Vous êtes ici : Accueil / Glossaire / Espèce envahissante exogène, espèce invasive

Espèce envahissante exogène, espèce invasive

Publié le 21/11/2024
PDF

Une espèce envahissante exogène, ou « espèce invasive » dans le langage courant, remplit trois caractéristiques : elle s’installe dans des régions dont elle n’est pas endémique, elle se répand en faisant concurrence aux espèces locales, et elle a des effets négatifs sur les milieux où elle s’installe. Il peut s’agir de végétaux ou d’animaux, le plus souvent des insectes, ou encore de micro-organismes. En France, on peut citer la liane papillon à la Réunion, ou le ragondin en métropole, introduit originellement pour sa fourrure.

La mondialisation est le principal vecteur de diffusion accélérée des espèces vivantes. L’accélération et l’intensification des échanges à partir du XXe siècle a accentué un phénomène qui a commencé avec les premières colonisations. L’introduction a parfois été volontaire : un animal est importé dans une île pour servir d’aliments aux marins qui y feront escale ; une plante est acclimatée pour son rôle ornemental avant de se disperser dans la nature (comme l’herbe de la pampa, très à la monde dans les années 1970 dans l’habitat pavillonnaire, Privé 2023). On a parfois introduit un prédateur pour enrayer l’« invasion », qui s’avère presque toujours être une mauvaise idée, puisque le prédateur s’attaque alors à des proies plus faciles avec lesquelles il n’a pas co-évolué, et on se retrouve avec deux espèces à gérer au lieu d’une. Le cas de la Jamaïque est connu pour une succession d’échecs dans l’introduction de prédateurs des rats, eux-mêmes arrivés avec les premiers colons.

La question des espèces envahissantes exogènes donne lieu à une importante controverse scientifique. Alors que pour certaines espèces (moustique tigre, frelon asiatique), les dégâts environnementaux ou sanitaires sont certains, pour d’autres les connaissances sont encore lacunaires. On assiste désormais, dans une part croissante de la littérature scientifique, à une réhabilitation des espèces envahissantes. Pour éviter d’utiliser un vocabulaire dépréciatif qui rappelle les discours de peur de l’altérité et d’exotisation de l’étranger, certains auteurs suggèrent de parler de « migrations d’espèces » (Chailan, 2023, p. 105) et rappellent que l’espèce la plus invasive, avec les conséquences environnementales les plus graves, est l’espèce humaine. La capacité des espèces à migrer est une adaptation évolutive aux perturbations. Par ailleurs, la plupart du temps, les espèces envahissantes colonisent des milieux dégradés, alors que les milieux en bon état écologique sont résilients : ces espèces sont des « passagères des perturbations » (de la Forge, 2024). Elles peuvent finir par occuper un habitat spécifique et y jouer un rôle fonctionnel intéressant. D’un autre côté, ne pas agir peut aussi aboutir à perdre le contrôle sur le développement ultérieur de l’espèce. Certaines espèces invasives étouffent toute la concurrence végétale et tapissent entièrement le sol, comme Miconia calvescens en Polynésie, en Nouvelle-Calédonie, et désormais également en Martinique et en Guadeloupe (Privé, 2023).

Le cas de la renouée du Japon, introduite en France pour des raisons ornementales, est caractéristique. Elle colonise les rives des cours d’eau, sauf si elles sont déjà occupées par une ripisylve. Sa capacité à absorber les métaux lourds contenus dans le sol en fait une bonne candidate à la dépollution naturelle des sols. Toutefois, les gestionnaires de cours d’eau tentent d’enrayer son extension, en particulier par crainte ne plus pouvoir le faire si un point de bascule est atteint (de la Forge, 2024). Dans un autre ordre de grandeur plus anecdotique, les autorités colombiennes s’interrogent sur la conduite à apporter face aux hippopotames introduits jadis comme ornement dans la villa du narcotrafiquant Pablo Escobar, et qui peuplent désormais les cours d’eau alentour.

(JBB), novembre 2024.


Références citées
Pour compléter avec Géoconfluences
Liens externes
Affiner les résultats par :