Décroissance
La décroissance est un concept politique, économique et social qui remet en cause l’idée selon laquelle l’augmentation des richesses produites conduit à l’augmentation du bien-être social. La théorie économique de la décroissance vise donc à réduire la production de biens et de services afin de préserver l'environnement et le lien social. Elle se distingue des modèles de croissance économique et de développement durable (Nicholas Georgescu-Rogen, l'un des fondateurs du courant de la décroissance dans les années 1970, disait qu'il n'y a pas le moindre doute que le développement durable est un concept nuisible) qui considèrent qu'il est possible, grâce aux évolutions technologiques (recyclage, écoconception, etc.) de produire autant de biens et de services en consommant moins d'énergie et de matières premières (modernisation écologique). Pour les théoriciens de la décroissance, toute consommation puisant dans des ressources non renouvelables ou toute utilisation de ressources à un rythme supérieur à leur renouvellement diminue irréversiblement nos ressources. Constatant que l'humanité vit « au-dessus de ses moyens », les partisans de la décroissance déclarent l'état d'urgence en affirmant que nous sommes à l'aube d'un danger d'anéantissement si nous ne parvenons pas à devenir beaucoup plus sobres.
On trouve des militants de la décroissance dans certains mouvements anti-productivistes, anti-consuméristes et écologistes, autrefois appelés parfois « objecteurs de croissance », plus souvent aujourd’hui « décroissants ». Ils contestent l'idée d'un développement économique infini : selon eux, la production et la consommation ne peuvent pas être durablement accrues ni même maintenues. Les indicateurs économiques comme le PIB correspondent à une destruction du « capital naturel » qui est épuisable. Ils prônent, au plan individuel, la démarche dite de « simplicité volontaire » et, au plan global, une « relocalisation » des activités économiques afin de réduire l'empreinte écologique et les dépenses énergétiques. En France, ce courant, représenté notamment par l'économiste Serge Latouche (2007), fait partie des mouvements écologiques les plus radicaux autour de la critique du consumérisme. Depuis ces premiers jalons, les décroissants ont diversifié leurs approches, et ont construit un ensemble de réponses faisant système : agroécologie, bifurcation, low-tech, sobriété, etc. : lire à ce titre les contributions de l’ouvrage collectif dirigé par Philippe Boursier et Clémence Guimont en 2023.
Le débat ainsi défini est utile sur le plan démocratique et social, obligeant à s'interroger sur les mots, les choix, les actes, les gaspillages de ressources. Il permet de mettre à jour certaines contradictions, certains dilemmes : il sera certainement indispensable de repenser les modes de consommation, d'industrialisation, de réduire la prédation des ressources. Mais bien des domaines exigeront de la croissance qualitative : dans l'agriculture, la santé, par exemple. Enfin, il ne va pas de soi qu’une décroissance soit forcément soutenable, ou conviviale, et encore moins démocratique. Aussi, pour éviter une application totalitaire de leur programme, les « anti-croissance » pensent à un changement « par le bas », qui viendrait du simple citoyen, informé, donc conscient des enjeux en cours : il faut repenser la consommation et chaque individu doit s'impliquer dans cette réflexion. Mais les comportements individuels ne pourront changer qu’avec un accompagnement volontariste de la puissance publique en matière d’éducation, d’incitation, de taxation, et de discours, ce qui pose la question de la capacité du politique à résister à des lobbies aussi puissants que celui des constructeurs automobiles, du numérique, de la grande distribution, du secteur touristique, du productivisme agricole ou encore des énergies fossiles.
Depuis la première version du présent texte, rédigé en grande partie en 2009, la croissance continue de la population, de la consommation de ressources, de l’accaparement des richesses, et par ailleurs la poursuite des dégradations environnementales, semble devoir donner raison à ceux qui voient dans le technosolutionnisme une fuite en avant dangereuse.
(ST) 2009. Dernières modifications (JBB), janvier 2024, septembre 2024.
Références citées
- Boursier Philippe et Guimont Clémence (dir., 2023), Écologies. Le vivant et le social. Paris, La Découverte, « Hors collection Sciences Humaines », 624 p.
- Latouche, Serge (2007). Petit traité de la décroissance sereine, Mille et une nuits, Paris, 2007.