utilisant des ondes électromagnétiques ont été développés ces dernières années. Il existe différents types de barrières électromagnétiques, forme évoluée du filet. En 2014, des chercheurs belges ont présenté un système qui a été installé aux Roches Noires (St-Gilles). Suivant le même principe, le « sharkshield » est un dispositif individuel que les surfeurs peuvent fixer à leur planche.
Un certain nombre d’autres systèmes permettent non pas de repousser les requins, mais de les repérer. Un dispositif unique a été mis en place par les surfeurs au plus fort de la crise : les « vigies-requins ». Il s'agit de coordonner des groupes d’apnéistes pour sécuriser, par la surveillance et l’effarouchement, les sites nautiques. Une cinquantaine d'apnéistes assurent la sécurité des surfeurs tout autour de l'île. Sous l'eau, ils patrouillent autour des surfeurs, munis d'un répulsif et de détecteurs de balises permettant de signaler la présence d’un requin marqué. Ce dispositif spécifique à La Réunion est porté par la Ligue de surf, à laquelle s’est associé l’IRD, et soutenu par les pouvoirs publics.
Certaines municipalités de l’île envisagent également la mise en place de caméras ou de drones pour repérer les squales qui s’approcheraient trop des plages.
Source : Sportsdenature.gouv.fr, Réduction du risque requin à La Réunion : expérimentation Vigies Requins Renforcées.
Documents pour le rôle du chasseur sous-marin
Doc. 1 : la crise requin vue par les chasseurs
La crise requin s’articule autour d’un petit groupe de surfeurs, de chasseurs et d’usagers de la mer qui dénoncent un danger global et réclament une gestion radicale du risque requin. Ils se sont mobilisés à partir de 2011 et ont formé des associations, dont les noms puisent dans le registre du risque et de l’émotion : "Océan Prévention Réunion" (OPR), "Prévention Requin Réunion" (PRR) et "Protégez nos enfants".
Selon eux, le risque requin ne concerne pas uniquement les surfeurs : il s’agit d’un problème de « santé publique » touchant l’ensemble de la communauté des baigneurs et, par extension, l’ensemble de l’île, menacée dans son principal secteur économique. Ils se présentent donc comme « lanceurs d’alerte » et construisent un discours autour de l’invasion des côtes par les requins, qui ne seraient pas à leur place dans les eaux côtières.
Les milieux des surfeurs et des chasseurs sous-marins sont proches, voire intriqués. Cependant les surfeurs apparaissent plus légitimes à s’exprimer, parce qu'ils sont les premiers concernés par les attaques et que leur activité est socialement plus consensuelle. La protection des requins leur paraît infondée, dans la mesure où ceux-ci représenteraient une « invasion biologique » du milieu et seraient en surnombre sur les côtes et anormalement « agressifs ».
Doc. 2 : du bon usage des réseaux sociaux pour attaquer les mauvais requins
Au début de la crise requin en 2011 et jusqu’en 2014, les réseaux sociaux ont été le théâtre d’une intense activité des associations pro-pêche. En effet, les associations y opèrent une veille permanente. Celles des surfeurs sont particulièrement présentes et virulentes sur la toile et dans les médias pour dénoncer l’immobilisme des autorités et le dogme des discours écologistes. Ces discours sont jugés faux et déplacés, car ils seraient inadaptés au contexte très spécifique de La Réunion.
Le document ci-contre est un montage de photos circulant sur Facebook et relayé par les utilisateurs du web. Cette iconographie dénonce de manière virulente les discours écologistes, jugés utopistes. Nous avons ici l’exemple de la stigmatisation d’une idéologie globale au prétexte qu’elle ne s’applique pas dans un contexte local. À la différence de nombreux autres lieux, les eaux réunionnaises présenteraient des requins-bouledogues en « surnombre ». Ce document attaque avec violence les discours écologistes qui affirment que « les requins sont chez eux dans l’océan », en les présentant au contraire comme des « envahisseurs écologiques ». Les auteurs plaident également pour la remise en place de la chasse sous-marine dans la réserve marine ainsi que pour la sécurisation des zones de baignade et de surf par le dispositif drumline (bouée fixe à laquelle est suspendue une ligne appâtée, cf. doc 3. La réserve marine, figurée sur l’avant-dernière photographie par la bouée jaune délimitant un périmètre au sein duquel la pêche et la présence humaine sont interdites, fait l’objet d’attaques d’une rare violence. Créée en 2007, elle est accusée dans ce document d’avril 2014 d’avoir permis la prolifération des requins. Elle est aujourd’hui « innocentée », tant la reconstitution écologique de la réserve est encore limitée.
Source : copie d'écran de Facebook, avril 2014
Doc. 3 : les actions
Le best-seller de la protection anti-requin est sans conteste le filet. À larges mailles, il empêche le passage des gros squales et sécurise les zones de baignade. Il a été mis en place précocement sur les côtes sud-africaines et australiennes. Le filet est grandement contesté par les associations écologistes, qui dénoncent le manque de sélectivité opérée par la barrière et les dommages collatéraux pour les « prises accessoires », qui peuvent être des dauphins, des tortues ou d’autres espèces protégées.
Plus sélective, la drumline est constituée d’une ligne verticale fixe comportant un seul hameçon et un seul appât. Elle permet de pêcher sélectivement les squales. À La Réunion, les drumlines complètent le dispositif scientifique d'écoute acoustique et de caméras sous-marines visant à évaluer la fréquentation de la zone par les requins. Lorsqu'un requin mord à l'hameçon, il est soit marqué et remis à l'eau, soit prélevé.
Toute une série de dispositifs utilisant des ondes électromagnétiques ont été développés ces dernières années. Il existe différents types de barrières électromagnétiques, forme évoluée du filet. En 2014, des chercheurs belges ont présenté un système qui a été installé aux Roches Noires (St-Gilles). Suivant le même principe, le « sharkshield » est un dispositif individuel que les surfeurs peuvent fixer à leur planche.
Un certain nombre d’autres systèmes permettent non pas de repousser les requins, mais de les repérer. Un dispositif unique a été mis en place par les surfeurs au plus fort de la crise : les « vigies-requins ». Il s'agit de coordonner des groupes d’apnéistes pour sécuriser, par la surveillance et l’effarouchement, les sites nautiques. Une cinquantaine d'apnéistes assurent la sécurité des surfeurs tout autour de l'île. Sous l'eau, ils patrouillent autour des surfeurs, munis d'un répulsif et de détecteurs de balises permettant de signaler la présence d’un requin marqué. Ce dispositif spécifique à La Réunion est porté par la Ligue de surf et soutenu par les pouvoirs publics.
Certaines municipalités de l’île envisagent également la mise en place de caméras ou de drones pour repérer les squales qui s’approcheraient trop des plages.
Source : Sportsdenature.gouv.fr, Réduction du risque requin à La Réunion : expérimentation Vigies Requins Renforcées.
Documents pour le rôle de l'écologiste
Doc. 1 : la crise requin vue par les écologistes
Les associations écologistes ("Sea Shepherd", "Association Brigitte Bardot", "Shark Citizen"), souvent membres de groupes nationaux ou internationaux refusent la solution de la pêche des requins et demandent le strict respect de la zone marine protégée mise en place en 2007.
Enfin, les scientifiques voient leurs études remises en cause par les acteurs anti-requins qui les considèrent comme orientées et non-neutres, dans la mesure où les études menées vont dans le sens des écologistes.
Doc. 2 : l’association Shark Citizen : distinguer les bons des mauvais requins
Les associations écologistes s’opposent au discours des surfeurs.
Elles s’opposent vivement à la pêche des requins dans la mesure où les requins-tigres et bouledogues sont des espèces classées « quasi-menacées » par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Les écologistes dénoncent également le rapport égoïste que les surfeurs entretiennent avec leur environnement, s’octroyant le droit de « chasser et d’abattre » un animal qui ne fait qu'habiter son environnement naturel.
Néanmoins, l’association Shark Citizen a opéré un changement de position : de fervente défenseuse des requins, elle se rapproche progressivement du groupe des surfeurs auquel elle s’opposait initialement. Elle défend désormais une mise en place de mesures de protection, comme les filets ou les filets électromagnétiques. Depuis 2015, elle a également épousé une autre position initialement défendue par les surfeurs. Elle a commencé à considérer que la présence de requins-tigres et bouledogues si près des côtes serait une nuisance pour les requins de récifs. Ces derniers jouissent d’une image beaucoup plus positive dans l’opinion : plus petits, moins dangereux pour l’homme, ils sont compatibles avec l’image d’un récif en bonne santé.
Finalement, même pour les écologistes, tous les requins ne sont pas « fréquentables ». Seuls les requins « inoffensifs » pour l’homme ont droit de séjour dans des eaux côtières de plus en plus appropriées par la société réunionnaise.
Doc. 3 : les actions
Le best-seller de la protection anti-requin est sans conteste le filet. À larges mailles, il empêche le passage des gros squales et sécurise les zones de baignade. Il a été mis en place précocement sur les côtes sud-africaines et australiennes. Le filet est grandement contesté par les associations écologistes, qui dénoncent le manque de sélectivité opérée par la barrière et les dommages collatéraux pour les « prises accessoires », qui peuvent être des dauphins, des tortues ou d’autres espèces protégées.
Plus sélective, la drumline est constituée d’une ligne verticale fixe comportant un seul hameçon et un seul appât. Elle permet de pêcher sélectivement les squales. À La Réunion, les drumlines complètent le dispositif scientifique d'écoute acoustique et de caméras sous-marines visant à évaluer la fréquentation de la zone par les requins. Lorsqu'un requin mord à l'hameçon, il est soit marqué et remis à l'eau, soit prélevé.
Toute une série de dispositifs utilisant des ondes électromagnétiques ont été développés ces dernières années. Il existe différents types de barrières électromagnétiques, forme évoluée du filet. En 2014, des chercheurs belges ont présenté un système qui a été installé aux Roches Noires (St-Gilles). Suivant le même principe, le « sharkshield » est un dispositif individuel que les surfeurs peuvent fixer à leur planche.
Un certain nombre d’autres systèmes permettent non pas de repousser les requins, mais de les repérer. Un dispositif unique a été mis en place par les surfeurs au plus fort de la crise : les « vigies-requins ». Il s'agit de coordonner des groupes d’apnéistes pour sécuriser, par la surveillance et l’effarouchement, les sites nautiques. Une cinquantaine d'apnéistes assurent la sécurité des surfeurs tout autour de l'île. Sous l'eau, ils patrouillent autour des surfeurs, munis d'un répulsif et de détecteurs de balises permettant de signaler la présence d’un requin marqué. Ce dispositif spécifique à La Réunion est porté par la Ligue de surf, à laquelle s’est associé l’IRD, et soutenu par les pouvoirs publics.
Certaines municipalités de l’île envisagent également la mise en place de caméras ou de drones pour repérer les squales qui s’approcheraient trop des plages.
Source : Sportsdenature.gouv.fr, Réduction du risque requin à La Réunion : expérimentation Vigies Requins Renforcées.
Documents pour le rôle du scientifique
Doc. 1 : la crise requin vue par les scientifiques
Les scientifiques sont les personnes qui ont étudié un sujet de manière approfondie à l’université. Les scientifiques qui étudient les requins sont les biologistes marins. Pour confirmer leurs théories, les scientifiques réalisent des expériences et publient des articles exposant leur protocole d’expérimentation et leurs résultats. Ils sont en contact permanent avec leurs collègues : les scientifiques français à la Réunion travaillent avec des équipes australiennes ou sud-africaines.
Les scientifiques, Comme ceux du programme CHARC (Connaissances de l’écologie et de l’HAbitat de deux espèces de Requins Côtiers sur la côte Ouest de la Réunion), cf. doc 3, voient leurs études remises en cause par les acteurs anti-requins qui les considèrent comme orientées et non-neutres, dans la mesure où les études menées vont dans le sens des écologistes.
Doc. 2 : les actions
Le best-seller de la protection anti-requin est sans conteste le filet (A). À larges mailles, il empêche le passage des gros squales et sécurise les zones de baignade. Il a été mis en place précocement sur les côtes sud-africaines et australiennes. Le filet est grandement contesté par les associations écologistes, qui dénoncent le manque de sélectivité opérée par la barrière et les dommages collatéraux pour les « prises accessoires », qui peuvent être des dauphins, des tortues ou d’autres espèces protégées.
Plus sélective, la drumline (B) est constituée d’une ligne verticale fixe comportant un seul hameçon et un seul appât. Elle permet de pêcher sélectivement les squales. À La Réunion, les drumlines complètent le dispositif scientifique d'écoute acoustique et de caméras sous-marines visant à évaluer la fréquentation de la zone par les requins. Lorsqu'un requin mord à l'hameçon, il est soit marqué et remis à l'eau, soit prélevé.
Toute une série de dispositifs utilisant des ondes électromagnétiques ont été développés ces dernières années (C). Il existe différents types de barrières électromagnétiques, forme évoluée du filet. En 2014, des chercheurs belges ont présenté un système qui a été installé aux Roches Noires (St-Gilles). Suivant le même principe, le « sharkshield » est un dispositif individuel que les surfeurs peuvent fixer à leur planche (D).
Un certain nombre d’autres systèmes permettent non pas de repousser les requins, mais de les repérer. Un dispositif unique a été mis en place par les surfeurs au plus fort de la crise : les « vigies-requins » (E). Il s'agit de coordonner des groupes d’apnéistes pour sécuriser, par la surveillance et l’effarouchement, les sites nautiques. Une cinquantaine d'apnéistes assurent la sécurité des surfeurs tout autour de l'île (F). Sous l'eau, ils patrouillent autour des surfeurs, munis d'un répulsif et de détecteurs de balises permettant de signaler la présence d’un requin marqué. Ce dispositif spécifique à La Réunion est porté par la Ligue de surf, à laquelle s’est associé l’IRD (Institut de Recherche sur le Développement), et soutenu par les pouvoirs publics.
Certaines municipalités de l’île envisagent également la mise en place de caméras ou de drones pour repérer les squales qui s’approcheraient trop des plages (G).
Réalisation : E. Surmont, 2014
Doc. 3 : le projet CHARC (Connaissance de l’écologie et de l’HAbitat de deux espèces de Requins Côtiers)
C'est le principal projet scientifique sur la biologie des requins à La Réunion. Il a été lancé dans l’urgence par l’Institut de Recherche sur le Développement (IRD) en 2011. L’objectif initial du projet était de « créer un observatoire chargé de rassembler et de pérenniser » les données existantes sur les requins afin de permettre une meilleure gestion du risque requin à La Réunion. Il s'agit notamment de « restaurer la confiance et [de] soutenir les activités en lien avec le tourisme ». Il s'est appliqué à étudier les déplacements et l’habitat écologique des requins-bouledogues et tigres. Pour ce faire, il a procédé au marquage acoustique d’une centaine de requins afin d'analyser leurs déplacements et déterminer s'ils sont ou non sédentaires. Ce programme a bénéficié d’un budget de 700 000 euros, financé par l’Union européenne, le Conseil Régional de La Réunion et l’État français.
Ce programme, financé dans un contexte de crise, a suscité des attentes très fortes et de nombreuses désillusions. Ainsi, l’ensemble des acteurs socio-économiques qui en attendaient des mesures opérationnelles ont été déçus de constater que le projet se cantonnait à étudier l’écologie des requins. Le projet CHARC, qui a pris fin en février 2015, a néanmoins abouti à des résultats intéressants : les requins-bouledogues ne vivent pas en permanence dans les zones côtières, mais ils s’en rapprochent pendant les mois de mars à juin, et aussi le soir et la nuit (chasse). Certains sites (St-Gilles, Étang du Gol) semblent être des zones de reproduction, fréquentées de mars à août. Enfin, les scientifiques ont montré que la raréfaction des ressources au large entraînerait un rapprochement des requins vers les côtes.
Réalisation : E. Surmont, 2014
Documents pour le rôle des autorités locales
Doc. 1 : la crise requin vue par les autorités locales
La commune de Saint-Paul compte à elle seule plus de 50 % des attaques survenues sur l’île entre 1980 et 2015. Cette vaste commune présente un important linéaire côtier, et comprend l’aire la plus touristique de l’île autour des très populaires plages de Boucan Canot, de Saint-Gilles et de la Saline.
La gestion de la crise s’est avérée particulièrement difficile pour la mairesse de la commune de Saint-Paul, Huguette Bello, aux affaires jusqu’en 2014. Huguette Bello, ainsi que la plupart des élus créoles, a une conception « traditionnelle » des pratiques balnéaires, se limitant aux pique-niques et aux baignades dans le lagon. « Les anciens refusaient que les enfants se baignent à la mer. Ce n’est pas pour rien » dira-t-elle suite au décès de Matthieu Schiller, déclenchant les huées des surfeurs présents.
Les surfeurs sont alors renvoyés à une nécessaire acceptation d’un risque considéré comme inhérent à leur pratique sportive. Lors de sa campagne électorale pour les municipales de 2014, Huguette Bello arguait que des territoires plus grands que La Réunion, plus riches et plus anciennement touchés par cette problématique, n'étaient toujours pas parvenus à sécuriser complètement leurs plages. Dès lors, que pourrait bien faire La Réunion ?
Doc. 2 : les actions
Le best-seller de la protection anti-requin est sans conteste le filet. À larges mailles, il empêche le passage des gros squales et sécurise les zones de baignade. Il a été mis en place précocement sur les côtes sud-africaines et australiennes. Le filet est grandement contesté par les associations écologistes, qui dénoncent le manque de sélectivité opérée par la barrière et les dommages collatéraux pour les « prises accessoires », qui peuvent être des dauphins, des tortues ou d’autres espèces protégées.
Plus sélective, la drumline est constituée d’une ligne verticale fixe comportant un seul hameçon et un seul appât. Elle permet de pêcher sélectivement les squales. À La Réunion, les drumlines complètent le dispositif scientifique d'écoute acoustique et de caméras sous-marines visant à évaluer la fréquentation de la zone par les requins. Lorsqu'un requin mord à l'hameçon, il est soit marqué et remis à l'eau, soit prélevé.
Toute une série de dispositifs utilisant des ondes électromagnétiques ont été développés ces dernières années.
Un certain nombre d’autres systèmes permettent non pas de repousser les requins, mais de les repérer. Un dispositif unique a été mis en place par les surfeurs au plus fort de la crise : les « vigies-requins ». Il s'agit de coordonner des groupes d’apnéistes pour sécuriser, par la surveillance et l’effarouchement, les sites nautiques. Une cinquantaine d'apnéistes assurent la sécurité des surfeurs tout autour de l'île. Sous l'eau, ils patrouillent autour des surfeurs, munis d'un répulsif et de détecteurs de balises permettant de signaler la présence d’un requin marqué. Ce dispositif spécifique à La Réunion est porté par la Ligue de surf, à laquelle s’est associé l’IRD, et soutenu par les pouvoirs publics.
Certaines municipalités de l’île envisagent également la mise en place de caméras ou de drones pour repérer les squales qui s’approcheraient trop des plages.
Source : Sportsdenature.gouv.fr, Réduction du risque requin à La Réunion : expérimentation Vigies Requins Renforcées.
Doc. 3 : les nouveaux filets de protection : la dernière innovation
Les premiers filets anti-requins ont été mis en place à La Réunion, sur les plages de l’Étang-Salé en avril 2014. À plusieurs reprises en 2014 et 2015, ces filets ont cédé face à la houle.
Pour faire face au défi des éléments naturels, une technologie innovante de filets plus résistants, a vu le jour sur la plage de Boucan Canot puis sur le spot de surf des Roches Noires à St-Gilles durant l’hiver 2015-2016. Un filet devrait également bientôt être mis en place sur le spot de Trois-Bassins. Le filet s'étend jusqu'à 11 mètres de profondeur, du sable jusqu'au niveau de l'eau. Il est fixé au sol par des câbles horizontaux en acier, des chaînes remontent de quelques centimètres, soutenues par des flotteurs. Le filet aux mailles de 40 cm est censé être « neutre » pour l’environnement, car il ne devrait pas y avoir de prises accessoires. L'entretien du filet capable de résister à des houles de 4 mètres devrait être également beaucoup moins coûteux pour la commune que le précédent qu'il fallait retirer à chaque fois que la houle dépassait 1,50 mètre pour un coût de 8 000 euros. Le dispositif d'une longueur de 626 mètres à Boucan Canot et de 581 mètres aux Roches Noires aura coûté la somme de 3,8 millions d'euros, financée à 60 % par l’Union européenne, 20 % par le Conseil régional et 20 % par la commune de Saint-Paul. Sa maintenance est estimée à 600 000 euros par an.
Ce nouveau filet fait l’objet d’une intense communication : panneaux sur les plages et communiqués de presse sont au rendez-vous. Il s’agit très certainement de faire oublier les échecs des premiers filets, de relancer la pratique des activités nautiques et surtout de montrer que les autorités s’impliquent.
Dans la zone d'expérimentation opérationnelle (ZONEX), un filet constitué de chaînes et de cordages souples, couvrant l’intégralité de la hauteur de l’eau, est inspecté quotidiennement par des maîtres-nageurs sauveteurs et des ouvriers scaphandriers avant l’ouverture des zones de baignade et de surf.
Documents pour le rôle de commerçant
Doc. 1 : carte des attaques de requin
Cette carte croise la localisation de l’attaque et l’activité pratiquée par la victime au moment de l’attaque. Elle montre que les pratiquants de sports de glisse sont les plus vulnérables, ce qui rejoint une représentation répandue du surf, celle d’un sport à risque. Cependant, cette carte présente non des chiffres relatifs mais des chiffres bruts, indépendants du nombre de pratiquants habituellement à l’eau dans les spots concernés par les attaques. Celles-ci concernent principalement les communautés de surfeurs de l’Ouest, où la pratique était pourtant réputée « sûre ».
En 2011, afin d’endiguer ce qui commence à apparaître comme une hécatombe, les autorités prennent des mesures radicales. L’arrêté préfectoral du 26 juillet 2013 « interdit la mer » aux baigneurs et surtout aux surfeurs. Cet arrêté est toujours en vigueur sous une forme modifiée : il bannit la pratique des « activités nautiques utilisant la force motrice des vagues et la baignade en dehors des lagons ».
De plus, dans la mesure où le surf est également une activité rémunératrice, la crise requin devient une crise économique. L’intégralité de la quinzaine d’écoles de surf ferme. Les autres activités, notamment la plongée et les activités de voile sont également touchées par une baisse de fréquentation. Les commerçants à proximité des plages ouvertes sur la mer, comme Boucan Canot ou Les Roches Noires de Saint-Gilles, dénoncent une baisse conséquente de leur chiffre d’affaires depuis 2011.
Doc. 2 : mettre en scène une île à requins
Les représentations de requins se multiplient sur les marchés. Avec humour, le nouvel animal symbolique de l’île trouve sa place à côté du paille-en-queue, oiseau endémique des Mascareignes. Un petit marché de niche s’est donc développé autour du requin et de la « crise » devenue un incontournable pour les touristes. La plupart des objets ne sont pas fabriqués sur place : les objets en bois proviennent principalement de Madagascar et les vêtements de l’île Maurice. Les mâchoires de requins ne viennent pas non plus forcément de La Réunion – certaines espèces ne se trouvant pas autour de l’île.
Documents pour le rôle de journaliste
Doc. 1 : la crise requin vue par la presse
La crise requin débute en septembre 2011 avec l’attaque de Matthieu Schiller, ancien champion de France de bodyboard, sur la plage de Boucan Canot. Les conditions de cette attaque, qui a eu lieu l’après-midi, à proximité du bord, sur une plage très fréquentée, ont contribué à véhiculer l’idée que « ça aurait pu être un baigneur ». Le « mythe de l’Ouest sûr » [a] s'effondre définitivement. L’embrasement médiatique débute et le terme de « crise requin » apparaît alors dans la presse.
Doc. 2 : le mythe des Dents de la Mer
Dans la presse réunionnaise, on trouve des mentions régulières aux termes de « dents de la mer » ou de « mangeur d’hommes », qui laissent penser que le souvenir du film de Spielberg est encore vif dans la perception des événements ou, tout du moins, qu’il revient forcément à l’esprit lorsqu’une attaque a lieu.
Le film Les Dents de la mer a aussi rendu socialement acceptables les solutions « radicales » de réduction du risque, qui passent par une élimination pure et simple des prédateurs. En effet, dans le film, la solution retenue consiste en une chasse punitive contre le requin qui, ne pouvant être pêché, se retrouve dynamité. Les réactions de certains acteurs locaux semblent imprégnées de cet imaginaire et de ces solutions radicales.
Doc. 3 : taguer le requin
On peut considérer que le street art est un bon reflet de l’opinion sur les requins. D'une certaine façon s’affiche sur les murs de manière provocante et bariolée ce qui est dans les bouches et dans les têtes. Les tags représentant les requins de l’île couvrent désormais les murs, notamment à St Pierre, dans le sud de l’île.
Le tag ci-dessous a été réalisée par Jace, un des artistes de street-art les plus renommés de l’île. Seul sur son rocher, le « gouzou », petit personnagecouleur « safran métissé », emblématique de l’île est entouré d’ailerons menaçants. Ce tag mobilise plusieurs registres émotionnels et s’impose comme l’une des métaphores les plus réussies de la crise requin réunionnaise. Tremblant et perché sur son piton volcanique sans récif corallien, le gouzou est une proie facile pour les requins. L’incompréhension (symbolisée par le point d’interrogation) semble totale et le pauvre individu isolé apparaît bien démuni face à la stratégie collective des requins. S’agit-il de pointer en filigrane le manque de gestion de la situation par les autorités locales ? Se réfugier dans les Hauts de l’île serait-elle la seule stratégie à adopter ?
Source : http://aenathon.blogspot.fr
Fresque dessinée rue Amelot, Paris XIème, à l'occasion d'une exposition du street artist Jace.
Le rôle du journaliste peut permettre d'insérer un flash info pour relancer le débat, à partir de l'annonce suivante :
Annonce d'une attaque de requins
On apprend qu’une nouvelle attaque de requin a eu lieu il y a une heure sur la plage de Boucan Canot. C’est la 6e attaque à la Réunion cette année. Un requin a attaqué un jeune surfeur de 15 ans qui est grièvement blessé. Les pompiers sont intervenus très rapidement. Les autorités ont dépêché un hélicoptère. Le blessé est arrivé à l’hôpital de Saint-Paul dans un état critique.
Pour compléter :
Ressources bibliographiques
- Caïra Olivier, Jeux de rôle : les forges de la fiction, CNRS Éditions, 2007
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Mucchielli Alex, Les Jeux de rôles, PUF, Que sais-je ?, 1995
Le jeu de rôle en classe
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Ayme Yvana (coord.), « Le jeu en classe », Cahiers pédagogiques, décembre 2006, n° 448, p. 9-58.
en particulier Arnaud Michel et Serdidi Mehdï, « Un rôle pédagogique pour les jeux de rôles ? » et réponse de Pierre Madiot, Cahiers pédagogiques, n° 448, décembre 2006.
- Brusseau Lilian, La mise en place d’un jeu de rôle en classe de seconde, MEEF 2, ESPE Toulouse, 2015.
- Jarraud François, « Jeu pédagogique et éducation à la citoyenneté », entretien avec Denis Sestier, du réseau Ludus, Dossier spécial du Café pédagogique n° 93, 15 mai 2008.
- Jouneau-Sion Caroline, « Jouer au citoyen avec Google Earth », Cahiers pédagogiques, n° 460, février 2008.
- Masson-Vincent Michelle., dir. Jeu, géographie et citoyenneté. De l’école à l’université, Éditions Seli Arslan, collection L’Université pratique, 2005.
- Musset Marie et Thibert Rémi, « Quelles relations entre jeu et apprentissages à l’école ? Une question renouvelée », Dossiers d’actualité, INRP, n° 48, octobre 2009.
- Natanson Dominique et Berthou Marc, Jouer en classe en collège et en lycée, Paris, Fabert, 2013.
- Partoune Christine, Les débats en jeu de rôle, Laboratoire de Méthodologie de la Géographie, Université de Liège, 2009. Approche fondée sur la matrice CAPE (acteur collectif / arbitre / privatif / extérieur) qui peut être appliquée à la "crise requins".
- Vaufray Christine, « Le jeu en formation d'adultes, ce que nous apprend l'expérience », Thot cursus, 6 avril 2010.
Une autre démarche qui repose sur la négociation des points de vue entre acteurs :
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Genevois Sylvain, Chopin Cyrille, Du « conflit d’usage » à la négociation des points de vue entre acteurs. Réflexions didactiques sur les conditions de transférabilité du protocole ARDI en milieu scolaire, Colloque International des didactiques de l’histoire, de la géographie et de l’éducation civique, ESPÉ de Caen, 2-4 avril 2014.
Sur Eduscol
- Le débat (réglé ou argumenté), septembre 2015.
- Animer un jeu de rôle en sciences de gestion, conférence du 13 janvier 2012.
- Organiser des jeux de rôles (simulations) en milieu scolaire sur le thème de la lutte contre le changement climatique
- Jeu de rôle sur le dopage et le rapport à la loi, septembre 2015.
- Jeu de rôle sur les énergies renouvelables à Sète, Eductice, ENS de Lyon, 2009-2010.
Ressources sitographiques
- Fédération Française des Jeux de Rôle (FFJDR)
- Le Réseau Ludus : la page d'accueil du site, le blog pédago-ludique, et la page consacrée aux jeux de rôle avec les exemples de la gestion des littoraux.
Anne LE BERRE,
professeure d'histoire-géographie, lycée Albert Camus, Rillieux-la-Pape (69).
Conception et réalisation de la page web : Jean-Benoît Bouron - Géoconfluences, le 5 septembre 2016.
Pour citer cet article :
Anne Le Berre, « Organiser un jeu de rôle en classe sur la "crise requin" à la Réunion », Géoconfluences, 2016, mis en ligne le 5 septembre 2016. |
Pour citer cet article :
Anne Le Berre, « Organiser un jeu de rôle en classe sur la "crise requin" à la Réunion », Géoconfluences, septembre 2016.
https://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-thematiques/risques-et-societes/geographie-appliquee/organiser-un-jeu-de-role-requin