Balkans
Les Balkans sont une péninsule européenne comprise entre l’Adriatique à l’ouest, la mer Noire à l’est, la Grèce au sud et la vallée du Danube au nord. Les Balkans sont caractérisés par une mosaïque culturelle et religieuse héritée de l’histoire : la domination romaine, byzantine puis ottomane ont laissé des empreintes linguistiques et religieuses, se traduisant aujourd’hui par la coexistence de minorités catholiques, orthodoxes et musulmanes. C'est particulièrement le cas dans les Balkans occidentaux, c'est-à-dire l'ensemble formé par l'Albanie et les États issus de l'ancienne Yougoslavie.
Pendant la guerre froide, à l’exception de la Grèce membre de l’OTAN, les trois États balkaniques, l’Albanie, la Bulgarie et la Yougoslavie, ont des régimes communistes. Mais si la première est un satellite de l’URSS, la seconde fait partie du mouvement des non-alignés et du tiers-mondisme, dont elle est un porte-étendard. L’écroulement de l’URSS à partir de 1990 entraîne dans sa chute la Yougoslavie, qui éclate en plusieurs petits États, au nombre de sept depuis l’indépendance de fait du Kosovo en 2008. La balkanisation désigne ainsi la fragmentation d’un territoire et la multiplication des frontières, tant spatiales (entre territoires) que sociales (entre groupes ethniques). Selon Michel Foucher, 30 % du linéaire des frontières politiques du continent européen a été établi depuis 1989 : avec les États baltes, les Balkans y ont fortement contribué.
Encadré 1. Le Kosovo, État récent qui peine à faire reconnaître son existence
En 1991 la Fédération yougoslave se disloque ; Serbes, Croates et Bosniaques s'affrontent alors au cours de la guerre de Bosnie. Conquêtes territoriales, massacres et « épurations » sur des bases ethniques et religieuses se succèdent, certaines villes en sont les symboles : Sarajevo, Srebrenica, Mostar... L'Europe seule fut longtemps impuissante et c'est l'implication de l'OTAN et des États-Unis qui mit fin au conflit : les accords de Dayton (1995) aboutissent au partage de la Bosnie-Herzégovine en deux entités, serbe (République serbe de Bosnie ou Republika Srpska) et croato-musulmane (Fédération croato-musulmane), d'abord placées sous tutelle de l'ONU et d'une force spéciale, la SFOR.
Nouveau rebondissement en 1999 : les Serbes entreprennent de chasser les musulmans albanais du Kosovo (ou Kosovo-Metohija ou Kosovo-et-Métochie). La détresse des populations poussées à l'exode légitime alors une réaction militaire multinationale en faisant fi du risque de veto russe au Conseil de sécurité. Le Kosovo devient à son tour un territoire géré par les Nations unies. En 2000, la République Fédérale de Yougoslavie (RFY), composée de la Serbie (dont le Kosovo) et du Monténégro, est admise aux Nations unies sous cette dénomination provisoire.
Ces événements ont révélé les vulnérabilités diplomatiques et militaires des européens qui, depuis, s'efforcent de prouver leur capacité à gérer des crises internationales dans leur propre espace : l'Eufor, force terrestre multinationale (Espagne, France, Italie et Portugal) a été engagée en Albanie en 2001 et en Macédoine en 2003 ; l'opération Althéa a permis de prendre le relais de la SFOR en Bosnie-Herzégovine en 2004.
La guerre au Kosovo s’était terminée en 1999 par la résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations unies et avec un "accord militaro-technique", sans solution à long terme. En février 2007, le médiateur de l'ONU, Martti Ahtisaari, a présenté un plan prévoyant d'accorder au Kosovo une forme de souveraineté sous contrôle d'une mission internationale dirigée par l'UE, avec une Constitution, un drapeau, un hymne et la possibilité d'adhérer à des organisations internationales, ... sans toutefois parler d'indépendance ! Mais c'est pourtant une indépendance que le Kosovo proclame, unilatéralement, le 17 février 2008 à Pristina. Le 9 avril, une Constitution est adoptée. Conforme aux principes du plan Ahtisaari, elle offre de larges garanties aux minorités du Kosovo, en particulier à la minorité serbe. La République du Kosovo est un « État laïque et neutre en matière de convictions religieuses », stipule ce texte. En 2022, 98 États membres de l’ONU, dont les États-Unis, reconnaissent le Kosovo comme État (contre 72 en 2011), et 82 ne le reconnaissent pas. C’est notamment le cas de cinq États membres de l’UE : Chypre, Grèce, Espagne, Slovaquie, Roumanie, mais ces États font preuve de pragmatisme au niveau communautaire sur cette question. Le dernier-né des États européens reste sous surveillance internationale. Des tensions entre Kosovars et Serbes sont toujours palpables dans le nord du pays (Mitrovica) où les Serbes sont majoritaires et où l’idée d’une partition a toujours ses adeptes.
Dès 1991, la Slovénie et la Macédoine ont déclaré leur indépendance à la suite de referendums. En 1995, c'est au tour de la Croatie puis, en juin 2006, du Monténégro (650 000 habitants) de prendre son indépendance à la suite d'un referendum à plus de 55 % (seuil exigé par l'UE) en faveur de la séparation de la Serbie. Désormais, aux yeux de la plupart des experts internationaux, l'indépendance – fût-elle « limitée », « conditionnelle » ou « encadrée » du Kosovo – paraît inévitable : au nom de quoi refuserait-on aux Albanais peuplant à 90 % cette province de Serbie ce qui a été accordé aux Monténégrins ? La Serbie avait saisi la Cour internationale de justice (CIJ), au sujet de la proclamation de l’indépendance en 2008 du Kosovo, son ancienne province qu’elle refuse de reconnaître. La Cour a estimé dans un avis consultatif rendu en juillet 2010 que cette indépendance n’avait pas violé le droit international. La Serbie a depuis accepté de renouer le dialogue avec les autorités de Pristina, premier pas vers une normalisation des relations bilatérales et facteur de stabilité régionale. La RFY serait donc alors réduite à la seule Serbie.
ST
Après avoir été une marge, et souvent une marche, des empires ottomans, puis de l’URSS, les Balkans deviennent une périphérie de l’Union européenne en cours d’intégration. La Grèce rejoint l’UE dès 1981. La Slovénie est la première des anciennes républiques yougoslaves à joindre l’UE, lors du grand élargissement de 2004. La Bulgarie entre, aux côtés de la Roumanie, en 2007. Le dernier entrant est pour l’instant la Croatie, en 2013. En 2023, elle est devenue le 20e membre de la zone euro. Tous les autres États balkaniques sont candidats à l’adhésion, et la plupart ont commencé le long processus de négociations dont l’issue probable est, à l’horizon 2030 ou 2040, l’intégration de l’ensemble de la péninsule à l’Union européenne.
(ST), décembre 2010. Réécrit (JBB) en février 2024.
Pour compléter avec Géoconfluences
- Clara Loïzzo, « La relance de l’élargissement de l’Union européenne », Géoconfluences, février 2024.
- Pascal Orcier, « Quels élargissements futurs pour l'Union européenne ? », Géoconfluences, août 2022. Miss à jour régulières.
- Pascal Orcier, 2010-2024, « L'Europe entre associations, alliances et partenariats. L'état de l'Union européenne, de la zone euro, de l'espace Schengen et de l'Otan », Géoconfluences, mises à jour régulières.