Jardin
Un jardin est un espace délimité où l’anthropisation de la nature est maximale, mais sans aller jusqu’à l’artificialisation des sols. Gilles Clément (2012) rappelle que l'origine du mot signifie à la fois « enclos » et « paradis ».
Le jardin est d’abord un paysage. Les paysages jardinés se situent à mi-chemin entre les paysages artificialisés, où l’anthropisation est manifeste et visible à l’œil nu, et les paysages vus comme « naturels », où l’action humaine est difficile à déceler. Un jardin résulte toujours d’un arbitrage entre la place laissée au naturel, au spontané (jardin « à l’anglaise », « de curé », « juste jardin » de Gilles Clément, permaculture…) et celle laissée à l’artificiel, à la contrainte (tradition du jardin « à la française », ornemental et géométrique, ou du jardin potager à visée productive). Un jardin peut être privé ou public, et parfois l'un puis l'autre : les grands parcs urbains actuels sont souvent d'anciens jardins privés ayant appartenu autrefois à une élite sociale.
Le jardin occupe une très grande place dans les mythes et les imaginaires, parce qu’il symbolise d’une part l’abondance et la profusion (jardin d’Eden) et d’autre part la capacité des humains à domestiquer ou à dominer la nature. Le jardin est un microterritoire, qui reproduit la diversité du vivant et la complexité du monde, dans une version réduite et simplifiée, comme dans le cas du jardin zen ou du jardin monastique chrétien, ou comme l’a montré Jean Estebanez (2022, p. 44–45) à propos du jardin zoologique. Le jardin est longtemps apparu comme une version domestiquée, donc rassurante, de la nature essentiellement perçue comme sauvage, donc menaçante.
Comme système agraire ou comme système de production agricole, le jardin se distingue des autres systèmes par une dimension nécessairement réduite (le jardin potager moyen mesure en France 0,72 are), une très grande intensivité en travail, une part importante d’autoconsommation (voire une autoconsommation intégrale), et des associations culturales complexes (coltura promiscua, complantage, permaculture ou pratiques agroécologiques). Il faut y ajouter, fréquemment, une proximité avec l’habitat : cela permet de réduire la longueur des trajets, de surveiller les récoltes qui s’étalent dans l’année, de limiter les risque de vol et de profiter des aménités, notamment paysagères, offertes par le jardin.
Les forêts-jardins sont des systèmes agraires forestiers exploités par des communautés villageoises qui tirent le meilleur parti possible des associations d’espèces et qui interviennent pour favoriser les plus utiles. C’est une version traditionnelle des pratiques d’agroécologie, qui s’en sont inspirées.
Par leur position à l'intersection de nombreuses thématiques importantes en géographie (agriculture, alimentation, environnement, paysage, rapport entre nature et culture...) les jardins ont beaucoup intéressé les géographes, à l'instar d'Augustin Berque qui leur a donné un rôle central dans son système de pensée. Géoconfluences leur a également consacré plusieurs articles (voir ci-dessous).
Voir aussi >>> Jardin ouvrier, jardin familial, jardin partagé…
(JBB) mars 2022. Dernière modification : avril 2023.
Références citées
- Clément Gilles (2012), « Jardins, paysage et "génie naturel" », La lettre du Collège de France [En ligne], 33 | octobre 2012.
- Estebanez Jean (2022), Humains et animaux — Une géographie de relations. CNRS éditions, Documentation photographique, 8149 — 2022 | 5.
Pour compléter avec Géoconfluences
- Rémi Peyrat, « Jardins potagers dans le Massif central, entre valorisation et aménagement du cadre de vie, vecteurs de résilience alimentaire », Géoconfluences, mars 2022.
- Amélie Deschamps, « Aménager la ville par le jardinage : la végétalisation participative de Lyon », Géoconfluences, juin 2019.
- Louise Schreyers, « Le jardin et la tente : « habiter » un camp de réfugiés », image à la une de Géoconfluences, mars 2017.
- Léa Billen, « Jardins féminins aux portes du Sahel », image à la une de Géoconfluences, mai 2016.
Liens externes
- L'art des jardins, avec Gilles Clément, Stand Alone Media, vidéo de 16 minutes