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Société civile

Publié le 03/04/2023
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La société civile désigne l’ensemble des associations non gouvernementales qui agissent comme groupe de pression pour défendre les intérêts des individus et des collectifs qu’elle représente. À travers ses représentants, l'activité de ses associations, ses syndicats, ses groupes de consommateurs, elle fournit les acteurs et les contre-pouvoirs indépendants de l'État et du marché qui sont essentiels au bon fonctionnement d'une démocratie. Ils peuvent, par exemple, peser sur le respect des droits de l'Homme, la transformation des rapports sociaux, les choix d'aménagement du territoire et sur l'ensemble des questions environnementales.

(coll.), dernière modification (LF) juillet 2021.

Société civile en Russie | Société civile en Chine | Société civile en Inde


Société civile en Russie

On constate qu'il n'y a jamais eu de société civile épanouie en Russie. La population a longtemps vécu abandonnée à son sort, en marge du système politico-économique que lui impose le pouvoir, ce que le politologue Alexeï Berelowitch appelle la « démocratie contemplative », où « le peuple se contente d'aller aux urnes, puis de regarder ce qui se passe ». Il vote « mais sans vraiment choisir ». « Notre société est restée une société sans convictions véritables », constate Elena Bonner (veuve d'Andreï Sakharov, physicien soviétique qui a milité pour les droits de l’Homme et les libertés civiles) qui y voit un héritage de l'époque totalitaire, plus encore qu'une conséquence du désastre social : « Je parle de l'absence de critères moraux ainsi que de notre incapacité à distinguer la vérité du mensonge, le bien du mal ». L'une des hypothèses de Nicolas Werth est que la violence d'État de l'ex-URSS n'était pas exclusivement alimentée par l'idéologie, mais par la perception qu'avaient les dirigeants de la vulnérabilité du système face à un corps social difficilement maîtrisable.

L'absence de mouvement syndical indépendant en Russie survit durablement à l'effondrement du système soviétique. Certaines associations et ONG sont davantage actives et parfois médiatisées et connues en Occident pour leur engagement en faveur des droits de l'Homme, telles que Memorial, le Comité des Mères de soldats, le Contrôle civique ou le Groupe moscovite de Helsinki. Une loi entrée en vigueur le 17 avril 2006, oblige – entre autres – les ONG étrangères travaillant en Russie à se conformer à une procédure stricte d'accréditation auprès d'un Service fédéral d'enregistrement (FSR) dont la justification officielle est de « recueillir des statistiques sur les ONG en Russie ». Elle a été complétée par la promulgation le 21 novembre 2012 de la loi relative « aux Agents de l’étranger », qui prévoit que toute ONG qui reçoit de l’argent de l’étranger et prend part à des activités politiques doit s’enregistrer. Ces lois touchent durement les ONG qui défendent les droits civils, politiques, sociaux et qui luttent contre les discriminations en Russie : toutes celles qui vont à l’encontre du gouvernement sont réprimées et leurs membres peuvent être emprisonnés.

Une large part de la population russe reste par ailleurs à l'écart de ces mobilisations et pourrait être tentée de cristalliser ses frustrations sur « l'ennemi » extérieur ou intérieur : l'étranger, le Tchétchène, le terroriste islamiste, les minorités juives. Selon un sondage publié dans Nezavisimaâ Gazeta le 21 novembre 2001, à une question sur la définition de la société civile 55 % des personnes interrogées répondaient qu'elles n'en avaient jamais entendu parler, 22 % ne pouvaient pas expliquer ce dont il s'agissait (rapporté par Marie Fainberg et Anna Loussenko). Remarquons cependant les capacités, à la fois, d'adaptation, de résistance et de résilience dont la société civile russe a dû faire preuve au fil des décennies de son histoire tumultueuse.

(ST), dernières modifications (MCD) septembre 2013 (LF) juillet 2021.

Références citées
  • Préface d’Alexeï Berelowitch, in Entre le passé et l’avenir : l’homme soviétique ordinaire, enquête, Youri Levada, Paris, Presses de Sciences Po, 1993.
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Société civile en Chine

Grâce, entre autres, à la diaspora chinoise dans le monde, à l'essor des moyens d'information portés par l'internet et la téléphonie mobile (très contrôlés par l’État) ainsi qu'à la constitution d'une classe moyenne bien formée, les citoyens chinois se sont ouverts aux influences et aux expériences extérieures. Par ailleurs, les informations circulent beaucoup plus vite sur l'ensemble du territoire national. Dans ce contexte, avec l'ébauche d'une professionnalisation de la justice, du droit et des médias, la société civile a pu prendre son essor et on assiste indéniablement à son développement malgré le contrôle souvent étroit et bureaucratique d'un régime de nature autoritaire.

Toutefois, les manifestations de la société civile chinoise se font encore bien souvent de manière spontanée et violente plutôt que négociée : en 2006, selon les statistiques officielles, 87 000 manifestations et violences ont secoué le pays, mais depuis, le gouvernement a cessé de publier des chiffres de cette nature. On assiste fréquemment aux cycles « manifestation – répression » caractéristiques des régimes politiques de cette nature. Face aux différentes injustices accompagnant une mutation économique à marche forcée, l'exaspération sociale est parfois forte et les dérives politico-mafieuses des pouvoirs locaux ajoutent au sentiment de frustration. L'expression citoyenne se manifeste en différentes occasions : des affaires quotidiennes liées aux conditions de vie jusqu'aux enjeux de l'aménagement urbain, du développement des infrastructures (grands barrages, voies de communication), en passant par les conditions de travail des mingong, les fréquents scandales sanitaires (par exemple, en 2008, l'affaire du lait contaminé à la mélamine qui a touché, à des degrés divers allant jusqu'au décès, environ 300 000 enfants) et les effets de la pollution sur les populations (empoisonnements au plomb par exemple).

La presse chinoise estimait, en 2007, que 50 000 émeutes et protestations étaient imputables à des problèmes de nature écologique et environnementale. Ainsi le soulèvement en avril 2005 des habitants de Huaxi, à Dongyang, dans la province du Zheijiang, avait permis aux villageois d'obtenir l'arrêt de plusieurs usines chimiques. Les vastes opérations immobilières, soit sur des espaces en périphérie des villes empiétant sur les terres agricoles, soit sur des quartiers d'habitat traditionnel destinés à être rasés, sont l'occasion de mobilisation des populations concernées. Des milliers de paysans affrontent les forces de l'ordre pour protester contre les réquisitions de terres dont ils ont la jouissance. Les moyens juridiques et d'expression sont encore limités et encadrés. Les propriétaires expropriés tentent de s'appuyer sur la loi favorisant la propriété privée, adoptée par l'Assemblée nationale populaire en 2007.

Il existe aussi un espace officiel de plainte et de parole, le shan fang (littéralement « monter et visiter »), héritage de la tradition impériale et encadré aujourd'hui par l'administration des Lettres et des visites. Les citoyens-plaignants peuvent s'y exprimer oralement ou par écrit. En 2004, plus de 13 millions de témoignages écrits ou oraux ont été adressés aux différents niveaux de ce réseau organisé de bas en haut de la hiérarchie. Le nombre de plaignants issus des provinces et qui se rendent, en dernier recours, à Pékin, est croissant mais les autorités s'efforcent de décourager ce type de remontées parfois médiatisées et elles vont jusqu'à sanctionner les responsables locaux qui n'ont pas su les empêcher. Une très large majorité de ces plaintes n'aboutit à rien si ce n'est à informer le pouvoir des crispations sociales.

Les manifestations de la société civile à travers l'action d'ONG ou de mouvements spontanés sont encore parfois durement réprimées par des peines d'emprisonnement et des intimidations dissuasives du régime. Les ONG chinoises, suspectes aux yeux des autorités et soumises à toutes sortes de contraintes administratives et politiques, se limitent souvent à des actions de sensibilisation.

Les manifestations de la société civile chinoise ont néanmoins pris une nouvelle tournure et une plus grande ampleur dans la dernière décennie, les individus comme les ONG ayant plus fréquemment recours aux réseaux sociaux pour mobiliser l’opinion publique et accroitre la visibilité de leurs revendications.

(ST), juin 2010. Dernière modification (LF) en juillet 2021.

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Société civile en Inde

Les organisations de la société civile ont un long passé en Inde : mouvements pour l'Indépendance, mouvement gandhien, mouvements d'émancipation des plus basses castes et des tribus, mouvements de défense de l'environnement, etc. Sous la forme d'une multitude de mouvements associatifs, d'ONG, de groupes d'accès locaux, elles expriment la vitalité de la démocratie indienne. En effet, l'accès de tous à la citoyenneté politique est un principe fort de l'Inde indépendante, à la différence de l'accès aux droits sociaux (soins, éducation, par exemple), ce qui n'est pas sans rejaillir sur la citoyenneté politique.

Il n'existe pas aujourd'hui de véritables grands mouvements sociaux de masse, ce qui peut s'expliquer par l'écran posé entre l'individu et ces grands mouvements, par les solidarités familiales et communautaires, et par la pratique du clientélisme politique. Toutefois, les revendications se font de plus en plus nombreuses et inquiètent le pouvoir, en particulier sous l’influence du parti nationaliste BJP, qui impose des restrictions aux associations et organisations de la société civile et les discréditent aux yeux de la population. Cela se traduit par ailleurs par une criminalisation croissante des actions de protestation et un recours quasi systématique à la violence par les forces de police.

(MCD), mars 2015. Dernière modification (LF) en juillet 2021.


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