Japonisation et patrimonialisation à Tôkyô Disney Resort

Publié le 04/02/2011

Mode zen

Au Japon, le complexe Disney traduit, à la base, une fascination pour les États-Unis autant que pour le monde de Disney. Si on regarde le décor des parcs, surtout de Tôkyô DL qui a été le premier à ouvrir, les États-Unis sont omniprésents : drapeaux, bâtiments, technologies. À l'origine, le séjour à Tôkyô DR était présenté comme un séjour à l'étranger et le Japon y était nié. Toute référence au contexte urbain extérieur ou à la civilisation japonaise était taboue. Par exemple, le parc interdit les bentô (repas/pique-nique) dans le complexe. OLC a aussi interdit les hanbaiki (distributeurs automatiques japonais) qui envahissent les rues des villes du Japon et sont devenus identitaires du paysage urbain et des pratiques de consommation japonaises. Cette interdiction vaut également pour la gare de Maihama.

Le paradoxe, c'est que le Japon est nié alors que plus de 95% des visiteurs des parcs sont japonais. L'évolution du complexe traduit d'ailleurs une certaine japonisation, dans le sens d'une appropriation progressive du pays d'accueil des produits de la mondialisation. Cette japonisation s'est opérée dans la gestion particulière du complexe aux mains d'une compagnie japonaise et non pas de la firme Disney. Cette japonisation s'est poursuivie lors du rachat par OLC des Disney Store du Japon, jusque là aux mains de la firme Disney. Au sein du complexe, cette japonisation est également visible de plusieurs façons. On peut citer l'exemple des restaurants.

Pendant très longtemps, il n'y avait aucun restaurant japonais dans le complexe de Tôkyô DR. Sous la pression de certains visiteurs, OLC a permis l'ouverture d'un restaurant japonais à Tôkyô DL dans World Bazaard : le Hokusai, qui sert des tempura (légumes et fritures japonaises), des nouilles, et autres spécialités japonaises. À Ikspiari, ouvert en 2000, on compte également 5 restaurants japonais, dont un de sushi et un autre de fondues japonaises, les prix oscillant de 2 100 yens à 11 550 yens pour les menus à la carte, en 2007. Ces ouvertures de restaurants japonais dans le complexe de Tôkyô DR traduisent une nette japonisation de l'espace, de la demande, de la vision et du vécu de Tôkyô DR, qui se pose à rebours du discours et des intentions des années 1980 et du début des années 1990. Tôkyô DR change en fonction de l'usage que les visiteurs japonais en font, ce qui est assez surprenant.

La japonisation et l'américanisation sont ainsi deux notions en tension dans le complexe de Tôkyô DR. On peut observer cette tension avec le cas d'une attraction unique ouverte en 1995 et fermée en 2002, qu'a étudiée Aviad E. Raz : Meet the world dans le parc de Tôkyô Disneyland. Meet the World est une attraction exclusive à Tôkyô DR. C'était un théâtre rotatif qui racontait l'histoire du Japon et de ses rencontres avec les autres civilisations. Il n'y avait donc aucune mention des personnages ou du monde de Disney. C'était une attraction faite pour les Japonais et au sujet des Japonais. Tous les personnages étaient d'ailleurs habillés en kimonos traditionnels. Cette attraction était source de conflit entre OLC et la firme Disney et c'est la cause de sa fermeture.


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Raphaël Languillon-Aussel, université de Lyon (Lumière Lyon 2),

UMR 5600 "Environnement, ville, société",

pour Géoconfluences le 4 février 2011

Pour citer cet article :  

« Japonisation et patrimonialisation à Tôkyô Disney Resort », Géoconfluences, février 2011.
https://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/typespace/tourisme/popup/TourismeLanguillon4.htm