Délocalisation, localisation, relocalisation
La délocalisation est l'abandon d'une localisation d'une entreprise pour une activité donnée. Le terme implique qu'on se place du point de vue du territoire quitté, alors qu'une délocalisation implique nécessairement une relocalisation. De ce fait, la délocalisation relève du vocabulaire politique ou médiatique, tandis que la géographie s'intéresse plutôt à la relocalisation, et à ses effets tant sur le territoire quitté que sur celui qui est rejoint. La relocalisation des entreprises vise à mettre à profit les avantages comparatifs de sa nouvelle destination : coût de main d'œuvre, législations et fiscalité, nouveaux marchés.
Les relocalisations correspondent au fonctionnement normal d'une économie de marché, dans laquelle le but d'une entreprise est la recherche du profit. Elles sont en outre encouragées par le libre-échange et la disparition progressive des barrières douanières.
Du point de vue du territoire de départ, les délocalisations sont le visage concret de la désindustrialisation. Celle-ci est un recul de la part de l'emploi industriel dans l'économie, sans que la production industrielle totale ne diminue forcément, en raison notamment des gains de productivité. L'importance de ces délocalisations est à la fois symbolique et matérielle.
- Sur le plan symbolique, une fermeture d'usine, parfois avec déménagement des machines est la destruction d'un outil de travail autant que la disparition d'un savoir-faire pour ses employés qui ne peuvent pas suivre l'activité vers sa destination lointaine. Elle peut également matérialiser la fin d'un cycle industriel ou la dépendance croissante à l'étranger pour les importations. À l'échelle du territoire local, elle peut avoir un effet cumulatif en soulignant son manque d'attractivité ou de compétitivité, incitant d'autres entreprises à fermer. Dans certains cas toutefois, la fermeture peut entraîner un effet d'aubaine pour une entreprise intéressée par la reprise du site, d'une partie des salariés, et le cas échéant des aides promises par la collectivité pour limiter les destructions d'emploi.
- Sur le plan matériel, les délocalisations sont une infime partie des destructions d'emploi à l'échelle nationale, et une partie d'entre elles sont compensées par des créations d'emploi. Il n'en va pas de même à l'échelle locale. La rétraction du tissu industriel a des conséquences très importantes pour l'économie locale, entraînant une baisse de revenu pour la collectivité. Les salariés peu qualifiés peuvent avoir du mal à retrouver un travail, sans pouvoir nécessairement quitter les lieux, soit en raison d'un attachement familial et affectif et de la présence de réseaux de solidarité, soit parce que leur conjoint a encore un emploi sur place. La baisse du pouvoir d'achat d'une ou plusieurs centaines de personnes, dans un tissu local de dimension réduite, particulièrement dans les espaces ruraux (dont l'activité manufacturière est la première source d'emploi, en France), engendre une baisse de la consommation qui a des retombées négatives sur d'autres emplois locaux : c'est le cercle vicieux du déclin.
Ce tableau n'est ni une constante, ni une fatalité, et bien des situations intermédiaires existent. Certains territoires ont des facultés de résilience supérieure à d'autres, comme l'a montré Marjolaine Gros-Balthazard (2019) à partir de l'exemple, notamment, du Bocage bressuirais.
(coll.) juillet 2005 ; entièrement remanié en juin 2020.
Références citées
- Marjolaine Gros-Balthazard, « À la découverte des territoires néo-industriels français », Géoconfluences, décembre 2019.
Pour compléter avec Géoconfluences
- Léa Benoît, Bernard Calas, Sylvain Racaud, Olivier Ballesta et Lucie Drevet-Demettre, « Roses d'Afrique, roses du monde », Géoconfluences, septembre 2017.
- Désindustrialisation en France : visuels et données, brève de 2016.
- Simon Edelblutte, « Reconversion industrielle ou redéveloppement territorial ? L'exemple de Thaon-les-Vosges, ancienne ville-usine textile lorraine », Géoconfluences, 2014.