Paix
La paix est une situation où il n’y a pas de guerre à une échelle donnée, souvent internationale. On peut distinguer deux temporalités différentes : la paix ponctuelle qui met fin à la guerre, par un traité ou non, et la paix plus durable, qui est l’absence de guerre et qui est garantie, ou non, par un système de sécurité collective. Mais dans un cas comme dans l’autre, « la paix ne serait que ce qui se dessine en creux de la guerre » (Dubernet & Enos-Attali, 1999), soit parce qu’il n’y a plus de guerre, soit parce qu’il n’y en a pas encore.
Cette définition « négative » de la paix n’est pas la seule, comme le rappellent Eleana Lazarou et Branislav Stanicek dans leur rapport au Parlement européen : « La définition moderne de la paix ne se réfère pas seulement à l’absence de guerre mais inclut également des éléments de bien-être, d’ordre social et de justice pour les personnes : les gens attendent et exigent davantage de la paix. La paix englobe également le droit à l’intégrité physique et les droits liés aux valeurs morales et culturelles. Toute l’humanité a droit à la vie et aux moyens nécessaires au bon épanouissement de la vie » (Lazarou & Stanicek, 2023).
Dans cette perspective, « faire la paix » ne signifie pas seulement mettre fin à une guerre, mais s’engager pleinement dans une « culture de la paix ». Les auteurs du rapport Indice Normandie 2023 font ainsi référence à la résolution 53/243 adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 6 octobre 1999 qui vise à promouvoir la « culture de la paix », définie dans l’article premier, comme un « ensemble des valeurs, des attitudes, des traditions, des comportements et des modes de vie » fondées sur une dizaine de principes majeurs. La dimension internationale, traduite par le « respect des principes de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique des États et de la non-intervention dans les questions qui relèvent essentiellement de la juridiction nationale de tout État quel qu’il soit, conformément à la Charte des Nations Unies et au droit international », n’est que l’un d’entre eux. La culture de la paix va bien au-delà d’un engagement à régler de façon non-violente et par le droit les différends internationaux. Elle passe également par le respect de la vie, le respect des droits humains, par le respect de l’environnement, par le respect de l’égalité de genre, par le respect des différents droits humains à s’exprimer, à penser, à s’informer, et enfin par « l’adhésion aux principes de liberté, de justice, de démocratie, de tolérance, de solidarité, de coopération, du pluralisme, de la diversité culturelle, du dialogue et de la compréhension à tous les niveaux de la société et entre les nations » (rés. 53/243, 1999). La paix constitue en fait les bases d’un plein épanouissement pour l’ensemble des individus. On retiendra notamment le rôle accordé par l’article 4 à l’éducation dans le développement d’une culture de la paix. Au risque toutefois, comme le soulignait Lucien Febvre (1956), de faire passer les citoyens pour les seuls responsables des guerres, et non les États.
Pour le dire autrement, si la paix met fin à la guerre, ce n’est pas uniquement la guerre qui vient troubler la paix. La paix n’est pas la non-guerre, mais un idéal social et politique qui se développe autant à l’intérieur d’un pays qu’à l’échelle internationale.
Au-delà de la résolution des conflits et des différends, l’objectif d’un système international fondé sur la recherche de la paix est donc de délégitimer la guerre. C’est l’intérêt commun de tous les habitants de la planète de vivre dans une coexistence pacifique (Waslekar, 2002). Faire la paix rime ainsi avec faire Monde, que le mondialisme soit le vecteur d’un idéal ou simplement l’expression d’une peur face à un risque de guerre globale (Capdepuy, 2023). Mais cela implique également d’apporter des réponses aux facteurs de tensions : inégalités économiques, injustices sociales, discriminations, oppression… C’est pourquoi la géographie sert aussi à faire la paix (Pelletier, 2017).
Vincent Capdepuy, novembre 2024.
Références citées
- Capdepuy Vincent, 2023, Le Monde ou rien : histoire d’un concept géographique, Lyon, Presses universitaires de Lyon.
- Dubernet Cécile & Enos-Attali Sophie, 2019, « La paix comme absence de guerre : les limites d’un prisme ». Questions internationales, n° 99–100, p. 120–125.
- Febvre Lucien, 1956, « L’histoire, c’est la paix ? », Annales. Économies, sociétés, civilisations, 1956, vol. 11, n° 1, p. 51–53.
- Lazarou Eleana & Stanicek Branislav, 2023, Indice Normandie 2023 : évaluer les menaces pour la paix et la démocratie au niveau mondial, Bruxelles, Service de recherche du Parlement européen.
- Pelletier Philippe, 2017, Quand la géographie sert à faire la paix, Lormont, Le bord de l’eau.
- Waslekar Sundeep, 2022, Entre guerre et paix : histoire et politique des conflits dans le monde, trad. de l’anglais par Anatole Muchnik, Paris, CNRS Éditions.
Pour compléter avec Géoconfluences
- Hugo Mazzero et Leila Oulkebous, « Visites organisées de la zone démilitarisée entre les deux Corées : un exemple de "tourisme sombre" », Géoconfluences, mars 2023.
- Marion Benassaya, « Paix Territoriale et intégration d’une zone rouge de la violence armée en Colombie par des projets de développement : le cas du barrage d’Ituango », Géoconfluences, novembre 2022.
- Ninon Briot, Jean-Benoît Bouron et Pauline Iosti, « Carte à la une. Les frontières disputées et conflictuelles dans le monde », Géoconfluences, décembre 2021.
- Pascal Orcier, « Carte à la une. Représenter la peur : la carte de la menace ressentie par les Européens », Géoconfluences, avril 2019.