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Déterritorialisation, reterritorialisation

Publié le 16/12/2024
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La déterritorialisation est un terme issu du langage philosophique. Il fut théorisé en 1972 par Gilles Deleuze et le psychanalyste Félix Guattari pour décrire un processus de décontextualisation d’un ensemble de relations : « se déterritorialiser, c’est quitter une habitude, une sédentarité. Plus clairement, c’est échapper à une aliénation, à des processus de subjectivation précis. » (Deleuze et Guattari, 1972). Toute déterritorialisation est inséparable d’une reterritorialisation, l’actualisation d’habitudes, de pratiques spatiales… dans un nouveau contexte.

Ces termes ont donc logiquement pénétré le discours des géographes dès les années 1980 (Deleuze parle d’une « géo-philosophie ») à une époque où les travaux sur la notion de territoire se sont développés. Certains géographes ont proposé, pour mettre l’accent sur les dynamiques et dépasser l'aspect figé de « territoire », de s'attacher plutôt à montrer les processus à l'œuvre. Claude Raffestin (1986) parle ainsi des processus TDR pour « territorialisation, déterritorialisation, reterritorialisation ».

De nos jours, la géographie culturelle d’un côté, les études sur la mondialisation économique de l’autre ont peu à peu à peu modifié le sens du terme de déterritorialisation, qui peut être interprété de différentes façons :

L'une d'elles cherche à rendre compte de l'effacement de l'État territorial traversé par des flux transnationaux. Cette acception politique signifie qu'il y a un affaiblissement des contrôles d'accessibilité (frontières internationales) et donc des contraintes spatiales imposées par les États (Badie, 1995). Elle rejoint l'approche des chercheurs qui voient dans les réseaux un opposé du territoire. De fait, la déterritorialisation signale un affaiblissement des contraintes, en particulier physiques, de localisation et se manifeste dans les dynamiques de délocalisation/relocalisation des entreprises qui s'affranchissent de leur implantation locale initiale ou dans les dynamiques propres du cyberespace et des transactions immatérielles (voir l'entrée télécommunications et TIC).

- La déterritorialisation peut aussi se penser en termes d'affaiblissement des identités territoriales à l'heure de la globalisation. Ce qui peut susciter, en retour, en réaction, une demande sociale accrue de local. On observe également un retour du local dans les logiques d’implantation des activités économiques par le biais d’aménités territoriales spécifiques, dans un contexte de concurrence des territoires (voir l'entrée terroir).

Cette dernière lecture est relative à la grande mobilité des hommes et des biens matériels ou immatériels. Mais, si les facteurs migrent, c'est pour s'installer dans d'autres lieux. La grande mobilité contemporaine n'est pas une déterritorialisation car se mouvoir dans l'espace ne signifie pas ne pas être dans l'espace (Santos, 1992).

D'autant que cette mobilité est loin d'être partagée par toute l'humanité, entre populations assignées à résidence, et populations faisant le choix de l'ancrage territorial. La déterritorialisation doit donc être repensée avec son contraire complémentaire : la reterritorialisation (Théry, 2008). Les territoires n'ont en fait jamais cessé d'être mobilisés, invoqués, instrumentalisés. On sait d'ailleurs aujourd'hui qu'ancrage et mobilité se complètent et se combinent plus qu'ils ne s'opposent, de même qu'une identité se construit sur plusieurs attachements. Les individus, comme l'a écrit Mathis Stock (2006), sont « géographiquement pluriels ».

(ST), dernières mises à jour : (JBB) mai 2019, (SB et CB) novembre 2024.


Références citées
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