Polytopie, habiter polytopique
Le concept d’habiter polytopique est rattaché aux travaux de Mathis Stock (2005). Il désigne la faculté des humains à « habiter », au sens de pratiquer, plusieurs lieux éloignés les uns des autres. La notion de polytopie, absente du dictionnaire dirigé par Jacques Lévy et Michel Lussault en 2003, fait l’objet d’une entrée dix ans plus tard dans sa réédition (Stock, 2013).
L’habiter polytopique contribue à la redéfinition de l’habiter et de l’habitant, qui ne sont plus synonymes de résider et de résident. Sous l’influence du tourisme, des loisirs, du télétravail et du travail en déplacement (dans le train par exemple), nous habitons un archipel de lieux reliés entre eux, pour former ce que Mathis Stock appelle une « société à individus mobiles » (Stock, 2001 ; 2005). Il fait le constat que la mobilité conduit à redéfinir la façon dont nous sommes sédentaires, sans qu’on puisse parler pour autant de nouveau nomadisme (Stock, 2013), car l’habiter polytopique est loin d’exclure des formes d’ancrage. Contrairement aux sociétés nomades traditionnelles, pastorales par exemple, dans une société à individus mobiles, le degré de mobilité varie très fortement d’un individu à l’autre, de l’hypermobilité (Le Clec’h, 2020) à la sédentarité absolue ou presque (ma voisine âgée qui se fait livrer la totalité de ce qu’elle consomme).
L’écueil de la notion peut être de limiter son usage aux pratiques des cadres et des classes favorisées, à travers la publicité et le marketing territorial, qui vantent la mobilité et les pratiques touristiques des populations jugées désirables et solvables et invisibilisent les autres. L’habiter polytopique est au contraire à chercher autant dans les pratiques spatiales des populations marginalisées, précarisées, et chez toutes celles qui s’insèrent dans un parcours migratoire, intranational ou international (ibid.). La circulation migratoire est polytopique par définition.
(JBB), novembre 2025.
Références citées
- Le Clec'h Iwan (2020), « Le commerce à l’heure de l’hypermobilité des périurbains : l’exemple de Saint-Brieuc », Géoconfluences, août 2020.
- Stock Mathis (2001), Mobilités géographiques et pratiques des lieux. Étude théorico-empirique à travers deux lieux touristiques anciennement constitués : Brighton & Hove (Royaume-Uni) et Garmisch-Partenkirchen (Allemagne), thèse de géographie (sous la direction de Rémy Knafou), Université de Paris 7 – Denis Diderot, 2001.
- Stock Mathis (2005), « Les sociétés à individus mobiles : vers un nouveau mode d’habiter ? », EspacesTemps.net [En ligne], Travaux, 2005.
- Stock Mathis (2013), « Polytopie », in Jacques Lévy et Michel Lussault (dir.), Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés. Belin, 2013 (1re éd. 2003), pages 794–796.
Pour compléter avec Géoconfluences
- Louise Schreyers, « Image à la une : Le jardin et la tente : « habiter » un camp de réfugiés », Géoconfluences, mars 2017.







