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La sécularisation continue de progresser dans le monde

Publié le 04/09/2025
Auteur(s) : Jean-Benoît Bouron, agrégé de géographie, responsable éditorial de Géoconfluences - DGESCO, ENS de Lyon.

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Un article paru dans "Nature" compare la pratique, le sentiment et l’appartenance religieuse déclarée entre la population âgée de plus de 40 ans et la population âgée de moins de 40 ans. Dans la très grande majorité des 87 États comparés, les personnes nées après les années 1980 sont moins religieuses que leurs aînés. Ces conclusions sont utiles pour traiter le thème de 1re HGGSP : "analyser les relations entre États et religions".

Bibliographie | mots-clésciter cette brève

Référence de l’article : Stolz, Jörg, de Graaf, Nan Dirk, Hackett, Conrad et Antonietti Jean-Philippe, "The three stages of religious decline around the world”. Nature Communications 16, 7202 (2025). https://doi.org/10.1038/s41467-025-62452-z

L’article de Nature sur lequel s'appuie cette brève utilise les données gratuites et en accès libre d’un institut de sondage et de statistique étatsunien, le Pew Research Center, que Géoconfluences cite régulièrement. Il peut être résumé dans la figure suivante (document 1). L’article et le document sont en accès ouvert, sous licence Creative Commons.

Document 1. Pratique, importance accordée à la religion et sentiment d’appartenance religieuse, extrait de Stolz et al., 2025.

recul de la religion et de la religiosité dans le monde

Sur le graphique (document 1), un pourcentage positif signifie un taux plus élevé chez les plus de quarante ans que chez les moins de quarante ans. Cette image peut sembler contre-intuitive au regard de l’impression donnée parfois dans l’actualité d’un regain du religieux. En réalité, l’essor du fondamentalisme ou de l’intégrisme religieux dans certains pays, parfois appuyé et revendiqué par des pouvoirs politiques élus, ne refléterait pas une expansion, mais plutôt une réaction face au déclin du religieux dans la plupart des populations du monde. Plusieurs pays font cependant exception. Il s’agit notamment, d’après l’étude, de huit pays africains ainsi que du Sri Lanka et d’Israël. Des pays où le fondamentalisme religieux est actif au plus haut niveau de l’État, comme l’Inde ou les États-Unis, n’échappent pas toutefois à la tendance générale. Les trajectoires comparées de dix-sept pays (figure 7 dans Nature), dont les États-Unis, montrent bien, pour la plupart des pays, le recul des trois indicateurs étudiés : la participation, l’importance accordée à la religion et l’appartenance religieuse.

Toutefois, l’étude ne permet pas de connaître les évolutions plus fines dans l’histoire récente. L’étude s’appuie sur des données collectées entre 1981 et 2022 et sépare la population selon qu’elle est née avant ou après 1982. La cohorte des personnes plus âgées regroupe donc des générations très différentes, nées entre le début du XXe siècle et les années 1980, tandis que celle des périodes plus jeunes regroupe les personnes nées à partir des années 1980. Pour des pays comme la France, cette césure présente l’intérêt de coïncider avec l’âge médian de la population : la moitié de la population française a plus de quarante ans. À l’échelle mondiale, la médiane se situe plutôt autour de 30 ans. L’enquête ne permet pas de savoir comment, par exemple, le sentiment religieux des 15-30 ans a évolué au cours des dernières années.

Les auteurs analysent et discutent dans l’article les biais possibles : évolution individuelle de la religiosité au cours des cycles de vie, variation de l’importance accordée à l’appartenance communautaire et aux rites collectifs en fonction des religions, biais induits par la formulation de l’enquête du Pew Research Center. Des tests complémentaires ont été réalisés pour vérifier les effets de ces différents biais et s’assurer qu’ils ne remettent pas en cause la robustesse des conclusions générales de l’étude. Elles sont d’ailleurs corroborées par de nombreuses autres études du même centre de recherche : les personnes se déclarant athées aux États-Unis sont passées de 16 à 28 % entre 2007 et 2023 (voir cette brève).

Les pays de l’ex-URSS, absents de la figure reproduite ci-dessus, sont étudiés séparément (figure 5 de l’article) ainsi que les autres pays ayant connu une transition post-communiste. Les résultats sont globalement les mêmes à l’exception de la Géorgie, de la Bosnie-Herzégovine et de l’Azerbaïdjan, avec une faible progression de l’importance accordée au religieux. Les reculs les plus marqués concernent les pays du bloc de l'Est ayant rejoint l'Union européenne, notamment la Pologne, la Tchéquie et la Slovaquie, et les États baltes.

L’intérêt de l’étude est de distinguer la pratique religieuse, la croyance religieuse, et le sentiment d’appartenance à une communauté religieuse. Sa limite repose principalement sur les limites inhérentes aux enquêtes reposant sur le déclaratif. L’appartenance religieuse peut faire l’objet, selon les régimes en place et selon le degré de contrôle policier de la population et de l’opinion publique, d’une sur-déclaration ou au contraire d’une sous-déclaration.


Référence de l’article
Pour compléter avec Géoconfluences

Mots-clés

Retrouvez les mots-clés de cet article dans le glossaire : religion et fait religieux | sécularisation.

 

 

Jean-Benoît BOURON

Agrégé de géographie, responsable éditorial de Géoconfluences (DGESCO, ENS de Lyon)

 

 

Édition et mise en web : Jean-Benoît Bouron

Pour citer cette brève :

Jean-Benoît Bouron, « La sécularisation continue de progresser dans le monde », Géoconfluences, septembre 2025.
URL : https://geoconfluences.ens-lyon.fr/actualites/veille/breves/la-secularisation-continue-de-progresser-dans-le-monde