Photographie

>>> Voir aussi : vues (angles et points de) et plan

La photographie est une méthode de production d’images durables par la capture de rayons lumineux sur un papier photosensible. Les géographes distinguent généralement les photographies en fonction de l’angle de la prise de vue par rapport au plan zénithal : les prises de vue au sol sont les plus courantes, à hauteur du visage du photographe. Les vues aériennes obliques, permises par les vols en ballons, puis l’aviation, et aujourd’hui par les drones, restent un outil majeur de compréhension de l’espace. Les images satellite relèvent aussi d’une forme de photographie.

En géographie, la photographie se présente historiquement comme un des éléments d’administration de la preuve, prenant peu à peu la place du dessin ou du croquis de paysage. Elle possède une fonction documentaire, en particulier dans la géographie appliquée. La mission photographique menée par Dorothea Lange en 1935 pour le compte de la Farm Security Administration sur les effets de la Grande Dépression aux États-Unis, ou celle menée par la DATAR entre 1984 et 1989 (Perrat, 2020), en sont des exemples.

La géographie scolaire a fait un usage précoce de la photographie comme document pédagogique. Les manuels scolaires ont très tôt multiplié les photographies en noir et blanc, puis en couleur, et cette tendance ne s’est jamais inversée. La photographie de paysage, notamment, avec un angle large, reste un outil privilégié de l’apprentissage de la géographie.

Dans le dernier quart du XX^e siècle, cependant, émerge une critique de l’apparente objectivité de la photographie, dont la pratique suppose toujours un ensemble de choix, de celui du sujet à celui de l’angle de prise de vue. La photographie participe à l’illusion d’un « regard divin » (Harraway, 1988) du chercheur, qui aurait accès de façon immédiate et sans biais à la réalité ; l’image photographique procéderait par « anesthésie », en suspendant notre rapport critique à ce qui est représenté (Sontag, 1977).

Ces critiques servent de base au développement de méthodologies photographiques systématisées, qui visent à troquer la subjectivité dissimulée du photographe pour la transparence du protocole. Un des exemples de cette méthode nouvelle est le développement des Observatoires Photographiques du Paysages, dont la mission consiste à réaliser des prises de vue systématiques de paysages préalablement identifiés.

Dans le même temps, les géographes théorisent progressivement le rôle de la photographie dans la discipline. En 2011, Jordi Ballesta consacre une thèse à l’utilisation de la photographie en géographie à partir du travail qu’il fait à Athènes ; en 2015, Danièle Méaux propose le terme de « géo-photographie », en défendant l’idée que l’image constitue moins une preuve qu’un « laboratoire de la production de connaissance ».

Cette approche critique fonde également le renouvellement de la place de la photographie dans les programmes scolaires, qui ne doit plus se contenter d’être une simple illustration mais doit faire l’objet d’une interrogation critique de la part des élèves : source, choix de mise en scène, altération de l’image, mise en contexte…

Louis Dall’Aglio, mai 2023. Dernière modification : (JBB).

Références citées

• Ballesta Jordi (2011), Le projet photographique comme expérience et document géographiques, thèse soutenue sous la direction de Giánnīs Tsiṓmīs, EHESS, Paris.
• Haraway Donna, “Situated knowledges. The Science Question in Feminism and the Privilege of Partial Perspective.” Feminist studies, 14 | 3, 1988
• Méaux Anne, Géo-photographie : une approche renouvelée des territoires, Filigranes éditions, 2015. Compte-rendu de Romain Mathieu dans Critique d’arts, 2015.
• Perrat Jean-François (2020) « Sur le site de l'ANCT : la mission photographique de la DATAR et l'outil cartographique de l'Observatoire des territoires », brève de Géoconfluences, 2020.
• Sontag Susan, Sur la photographie, 1977.

Pour compléter avec Géoconfluences

• La Banque d’images de Géoconfluences
• La rubrique « image à la une » de Géoconfluences
• Dans la rubrique « regards géographiques » :
  • Noé Parot, « Regard géographique. Paysages en chantiers de l’urbanisation dans le Sud global », Géoconfluences, mars 2024.
  • Nicolas Lebrun, « Regard géographique. Les liens entre la fonction marchande et la valorisation patrimoniale : au-delà du tourisme », Géoconfluences, février 2024.

Pour aller plus loin

• Camilo Leon-Quijano, La cité. Une anthropologie photographique, éditions EHESS, 2023.