Classe créative
Le concept de « classe créative » (creative class) a été développé par Richard Florida (2002) pour désigner une population urbaine, mobile, qualifiée et connectée. Sa réflexion repose sur l'analyse d'indicateurs et sur leurs corrélations autour des « trois T » de la croissance économique : talent, tolérance et technologie. La classe créative, composée d'individus talentueux et créatifs, contribuerait à la croissance économique dans les métropoles, l’auteur constatant une corrélation entre la présence de la classe créative dans les grandes villes et un haut niveau de développement économique.
Cette classe créative serait attirée par certains lieux de vie privilégiés dont elle renforcerait encore l'attractivité. Ainsi se créerait un cercle vertueux, le talent attirant le talent, mais aussi les entreprises, le capital et les services. Les entreprises s'installent généralement où se trouvent les créateurs, de l'informaticien au musicien, de l'architecte à l'écrivain (2002b). La classe créative répond à la dimension biscalaire des métropoles, à la fois composante du tissu local et vecteur d'insertion dans les réseaux économiques et culturels mondiaux.
Richard Florida évalue la classe créative d'une ville à l'aide de cinq indices de nature et de construction très différentes : haute technologie (pourcentage d'exportation des biens et services liés à la haute technologie) ; innovation (nombre de brevets par habitant) ; tolérance (mesurée par l’auteur par le pourcentage de ménages homosexuels) ; créativité (pourcentage d'artistes et de créateurs) ; « talent » (en fait le pourcentage de la population ayant au moins le baccalauréat). Ces indices permettent d’après lui de classer les villes étudiées et d'en pronostiquer la place dans la course au développement et à la mondialisation.
Cette analyse a été très critiquée depuis et considérée comme peu rigoureuse sur le plan sociologique, les contours de la notion de classe créative étant jugés trop flous (Bourdin 2005, p. 54). D'une part, les données prennent en compte les statistiques des régions métropolitaines pour étudier des villes-centres, à partir de catégories professionnelles trop imprécises. D'autre part, le lien entre la classe créative et le développement économique est loin d'être évident. Enfin, le statut de classe qui est donné à cette population semble exagéré. Parler de socio-style semble plus prudent pour comprendre ce groupe de population qui manque de cohérence et n'a finalement de commun que des choix de consommation.
Encore plus problématique, l’hypothèse des classes créatives relève de la prophétie autoréalisatrice. Malgré son manque de consistance et de rigueur scientifique, elle est souvent reprise dans les milieux opérationnels : élus, ingénierie territoriale, urbanisme… Dans le contexte néolibéral de la ville entrepreneuriale, la classe créative en vient à désigner uniformément toutes les populations « désirables », celles que le marketing urbain et les grands projets de rénovation doivent attirer à tout prix. Le risque étant de l’éviction ou la relégation de toutes les populations indésirables ou peu désirables, y compris celles dont les métiers sont indispensables au fonctionnement des sociétés urbaines (ménage, soin, transport, sécurité…)
Richard Florida a lui-même nuancé sa position ; ses écrits ultérieurs évoquent plutôt une youthification, une « jeunification » des quartiers urbains centraux, à travers les moyennes d’âge de populations à taux élevés d’étudiants et de jeunes actifs, et la visibilité exacerbée de leur mode de vie dans les quartiers centraux des métropoles.
D’après Charles-Édouard Houllier-Guibert, mai 2010, modifié et adapté (JBB) en février 2025.
Source
- Texte adapté d’un article de Charles-Édouard Houllier-Guibert paru en mai 2010 sur Géoconfluences et intitulé « La 'classe créative' en débat », intégré à cet article.
Références citées
- Bourdin Alain (2005), « La classe créative existe-t-elle ? », Urbanisme, n° 344, sept.-oct. 2005
- Florida Richard (2002). The rise of the creative class. And now, it's transforming work, leisure, community and everyday life, éd. Basic books, New York, 2002
Pour aller plus loin
- Chantelot S. Le rôle de la créativité sur le développement local : de l'influence économique à la géographie de la classe créative française (1990-1999), Thèse de doctorat en économie, Université de Toulouse 1, 2009.
- Shearmur R., « L'aristocratie mobile du savoir : quelques réflexions sur les thèses de Richard Florida », INRS, Urbanisation, Culture et Société, novembre 2005, document de recherche / working paper.
- Tremblay R. & Tremblay D.G., La classe créative selon Richard Florida. Un paradigme urbain plausible ?, édition PUQ & PUR, 258 p., 2010.