Territoires du religieux
Les territoires du religieux peuvent faire référence au contrôle d’un espace par une institution religieuse, laquelle inscrit son action dans des repères spatiaux. Ils peuvent aussi désigner la relation culturellement et socialement vécue entre une communauté d'habitants et un espace bien défini.
Toutes les religions introduisent des différenciations entre les lieux, structurent et aménagent l'espace pour rassembler la communauté. Au-delà des lieux saints fondateurs, elles multiplient les marqueurs spatiaux symboliques et mythiques et les lieux de culte. Les stratégies d'expansion des communautés religieuses passent par l'enrichissement continu de la trame des lieux.
Les religions instituées découpent l'espace en territoires délimités. Pour le christianisme, ce fut par l'inscription tout d'abord des églises et des diocèses dans les espaces de pouvoir de l'Empire romain ; puis, une fois les populations évangélisées en quasi-totalité, le découpage en paroisses s'est accompagné dans la durée d'une fusion des territorialités de l'institution et des territorialités des populations. Les religions peuvent aussi interdire certains espaces, ou en limiter l’accès, comme l’orthodoxie grecque interdisant l’accès des monastères du mont Athos aux femmes, aux enfants et aux animaux femelles.
Les religions moins instituées construisent leurs territoires de façon plus diffuse à partir des lieux de rassemblement comme les églises « locales » baptistes ou les « megachurches » des groupes pentecôtistes. Ces nouvelles territorialités s'opèrent par le bas, à partir des pratiques spatiales de leurs membres.
Face aux transformations des comportements, les Églises doivent adopter leurs systèmes territoriaux. C'est ainsi que l'Église catholique abandonne la dimension territoriale de la paroisse (canon 2012 de 1917) et la remplace par une définition qui se limite à une communauté de fidèles et un curé (canon 515 de 1983), ouvrant la voie aux regroupements de paroisses.
La déterritorialisation des appartenances semble être la conséquence de l'individuation des pratiques et de l'éloignement des institutions. Par ailleurs, les mobilités croissantes des populations conduisent à une inscription dans l'espace et une organisation qui passe moins par des territoires que par des fonctionnements en réseaux : l'islam européen ou des NMR (nouveaux mouvements religieux) en sont un exemple. Mais il s'agit peut-être d'une phase préalable à une territorialisation visible.
Les ajustements et les reterritorialisations du religieux donnent à voir la reconstitution des communautés à des échelles plus réduites ou plus vastes.
(MCD), 2016. Dernière modification (JBB et LF) mars 2021.
Pour compléter
- Bertrand Jean-René, « Territoire » in Azria Régine et Hervieu-Léger Danièle (dir.), Dictionnaire des faits religieux, PUF, 2010.
- L'exemple des banlieues françaises : Hervé Vieillard-Baron, « Les religions dans les banlieues : territoires et sociétés en mutation », Géoconfluences, 2016.
- Marie Gibert, « Les territoires du sacré, le sacre du territoire. Religion, urbanité et territoire : l’exemple de Katmandou », Géoconfluences, 2008.