Le Brexit et la frontière irlandaise
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Les résultats du référendum sur le Brexit du 23 juin 2016 ont révélé un Royaume-Uni fortement polarisé – géographiquement, démographiquement, socialement et économiquement – et ont bousculé son unité, confirmant ainsi l'existence d'une crise profonde affectant le projet européen au Royaume-Uni, l'identité britannique elle-même, le système politique et le processus démocratique.
Le cas de la frontière nord-irlandaise, pratiquement impensé pendant la campagne précédant le référendum, a surgi lors de la phase qui a suivi et qui devait permettre de préparer la sortie du Royaume-Uni pour mars 2019. Il ne s’agit pas seulement de la plus grande frontière terrestre entre le Royaume-Uni et l’Union Européenne, mais aussi d’une frontière marquée par une histoire conflictuelle qui avait été apaisée. Le rétablissement d’une frontière dure entre l’Irlande du Nord sous souveraineté du Royaume-Uni et la République d’Irlande pourrait être vécu par les frontaliers, et par les habitants des deux territoires, comme un douloureux retour en arrière.
La question de la frontière irlandaise résume bien les contradictions du Brexit : il n’est pas possible pour le Royaume-Uni de maintenir la frontière entièrement ouverte tout en affirmant sa pleine souveraineté sur le contrôle des entrées et des sorties des personnes et des marchandises. Cette contradiction liée à l’indécision inhérente au processus de Brexit, à laquelle s’ajoute une dimension historique incontournable sur la question nord-irlandaise, sera au cœur du présent article.
Figure 1. Les comtés et les provinces d'Irlande et d'Irlande du Nord
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1. Le Brexit et l’Irlande du Nord : un contexte local particulier
Le Royaume-Uni dans son ensemble a voté pour quitter l'Union européenne à 51,9 % contre 48,1 %. Cependant, deux nations minoritaires[1], l’Écosse et l’Irlande du Nord, ont voté pour rester dans l’Union européenne. Le résultat fut sans appel en Écosse, où aucune circonscription n’a voté en faveur de la sortie de l’Union européenne. Les Écossais se sont prononcés à 62 % pour le maintien dans l’Union européenne (avec un taux de participation de 67,2 %).
En Irlande du Nord, le résultat ne fut pas aussi limpide, bien que 55,8 % des personnes aient voté en faveur du maintien dans l’Union européenne (avec un taux de participation de 62,7 %). Seules 7 des 18 circonscriptions parlementaires nord-irlandaises ont voté en faveur du Brexit. C’est dans la circonscription de North Antrim, avec 62,2 %, que le score fut le plus élevé. Toutes les circonscriptions frontalières avec la République d’Irlande ont voté pour rester dans l’Union européenne, avec des marges confortables allant de 58,6 % dans le Fermanagh et Tyrone du Sud à 78,3 % dans le Foyle. En outre, trois des dix circonscriptions unionistes, comme l’ensemble des circonscriptions nationalistes, ont voté en faveur du maintien dans l’UE.
Tableau 1. Populations des nations britanniques (estimations en milieu d’année) et résultats du Brexit
Source : Office for National Statistics, Central Statistics Office, BBC |
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Dans le domaine des affaires intérieures britanniques, deux questions majeures émergent immédiatement après les résultats du référendum :
- l'éventualité d’une future indépendance de l'Écosse - le SNP (Scottish National Party) au pouvoir a immédiatement annoncé que la nette majorité en Écosse en faveur du maintien dans l’Union Européenne remettait en cause le résultat du référendum d'indépendance avorté de 2014 et qu’un second référendum sur l'indépendance pourrait alors être organisé beaucoup plus tôt que prévu ;
- la frontière irlandaise, qui se trouve être la seule frontière terrestre entre le Royaume-Uni et l'Union européenne (exception faite des cas particuliers commes les frontières de Gibraltar et les bases britanniques à Chypre).
Le 11 juillet 2016, moins d'un mois après le référendum sur le Brexit, la dirigeante nouvellement élue du parti conservateur, Theresa May, déclarait : « Brexit means Brexit », « Brexit, ça veut dire Brexit ». Elle ajoutait : « nous allons réussir. Nous ne tenterons pas de rester dans l'UE. Nous ne tenterons pas de la réintégrer par une porte dérobée, il n’y aura pas de second référendum. Le pays a voté pour quitter l'Union européenne et en tant que Première ministre, je m’assurerai que nous quitterons l'Union européenne »[2]. Quelle que soit la véritable signification de l'aphorisme de Theresa May, la réalité est que les négociations entre le gouvernement britannique et l'Union européenne depuis que le Royaume-Uni a déclenché, le 29 mars 2017, l'article 50 du traité sur l'Union européenne qui permet à un pays membre de se retirer de l’Union, se sont avérées très difficiles. Parmi les questions délicates, la frontière irlandaise est sans aucun doute celle qui a rendu les négociations entre le gouvernement britannique et l'Union européenne particulièrement complexes et tendues[3]. À terme, l’absence d’accord sur la frontière irlandaise peut provoquer l’absence totale d’accord entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. Le Brexit prendrait alors abruptement effet au 29 mars 2019, sans période de transition, et le Royaume-Uni serait alors considéré comme un pays tiers par l’Union européenne. C’est dans ce contexte que cette contribution propose de mettre en lumière les principaux enjeux associés à la frontière irlandaise.
Tableau 2. Majorité politique par circonscription nord-irlandaise (après les élections législatives de 2017) et résultats du Brexit
Source : BBC News et Wikipedia. Note : Chaque circonscription envoie un député à la Chambre des Communes à Westminster et cinq représentants à l’Assemblée nord-irlandaise de Stormont. Les résultats des élections des représentants locaux reflètent en général ceux des élections parlementaires. Toutefois, le système proportionnel de vote transférable implique qu’il est très improbable que les cinq représentants locaux d’une circonscription appartiennent au même parti. (Voir Wikipedia). |
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Figure 2. Les résultats du référendum sur le Brexit du 26 juin 2016 en Irlande du Nord
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Figure 3. Histoire de la frontière irlandaise en cinq cartes
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2. L’échec d’un accord de sortie de l’Union européenne laborieusement négocié et âprement contesté
La Première ministre britannique Theresa May a confirmé en janvier 2017 l’intention du gouvernement britannique de négocier un Brexit dur, déclarant que le contrôle de l'immigration européenne et son retrait de la Cour européenne de justice étaient la priorité de son gouvernement. Mme May a clairement déclaré que le Royaume-Uni voulait reprendre le contrôle de ses lois. En conséquence, la Grande-Bretagne ne pourrait pas rester dans le marché unique. Les objectifs du gouvernement britannique sont en effet incompatibles avec l'appartenance au marché unique, car l'Union européenne a explicitement indiqué qu’il faut pour cela respecter ses quatre libertés – la libre circulation des personnes, des biens, des capitaux et des services – ainsi que les règles qui les régissent (source : The Guardian). Cela serait évidemment en contradiction avec la déclaration de Mme May. Mme May a également annoncé et maintes fois répété l’intention du Royaume-Uni de se retirer de l’union douanière.
L’objectif du gouvernement britannique à négocier un Brexit dur n’a cessé d’être contesté depuis que Theresa May a déclenché l'article 50 du traité sur l’Union européenne. L’inflexibilité de l'Union européenne et le débat, au Royaume-Uni, entre les avocats d’un Brexit dur et ceux d’un Brexit allégé ont exercé de fortes pressions sur Mme May et ses gouvernements, entraînant plusieurs crises gouvernementales.
Le contexte politique britannique actuel est par ailleurs défavorable à Theresa May. En effet, son gouvernement a dû conclure un accord de gouvernement avec le Parti Unioniste Démocratique d'Irlande du Nord (le DUP, fortement eurosceptique et donc en faveur de la sortie de l'UE, socialement conservateur et farouchement opposé à toute forme de desserrement des liens entre l'Irlande du Nord et le reste du Royaume-Uni) pour former un gouvernement minoritaire après les élections parlementaires inopportunes de juin 2017 qui ont vu les conservateurs perdre leur majorité absolue à la Chambre des Communes[4]. Le parti conservateur de Theresa May a besoin des voix des unionistes du DUP à la chambre des Communes pour obtenir une très courte majorité absolue (le premier a 316 sièges et le second 10 sièges, soit un total de 326 sièges sur 650).
Après des mois de négociations (et d’impasses), les négociateurs du Royaume-Uni et de l’Union européenne sont parvenus à une proposition d'accord de sortie de l’Union européenne (« draft withdrawal agreement », voir : Commission européenne) présenté par Theresa May à son gouvernement, qui l’a validé, le 14 novembre 2018. Du côté européen, l’accord a été unanimement approuvé par les 27 chefs d’État le 25 novembre 2018. Il devait être soumis à la ratification du parlement britannique le 12 décembre 2018. Dès la publication du texte, son approbation fut en réalité très incertaine, au regard des mécontentements qu’il suscite chez les avocats d’un Brexit dur et les unionistes nord-irlandais. Une centaine de députés conservateurs avait indiqué qu’ils voteraient contre l’accord, provoquant une crise politique majeure. Theresa May a donc dû ajourner le vote avant d’affronter avec succès une motion de censure au sein du parti conservateur remettant en cause son statut de chef de parti, et donc son poste de Première ministre. Le problème est toutefois resté entier pour Theresa May, qui a certes promis de ne pas mener la campagne électorale du parti conservateur aux prochaines élections législatives qui doivent avoir lieu au plus tard en mai 2022, mais s’est trouvée dans l’obligation d’obtenir de très hypothétiques assurances supplémentaires de la part de l’Union européenne quant à la nature temporaire du « backstop » pour que l’accord de sortie soit voté par le parlement britannique. Il était évidemment trop tard pour reprendre des négociations plus ambitieuses. Le vote a finalement eu lieu le 15 janvier 2019, et le Parlement britannique a très largement refusé de voter en faveur de la proposition d’accord de retrait de l’Union européenne (source) soumis par Theresa May, déclenchant une autre crise gouvernementale (Theresa May est sortie victorieuse de peu d’une motion de censure déposée par Jeremy Corbin, le leader de l’opposition travailliste le lendemain du vote du parlement) et laissant plus que jamais planer la perspective d’une absence totale d’accord entre le Royaume-Uni et l’Union européenne.
Malgré son rejet par le parlement britannique, cet accord – qui était assorti d’une déclaration politique présentant les principes des relations futures entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, en particulier dans les domaines des échanges commerciaux et de la sécurité – reste un document important dans les futures relations entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, notamment dans le cas, envisagé, de nouvelles négociations. Il détaille les conditions dans lesquelles le Royaume-Uni aurait quitté l’Union européenne à partir du 29 mars 2019, tout en ouvrant une période de transition qui se serait achevée le 31 décembre 2020 (avec une possibilité d’extension d’une ou deux années), pour permettre aux administrations, entreprises et citoyens de s’adapter à cette sortie. Pendant cette période, les règles de l’Union européenne auraient continué de s’appliquer au Royaume-Uni qui serait resté membre de l’union douanière et du marché unique. Toutefois, le Royaume-Uni aurait cessé de participer au processus décisionnel de l’Union européenne.
L’accord rejeté contient un long (21 articles, 144 pages d’annexes) protocole spécifique pour l’Irlande et l’Irlande du Nord dont l’objectif est de constituer un filet de sécurité (« backstop », voir : BBC News) pour éviter le retour d’une frontière (c’est-à-dire des infrastructures physiques et des contrôles) entre l’Irlande et l’Irlande du Nord et pour préserver les conditions de l’accord de Vendredi Saint de 1998, la coopération entre les deux territoires et l’économie de l’île dans l’éventualité où le Royaume-Uni et l’Union européenne ne seraient pas parvenus, à l’issue de la période de transition, à sceller un accord définitif de libre-échange, qui devait idéalement être conclu et ratifié au 1er juillet 2020. Selon les termes de l’accord de novembre 2018, en l’absence d’accord de libre-échange à la fin de la période de transition et de solution technologique évitant les contrôles à la frontière et préservant la totale fluidité des échanges commerciaux sur l’île d’Irlande, le Royaume-Uni serait resté dans l’union douanière avec l’Union européenne, formant « a single EU-UK customs territory », et l’Irlande du Nord aurait dû respecter un certain nombre de règles du marché unique pour une durée indéterminée, à moins qu’un autre accord soit accepté par les deux parties. En d’autres termes, ce sont les conditions définies dans ce protocole spécifique pour l’Irlande et l’Irlande du Nord qui auraient alors régi les relations économiques entre le Royaume-Uni et l’Union européenne à partir du 1er janvier 2021, sans prolongation de la période de transition et aucun autre accord scellé entre les deux parties pour remplacer le « backstop ». Dans ce cas, la mer d’Irlande aurait alors joué le rôle de frontière entre l’île d’Irlande et la Grande-Bretagne : les produits en provenance du Royaume-Uni auraient être contrôlés à leur entrée en Irlande du Nord pour vérifier qu’ils satisfont aux exigences européennes. Le « backstop » prévoyait également que le Royaume-Uni respecte un certain nombre de règles de manière à ne pas constituer une concurrence déloyale au détriment des entreprises européennes : l’accord parle de l’instauration d’un « level playing field ».
Le « backstop » a été un facteur déterminant dans le rejet de l’accord par le parlement britannique. Il était en effet absolument impensable pour les avocats d’un Brexit dur et le DUP d’accepter un tel dispositif, au motif que le « backstop » menaçait gravement l’intégrité constitutionnelle du Royaume-Uni puisqu’il introduisait une différence de traitement entre la Grande-Bretagne et l’Irlande du Nord, qui aurait pu, dans la pratique, se retrouver dans une union douanière avec l’Union européenne. Selon les partisans d’un Brexit dur, cela signifiait également que le lien n’aurait pas été coupé avec l’Union européenne : le Royaume-Uni restait « enchaîné » à cette dernière pour une durée indéterminée (le Royaume-Uni était, selon le Procureur général, susceptible d’être bloqué indéfiniment dans des négociations avec l’Union européenne car il n’aurait pu sortir du « backstop » sans son accord[5]), était obligé de suivre des directives européennes sans pouvoir influer sur leur définition et était prisonnier d’un accord lui interdisant de négocier des accords commerciaux bilatéraux avec d’autres pays (Voir : The Guardian).
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La question de la frontière irlandaise n’était pas réglée avec la proposition d’accord de novembre 2018. Elle l’est évidemment encore moins maintenant que l’accord a été formellement rejeté par le parlement britannique. La seule certitude jusqu’à présent était que le Royaume-Uni et l’Union européenne avaient réaffirmé leur détermination à éviter le rétablissement d’une frontière entre l’Irlande et l’Irlande du Nord, afin de préserver la stabilité des relations intercommunautaires en Irlande du Nord, la libre circulation des personnes et les échanges économiques sur l’île. Le rejet de l’accord ouvre une nouvelle période d’incertitudes (voir : The Guardian). L’avenir nous dira si cette détermination à éviter le rétablissement d’une frontière persistera et quelles seront les solutions envisagées. Dans tous les cas, il est certain que les trois grandes questions évoquées plus haut restent pertinentes.
3. Trois enjeux majeurs : le processus de paix, la circulation des personnes, et les liens économiques
La frontière entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord, en raison de ses origines historiques et de ses particularités, est un point particulièrement délicat dans les négociations du Brexit, comme cela a été montré dans les deux parties précédentes. Cette partie revient sur trois aspects particulièrement cruciaux.
3.1. Le processus de paix
Depuis la signature de l’accord de Vendredi Saint en 1998, l’Irlande du Nord est une société post-conflit dans laquelle les relations intercommunautaires demeurent une question majeure. Le système politique se caractérise par de profonds blocages qui proviennent de la structure interne des institutions (le système ethnique bipartite) et de l’hostilité entre les deux principaux partis (le DUP – très eurosceptique et partisan du Brexit et le Sinn Féin, plutôt europhile et opposé à la sortie de l’Union européenne). Il est impossible pour l’instant de déterminer dans quelle mesure les relations politiques en Irlande du Nord seront altérées par le Brexit. Toutefois, il faut préciser que le vote en faveur du Brexit est survenu peu de temps après la signature en novembre 2015, après dix semaines de négociations difficiles, d’un accord important entre les cinq principaux partis politiques d'Irlande du Nord et les gouvernements britannique et irlandais. Cet accord, appelé « Fresh Start », c’est-à-dire « Nouveau Départ », est présenté comme « un accord pour consolider la paix, sécuriser la stabilité, permettre le progrès et offrir de l'espoir ». Il fallait en effet régler de toute urgence la crise politique concernant la réforme de la sécurité sociale (en particulier la mise en œuvre de l'accord de Stormont du 23 décembre 2014[6]), ainsi que l’héritage et l’impact de l’activité paramilitaire et de l’intolérance religieuse.
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La stabilité des relations intercommunautaires est donc le premier défi majeur soulevé par le Brexit car les divergences politiques et tensions provoquées par le Brexit sont de nature à rompre le fragile équilibre politique nord-irlandais. Le retour d'une frontière physique s’opposerait aux termes de l'accord du Vendredi Saint et réactiverait le souvenir des Troubles et de la partition de l'Irlande de 1921. D'un point de vue nationaliste, le retour d'une frontière est inacceptable car cela rendrait la réunification de l'Irlande encore plus hypothétique qu'elle ne l'est déjà. Par ailleurs, toute proposition de statut spécial pour l’Irlande du Nord est inacceptable pour les unionistes, qui considèrent cela comme une brèche dans l'unité du Royaume-Uni. Elle a également le désavantage de rappeler la période des Troubles. C’est ce constat simple qui exige que le Royaume-Uni et l’Union européenne s’accordent sur une solution qui interdise la réintroduction d’une frontière physique entre les deux territoires irlandais, ce que ne manque pas de rappeler le protocole d’accord sur l’Irlande du Nord.
Figure 4. Drapeaux et symboles dans les paysages urbains nord-irlandais
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À gauche : la loge orangiste de Bushmills (L.O.L : Loyal Orange Lodge). Au centre : drapeaux britanniques et nord-irlandais dans les rues de Bushmills. Sur les drapeaux nord-irlandais figure la croix de saint Georges et la main rouge d'Ulster (the Red hand of Ulster), qui était l'emblème des O'Neill de Tyrone dès le XIVème siècle et qui est devenu le symbole moderne du loyalisme protestant, c'est-à-dire de l'attachement indéfectible des protestants nord-irlandais à la couronne britannique. À droite : une affiche rappelle l'origine du drapeau britannique. | ||
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Photographies du Bogside, vu depuis les remparts qui entourent le centre ville. Le Bogside est le quartier catholique de Derry/ Londonderry où 14 personnes furent tuées par l'armée britannique le 30 janvier 1972 lors du dimanche sanglant (Bloody Sunday). On y voit les inscriptions IRA, le drapeau de la République d'Irlande qui flotte, ainsi que les grandes fresques murales qui entretiennent le souvenir de la lutte pour les droits civiques pendant la période des Troubles (1968-1998). |
L'Union européenne a joué un rôle politique, économique et psychologique déterminant, à travers les programmes PEACE et INTERREG, pour permettre aux unionistes et aux nationalistes de collaborer et pour maintenir des relations avec la République d'Irlande. Il se pose donc la question de la pérennité de l’existence des institutions construites autour du processus de paix puisque les cadres européens dont elles dépendent disparaissent avec la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. Le processus de décentralisation, élément clé de l'accord de Belfast, est étroitement lié à l'Union européenne et à la Convention européenne des droits de l'homme. Comment ces institutions parviendront-elles à s'adapter à différents cadres juridiques et à poursuivre une collaboration transfrontalière ?
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Tableau 3. Financement du programme PEACE
Source : The Impact of EU funding on the Region – the PEACE and INTERREG programmes, p. 2. |
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Figure 5. Les comtés irlandais et nord-irlandais concernés par le programme PEACE IV
Source : https://www.seupb.eu/piv-overview |
Figure 6. Le Pont de la Paix enjambe la Foyle à Derry/ Londonderry.
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Cliché : Fabien Jeannier, 2014 « Le 25 juin 2011, le commissaire européen chargé de la politique régionale, Johannes Hahn, a inauguré le Pont de la Paix financé par l'Union européenne à Londonderry / Derry, aux côtés du Taoiseach irlandais et des chefs de l'exécutif d'Irlande du Nord. Le Pont de la Paix a été financé par les 14 677 823 £ du prix PEACE III de l'Union européenne. Ce programme, géré par l'organisme chargé des programmes de l'UE (SEUPB), est considéré comme l'un des projets phares de l'UE dans une région que le commissaire Hahn a qualifiée de « symbole d'espoir pour les zones de conflit du monde entier ». Le financement de ce pont emblématique représente une contribution du Fonds européen de développement régional, de l'Exécutif d'Irlande du Nord et du gouvernement irlandais. » |
Les institutions européennes ont joué un rôle majeur dans le traitement de l'héritage des Troubles grâce à un financement spécifique, facilité par l'adhésion à l'Union européenne du Royaume-Uni et de l'Irlande. Le processus de paix a été promu auprès des communautés nord-irlandaises et accepté par ces dernières dans un contexte spécifique qui n’existera bientôt plus. On peut donc se demander dans quelle mesure les incertitudes suscitées par le Brexit dans le domaine des relations intercommunautaires auront pour conséquence la reprise des violences paramilitaires. De manière connexe, l’impact économique du Brexit peut avoir une incidence sur les relations entre unionistes et nationalistes : dans le cas – très vraisemblable – d’un impact négatif (voir plus loin), il y a de fortes chances pour que la partie la plus vulnérable économiquement de la société nord-irlandaise soit la plus touchée. Il se trouve que cette partie de la population était également la plus susceptible de participer à la violence intercommunautaire pendant les Troubles[8].
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En réponse à ce défi très spécifique, le Livre blanc sur les futures relations entre le Royaume-Uni et l’Union européenne présenté en juillet 2018 au parlement britannique par Theresa May indiquait que « le Royaume-Uni reste déterminé à mettre en œuvre un futur programme PEACE pour soutenir un travail essentiel sur la réconciliation et un avenir commun en Irlande du Nord. Le Royaume-Uni se félicite de l'engagement de la Commission européenne en faveur d’un futur programme protégeant ce travail et d'une coopération transfrontalière plus large, et s'est engagé à finaliser le cadre de ce programme conjointement avec l’UE au cours des prochains mois » (p. 77).
Le protocole d’accord sur l’Irlande et l’Irlande du Nord contenu dans l’accord de novembre 2018 rappelle effectivement l’existence des programmes PEACE et INTERREG, et exprime clairement la volonté des parties de respecter les objectifs de réconciliation et de normalisation des relations sur l’île d’Irlande, ainsi que l’ensemble des obligations définies par l’accord de Vendredi Saint, notamment dans le domaine de la coopération transfrontalière (voir en particulier les articles 4 et 13). En l’état, pourtant, les modalités pratiques restent à imaginer, y compris pour remplacer les financements européens. C’était déjà le cas dans le livre blanc du gouvernement britannique. Dans le domaine des relations intercommunautaires, l'aide financière de Londres est loin d'être assurée à long terme pour remplacer les fonds européens.
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Encadré 4. L’importance de l’Accord du Vendredi Saint de 1998
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3.2. L’immigration et la libre circulation des citoyens britanniques et irlandais
Aujourd'hui, les dirigeants irlandais et nord-irlandais semblent être d'accord sur le fait qu'il y a 208 points de passage le long de la frontière de 500 kilomètres. C’est peu dire que compter et cartographier les points de passage ne fut pas une tâche facile à mener. La question n’est en réalité pas tant celle du retour d'une frontière, qui semble à la fois essentiel et inévitable (d’autant plus si le Royaume-Uni quitte l’Union européenne sans accord) mais celle du type de frontière et de l’éventail des solutions possibles pour contrôler la circulation des personnes (y compris celle des ressortissants de l'UE) et appliquer les futurs règlements et taxes douanières (le Royaume-Uni doit à terme de quitter le marché unique et l’union douanière) sur les flux de marchandises entre les territoires européen et britannique puisque l’Union européenne et le Royaume-Uni ont à maintes reprises rappelé leur engagement à ne pas réinstaurer une « frontière dure », que l’on doit comprendre comme une frontière avec postes de contrôles et gardes.
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La question cruciale concerne donc les possibilités technologiques (en supposant que les problèmes politiques soient résolus) permettant de concilier d’inévitables contrôles douaniers, que ce soit pour les personnes ou pour les marchandises, avec l'apparence d'une frontière complètement ouverte, une « frontière transparente », sans infrastructures physiques ni gardes-frontières. La question peut être posée différemment, mais reste très simple : quels sont les moyens technologiques qui permettent à une frontière dure d’être invisible ? En d’autres termes encore, un « frontière intelligente » est-elle la solution adéquate dans le contexte irlandais ?
La question de la frontière irlandaise est éminemment délicate car c’est une frontière très fréquentée. Son rétablissement pose donc en premier lieu la question de la libre circulation des Irlandais, qu’ils soient du nord ou de la République d’Irlande. Traverser la frontière est un acte quotidien pour beaucoup d’entre eux. Ils traversent la frontière pour diverses raisons : travail et affaires, études, shopping, tourisme, traitements médicaux, visites à des amis et à la famille, soit environ 110 millions de passages de personnes et 72 millions de passages de véhicules par an. Il n'est pas rare que de nombreux habitants de la région transfrontalière traversent la frontière plusieurs fois par jour. Il ne fait aucun doute que le retour des contrôles aux frontières serait un inconvénient majeur pour ces personnes – il est donc inenvisageable – même si l’exemple franco-suisse montre qu’il est possible de conserver une frontière ouverte pour les navetteurs (il ne faut toutefois pas oublier l’aspect traumatique, dans le cas de la frontière irlandaise, d’un éventuel retour d’infrastructures physiques). Par ailleurs, les traversées est-ouest de la mer d'Irlande représentent environ 23 millions de personnes et 3,1 millions de véhicules par an.
Reprendre le contrôle de la migration européenne au Royaume-Uni était l’une des principales promesses des Brexiters et reste l’une des priorités du gouvernement britannique. Mais le gouvernement britannique est pris entre deux feux : d'un côté, il est politiquement inacceptable de laisser les personnes traverser librement la frontière irlandaise, comme c’est actuellement le cas. Cela signifierait qu'il n’honore pas ses engagements vis-à-vis de son électorat eurosceptique de contrôler l'immigration européenne – l'Irlande pourrait alors être considérée par les migrants européens comme la porte d’entrée au Royaume-Uni : une fois parvenu en Irlande du Nord, un migrant serait de fait sur le territoire britannique. D’un autre côté, il est tout aussi politiquement inacceptable de rétablir une frontière avec gardes et barrières. Unionistes et nationalistes s’y opposent fermement, car cela contreviendrait aux dispositions de l’Accord du Vendredi Saint et constituerait un sérieux obstacle à la vie quotidienne de la population locale.
En outre, le rétablissement d'une frontière soulève la question de la libre circulation des citoyens britanniques et irlandais qui bénéficient actuellement du Common Travel Area (CTA). Ni le Royaume-Uni ni l'Irlande ne sont membres de l'espace Schengen. Le CTA a été mis en place sous diverses formes depuis la partition de l’Irlande et réglemente les voyages entre l’Irlande, le Royaume-Uni, les îles Anglo-Normandes et l’île de Man. Les citoyens irlandais et britanniques peuvent se déplacer librement, s'installer, travailler, voter et avoir accès à l'aide sociale dans l’espace du CTA, qui implique une coordination étroite entre les autorités irlandaises et britanniques. L’article 5 du protocole sur l’Irlande et l’Irlande du Nord contenu dans l’accord de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne protège les droits du CTA.
3.3. L’importance des liens économiques de part et d’autre de la frontière
Les échanges économiques et commerciaux entre le Royaume-Uni, l'Irlande du Nord et l'Irlande sont conséquents, complémentaires et sont à l’évidence facilités par l’absence de frontière.
La Grande-Bretagne est le principal partenaire économique de l’Irlande du Nord. Ainsi, en 2016, les ventes de l’Irlande du Nord à la Grande-Bretagne représentaient 1,3 fois plus que toutes les autres exportations (Irlande, reste de l’UE, reste du monde combiné) et 3,7 fois plus que ses exportations vers l’Irlande. La valeur des ventes de l’Irlande du Nord en Grande-Bretagne s’élevait à 14,6 milliards de livres en 2016, soit 56,2 % de ses ventes externes[11] et 19,2 % de ses ventes totales. Toutefois, l’Irlande reste le principal marché d’exportation de l’Irlande du Nord, avec 4,0 milliards de livres en 2016, représentant 35 % de ses exportations et 15,4 % de ses ventes externes (5,3 % de ses ventes totales).
Un examen attentif des exportations de marchandises vers l'Irlande montre qu'elles représentaient 2,4 milliards de livres en 2016 et que le secteur des exportations de nourriture et d’animaux vivants représentait 31 % des exportations totales. Les deuxième et troisième secteurs étaient ceux des machines et matériel de transport (17 %) et des produits manufacturés (16 %). Les trois secteurs combinés représentaient 64 % de toutes les exportations d'Irlande du Nord vers l'Irlande en 2016, pour une valeur de 1,5 milliard de livres.
Figure 7. Exportations de l'Irlande, l'Irlande du Nord et la Grande Bretagne, entre elles, vers l'UE et vers le reste du monde |
La République d'Irlande est le cinquième plus gros client des exportations britanniques et le Royaume-Uni est le deuxième plus gros client des exportations irlandaises. Le Royaume-Uni représentait 13,8 % des exportations totales de produits irlandais en 2015 et représentait 25,7 % des importations irlandaises. L’exportation de services au Royaume-Uni en provenance d'Irlande représentait 17,7 % de l'ensemble des services irlandais en 2014 (17,98 milliards de livres) et l’importation en provenance du Royaume-Uni représentait 11,4 milliards de livres (10,4 % de tous les services d'importation).
En 2016, les entreprises nord-irlandaises (dans les secteurs non financier et non agricole) ont effectué environ 758 000 livraisons transfrontalières vers l'Irlande, pour une valeur estimée à 3,4 milliards de livres. En 2015, environ 410 000 livraisons ont eu lieu de l'Irlande vers l'Irlande du Nord, pour une valeur avoisinant 2 milliards de livres. On estime que 11 100 ou 21 % des entreprises nord-irlandaises ont exporté vers ou importé en provenance d’Irlande en 2016. La majeure partie de ce commerce se fait par route et représente un sous-ensemble des 110 millions de passages de personnes ou 72 millions de passages de véhicules en 2016 entre les deux territoires. La majorité de ces transactions transfrontalières a été réalisée par des micro- et petites entreprises, qui dominent l’économie nord-irlandaise : environ 74 % des livraisons d’exportations en provenance d’Irlande du Nord sont le fait d’entreprises de moins de 50 employés et 33 % d’entreprises de moins de 10 employés.
Les conséquences économiques du Brexit sont par définition difficiles à prévoir. Elles vont dépendre de la nature de l’accord auquel parviendront le Royaume-Uni et l’Union européenne, si les deux parties parviennent à un accord. Nous connaitrons alors les conditions d’accès du Royaume-Uni au marché unique et le coût de la réintroduction éventuelle de taxes douanières. D’ici là, il est impossible de prévoir avec certitude les conséquences du Brexit sur les relations commerciales anglo-irlandaises, sur les PIB britannique et irlandais et sur l’économie nord-irlandaise. Toutefois, le Brexit est presque unanimement présenté comme une menace pour la prospérité du Royaume-Uni et de l’Irlande. Les divergences concernent l’ampleur des conséquences. De nombreuses projections ont été réalisées, dont un rapport du think-tank Institute for Government fait la synthèse, en rappelant justement la difficulté de l’exercice (d’autant que plusieurs scénarios sont à prendre en compte), et en insistant sur le large spectre couvert par ces projections.
Figure 8. Scénarios prospectifs de long terme sur l'évolution du Brexit sur le produit intérieur brut du Royaume-Uni, par rapport à un maintien dans l'UESource : Institute for government, Understanding the economic impact of Brexit, oct. 2018, p. 3. |
Un très récent rapport du gouvernement britannique indique que, certes, l’économie britannique va continuer à croître à long terme, mais que le Brexit aura des effets négatifs sur cette dernière, dont l’ampleur variera selon les conditions dans lequel le divorce avec l’Union européenne aura lieu. Les résultats d’une projection à 15 ans varient considérablement en fonction des variables utilisées (notamment avec ou sans immigration) et des quatre scénarios étudiés (pas d’accord, accord de libre-échange avec l’Union européenne, appartenance du Royaume-Uni à l’espace économique européen, Brexit allégé sur la base du livre blanc de juillet 2018) : l’absence d’accord avec l’Union européenne serait le scénario le plus dommageable pour l’économie britannique, alors qu’un Brexit allégé serait le scénario le moins défavorable, pour l’ensemble des régions britanniques. Le recul du PIB est compris dans une très large fourchette allant de –0,6 % à –9,3 % par rapport à la situation actuelle.
Le rapport apporte bien peu d’éléments concernant l’économie de l’Irlande du Nord. Tout au plus note-t-il que c’est dans le secteur manufacturier que l’Irlande du Nord (de même que l’Ecosse et le pays de Galles) souffrirait le plus en cas de Brexit sans accord (p. 67). C’est en Irlande du Nord que se trouve la plus forte proportion de travailleurs non qualifiés de l’industrie du Royaume-Uni travaillant dans les secteurs industriels les plus susceptibles d’être touchés par le Brexit. En cas de perte d’emploi, les chances d’en retrouver un sur le même territoire seront minces (source, p. 54-55). Il faut donc s’attendre à ce que l’économie de l'Irlande du Nord souffre, d’autant plus qu’elle est fragile et en difficulté par rapport au reste du Royaume-Uni (elle dépend notamment largement des dépenses publiques et des fonds européens, en particulier pour l'agriculture). L’emploi et le PIB de l’Irlande du Nord dépendent plus que toute autre région britannique de l’agriculture et de l’industrie agro-alimentaire (« agri-food business », ibid., p. 51.). L’impact du Brexit dans ce domaine dépendra donc de la manière dont le Royaume-Uni compensera le retrait de l’Union européenne. Il convient ici de souligner le rôle majeur joué par les différents fonds européens pour la construction d’infrastructures et le développement économique, en particulier dans le secteur agroalimentaire en Irlande du Nord. Le programme INTERREG a notamment une importante dimension transfrontalière.
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Figure 9. Le programme INTERREG : territoires concernés et montant des fonds
Les comtés irlandais, districts nord-irlandais et wards écossais concernés par Interreg VA. Source : https://www.seupb.eu/iva-overview |
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Le rétablissement des contrôles et des taxes douanières est de nature à rendre les échanges moins fluides et plus coûteux et donc à nuire à l’économie de chaque côté de la frontière. Un rapport publié par la banque centrale irlandaise prévoit une contraction de 9,6 % des échanges entre l’Irlande et le Royaume-Uni à cause de l’augmentation des obstacles non tarifaires aux échanges (normes, quotas, contrôles, etc.). Les boissons, denrées périssables et matières premières seraient les plus touchées (source : Banque Centrale d’Irlande). Malgré une économie florissante et des perspectives très positives, l’Irlande risque donc également de souffrir du Brexit.
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Conclusion
L’Irlande du Nord est une nation vulnérable du Royaume-Uni. Cette vulnérabilité qui est à la fois économique, sociale et politique risque fort d’être exacerbée par les conséquences du Brexit et le nécessaire rétablissement d’une frontière, quelle qu’en soit la forme. La question de la frontière s’inscrit également dans le contexte plus large de la crise de l'identité britannique et des arrangements constitutionnels actuels des quatre nations formant l'État britannique. L’Irlande du Nord ne peut être considérée comme une exception par le gouvernement britannique, qui sera alors confronté à la colère des unionistes et aux velléités indépendantistes de l’Écosse.
En tant que zone périphérique, l’Irlande du Nord ne semble pas faire l’objet d’une attention soutenue de la part de Londres, et ses divisions et faiblesses politiques constituent sans aucun doute un handicap sérieux pour faire entendre sa voix. La fragmentation politique et les divisions ethno-nationales rendent la défense des intérêts de l’Irlande du Nord beaucoup moins efficace qu’en Écosse. Le livre blanc du gouvernement britannique publié en juillet 2018 ne proposait aucune solution pratique pour préserver la stabilité globale de l’Irlande du Nord. Sa seule et unique promesse était de ne pas rétablir une frontière dure, c'est-à-dire dans ce cas particulier, compte tenu du contexte historique, politique et social, une frontière avec des gardes et des postes de contrôle frontaliers. L’accord de novembre 2018 entre l’Union européenne et le Royaume-Uni réitère ce postulat mais n’apporte pas plus de solutions technologiques concrètes. Le gouvernement britannique est très désireux, pour ne pas dire désespéré, de « protéger l’Union, d'éviter la nécessité d'une frontière dure entre l'Irlande du Nord et l'Irlande, de préserver l'intégrité constitutionnelle et économique du Royaume-Uni et de répondre aux besoins de la famille britannique au sens large, incluant les dépendances de la Couronne et les territoires d’outre-mer » (source). Mais il est légalement contraint d’organiser la sortie de l’Union européenne sans pouvoir réinstaurer une frontière terrestre avec cette dernière. C’est une redoutable équation, à laquelle il n’a toujours pas trouvé de solution.
Pour compléter
Bibliographie
- Anne-Laure Amilhat Szary, Qu’est-ce qu’une frontière aujourd’hui ?, Paris, PUF, 2015.
- Karine Bigand, « L’Irlande du Nord : un territoire vulnérable face au Brexit », Recherches internationales, 2017, p. 65-81.
- Karine Bigand, « Les Élections à l’Assemblée nord-irlandaise de 2016 et 2017 : contextes, résultats, perspectives », Revue Française de Civilisation Britannique, 2017.
- Nathalie Duclos, L’Écosse en quête d’indépendance ? Le référendum de 2014, Paris, PUPS, 2014.
- Christophe Gillissen, « L’Irlande et le Brexit : un avenir incertain », Questions internationales, n° 85-86, 2017, p. 136-141.
- Wesley Hutchinson, « La dimension irlandaise », Outre-Terre n° 49, 2017, p. 154-165
- Valérie Peyronel, « Northern Ireland: Devolution as an Electoral Issue in the 2015 UK General Election », Revue française de civilisation britannique, 2015.
- Carine Berberi, « Northern Ireland: Is Brexit a Threat to the Peace Process and the Soft Irish Border? », Revue française de civilisation britannique, 2017.
Webographie en deux ressources
- Analyse des scénarios possibles pour la frontière irlandaise après le Brexit, par Katy Hayward, sociologue de Queen’s University à Belfast.
- La frontière en 4 diapositives clés, les différents types de contrôles selon les différents types de frontières avec l’Union européenne après la sortie du Royaume-Uni, selon le Dr Katy Hayward.
Webographie complète
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[2] Traduit de l’anglais par l’auteur. Voir : BBC, The Telegraph, et Independant.
[3] Les deux autres questions délicates étaient l’accord financier et la protection des droits des citoyens européens et britanniques vivant respectivement au Royaume-Uni et dans l’Union européenne.
[4] De manière tout à fait inattendue, Theresa May avait décidé de convoquer des élections anticipées en avril 2017 dans l'espoir de renforcer le mandat de son gouvernement pour négocier un Brexit dur.
[5] Heather Stewart, “Brexit legal advice warns of UK being trapped by Irish backstop”, The Guardian, 5 Dec 2018 et Dan Sabbagh and Peter Walker, “Brexit backstop would be 'practical barrier' to trade deal, leaked paper says”, The Guardian, 3 Dec 2018.
[6] Voir Stormont House Agreement sur asset.publishing.service.gov.uk [PDF].
[7] Pour une analyse mise à jour du paysage politique nord-irlandais, voir Karine Bigand, « Les Élections à l’Assemblée nord-irlandaise de 2016 et 2017 : contextes, résultats, perspectives », Revue Française de Civilisation Britannique [Online], XXII-4 | 2017, et Valérie Peyronel, « Northern Ireland: Devolution as an Electoral Issue in the 2015 UK General Election », Revue Française de Civilisation Britannique [Online], XX-3 | 2015, en particulier p. 1-4.
[8] Mary C. Murphy, Europe and Northern Ireland’s future: negotiating Brexit’s unique case
[9] Les citations de cette partie sont directement extraites de l’accord de Vendredi Saint. Toutes les citations sont traduites de l’anglais par l’auteur.
[10] Martin Davison, “What on Earth is a Hard Border?”,. Voir également Martin Davison, “When is a Hard Border not a Hard Border?”,. Briefings for Brexit publie des contributions en faveur du Brexit.
[11] Les ventes externes sont l’ensemble des ventes de produits et services réalisées hors d’Irlande du Nord.
Fabien JEANNIER
Docteur en civilisation britannique, professeur d’anglais, lycée Aristide Briand, Gap.
Mise en web : Jean-Benoît Bouron
Pour citer cet article :Fabien Jeannier, « Le Brexit et la frontière irlandaise », Géoconfluences, janvier 2019. |
Pour citer cet article :
Fabien Jeannier, « Le Brexit et la frontière irlandaise », Géoconfluences, janvier 2019.
URL : https://geoconfluences.ens-lyon.fr/actualites/eclairage/brexit-frontiere-irlandaise