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Néolibéralisme

Publié le 03/02/2025

Le néolibéralisme est un ensemble de doctrines politiques envisageant la société comme un marché où des individus entrepreneurs doivent valoriser leur capital alors que l’État se trouve réduit à « ses seules fonctions régaliennes aptes à garantir la fluidité de la circulation des marchandises et l’exécution des contrats » (Bihr, 2011). Le néolibéralisme promeut l’extension à toutes les sphères d’activité du régime de la compétition fondé sur le dogme de l’efficacité du marché et de la responsabilité individuelle.

Émergent après la Seconde Guerre mondiale autour d’économistes comme Friedrich Hayek (école autrichienne) et Milton Friedman (école de Chicago), le néolibéralisme fait l’objet dans les années 1970 de tests grandeur nature dans les dictatures chilienne et argentine. Ses principes sont ensuite progressivement et partiellement mis en œuvre dans les pays industrialisés des « Nords », notamment les États-Unis de Ronald Reagan et le Royaume-Uni de Margaret Thatcher, puis la France de François Mitterrand à partir du « tournant de la rigueur » de 1983. À partir des années 1990, cette doctrine devient progressivement hégémonique autour du globe dans un contexte de mondialisation accrue (Harvey, 2014). Les institutions internationales s’y convertissent pleinement à partir du Consensus de Washington (1989). D’abord le Fonds Monétaire International et la Banque mondiale, puis l’Union européenne mais aussi l’ONU, qui combine sa promotion du développement durable avec celle d’une saine gestion financière (la « bonne gouvernance »).

Alors que les classes populaires et moyennes des « Nords » avaient gagné des parts dans la répartition des richesses depuis la Seconde Guerre mondiale, le néolibéralisme se traduit par la privatisation de services publics, la dérèglementation des marchés, la prévalence d’une économie tournée vers l’offre (et le soutien aux entreprises) plutôt que vers la demande (et le soutien aux ménages) et par la rétractation de l’État providence. Mis au service du marché, l’État néolibéral intervient pour faciliter le passage de pans entiers de l’économie aux mains du privé et pour s’assurer de l’instigation de la loi du marché — sa rationalité managériale et ses outils — comme règle omniprésente à toutes les sphères d’activité, des services publics (ce qu’on nomme le new public management) à la gouvernance territoriale, en passant par la monétisation de la nature et le gouvernement des conduites individuelles selon des préceptes qui exaltent la responsabilisation individuelle.

À la suite des États, les collectivités locales prennent aussi le tournant néolibéral, soit parce que les élus sont convaincus de ses bienfaits, soit parce que leurs créanciers les y contraignent (Bigorgne, 2020) : c’est le dogme de la ville entrepreneuriale. En régime néolibéral, les États, mais aussi l’Union européenne, gouvernent largement à distance : une part de plus en plus conséquente des financements aux collectivités ne se fait plus sous le régime de la redistribution et de la péréquation des recettes fiscales, mais sous celui de la compétition et de ses appels à projets. Les territoires appliquent les nouvelles normes de façon non plus réglementaire, mais « incitative ». De plus en plus privées de ressources propres, les collectivités doivent, pour obtenir des subsides, non seulement se conformer aux stratégies étatiques dans des domaines ciblés, mais aussi satisfaire aux dogmes de la réduction du déficit et du partenariat « gagnant-gagnant » entre public et privé.

Si le néolibéralisme est l’idéologie largement dominante du début du XXIe siècle, beaucoup voient aujourd’hui des signes de son dépassement, notamment par la constitution d’oligopoles et de monopoles, par exemple parmi les géants du numérique. Ainsi, le libertarianisme, incarné par des figures comme Elon Musk et Peter Thiel, se matérialise en un capitalisme encore plus autoritaire (Slobodian, 2025).

Matthieu Adam, février 2025.


Références citées
  • Bigorgne Marie (2020), « Austérité. L’économie ordinaire des budgets locaux », in Collectif, Le Capital dans la cité. Une encyclopédie critique de la ville, Éditions Amsterdam, 2020, p. 77–87.
  • Bihr Alain (2011), « L’idéologie néolibérale », Semen. Revue de sémio-linguistique des textes et discours, no. 30, 2011, p. 43–56
  • Harvey David (2014), Brève histoire du néolibéralisme, Les Prairies Ordinaires, 2014.
  • Slobodian Quinn (2025). Le Capitalisme de l'apocalypse ou Le rêve d'un monde sans démocratie. Le Seuil, coll. « La Couleur des idées », 384 p.
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