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Archive. La Méditerranée, interface : quelles inégalités de développement ?

Publié le 01/03/2004
Auteur(s) : Sylviane Tabarly, professeure agrégée de géographie, responsable éditoriale de Géoconfluences de 2002 à 2012 - Dgesco et École normale supérieure de Lyon
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NB. Le contenu de cet article donne des informations disponibles au moment de sa publication en 2004.

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L'interface méditerranéenne peut être analysée à l'aide d'indicateurs qui permettent des comparaisons internationales. De source institutionnelle (Agences des Nations Unies, Banque mondiale, OCDE, UE, etc.) ou fruit d'initiatives privées et de la société civile (lobbies, ONG, groupes d'intérêt collectif, comités d'éthique, etc.), certains de ces indicateurs (IDH, IDHA, IPH, de liberté, de perception de la corruption, de participation des femmes) sont présentés sur cette page)

Notons que leur utilisation suppose (éventuellement en collaboration avec les enseignants de sciences économiques et sociales ou de mathématiques) une réflexion préalable et des précautions méthodologiques :

  • Quels sont les principes et les modes de collecte des données initiales, quelles sont leurs limites, quels biais peuvent-ils engendrer ?
  • Sur quelles méthodes, sur quels principes de calcul ces indicateurs reposent-ils ?
  • À l'échelle de l'ensemble du monde méditerranéen, les maillages pris en compte sont, le plus souvent, ceux des États. Permettent-ils une approche suffisamment fine des situations ? Sur quelles autres sources documentaires peut-on s'appuyer pour affiner l'étude des inégalités de développement ?

Au demeurant, malgré leurs insuffisances et leurs limites, de tels indicateurs constituent un axe intéressant pour analyser les discontinuités dans l'espace méditerranéen.

Les dessous de l'IDH

L'indicateur de développement humain (IDH)

C'est ainsi que le PNUD a proposé, à partir de l'année 1990, d'adopter un instrument comparatif plus élaboré, l'Indicateur de développement humain (IDH). Il s'agit d'un indice composite dont la valeur s'échelonne de 0 à 1. Il comporte quatre variables : l'espérance de vie à la naissance, le niveau de maîtrise des connaissances mesuré par le taux d'alphabétisation des adultes et le taux de scolarisation global (aux niveaux primaire, secondaire, supérieur), ainsi que le PIB réel par habitant ajusté en parité de pouvoir d'achat (PPA).

Dans son édition 2002, le rapport du PNUD sur le développement humain reconnaissait que l'intérêt de l'IDH est limité et que le concept de développement est plus dense que chacune des mesures qui le composent. Celles-ci n'épuisent pas l'idée de développement humain défini comme "un processus d'élargissement des choix" offerts aux individus. L'intérêt excessif porté à la croissance économique, à la création de richesses et à la prospérité matérielle a occulté le fait que le développement est avant tout centré sur l'être humain longtemps relayé à la périphérie des débats sur le développement.

Mais le "bien-être" n'est pas simple à mesurer, les données manquent ou sont hétérogènes. Dans la perspective d'une approche élargie du développement, les recherches du PNUD portent sur la mise au point d'un indicateur de développement humain alternatif qui tiendrait compte de nouvelles dimensions des sphères politiques, économiques, sociales (libertés politiques et économiques au sens large ; garanties de transparence ; sécurité et protection).

L'IDH en 1990

L'IDH 2001 par les cartes - Cartorama

À partir de la carte de l'IDH en 2001, faire défiler les cartes des critères qui le composent.

Sur le site du PNUD, www.undp.org/french. Le rapport mondial sur le développement humain :

 

 

L'IPH

L'indice de pauvreté humaine (IPH), également proposé par le PNUD, mesure les formes de dénuement et reflète l'inégal accès au progrès. Il prend en compte les dimensions essentielles du développement humain : la longévité, le savoir, les conditions de vie. L'indice est calculé différemment dans les pays en voie de développement (IPH-1) et dans les pays développés (IPH-2).

IPH-1 mesure la pauvreté dans les pays en développement. Les variables* utilisées sont :

  • P1 = le pourcentage d'individus dont l'espérance de vie est inférieure à 40 ans,
  • P2 = le pourcentage d'adultes analphabètes,
  • P3 = le dénuement en terme de manque d'accès aux services procurés par l'économie dans son ensemble, cette variable étant représentée par trois critères : P31 = le pourcentage d'individus n'ayant pas accès aux services de santé, P32 = celui des personnes privées d'accès à l'eau potable et P33 = celui des enfants de moins de cinq ans souffrant d'insuffisance pondérale.

 

IPH-2 a été publié pour la première fois dans le rapport 1998 du PNUD. Il mesure la pauvreté humaine dans les pays industriels. Sachant que les aspects du dénuement varient en fonction des conditions socioéconomiques générales d'une communauté, cet indicateur distinct tire parti de la plus grande accessibilité de données statistiques dans les pays industrialisés. Il se concentre, lui aussi, sur le dénuement et les déficits, et s'attache aux trois même dimensions que l'IPH-1 en y ajoutant l'exclusion. Les variables utilisées sont : P1 = le pourcentage d'individus dont l'espérance de vie ne dépasse pas 60 ans, P2 = le pourcentage d'individus dont l'aptitude à lire et écrire est loin d'être suffisante, P3 = la proportion de la population ayant un revenu disponible inférieur à la demimédiane du revenu individuel disponible et P4 = le pourcentage de chômeurs de longue durée (c'est à dire supérieure à 12 mois).

Notons que l'IPH n'est pas encore disponible de manière homogène pour tous les États riverains de la Méditerranée.

Espérances de survie à 40 ans (gauche) et à 60 ans (droite)

(cliquer pour agrandir)

Accès à l'eau potable

Pour utiliser les données en autonomie : téléchargement (fichier excel)

La gouvernance : un indicateur pertinent ?

- Voir l'entrée "gouvernance" du glossaire

- Différents types de mesure de la gouvernances, document

Mais la gouvernance est un concept complexe et malaisé à évaluer. Pour le mesurer, les méthodes sont souvent empiriques, fondées sur des critères variés : État de droit, lutte contre la corruption, efficacité du secteur public, liberté d'opinion, démocratie. La plupart de ces mesures sont subjectives car basées sur des perceptions et des opinions d'experts. En effet, de manière logique, la gouvernance est difficile à mesurer de manière objective précisément là où elle est de mauvaise qualité ! Bien entendu, les indicateurs produits sont discutables. Par exemple, la perception occidentale des méditerranéens du Nord peut les conduire à qualifier de "clientélistes" et "corrompues" certaines pratiques de l'Islam traditionnel, ce qui peut alors relever davantage de l'incompréhension entre cultures différentes. Enfin, d'aucuns pourront reprocher à la Banque mondiale, grande institution internationale, son approche libérale de la gouvernance. C'est ainsi que d'autres approches, d'autres mesures et indicateurs ont été proposés par différentes organisations "alternatives".

Bien qu'imparfaits, de tels indicateurs fournissent néanmoins des éléments comparatifs à ne pas négliger. C'est ainsi qu'on pourra mettre en évidence, pour les pays du pourtour méditerranéen, des niveaux de gouvernance diversifiés. À côté d'autres critères, ces différences peuvent contribuer à expliquer certains phénomènes tels que les flux migratoires, les différences de performances économiques, etc.

La Banque mondiale, soucieuse d'une meilleure efficacité de ses financements, propose d'évaluer et de quantifier la gouvernance à l'aide d'indicateurs agrégés portant sur six domaines de gouvernance : participation et responsabilisation (voice and accountability) ; instabilité politique et violence (political stability) ; efficacité des pouvoirs publics (government effectiveness) ; qualité de la réglementation (regulatory quality) ; primauté du droit (rule of law) ; lutte contre la corruption (control of corruption). Depuis 1996 une enquête, suivie d'un rapport, a lieu tous les deux ans. Les indicateurs de gouvernance sont alors pulbiquement disponibles.

Téléchargement du document excel (.xls) : les indicateurs 2002 de gouvernance de la Banque mondiale pour la région Europe - Méditerranée élargie.

L'intérêt de ces mesures est avant tout comparatif, mais il est très intéressant de les croiser avec d'autres indicateurs, d'autres variables afin de mettre en évidence d'éventuelles corrélations dont l'interprétation devra être raisonnée (voir ci-dessous).

Les indices et faits de gouvernance de la Banque mondiale : www.worldbank.org/wbi/governance/fra

> Base de données > Indices et faits de gouvernance > Accéder aux données sur la gouvernance (en anglais à partir de là) : www.worldbank.org/wbi/governance/govdata2002/index.html

Le "Governance Research Indicator Country Snapshot (GRICS)" permet d'accéder à diverses données graphiques et statistiques sur les questions de gouvernance, d'après les études réalisées par la Banque mondiale depuis 1996. Des fichiers (format excel) peuvent être téléchargés, un générateur de cartes interactif peut être utilisé (Worldwide comparison of governance and socio-economic indicators - The Governance & Development Map Interface Web Tool) : http://info.worldbank.org/governance/kkz2002.

Les cartes, à l'échelle mondiale, portent, au choix :

- d'une part sur les six indicateurs agrégés de gouvernance évoqués ci-dessus, plus l'indicateur composite calculé à partir des classements pour ces six indicateurs,

- d'autre part sur les quatre années de calcul par la Banque mondiale de ces indicateurs (1996, 1998, 2000, 2002), ce qui permet de faire des comparaisons et d'apprécier des évolutions.

Quelques exemples des cartes produites à partir du générateur de cartes de la Banque mondiale : primauté du droit (rule of law) ; participation et responsabilisation (voice and accountability) ; indicateur composite de gouvernance (Composite Governance Indicator)

 À partir de l'image (capturée sur écran, ses fonctions sont non actives) ci-dessous, faire défiler le cartorama pour consulter la série

IndicBM1.jpg

Mode automatique (pas de 6 secondes)

Lancement/Arrêt

Téléchargement des données (fichier excel)

  

 

LegBM.jpg

L'échelle est conçue d'après les deux déciles extrêmes et les quartiles de tous les pays analysés par la Banque mondiale (échelle mondiale)

D'après le Governance & Development Map Interface Web Tool :

http://info.worldbank.org/governance/kkz2002

Corrélations et causalités : les précautions d'usage

Il est tentant de rechercher, à travers ces différants indices ou indicateurs, des relations de causalité : tel déficit de gouvernance provoquerait telle diminution de l'espérance de vie par exemple. Les racines du mal-développement ainsi identifiées, on aimerait pouvoir passer directement du diagnostic au remède. Mais les réalités sont souvent complexes. Il conviendra donc d'être particulièrement vigilant lorsque, constatant des corrélations, on se pose la question des relations de causalité qu'elles induisent.

Établir une corrélation c'est constater la variation simultanée de deux phénomènes sans en déduire, a priori, aucune interprétation. Cette corrélation peut être directe : les deux variables observées évoluent dans le même sens, croissant ou décroissant. Ou inverse : les deux variables observées évoluent en sens opposé, l'une croissant, l'autre décroissant.

Lorsqu'une corrélation est constatée, différentes hypothèses peuvent être formulées :

- s'agit-il d'une simple coïncidence ?

- peut-il y avoir relation de dépendance, relation de "cause à effet", dans l'évolution des différentes variables observées ?

- et si oui, est-ce l'évolution de la variable "a" qui détermine celle de la variable "b" ? Est-ce l'inverse ? Ou l'évolution de ces deux variables n'est-elle pas la conséquence d'une ou de plusieurs autres variables ?

Le géographe utilise couramment des cartes pour établir les corrélations : la représentation cartographique permet de croiser visuellement et efficacement différentes variables. Mais on peut aussi recourir à des représentations graphiques plus souvent utilisées par les économistes par exemple.

Pour pouvoir associer les cartes deux à deux, ouvrir deux fois le cartorama (ils sont alors disponibles dans la barre d'outils) et les placer sur l'écran de manière à pouvoir les juxtaposer, horizontalement ou verticalement en fonction de la définition de l'écran.

La série comporte les thèmes suivants, dans l'ordre de défilement du cartorama : IDH, PIB/hab, taux d'analphabétisme des adultes, taux brut de scolarisation, espérance de vie à la naissance, indice synthétique de fécondité, nombre de médecins / 100 000 hab., accès à l'eau, taux de croissance démographique annuel, taux de mortalité infantile, indice de perception de la corruption.

Série cartographique sous forme de cartorama (pop-up)

Exemple de disposition sur écran de deux fenêtres ouvertes avec des sélections cartographiques différentes :

Demo.jpg

Note : il est également possible d'ouvrir plus de deux fois la fenêtre de visualisation du cartorama, la seule limite étant celle de l'encombrement visuel sur l'écran.

Pour utiliser les données en autonomie : téléchargement (fichier excel)

Documentation proposée et assemblée par Sylviane Tabarly

Cartographie : Clément Dodane

Mise à jour :   01-03-2004

Pour citer cet article :  

Sylviane Tabarly, « Archive. La Méditerranée, interface : quelles inégalités de développement ? », Géoconfluences, mars 2004.
https://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/etpays/Medit/MeditFaire.htm