Continent
Un continent est, conformément à son étymologie (cum tenere, tenir ensemble), une immense étendue de terres émergées. Le continent se distingue donc des îles et archipels, isolés des autres terres par la mer.
L’ensemble des terres émergées, soit un quart de la surface terrestre, est subdivisé traditionnellement, par convention, en cinq continents : l’Afrique, l’Amérique, l’Asie, l’Europe et l’Océanie, subdivision qui concerne donc l’espace habité. Cette division, symbolisée par exemple par les cinq anneaux du drapeau officiel des Jeux Olympiques, exclut l’Antarctique, vaste ensemble de terres inhabitées, qui est cependant désormais également considéré comme un continent.
L’histoire même de la division en cinq continents est révélatrice de l’insuffisance de cette définition. Au Moyen-Âge, dans une perspective européocentrée, on distingue classiquement l’Asie, l’Afrique et l’Europe, alors même que l’Europe n’est en fait qu’une péninsule de l’Asie, et que le canal de Suez, séparant l'Afrique et l'Asie, n'a rien d'une mer. Aussi parle-t-on aujourd'hui, à la suite de Christian Grataloup (2023), d'un seul continent appelé Eufrasie. Par ailleurs, si l'usage consacre la division du continent américain en deux, l'Amérique du Nord et l’Amérique du Sud, elles forment un ensemble de terres continues, reliées une bande de terre très étroite, un isthme en Amérique centrale. C'est ce qui a permis à Homo Sapiens de s'y installer à partir de la Béringie jusqu'à la Terre de Feu, avec ensuite des circulations migratoires et des mouvements nord-sud (ibid.) De même, la découverte tardive de l’Australie et des terres éparses des « mers du Sud » a amené à parler de continent pour l’Océanie, littéralement « patrie des océans », formée de multiples îles... à moins que l’on ne considère la seule Australie comme un continent.
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On ne peut se contenter de la seule définition topographique pour définir ce qu’est un continent. Il n’y a pas de « vérité naturelle » intangible et « l’invention des continents » (Grataloup, 2009) est liée à un ensemble de valeurs culturelles, essentiellement véhiculées par l’Europe. La division entre Europe et Asie est beaucoup moins liée à une soi-disant limite placée arbitrairement sur l’Oural au XVIIIe siècle (par les géographes de Pierre le Grand qui souhaitait affirmer la place de la Russie en Europe, voir encadré 1) qu’à des facteurs ethniques, culturels et religieux. Christian Grataloup rappelle que « dans la Genèse (livre IX), après le Déluge, les trois fils de Noé vont partir chacun dans une direction différente pour peupler la Terre ». Ils donneront ainsi les « trois races » qui vont peupler la terre (ibid.). Ce récit théologique a durablement marqué les représentations d'un Monde pensé d'abord depuis l'Europe.
La question du nombre de continents reste donc ouverte : sept par convention (Afrique, Amérique du Nord, Amérique du Sud, Antarctique, Asie, Europe, Océanie), trois au sens strict de la définition (Amérique, Antarctique, Eufrasie).
(SB et CB) mars 2023. Dernières modifications (JBB), mars 2024.
Références citées
- Grataloup Christian (2009), L’invention des continents : comment l’Europe a découpé le monde, Paris, Larousse, 224 p.
- Grataloup Christian (2023), Géohistoire, Les Arènes, 528 p.
Pour compléter avec Géoconfluences
- Camille Escudé, « La dernière frontière de l’écoumène, géopolitique de l’Antarctique entre coopération et appropriation », Géoconfluences, avril 2024.
- Christian Grataloup, « L’invention des océans. Comment l’Europe a découpé et nommé le monde liquide », Géoconfluences, janvier 2015.