Glossaire
Pour questionner et problématiser, pour identifier et comprendre des mots-clefs, pour faire des recherches en ligne, en complément du glossaire des notions générales proposé sur le site
Ce glossaire tient compte des approches retenues pour traiter ce dossier, à consulter en page d'accueil.
Il tient aussi compte d'approches pluridisciplinaires visant ainsi à construire une culture commune dans l'usage des notions et concepts.
Dernières entrées mises à jour dans le glossaire : Armées, armements, alliances ; Droits de l'Homme et démocratie ; Environnement ; Étranger proche et CEI ; Flux d'échange ; Gazprom ; Population, démographie et santé ; Mobilités et migrations ; Ressources ; Société civile ; Système d'information ; Transition et privatisations
Agriculture
Si l'agriculture russe offre un potentiel très important, sa transition n'est pas encore accomplie. Les résultats obtenus par l'agriculture post-soviétique sont encore inférieurs à ceux de l'ère soviétique. La SAU est de 220 millions d'ha, dont 130 millions de terres arables. L'agriculture russe est gérée de manière extensive dans le cadre de vastes domaines (8 000 à 10 000 ha) hérités des structures collectives soviétiques. Globalement, elle souffre d'un manque évident de capitaux pour acheter des machines agricoles, des traitements phytosanitaires et des engrais, en raison de la faible solvabilité des exploitations et de l'insuffisance du crédit agricole. Cette sous-capitalisation se traduit par des rendements peu élevés : 15 à 20 quintaux par hectare pour les céréales par exemple. Pendant ce temps, les magasins d'alimentation des grandes villes sont massivement approvisionnés en viandes importées qui couvraient 70 à 90% du marché de Moscou et de Saint-Pétersbourg au début des années 2000.
Voir, dans ce dossier, l'article de Pascal Marchand :
L'agriculture russe post-soviétique : transition ou continuité ?
Mise à jour : février 2005
|
Armée, armements, alliances
Le potentiel militaire et les armements dont la Russie dispose constituent toujours, aux côtés de la détention de ressources naturelles stratégiques, un levier géopolitique essentiel pour lui permettre d'affirmer son rôle mondial. Rappelons par ailleurs que la Russie a hérité du siège de membre permanent au Conseil de sécurité de l'ONU de l'ex-URSS .
La Russie conserve un important arsenal nucléaire, comportant environ 5 000 têtes nucléaires stratégiques et sans doute environ 3 000 têtes nucléaires tactiques en condition opérationnelle. Entre 2002 et 2007 ses dépenses militaires ont progressé à un rythme d'environ 20% par an en moyenne, largement grâce aux excédents budgétaires (environ 10% du PIB en 2006), engrangés par les exportations de matières premières.
L'armée russe est toujours une armée de conscription, peu professionnalisée, dont l'effectif en uniforme est supérieur à 1,1 million d'hommes. Le climat s'y est détérioré depuis le début des années 1990 et l'insoumission y atteint des proportions très significatives (en 2003, 38 000 jeunes n'auraient pas répondu à l'appel) alors qu'un Comité des mères de soldats tente de sensibiliser l'opinion publique sur les mauvais traitements subis par les appelés, dans le cadre d'un "bizutage" qui provoquerait, selon elles, près de 3 000 morts par an. Dans ces conditions, à l'épreuve de la guerre en Tchétchénie, l'armée a recours aux Kontraktniki, mercenaires qui constituent 80% des recrues.
L'indicateur d'exportations d'armes conventionnelles établi par l'Institut de recherche internationale sur la paix (Stockholm International Peace Research Institute / SIPRI) montre une progression régulière des ventes d'armes par la Russie qui n'a cessé de gagner des parts du marché mondial depuis la fin des années 1990. Sur la période 2001-2005, la Russie est en tête du commerce international des armes conventionnelles avec 31% des parts de marché, juste devant les États-Unis (30%). Le pays a vendu aux alentours de 6 milliards d'USD d'armes conventionnelles en 2004 et en 2005.
La Russie est aussi une grande puissance spatiale, tant militaire que civile. À l'issue de l'éclatement de l'URSS, la grande base de lancement de Baïkonour s'est retrouvée sur le territoire de la République du Kazakhstan (par 45,6° N et 63,25°E). Les deux pays se sont mis d'accord, en 1994, sur un statut particulier pour le cosmodrome, loué à la Russie pour 115 millions de dollars par an. Mais les tensions et les incidents divers entre les deux pays ont convaincu Moscou de posséder un accès indépendant à l'espace et la plupart des installations techniques kazakhes ont été transférées vers les principaux sites spatiaux russes, à Plessetsk (62,8°N et 40,2 E) et Svobodny (51,2°N et 128°E). Cependant, Baïkonour, située à une moyenne latitude mieux adaptée, reste la base de lancement des missions vers la Station spatiale internationale (ISS).
Sur le plan des alliances, la situation a évolué depuis la guerre froide. Les relations avec l'OTAN sont officiellement fondées sur l'"Acte fondateur", signé le 27 mai 1997, qui établit un cadre unique de consultation et de coopération entre l'OTAN et la Fédération de Russie à travers le Conseil conjoint permanent, le Conseil OTAN-Russie (COR), institué en mai 2002.
Afin d'avoir les coudées franches, Washington a dénoncé unilatéralement, en 2002, le traité anti-missile (ABM) de 1972, sur lequel reposait largement l' "équilibre de la guerre froide". La Russie n'a pu qu'en prendre acte et ce traité, rendu caduc, a permis aux membres de l'Alliance atlantique d'avancer l'idée d'un "bouclier" anti-missile pour l'Europe, de conception américaine, basé sur des missiles à deux étages qui pourraient être installés en Pologne et en République tchèque. La Russie vit aussi comme une provocation le fait que les avions de l'OTAN assurent la sécurité de l'espace aérien des États baltes et que des bases américaines s'implantent en Roumanie et en Bulgarie.
La Russie de Vladimir Poutine a-t-elle engagé des contre-feux face à ce qui est vécu comme des humiliations. Moscou a ainsi suspendu, en juillet 2007, sa participation au traité sur les Forces conventionnelles en Europe (FCE). Ce traité FCE limitait depuis 1990 le déploiement de forces militaires conventionnelles sur le continent. Sa révision en 1999, suite à la dissolution du Pacte de Varsovie, n'a jamais été ratifiée par l'OTAN dans la mesure où la Russie conservait ses bases militaires en Géorgie (Abkhazie) et en Moldavie (Transnistrie). Quant à l'accord Start-1 de 1991 qui limitait l'arsenal nucléaire des deux grandes puissances de la guerre froide à 6 000 têtes nucléaires chacune, il expire le 5 décembre 2009 et ni la Russie, héritière de l'URSS, ni les États-Unis n'ont l'intention de le prolonger. Enfin, si russes et américains ont signé en 2002 le Strategic Offensive Reductions Treaty (SORT) qui prévoit une réduction mutuelle comprise entre 1 700 et 2200 têtes nucléaires, il ne fixe rien en matière de destruction de missiles et de lanceurs et ne prévoit aucun mécanisme de vérification.
Pour compléter et prolonger :
- Le rapport du Sénat, La Russie et ses relations extérieures après la réélection de Vladimir Poutine - Rapport d'information n° 317 du 19 mai 2004 : www.senat.fr/rap/r03-317/r03-317_mono.html
- Le glossaire OTAN - Russie des termes politiques et militaires contemporains, en anglais, français et russe (en .pdf, 249 pages et 2,7 Mo) : www.nato.int/docu/glossary/fr/index.htm
- La base de données "Facts on International Relations and Security Trends" (FIRST) du Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI) : http://first.sipri.org
- Sur le site Nuclear Threat Initiative (NTI), les pages consacrées à la Russie :
www.nti.org/db/nisprofs/russia/tc_ru.htm
- Anna Politkovskaïa – Douloureuse Russie (extraits) – Janvier 2007
www.ceri-sciencespo.com/archive/jan07/art_ap.pdf
Mise à jour : septembre 2007
|
Croissance et développement (économique)
La croissance du PIB russe est soutenue : selon le FMI, elle devrait atteindre 6% du PIB en 2004 (7,3% en 2003 et 4,7% en 2002). De 1998 à 2003, le PIB a augmenté en Russie de 25%, les investissements de 35% et la production agricole de 20%.
Mais cette croissance est largement tirée par l'effet des recettes d'exportation, résultat du renchérissement des prix des hydrocarbures et de l'ensemble des matières premières sur les marchés mondiaux. Les secteurs pétrolier et gazier contribuent à environ 12% du PIB et 1/5e de la croissance serait exclusivement due à la hausse des cours du pétrole (données 2003). Cette rente a également permis de ramener la dette publique à 33% du PIB (contre plus de 98% en 1998). Notons aussi qu'une part non négligeable de l'économie russe relève du secteur informel, échappant donc tout à la fois aux statistiques et à l'impôt.
Mais la croissance n'est pas le développement. La dynamique d'un réel développement de la Russie n'est pas encore enclenchée. Si l'on se reporte à l'indicateur de développement humain (IDH), qui donne une mesure plus globale du niveau de bien-être, le recul de la Russie est notable : elle occupait le 34e rang en 1991, mais le 71e en 1997, se situant alors derrière la Belarus, pour revenir au 57e en 2003 (0,795).
L'économie russe n'a pas encore acquis une dynamique propre combinant production et consommation domestiques. L'exploitation de la rente énergétique place l'État dans une situation de dépendance et de vulnérabilité aux variations des cours des matières premières, d'autant plus que les recettes fiscales tirées de la vente de ces ressources alimentent en grande partie le budget fédéral. Drainant l'essentiel des investissements (75%), le secteur énergétique tend à brider le développement des autres secteurs d'activité (ce que les économistes appellent le "syndrome hollandais"). L'économie domestique n'est, de ce fait, pas en mesure de répondre à la demande intérieure, en particulier en matière de biens de consommation courante, ce qui favorise les importations.
Des données complémentaires :
- La page de la Banque mondiale :
www.worldbank.org/depweb/french/modules/economic/gnp/print.html
- Le FMI (IMF - Fonds monétaire international) :
www.imf.org/external/country/RUS/index.htm
Mise à jour : février 2005
|
Droits de l'Homme et démocratie
La vie politique russe est encore marquée par les centaines d'années d'autocratisme tzariste suivies par les décennies de "dictature du prolétariat" du régime soviétique. Le post-soviétisme laissait espérer une démocratisation en profondeur, accompagnée de garanties permettant le respect des droits de l'Homme. En cette première décennie du XXIe siècle, certaines tendances peuvent paraître inquiétantes.
L'apprentissage démocratique des Russes est d'autant plus lent que tous ne semblent pas convaincus de son intérêt. Selon un sondage cité par le Courrier des Pays de l'Est (n° 1038 de septembre 2003 : "Bilan du premier mandat de M. Vladimir Poutine", La Documentation française), 67% des Russes pensent que le vote est sans effet sur la vie politique du pays et nombreux sont ceux qui estiment que les hommes au pouvoir ne sont préoccupés que par leurs privilèges. À tel point que 43% seulement des sondés considèrent les élections comme indispensables.
Ce que l'on appelle en Russie les “structures de force” ( les "siloviki" : armée, police, et services de renseignement), dont le Président V. Poutine est lui-même issu, jouent un rôle important dans l'administration présidentielle et elles infiltrent aussi toutes les couches de la société.
À l'inverse, la "société civile" a toujours des difficultés pour s'organiser et s'exprimer. Par exemple, une nouvelle loi sur les Organisations non gouvernementales (ONG), entrée en vigueur le 17 avril 2006, oblige - entre autre - les ONG étrangères travaillant en Russie à se conformer à une procédure stricte d'accréditation auprès d'un Service fédéral d'enregistrement (FSR) dont la justification officielle est de "recueillir des statistiques sur les ONG en Russie". En conséquence, près de 3 000 ONG pourraient cesser leur activité en Russie, des organisations souvent les plus actives dans la promotion de la société civile seraint touchées.
Le système judiciaire russe reste étroitement dépendant de l'exécutif et la tentative de réforme judiciaire démocratique semble avoir tourné court. Loin de constituer le troisième pilier d'une Russie en voie de démocratisation, procureurs et juges sont sous influence, voire sous contrôle du pouvoir politique, du Kremlin et du FSB (ex-KGB) qui exercent leurs pressions via les présidents de tribunaux. Sans prendre les proportions qu'elles avaient auparavant, les arrestations arbitraires ne sont pas rares. La corruption entache la régularité des procédures.
Enfin le système d'information passe de plus en plus sous le contrôle du pouvoir (voir cette entrée).
Selon un rapport d'information du Sénat (mai 2004)* :
"S'agissant du déroulement des deux scrutins successifs [législatives de 2003 et présidentielles de 2003], on peut constater qu'il n'a pas donné lieu à des irrégularités massives ou manifestes qui auraient faussé le résultat final, tout en estimant que l'égalité des chances entre les différentes formations n'était pas pleinement assurée. Les difficultés rencontrées par certains candidats, le recours à la "ressource administrative", euphémisme désignant les pressions de diverse nature exercées par les autorités, mais surtout le traitement non équitable des différents partis et candidats dans les médias contrôlés par l'État, comme l'a souligné la mission internationale d'observation des élections constituée sous l'égide du Conseil de l'Europe et de l'OSCE, semblent avoir contribué à réduire la concurrence et à amplifier la victoire de l'exécutif. Plus généralement, le lien étroit entre la télévision d'État et l'exécutif, comme le ton de moins en moins critique de la presse nationale au demeurant peu diffusée hors des grandes métropoles, renforcent l'impression d'un affaiblissement du débat démocratique, accentué par l'absence de parti politique susceptible de défendre une alternative crédible.
Tous ces éléments dénotent, sur nombre de points, des écarts sensibles avec les standards de la démocratie pluraliste, lesquels, il est vrai, n'ont guère eu l'occasion d'être pleinement mis en œuvre en Russie."
*Sénat, rapport d'information n° 317 : La Russie et ses relations extérieures après la réélection de Vladimir Poutine (19 mai 2004) : www.senat.fr/rap/r03-317/r03-317_mono.html
|
Relevons aussi que les guerres en Tchétchénie et "contre le terrorisme" justifient, aux yeux des autorités, diverses entorses au respect des droits de l'Homme. Aux lendemains de la prise d'otages meurtrière de Beslan (septembre 2004), la Douma a adopté, en février 2006, une loi antiterroriste qui codifie les actions des forces de l'ordre en cas d'attentats. Elle établit, entre autre, que la Russie se réserve le droit d'avoir recours à la force pour éliminer des cibles terroristes en dehors de son territoire. Au nom de la lutte anti-terroriste, les forces du maintien de l'ordre sont désormais autorisées à "pénétrer librement" chez des particuliers, à se livrer à des écoutes téléphoniques, à intercepter du courrier - y compris électronique - et à limiter la liberté de mouvement des individus. L'adoption de cette loi est intervenue une semaine après la mise en place, sur décret de la présidence, d'une superstructure de lutte contre le terrorisme, le Comité national pour la lutte antiterroriste (NAK), supervisé par le chef du FSB. Mais il faut reconnaître que la Russie n'est pas seule à avoir adopté des législations anti-terroristes "musclées" dans le monde !
Pour compléter et prolonger :
- Dans la rubrique Savoir faire : Mémoires et territoires en Fédération de Russie
- Divers articles de Marie Mendras (enseignante et chercheuse CNRS / CERI / Sciences Po) :
www.ceri-sciencespo.com/cerifr/cherlist/mendras.htm
- Les Cahiers Russie sont publiés à Sciences Po par le Centre d'Études et de Recherches Internationales (CERI), sous la direction de Marie Mendras :
www.ceri-sciencespo.com/cerifr/publica/cahier_russie/cahier_russie.php
- Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE), document de travail 10568 du 3 juin 2005 - Respect des obligations et engagements de la Fédération de Russie :
http://assembly.coe.int/mainf.asp?Link=/documents/workingdocs/doc05/fdoc10568.htm
- Le rapport d'information n° 317 du Sénat, La Russie et ses relations extérieures après la réélection de Vladimir Poutine (19 mai 2004) : www.senat.fr/rap/r03-317/r03-317_mono.html
- Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) :
www.fidh.org/europ/russie.htm et www.fidh.org/rubrique.php3?id_rubrique=277
- Amnesty International,
> La situation en Russie : http://web.amnesty.org/library/fra-rus/index
et, sur le site de la section belge, un dossier sur la Russie :
www.amnestyinternational.be/doc/rubrique.php3?id_rubrique=272
> Fédération de Russie, une justice en devenir (2003) :
www.amnesty.org/russia/pdfs/francais/justice-report-fra.pdf
- Human rigths watch - Fédération de Russie : www.hrw.org/doc?t=french_europe&c=russia
Mise à jour : septembre 2007
|
Environnement
Selon les présupposés idéologiques soviétiques, les crises écologiques ne pouvaient être répandues que dans le système capitaliste, la planification du système créant les conditions d'une utilisation optimale des ressources. Le combat écologiste était perçu comme une tentative occidentale pour affaiblir le pays. Cependant, avant même la dissolution du régime, dès le début des années 1980, les mouvements "informels" furent légalisés et ont vit apparaître de nombreuses associations de défense de la nature, tout particulièrement après la catastrophe de Tchernobyl (25 Avril 1986). Paradoxalement, cette pression se relâche au cours des premières années du post-communisme du fait de l'affaiblissement de l'appareil d'État et des contrôles sur les entreprises. Le nouveau citoyen russe, confronté à d'autres difficultés essentielles, reste alors relativement indifférent aux problématiques environnementales au cours de ces premières années de transition. Un capitalisme sans règles, les trafics en tout genre qui se développent dans la Russie post-communiste ne sont guère propices à un "développement durable" et les contre-pouvoirs de la société civile sont très insuffisants.
L'éclatement de l'URSS en 1991 a permis à la Russie d'échapper en partie à ses responsabilités, puisque certains des sites les plus dévastés se trouvent désormais hors des frontières russes, particulièrement en Asie centrale très touchée par la politique soviétique d'industrialisation intensive et par la course aux armements qui a accompagné la Guerre froide. Pour n'en citer que quelques-uns parmi les plus emblématiques : Tchernobyl en Ukraine ; la mer d'Aral au cœur de l'Asie centrale ; le polygone d'essais nucléaires de Semipalatinsk dans le Kazakhstan ; etc.
La situation évolue progressivement cependant. De nombreux organes officiels se préoccupent d'environnement en Russie dont : le Rosgidromet (monitoring écologique), le ministère des Situations extrêmes (catastrophes écologiques et autres, effets des guerres), le Rosleskhoz (forêts), le Gosatomnadzor (surveillance des équipements nucléaires), etc. Les préoccupations écologiques ont été systématiquement introduites dans les textes de lois et règlements en tous genres, à commencer par la loi sur l'environnement de 1991, sous B. Eltsine, qui prévoit l'intervention des citoyens et de leurs organisations. La publication de bilans environnementaux a permis de dresser une hiérarchie des problèmes rencontrés. La pollution des sols, l'eau et de l'air vient au premier rang des préoccupations. En 2001, le Gosstroï (Comité d'État pour la Construction, le Logement et les Services Urbains) a lancé un grand programme de réformes qui devrait introduire des changements en faveur du développement durable des services urbains.
Au total, on évalue aujourd'hui à 40% la proportion du territoire russe qui serait gravement ou moyennement pollué et à 75% la proportion des eaux de surface devenues impropres à la consommation.
La Russie dispose d'abondantes ressources en eau mais elles sont souvent polluées. Les fleuves de la partie européenne, qui ont fait l'objet d'importants travaux hydrauliques dès le XIXe, connaissent des situations préoccupantes. Le projet Sibaral de détournement d'une partie des fleuves sibériens est abandonné, mais d'autres pourraient lui succéder, autour de la Volga et de la Caspienne. La gestion de l'eau comme ressource naturelle est effectuée principalement par le Ministère des Ressources Naturelles et ses représentants territoriaux. Mais la politique de l'eau souffre d'un manque de définition claire des compétences de chaque organe et d'un manque de coordination et de planification à long terme au niveau des bassins. La situation pourrait s'améliorer avec l'arrêt des gaspillages d'eau d'irrigation en rénovant les réseaux, le développement les équipements d'épuration des entreprises et des villes, la modernisation des équipements domestiques. Le marché est considérable puisque 60% des infrastructures sont aujourd'hui jugées obsolètes selon la Mission économique en Russie (DREE)*, les grands groupes internationaux du secteur (dont les français Véolia, ex- Vivendi et Suez - Lyonnaise des eaux) s'y intéressent de près.
La situation des sols et des terres cultivables est préoccupante. La pollution industrielle des sols est importante, les travaux de restauration seront localement longs et difficiles. Par ailleurs, une part importante des terres serait touchée, entre autre, par des phénomènes d'érosion, par la salinisation, ou par les retombées de la période de rejets chimiques intenses des années 1960 - 1970.
La forêt couvre 37% du territoire russe. Il est difficile d'en estimer l'exploitation réelle car les coupes de contrebande seraient importantes, tout particulièrement en Extrême-Orient, aux confins de la Chine. Les coupes à blanc et les coupes sur pentes fortes sont fréquentes, le gaspillage au cours des opérations de transport et de transformation non négligeable. Enfin, les incendies, en grande partie d'origine naturelle, parcourent chaque année près de 700 000 ha selon les statistiques officielles.
Au demeurant, du fait des plus faibles revenus d'une large part de sa population dont la densité est par ailleurs modeste, la Russie se trouve en position plutôt favorable dans le cadre des dispositifs du protocole de Kyoto qu'elle a ratifié le 22 octobre 2004. La désindustrialisation post-communiste, a aussi contribué à la diminution des rejets polluants dans l'atmosphère.
Pour compléter :
- Dans la rubrique "corpus documentaire", un exemple :
Exploitation des hydrocarbures et environnement en Sibérie occidentale
- Environnement et pollution en Russie et en Asie centrale, l'héritage soviétique, un dossier de la Documentation française (2007) :
www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/heritage-sovietique/index.shtml
- Environnement en Russie par la Banque mondiale (en anglais) :
www.worldbank.org.ru/ECA/Russia.nsf/ECADocByUnid/...?Opendocument
- Document de la DREE sur la gestion de l'eau de la Fédération de Russie, présenté ici :
www.missioneco.org/russie/documents_new.asp?V=7_PDF_35641
- Des cartes du Monde diplomatique : Héritage de l'Union soviétique / L'Arctique nucléaire / Autour de la mer d'Aral / L'empreinte de Tchernobyl / Désastres écologiques et intérêts stratégiques de l'Europe arctique - www.monde-diplomatique.fr/cartes
Mise à jour : septembre 2007
|
Espace et dimensions
Avec une superficie de 17 075 400 km² (31 fois la France), soit 1/8e des terres émergées, la Russie est le plus vaste État du globe. Elle s'étend sur 2 500 à 4 000 km du nord au sud et 9 000 km d'est en ouest, couvrant ainsi onze fuseaux horaires.
Les coûts et autres contraintes liés aux transports sont donc considérables. Cette étendue implique une faible densité moyenne de 8,5 hab/km², ce qui renchérit les services et limite les possibilités d'économies d'échelle. Elle oblige aussi à poser la question des relations entre pouvoir central et marges dans des termes adaptés, ce qui ne semble pas être toujours le cas : les structures fédérales de l'État russe cherchent encore leurs marques.
L'étendue est aussi, évidemment, une ressource, tout d'abord par l'importance des réserves foncières et naturelles du territoire. En témoignent les pratiques de mobilité des habitants, la pression migratoire qui apparaît aux frontières de la partie asiatique de la Russie, tout particulièrement avec la Chine.
Enfin, du fait de sa situation entre continents et océans, de son extension en latitude et longitude, la Russie détient plusieurs clefs géostratégiques du monde contemporain qui interdisent sa relégation au rang de puissance inférieure.
Mise à jour : février 2005
|
"Étranger proche" et CEI
La Russie, en tant qu'"héritière unique de l'URSS", considère que l'ensemble des pays de l'ex-URSS constitue une "sphère d'intérêt vital". Sous quelle forme redéfinir alors leurs relations mutuelles ?
Dans les toutes premières années qui ont suivi la dislocation de l'URSS, la Russie a défini ses relations avec "l'étranger proche" (blijnéié zaroubiéjé) comme l'une des priorités de sa politique étrangère. Ce terme d'"étranger proche" est utilisé en Russie pour désigner les quatorze autres ex-républiques soviétiques. En raison de l'ancienneté de leurs liens socio-culturels et économiques, la Russie considère qu'elle y a des intérêts permanents et les autorités se déclarent particulièrement concernées par le sort des populations russes et russophones de ces anciennes républiques.
Concrètement, l'"étranger proche", ce sont essentiellement les pays de la Communauté des États indépendants (CEI), structure créée dès 1991 pour rassembler les anciennes entités de l'URSS devenues indépendantes. De leur côté, les trois pays baltes ont, dès l'origine, rompu les liens pour se tourner vers l'OTAN et l'UE. La CEI compte donc aujourd'hui douze pays répartis, outre la Russie, en trois sous-ensembles : à l'ouest, la Belarus, l'Ukraine et la Moldavie, les trois pays du Caucase - Arménie, Azerbaïdjan et Géorgie - et les cinq États d'Asie centrale : Turkménistan, Kazakhstan, Ouzbékistan, Tadjikistan et Kirghizstan. La CEI forme un ensemble d'environ 280 millions d'habitants, dont environ seize millions de Russes (appelés parfois "pieds rouges" en France, en Russie on parle plutôt de "compatriotes") qui résideraient dans les onze autres pays membres de la CEI.
La CEI a pour objectif affiché d'encourager l'intégration économique, politique et militaire entre ses membres. Mais ces pays ne forment pas un ensemble homogène et la CEI elle-même constitue un cadre très lâche, une organisation faiblement structurée, à géométrie variable selon que l'on traite de sécurité ou d'économie et qui ne comporte pas de dispositifs contraignants. Grâce aux sommets de chefs d'État et autres réunions, elle offre un cadre utile à la résolution de certains problèmes bilatéraux bien que les relations restent complexes et souvent tendues, au bord de la rupture parfois avec des pays comme la Géorgie et l'Ukraine.
La Russie a signé une série de traités bi- et multi-latéraux avec plusieurs des États de la CEI, initiant un système de défense et de sécurité collective au terme duquel elle entretient plusieurs bases militaires, assure des missions collectives. Moscou a réussi à transformer ce système en une véritable organisation de défense avec la création en 2002 de l'Organisation du Traité de Sécurité Collective ( OTSC) qui rassemble, autour de la Russie, la Biélorussie, l'Arménie, le Kazakhstan, le Kirghizstan, le Tadjikistan et l'Ouzbékistan et se veut une sorte d'OTAN eurasiatique. Á l'inverse, les États du GUAM (Géorgie, Ukraine, Azerbaïdjan et Moldavie) cherchent à profiter des propositions alternatives de l'OTAN ou des États-Unis pour renforcer leur souveraineté. Suite au conflit d'août 2008, la Géorgie a décidé de quitter la CEI, mais le concept d'"étranger proche" continue d'exercer une influence sur ses relations avec la Russie, notamment pour ce qui concerne la situation des régions séparatistes d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud.
La Communauté économique eurasiatique, qui inclut les mêmes États que l'OTSC (à l'exception de l'Ouzbékistan et de l'Arménie), met en place un "Espace économique commun" avec une élimination progressive des barrières douanières. Enfin, les relations entre le Biélorussie et la Fédération de Russie constituent une exception. Ces deux pays ont institué en 1996 une communauté qui est devenue, en 1997, l'"Union russo-biélorusse". Ce partenariat russo-biélorusse qui vise à la formation d'un État confédéral, connaît d'importantes tensions depuis que la Russie remet en cause les préférences économiques accordées à Minsk, qui de son côté, tente de résister aux demandes de compensations formulées par Moscou synonymes de perte définitive de souveraineté.
D'une manière générale, les relations avec l' "étranger proche" oscillent entre poussées nostalgiques de l'empire et réalisme politique. L'administration Poutine parait parfois s'efforcer de développer une politique de bon voisinage avec cette périphérie, en faisant preuve d'un certain pragmatisme. Mais les relations sont loin d'être stabilisées. Par ailleurs, une véritable bataille économique et géostratégique est engagée autour de la redéfinition et de la maîtrise des réseaux de transport et d'approvisionnement énergétique car la Russie cherche à profiter de l'atout de ses ressources pour imposer une domination économique et financière à sa périphérie.
Sources et compléments :
- Les frontières russes entre effets d'héritages et nouvelles polarités (D. Teurtrie)
- dans la rubrique "corpus documentaire" : La Fédération de Russie et ses périphéries
Mise à jour : septembre 2007
|
Fédération, maillages et territoires
Voir, en corpus documentaire :
Institutions et maillages territoriaux de la Fédération de Russie |
Flux d'échange
1 - Flux commerciaux
La Russie reste l'un des rares pays "émergents" qui ne soit pas membre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) alors que la République populaire de Chine y a adhéré en 2001. Depuis sa candidature en 1993, son adhésion est régulièrement différée. Les négociations bloquent essentiellement sur les relations commerciales de la Russie avec ses voisins de la CEI ou de l'UE (Géorgie, Pologne entre autre) et sur le libre accès des investisseurs étrangers au secteur énergétique russe. La confiance réciproque est loin de régner.
Porté par la forte hausse des prix mondiaux des matières premières, le commerce extérieur russe n'a cessé de se développer en valeur depuis 1992. En 2006, les exportations russes de biens ont représenté 302 Md USD (+25,1% par rapport à 2005). Les produits minéraux (principalement pétrole et gaz) sont de loin le premier poste d'exportation de la Russie et représentent 68,8% de ses exportations vers les pays hors CEI. Les importations russes de biens s'élevaient à 137,5 Md USD en 2006, (+39,3% par rapport à 2005) concentrées essentiellement sur les produits finis, les biens d'équipement (machines, équipements, moyens de transport) représentant plus de la moitié des importations hors CEI (51,3%). Ce qui donne à la Russie une balance commerciale très excédentaire, donc des marges de manœuvre confortables en matière budgétaire, avec un excédent de plus de 7,5% du PIB depuis 2005, la richesse nationale russe s'élèvant en conséquence.
Les premiers clients et fournisseurs de la Fédération de Russie
Répartition moyenne sur 5 ans (1999 à 2004)
Importations (fournisseurs) |
|
Exportations (clients) |
|
|
% |
|
% |
UE |
45,7 |
UE |
52,1 |
Japon |
2,8 |
Japon |
2,2 |
États-Unis |
6,5 |
États-Unis |
6,3 |
Reste du monde |
44,9 |
Reste du monde |
39,4 |
2 - Flux d'investissements, IDE
Bien qu'elles augmentent parallèlement à la hausse des prix internationaux des matières premières, les capacités d'auto-financement de la Russie sont encore limitées : insuffisance de l'épargne, fuite des capitaux, manque de confiance et de visibilité sur l'avenir. Aussi l'apport d'investissements étrangers est indispensable à son développement. Sur le principe, le pays a un potentiel favorable pour attirer l'investissement international : ressources naturelles considérables, bon niveau de formation par ex. Mais le niveau des IDE qui s'y investissent reste en deçà de ce potentiel : les industries extractives et de transformation représentent la majeure partie du stock d'IDE présent en Russie (près de 65% fin 2005) mais les autres activités de production ou de service sont moins attractives. L'"affaire Ioukos" en 2003, d'autres depuis, les incertitudes quant aux évolutions politico - économiques du pays, pèsent désormais sur l'évaluation de la situation russe et de son risque-pays.
De fait, les difficultés sont diverses, largement liées aux problèmes de gouvernance du pays : la corruption est un problème majeur ; l'obtention des permis de travail prend du temps, de même que l'enregistrement de terrains ou de biens immobiliers ; les procédures douanières et de certification sont complexes ; la protection des droits de propriété intellectuelle est mal assurée ; etc. Une réforme fiscale (2000 - 2001) s'est efforcée de créer un environnement plus attractif aux investissements : procédures de certification allégées et nouveau code des douanes. Une autre réforme législative en 2004 a amélioré la protection des droits de propriété intellectuelle et a assoupli la réglementation sur le contrôle des changes. Mais les politiques suivies restent peu transparentes et assez imprévisibles.
D'une manière générale, Moscou s'efforce de contrôler les prises de participation étrangères sur le territoire national, contraignant les opérateurs intéressés à s'associer à des entreprises russes. Le pouvoir a adopté une démarche de "nationalisme des ressources" illustrée, dans le domaine de l'exploitation des matières premières, par l'imposition devenue fréquente d'accords de partage de la production (APP / PSA) avec les groupes nationaux. Le ministère des Ressources nationales a limité à 49% la participation au capital des soumissionnaires étrangers dans le cadre de l'adjudication des concessions de ressources minières. Sans être découragés, les investissements étrangers dans le secteur des hydrocarbures semblent néanmoins freinés. On peut citer à titre d'exemple la décision, en 2004, du gouvernement de remettre en adjudication la concession pétrolière de Sakhalin-3 – précédemment obtenue par ExxonMobil en 1993.
Les pays européens dominent largement l'apport d'IDE en Russie où les États-Unis restent un investisseur direct important (6,8% du stock d'IDE présent). Fin 2006, les 10 premiers investisseurs dans l'économie russe (tous types d'investissements confondus) représentaient 86,2% de l'ensemble du stock d'IDE présent dans le pays, dont 61,9% pour Chypre et les Pays-Bas. En effet, une part importante des flux d'investissements étrangers enregistrés jusqu'à présent provient pour une large part d'actifs russes détenus à l'étranger, principalement sur la place chypriote.
Au total la Russie, en proportion de sa taille, de son potentiel et de son niveau de développement, attire relativement peu d'investissements par comparaison avec les pays de l'OCDE ou avec d'autres économies émergentes auxquelles elle est souvent associée au sein du quarteron des "BRIC" (Brésil, Russie, Inde, Chine). L'IDE en Russie a atteint 14,6 milliards de dollars US en 2005, mais il était au-dessous de 3% du PIB, chiffre inférieur par exemple aux 4,9% observés pour la Pologne et très inférieur à l'IDE vers la Chine ou l'Inde.
Sources et compléments :
- En dossier documentaire,
Nouveau front pionnier pétrolier et gazier dans l'Extrême-Orient russe, Sakhaline
- Fiches de synthèse de la Mission économique de l'Ambassade de France en Russie (MINEFI - DREE/TRESOR) : www.missioneco.org/russie
- divers.
Mise à jour : septembre 2007
|
Frontières
L'éclatement de l'URSS s'est accompagné d'une formidable ouverture sur le monde. En effet, pendant soixante-dix ans de fermeture des frontières externes de l'URSS, les régions frontalières n'étaient pas des espaces d'échange et de contact, mais se trouvaient au contraire au "bout du monde soviétique". Elles regardaient moins vers le monde extérieur tout proche, que vers Moscou qui était, d'une certaine façon, la seule véritable ville-frontière de l'URSS, non seulement par l'intensité des liaisons aériennes qui la reliaient au reste de la planète, mais également parce que la capitale soviétique était le passage obligé pour l'obtention d'un précieux et souvent inaccessible visa. Mais en réalité, la Russie a hérité de deux types de frontières.
D'un côté, les frontières qui avaient déjà le statut de frontières internationales sous l'URSS et qui n'ont pas posé de problème d'appropriation de la part de la société russe, tant elles lui étaient familières en tant que frontières "extérieures".
De l'autre, les frontières avec les républiques ex-soviétiques qui faisaient figure de simples limites administratives sous l'URSS. Ainsi, l'ouverture sur le monde lointain s'est paradoxalement accompagnée d'une fermeture sur le monde proche du fait de l'apparition de nouvelles frontières internationales au sein de l'espace ex-soviétique. Ce qui était hier le centre urbain le plus proche devient une ville étrangère de l'autre côté de la frontière. Ce qui était division administrative invisible devient frontière internationale plus ou moins difficile à franchir. La circulation des hommes et surtout des marchandises se fait plus difficile, l'outil industriel est éclaté entre les différentes républiques qui ont hérité de tout ce qui se trouvait sur leur territoires respectifs.
Dans ce contexte, les frontières de la nouvelle Russie, puissance héritière de l'URSS, ne correspondent ni à un précédent historique (pas de retour à une quelconque situation pré-soviétique), ni à la répartition de la population russe au sein de l'ex-URSS. Des régions majoritairement peuplées de Russes appartiennent désormais à des États indépendants (Crimée, régions septentrionales du Kazakhstan…) et la Russie inclut d'importantes régions non-russes (Nord-Caucase…). En 1991, environ 25 millions de Russes se retrouvent en dehors des frontières de la Fédération de Russie, tandis que les minorités ethniques forment environ 20% de la population totale du nouvel État.
Pour aller plus loin :
- un article de D. Teurtrie, Les frontières russes entre effets d'héritages et nouvelles polarités
- dans le cadre du dossier "La frontière, discontinuités et dynamiques" (nouvelle fenêtre),
Océan Arctique : des frontières maritimes à l'épreuve d'une nouvelle donne climatique
Mise à jour : septembre 2009
|
Gazprom
Après une décennie de privatisations sauvages au profit d'oligarques peu contrôlables, depuis l'arrestation en 2003 de Mikhaïl Khodorkovski, le contrôle de l'État sur l'économie n'a cessé d'être réaffirmé et Gazprom en est une illustration frappante. En 2006 l'État a porté sa participation dans Gazprom de 38% à 50,1%, ce qui lui redonne le contrôle sur l'exploitation gazière, hautement symbolique de l'économie et du pouvoir russe. Largement sous le contrôle du "clan des Pétersbourgeois" qui entoure le président (Dimitri Medvedev en est le patron), Gazprom est devenu un instrument essentiel aux mains du Kremlin. Selon la "doctrine énergétique" du pays élaborée en 2003, "le rôle de la Russie sur les marchés énergétiques mondiaux détermine dans une large mesure son influence géopolitique" et les secteurs pétrolier et gazier sont les "instruments de sa politique externe et interne".
Des extraits du rapport d'information déposé par la Commission des affaires étrangères en conclusion des travaux d'une mission d'information constituée le 8 février 2006 (1)
sur "Énergie et géopolitique" : www.assemblee-nationale.fr/12/rap-info/i3468.asp
"S'il fallait illustrer la tension que nous avons présentée en introduction entre logique de marché et logique de puissance, c'est sans nul doute le cas de la Russie qu'il faudrait choisir : ainsi, Gazprom, oligopole d'État, est à la fois une entreprise qui milite pour la libéralisation du marché domestique du gaz en Russie, aujourd'hui de facto subventionné, et, à l'étranger, le bras armé d'un État russe qui utilise l'arme énergétique pour rappeler à son étranger proche que rien ne pourra se faire dans le domaine énergétique sans la Russie. De même, vis-à-vis de l'Union européenne, Gazprom multiplie les tentatives de rachat ou de participation dans les entreprises des États membres, profitant de la libéralisation du marché énergétique en France pour avoir un accès direct au consommateur européen, tout en faisant en sorte de multiplier les obstacles aux investissements des entreprises d'Europe occidentale dans le secteur énergétique russe. C'est ainsi que la Russie refuse aujourd'hui de ratifier le traité sur la charte de l'énergie, cet accord multilatéral conçu au début des années 1990 pour faciliter les relations énergétiques entre l'Europe occidentale et ses voisins de l'Est récemment libérés du joug communiste.
Derrière cette stratégie duale, parfois difficilement lisible, le message qui apparaît en filigrane est cependant très clair : la puissance russe est de retour ; elle fut militaire et idéologique naguère, elle est énergétique désormais et c'est la Russie qui fixe les règles du jeu.
C'est ainsi que, quelques jours après le sommet de Saint-Pétersbourg qui a clôturé la présidence russe du G 8, placée sous le signe de la sécurité énergétique par le Président Vladimir Poutine, ce dernier promulguait, le 19 juillet 2006, la nouvelle loi russe "sur les exportations de gaz naturel", prévoyant la légalisation du monopole de Gazprom à l'exportation gazière. (...)
Mais l'exploitation des ressources naturelles n'a pas valeur de totale liberté de gestion pour les compagnies privées. Le résident du Kremlin souligne ainsi que, "quel que soit le propriétaire des ressources naturelles, l'État conserve le droit de réguler leur mise en valeur et leur exploitation, en agissant conformément aux intérêts de la société". Or il ne fait aucun doute que Vladimir Poutine considère la politique mise en œuvre par les oligarques comme a priori opposée à l'intérêt national. Le sort réservé à Ioukos l'illustre de manière éclatante* (...) La disparition des oligarques n'est-elle cependant pas remplacée par l'émergence d'une nouvelle "énergocratie russe" ? Aujourd'hui en effet, autour de Rosneft et, surtout, de Gazprom, l'État russe contrôle 30% de la production pétrolière et 87% de la production gazière. L'année 2005 a en effet été marquée par une série d'événements majeurs qui ont permis à Gazprom d'émerger comme l'outil principal de la politique énergétique russe : au mois de juin 2005, l'État a repris le contrôle de Gazprom, faisant passer sa part dans le capital de la société de 38,4% à 50% plus une action, puis, à l'automne 2005, Gazprom a acquis la propriété de la compagnie pétrolière Sibneft. Ces événements, conjugués à l'augmentation des prix du gaz naturel à la fin de l'année 2005, ont fait passer la capitalisation boursière du groupe à 230 milliards de dollars, devant celle du groupe Shell.
*Extrait de Arnaud Dubien, "Énergie : l'arme fatale du Kremlin", Politique Internationale, n°111, printemps 2006.
|
En 2005, Gazprom a produit 20% de la production mondiale de gaz naturel dont il détient 25% des réserves. Avec 300 000 employés, il génère 8% du PIB et 20% des recettes du budget russe. Le groupe, qui est devenu le numéro 3 mondial derrière ExxonMobil et BP, a acquis des participations dans 16 pays d'Europe et affiche ses ambitions en Asie. Il est également actif dans d'autres domaines et plus de 38% de son chiffre d'affaires est hors gaz : industrie nucléaire (Atomstroïexport, constructeur de centrales nucléaires) ; médias (GazpromMedia qui contrôle aujourd'hui plusieurs médias audiovisuels et dans la presse écrite : chaîne de télévision NTV, radio Echos de Moscou, quotidiens Izvestia et Tribuna, etc.) ; pêche et tourisme ; actionnaire majoritaire d'OMZ (constructions mécaniques) ; etc.
Gazprom cherche à maîtriser toute la chaîne de l'énergie, de l'extraction à la distribution, pour devenir un groupe énergétique intégré aux dimensions mondiales et pour donner au Kremlin une arme géopolitique de poids. Avec le monopole de la distribution du gaz en Russie, il maîtrise 159 000 km de tubes de grand diamètre et les républiques gazières d'Asie centrale (Ouzbékistan, Turkménistan) en sont tributaires. Le gaz russe est vendu aux pays de la CEI à des prix avantageux, largement inférieurs à ceux du marché mondial, mais qui fluctuent en fonction de la situation géopolitique, des degrés d'allégeance et de fidélité à la Russie. À terme, il est probable que ces prix d'"amis" rejoignent ceux du marché mondial.
Les efforts déployés par Gazprom en vue de renforcer sa présence en aval, notamment dans la distribution du gaz dans l'UE, ont suscité des inquiétudes liées à la sécurité des approvisionnements pour les pays les plus concernés. La dépendance des États européens à l'égard de Gazprom est forte (environ 26% du gaz naturel consommé) mais dans des proportions variables : Slovaquie et Finlande, 100% ; Grèce, République tchèque, Autriche, Turquie et Hongrie, de 86,8% à 63,4% ; Pologne, 50,2% ; Allemagne, 44,9% ; France, 26,8%. Le gazoduc nord-européen (NEGP), nouvelle route d'exportation du gaz russe en Europe, entrera sous la mer Baltique à Vyborg, près de Saint-Pétersbourg, pour ressortir à Greifswald en Allemagne. Il sera alimenté, entre autre, par le gaz extrait des nappes de Ioujno-Rousskoe (à l'est de Novy Ourengoï).
Pour aller plus loin :
- En corpus documentaire de ce dossier,
Nouveau front pionnier pétrolier et gazier dans l'Extrême-Orient russe, Sakhaline
- Dans le cadre du dossier "Territoires européens, régions, États, Union", un article de Julien Vercueil :
Union européenne – Russie : des "politiques de voisinage" de l'énergie
- Gazprom, le bras armé du Kremlin, dossier du quotidien Le Monde, 5 juillet 2006
- Gazprom en ligne (en anglais) : www.gazprom.com
Mise à jour : septembre 2007
|
Gouvernance et transparence
La notion de gouvernance fait son apparition à la fin des années 80 dans le champ des relations internationales. Le terme de " good governance" est employé par les institutions financières internationales pour définir les critères d'une bonne administration publique.
D'une certaine manière, les autorités et les milieux d'affaires russes semblent s'efforcer de "légaliser" leur activité et de renforcer la transparence des mécanismes économiques et administratifs en favorisant des pratiques dite s de "bonne gouvernance". L'objectif visé étant, entre autre, l'adhésion à l'OMC. Mais, les récentes "affaires" (Ioukos par exemple) et diverses formes d'interventions du pouvoir dans les rouages économiques laissent certains observateurs sceptiques.
Certains organes de contrôle du pouvoir dont sont habituellement dotées les démocraties sont inexistants ou paralysés. Ainsi de la Cour des Comptes qui a perdu toute indépendance : ses douze auditeurs qui étaient nommés par les deux Chambres du Parlement ne sont plus, depuis avril 2007, désignés que par le chef de l'État.
Selon l'organisation Transparency International, qui évalue un "Indice de perceptions de la corruption", en 2004, parmi les 146 pays étudiés, 106 atteignent un score de moins de 5 sur 10 (10 représentant l'absence de corruption) et 60 pays obtiennent moins de 3 sur 10, ce qui indique que la corruption y est endémique. La Fédération de Russie est au 90e rang avec un score de 2,8. Et, en 2005, sa situation s'est considérablement dégradée puisque ce dernier classement rétrograde la Russie à la 126e place. L'organisation fait observer que "la corruption dépouille les pays de leur potentiel" et que "les pays riches en pétrole comme l'Angola, l'Azerbaïdjan, l'Équateur, l'Indonésie, l'Iran, l'Irak, le Kazakhstan, la Libye, le Nigéria, la Russie, le Soudan, le Tchad, le Venezuela et le Yémen affichent tous des scores extrêmement bas. Dans ces pays, la passation de marchés publics dans le secteur pétrolier est corrodée par la disparition des revenus qui aboutissent dans les poches des dirigeants de sociétés pétrolières occidentales, d'intermédiaires et de fonctionnaires locaux."
Pour compléter, prolonger :
- Sur Géoconfluences : La Gouvernance, un indicateur pertinent ?
- Kliamkine I. et Timofeev L. - La Russie de l'ombre - Presses de la Cité - 2003
- Le Country Indicators for Foreign Policy Project (CIFP, ministère des affaires étrangères canadien et de l'Université Carleton à Ottawa), permet d'effectuer des comparaisons internationales, de générer des cartes et donc de situer ainsi la Russie sur la scène internationale :
www.carleton.ca/cifp
- L'organisation Transparency International - www.transparency.org/index.html - et l'Indice de perceptions de la corruption (CPI) : www.transparency.org/cpi/2004/cpi2004.en.html#cpi2004
> La base CORIS : www.corisweb.org/article/articlestatic/159/1/204/
- D'autres approches, d'autres évaluations à partir d'un dossier (articles et données) de la Banque mondiale " Gouvernance et anti-corruption" : www.worldbank.org/wbi/governance/fra/index.htm
Mise à jour : février 2005
|
Inégalités et pauvreté
Malgré l'importance des richesses naturelles de la Russie et la croissance des revenus enregistrée ces dernières années, la pauvreté touche une large part de la population. Le salaire moyen est de 200 euros par mois et il est souvent bien inférieur à cette somme en dehors de la capitale.
La fin, plus ou moins précipitée, des avantages sociaux hérités de l'URSS a fait basculer certaines couches de la population dans la précarité et la pauvreté. Les catégories les plus touchées, les plus vulnérables, sont les retraités et les populations rurales, particulièrement touchées par la fin de la gratuité de nombreux services publics. Une grande majorité des 35 millions de retraités russes, les professeurs ou les employés des grandes usines d'État paralysées, les professionnels de la santé et les chercheurs, ont vécu l'effondrement du communisme et le post-communisme comme un désastre individuel, familial et national. Beaucoup doivent cumuler plusieurs emplois, recourir à des activités du secteur informel et à la "débrouille", pour conserver des revenus suffisants.
Les inégalités des revenus sont considérables : en 2000, l'écart de revenu entre les 10% de Russes les plus riches et les 10% les plus pauvres était égal à 14. Le décile supérieur se partage 30% de l'ensemble des revenus (données 2004). À l'inverse, les 10% des familles les plus pauvres en reçoivent 2% et le fossé paraît s'accroître. L'économie informelle doit cependant être prise en compte. Un récent rapport de la Banque mondiale* évalue au 1/5e la part de la population vivant dans la pauvreté. Cependant, de 1999 à 2004, le revenu réel de la population a augmenté de 50% et le nombre de pauvres a baissé d'un tiers, ce qui résulte principalement des effets de la rente énergétique. On peut percevoir l'émergence d'une classe moyenne en Russie qui représenterait environ 20% de la population en 2004 selon une estimation du quotidien Izvestia.
Du point de vue territorial aussi, le développement de la Russie est fort inégalitaire : 80% de la richesse en Russie est concentrée à Moscou. De nombreuses oblasts, des petites villes, les campagnes dans leur immense majorité, ne participent pas au développement et constituent autant de poches de sous-développement. Côte à côte cohabitent des pôles de développement et des poches de sous-développement sans que les premiers ne réussissent à diffuser sur les seconds. Une plaisanterie russe décrit ainsi la situation : "En fait, il y a trois Russie : celle du dollar - de l'aéroport international à la banlieue de Moscou ; celle du rouble - le long des grands axes routiers - et celle du troc, c'est-à-dire tout le reste".
Le rapport de la Banque mondiale sur la pauvreté en Russie (22 septembre 2004, General Economic Studies, en anglais) : www.worldbank.org.ru/ECA/Russia.nsf/ECADocByUnid/...?Opendocument
Mise à jour : février 2005
|
Intégration régionale et mondiale
Le niveau d'intégration de la Russie dans son environnement géopolitique peut s'analyser à deux échelles : celle des territoires issus de l'ex-URSS d'une part (l'"étranger proche", voir cette entrée ci-dessous), à l'échelle mondiale d'autre part.
Au temps de la guerre froide, le rôle de l'URSS dans l'espace mondial était fondé sur un réseau de pays et de partis "frères" coordonnés par Moscou, centre de l'Internationale communiste : "Démocraties populaires" d'Europe et Yougoslavie, Cuba, Vietnam, divers pays du "Sud" au gré des évolutions stratégiques et des jeux d'alliance. Le rôle international de l'URSS s'exerçait aussi à travers sa place de membre permanent au Conseil de sécurité de l'ONU et les capacités de son arsenal militaire. Économiquement, la sphère de l'Internationale communiste vivait selon ses logiques propres, avec des échanges limités avec le reste du monde. La fin du système a conduit la Russie à redéfinir sa place dans le monde.
Sur les plans diplomatique et militaire, la Russie, "héritière unique de l'URSS", hérite donc de la place de membre permanent au Conseil de sécurité de l'ONU. Et, en 1997, le G7 a accueilli officiellement la Russie, se transformant en G8, sauf pour les questions économiques et financières.
Dans le domaine économique, la Russie est encore engagée par d'étroites relations avec son "étranger proche" et son économie est encore relativement peu mondialisée, si ce n'est, principalement, par les flux d'exportation de matières premières. Les flux d'IDE de grands groupes multinationaux commencent à modifier la donne. La Russie frappe à son tour à la porte de l'OMC : un accord, conclu avec l'UE en 2004, devrait permettre son adhésion lorsque les négociations qu'elle mène également avec les États-Unis et la Chine auront abouti. Elle est aussi candidate à l'entrée dans l'OCDE. Enfin, elle a rejoint, en 2004, les pays signataires du protocole de Kyoto.
La situation bi-continentale de la Russie l'amène à participer à des organisations régionales européennes et atlantiques d'une part, asiatiques d'autre part.
Du côté européen et atlantique, les relations avec l'OTAN se sont trouvées redéfinies par l'"Acte fondateur" signé le 27 mai 1997. Il définit les relations, la coopération et la sécurité mutuelles entre l'OTAN et la Fédération de Russie et il établit un cadre unique de consultation et de coopération entre l'une et l'autre par la création du Conseil conjoint permanent.
La Russie est membre de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), fondée en 1994 dans les perspectives ouvertes par la conférence d'Helsinki de 1975 et destinée à promouvoir les droits de l'homme. Mais, si elle a longtemps accepté les observateurs de l'OSCE sur le théâtre de ses opérations en Tchétchénie, à ses frontières ou dans certains pays de la CEI, elle s'y oppose de plus en plus souvent.
La Russie fait aussi partie du Conseil de l'Europe (défense de la démocratie et des droits de l'Homme) ainsi que de la Coopération économique de la mer Noire (CEMN).
Du côté asiatique et pacifique, la Russie est membre :
- de la Coopération économique en Asie-Pacifique (APEC),
- du forum régional de l'ANSEA (sur les questions de sécurité dans la zone Asie-Pacifique),
- de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS dont le siège est à Pékin) qui a pris, en 2001, la relève du Groupe de Shanghai, structure informelle créée en 1996 pour régler des problèmes frontaliers et de sécurité, plus particulièrement pour coordonner les actions contre les "menaces islamistes" et pour favoriser les relations économiques entre ses membres.
Sources et compléments :
- Sur le site du Sénat : www.senat.fr/rap/r03-317/r03-317_mono.html
- L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE - Organization for Security and Co-operation in Europe) : www.osce.org/index.php
Mise à jour : février 2005
|
Kaliningrad
L'oblast de Kaliningrad (autrefois Königsberg) est un territoire de 15 100 km2 et de 421 000 habitants, isolé du reste de la Russie et enclavé dans l'espace de l'UE. Il bénéficie du seul port russe sur la mer Baltique qui ne soit pas pris par les glaces en hiver. Il dispose d'un statut particulier par la loi sur la "Zone économique libre" dans l'oblast de Kaliningrad, entrée en vigueur en 1996. Cette loi offre certains privilèges aux investisseurs. C'est aussi un lieu de trafics illicites. Un accord a été passé, en 2002, entre la Russie et l'UE, pour définir les modalités du transit entre l'enclave et le reste de la Russie, par la Lituanie.
Le territoire concentre un certain nombre des maux qui frappent l'ensemble de la Fédération : déclin industriel, pollution et problèmes environnementaux, problèmes aigus de santé publique (alcool, drogue), et leurs conséquences.
Pour compléter :
- Frank Tétart - Questions internationales n ° 11 de janvier - février 2005
- Une fiche documentaire de la DREE : www.missioneco.org/russie/infopays.asp
- Ivan Samson et Vincent Lamande - Stratégies de développement régional en Russie le cas de Kaliningrad - Pôle d'études des politiques sociales et économiques (PEPSE, Université P.M France de Grenoble) - 2004 : www.upmf-grenoble.fr/pepse/article.php3?id_article=2
Mise à jour : février 2005
|
Kyoto (Protocole de)
Le protocole de Kyoto a été ratifié par la Russie le 22 octobre 2004. Cette ratification permet à l'accord international, conclu en 1997, d'entrer en vigueur puisqu'il devait être ratifié par au moins 55 pays représentant 55% des émissions de CO2 des pays industriels, ce qui est désormais le cas. Aussi le Protocole de Kyoto a pu entrer en vigueur le 16 février 2005.
Selon le protocole, l'UE, le Japon et le Canada doivent diminuer leurs rejets. En revanche, les émissions russes sont de 20 à 30% inférieures aux seuils fixés, elles s'élèvent à 9,9 t/hab/an de CO2. La Russie va donc disposer d'un important réservoir de quotas qu'elle est en mesure de négocier sur le marché mondial des droits d'émission. Selon l'AIE, elle aurait 600 millions de tonnes d'"excédent", et l'UE environ 200 millions de tonnes de "déficit". Si, dans un premier temps, les industriels européens ne peuvent négocier que dans le cadre de la bourse européenne des "permis de polluer", ils pourraient être ultérieurement tentés de profiter des quotas russes qui seront accessibles à partir de 2008. À travers le dispositif du "mécanisme d'application conjointe" (MAC) du protocole, les États européens, et, par ricochet, leurs industriels, pourront récupérer des quotas s'ils financent en Russie des projets "propres" de nature à réduire les émissions de gaz à effet de serre. De tels projets pourraient être complexes à mettre en œuvre pour des raisons à la fois techniques et financières et des critiques ont été formulées sur ces procédures :
"Concernant tout d'abord les échanges de permis d'émissions négociables entre pays de l'Annexe I prévu à l'article 3.10, le mécanisme semble en l'état particulièrement néfaste. L'allocation des droits d'émission attribués à chaque pays n'a pas relevé d'une décision rationnelle mais d'un rapport de forces. Or les objectifs attribués aux pays anciennement communistes remettent en cause les avantages théoriques du négoce des permis d'émissions : la Russie et l'Ukraine notamment pourront émettre autant de gaz à effet de serre sur la période 2008-2012 qu'en 1990, alors que non seulement leurs économies ont connu une profonde récession au début des années 1990, mais aussi que l'année de référence choisie du début de la période correspond à une époque où le modèle d'économie soviétique, très gaspilleur en énergie, était encore en vigueur. Ces pays disposeront donc nécessairement, même en l'absence de toute politique volontariste, d'importants quotas excédentaires qu'elles pourront revendre à d'autres pays pour leur permettre de dépasser l'objectif qui leur a été fixé. Il s'agira alors de ce qui a été qualifié de vente "d'air chaud", dans la mesure où l'acquisition de droits d'émission ne reposera sur aucune réduction effective de rejet de gaz à effet de serre ."
Source : Marie-Hélène Aubert - Rapport sur le projet de loi autorisant l'approbation du protocole de Kyoto à la Convention-cadre sur le changement climatique, Assemblée nationale, rapport n° 2296, 2000 : www.ladocfrancaise.gouv.fr/dossier_international/climat/2politiques/partie2_1.shtml
|
Mise à jour : février 2005
|
|
Moscou
Siège de l'administration fédérale russe, Moscou a officiellement perdu plusieurs de ses fonctions liées au système soviétique et le siège actuel de la CEI est à Minsk. Mais Moscou continue de contrôler une large part de l'activité économique du pays, non plus directement par les administrations fédérales, mais par ses institutions bancaires, la localisation des sièges des principales firmes, le rôle de son faisceau de transport.
Sous la houlette de son maire, Iouri Loujkov, réélu en 1999, la ville devient une vraie métropole internationale et on peut considérer qu'elle est la seule ville russe possédant les caractères attendus de la métropolisation.
D'où sa forte attractivité. Moscou et sa région ont reçu, en 2001, 40% des flux d'IDE. L'élite russe a fait de Moscou une vitrine où l'argent coule à flots. Au delà des banlieues faites d'immeubles hérités de l'urbanisme soviétique, de nouveaux lotissements ont surgi derrière de grands murs : d'immenses maisons y ont des allures de petits châteaux. Pour profiter de l'essor rapide de la demande des consommateurs moscovites, de nombreux groupes internationaux de la distribution se sont installés, comme Auchan, Métro, Wal Mart ou Ikea. Les boutiques de luxe sont partout, pas seulement dans le centre-ville mais aussi le long du périphérique et Crocus City, une galerie commerciale huppée, jouxte des cités-dortoirs.
Si le bilan migratoire annuel de la ville est négatif depuis 1990, c'est à cause du renchérissement du coût de la vie à Moscou mais aussi du fait des mesures adoptées pour limiter l'arrivée de nouveaux habitants. En particulier l'obligation d'obtenir un emploi avant d'être officiellement enregistré comme moscovite (la propiska). On a pu aussi voir se développer une véritable campagne contre les personnes de nationalité caucasienne appelées vulgairement les "Peaux sombres" ou "Culs noirs".
Mise à jour : février 2005
|
Oligarques
La période eltsinienne a fait apparaître de nouveaux acteurs politiques et économiques. Parmi eux, figurent ceux qu'on appelle les "oligarques", véritables barons de l'économie russe, tous issus des ex-komsomols (jeunesses communistes), ils sont apparus sur le devant de la scène en finançant la campagne de Boris Eltsine en 1995. Ils obtinrent en échange des joyaux de l'industrie ex-soviétique et des ressources naturelles du pays (gisements pétroliers, secteur des métaux, de l'automobile, etc.) et ils sont devenus les patrons de groupes financiers et industriels, principaux bénéficiaires de la transition et des vagues de privatisation des années 1990. Sur les onze premiers groupes oligarchiques de Russie, cinq sont nés de la transition et des privatisations "prêts contre actions" menées sous Boris Eltsine au milieu des années 1990. Auparavant les directeurs d'usines avaient pu bénéficier des "privatisations par coupons" lancées dès 1992.
Depuis, trois célèbres de ces oligarques ont été évincés de la scène russe : Mikhaïl Khodorkovs, arrêté en 2003 (holding Menatep / groupe pétrolier Ioukos) et détenu depuis, Boris Berezovski et Vladimir Goussinski qui ont pris les chemins de l'exil.
Malgré les démonstrations d'autorité à l'égard des oligarques, on constate que la concentration de secteurs importants de l'économie entre les mains d'un petit nombre de groupes s'est accentuée depuis 2000 et, en 2005, on comptait une cinquantaine de milliardaires en dollars à la tête de l'économie russe, dont dix figuraient dans la liste des cinquante plus grandes fortunes mondiales.
Ne s'agirait-il alors que de changements de mains, les grands groupes passant sous le contrôle direct de réseaux issus de l'appareil d'État ? Un rapport de la Banque mondiale fait valoir que la domination des oligarques entrave la compétition et l'éclosion de PME capables de revitaliser l'espace économique russe et que leurs performances économiques sont inférieures à celles des investisseurs étrangers. Au début du XXe siècle, l'activité des "robberbarons" américains auxquels les oligarques russes sont parfois comparés, a été fortement limitée par des lois anti-trust. Or, en Russie, le ministère anti-monopoles a été dissous.
Enfin, face aux incertitudes d'un pouvoir susceptible de spoliations arbitraires, peu se risquent désormais à investir sur le long terme et la Russie paraît cantonnée pour longtemps à l'économie de rente. Les capitaux qui ont quitté le pays ne reviennent que prudemment se réinjecter dans l'économie nationale en privilégiant avant tout l'exploitation des matières premières.
Mise à jour : février 2005
|
|
Ressources (pétrolière, gazière, etc.) et économie de rente
La Russie possède un énorme potentiel de ressources biologiques, minérales et énergétiques.
Si la rudesse des conditions climatiques paralyse l'activité agricole pendant de longs mois, elle n'en possède pas moins une surface agricole utile de 220 millions d'ha, dont 130 millions de terres arables. L'épaisse couverture forestière qui s'étend sur une large part du territoire est un réservoir pour l'exploitation du bois. Les nombreuses étendues d'eau comme le lac Baïkal ou le lac Lagoda, les fleuves géants tels que la Lena, l'Amour, l'Ienisseï et la Volga offrent des ressources pour la pêche, l'irrigation et la production d'hydroélectricité.
Mais ce sont avant tout les réserves énergétiques, minérales, de la Russie qui sont impressionnantes. Le pays détient environ 30% des réserves mondiales de gaz naturel, 6% des réserves pétrolières, 20% des réserves de charbon et 14% des réserves d'uranium. Il est le plus gros producteur et exportateur de gaz naturel. D'autres richesses sont présentes en abondance : fer, manganèse, cuivre, nickel, or par exemple. Ces ressources considérables paraissent encore sous-exploitées car leur mise en valeur suppose des investissements (nationaux ou étrangers) qui font parfois défaut.
Le secteur des hydrocarbures, selon une étude de la Banque mondiale de 2004, représentait alors 20% du PIB de la Russie, et les taxes sur les exportations énergétiques 40% des recettes du budget fédéral. Ces recettes ont permis de financer un "fonds de stabilisation" pour prévenir un retournement de conjoncture éventuel et qui pourrait servir à d'autres fins (financement des retraites par exemple), mais qui sert aussi à financer des dépenses croissantes de l'armée ainsi que des investissements géostratégiques (ceux de Gazprom par exemple).
Les retombées d'une telle manne sont mitigées. Comme pour beaucoup d'autres pays producteurs, le dynamisme de l'exploitation pétrolière et gazière bride le développement des autres secteurs d'activité, de sorte que le pays ne parvient pas à diversifier sa production industrielle pour répondre à la demande de son marché intérieur, notamment en matière de biens de consommation. La "rente pétrolière" pénalise la diversification de l'économie, retarde certaines réformes structurelles et place l'économie et l'État à la merci de variables extérieures, de la moindre baisse des cours sur les marchés internationaux.
Les maux traditionnels de l'économie russe semblent aggravés par cette "malédiction des ressources" qui veut que les États riches en ressources naturelles se retrouvent souvent dans une situation de dépendance entravant leur développement et qu'ils souffrent de problèmes de gouvernance politique et économique. Le développement du secteur énergétique engendre différents problèmes : tensions entre le centre et la périphérie, les régions les plus riches étant peu désireuses de financer les plus pauvres ; corruption encouragée et irrégularités fiscales, etc.
Ainsi, l'économie russe est surtout une économie de rente. Mais ses richesses permettent à V. Poutine de conforter le statut de grande puissance de son pays sur la scène internationale. La production énergétique russe apparaît aux yeux de nombreux pays consommateurs comme une alternative bienvenue aux productions des pays de l'OPEP, à celle de l'Iran par exemple. En cycle de forte hausse des cours qui a toute chance d'être durable, les ressources ainsi générées sont aussi, en partie, redistribuées au bénéfice de la population qui voit son niveau de vie moyen s'améliorer après des années d'appauvrissement.
Pour compléter :
- en corpus documentaire,
Nouveau front pionnier pétrolier et gazier dans l'Extrême-Orient russe, Sakhaline
- dans le dossier scientifique, les articles de Julien Vercueil :
> Les hydrocarbures en Russie, entre promesses et blocages
> Politique et géopolitique du pétrole russe
- en nouvelles fenêtre,
> dans le cadre du dossier "La frontière, discontinuités et dynamiques", Océan Arctique : des frontières maritimes à l'épreuve d'une nouvelle donne climatique
> dans le cadre du dossier "Territoires européens, régions, États, Union", un autre article de Julien Vercueil : Union européenne – Russie : des "politiques de voisinage" de l'énergie
Mise à jour : septembre 2007
|
Société civile
La société civile, à travers ses représentants, l'activité de ses associations, ses syndicats, ses groupes de consommateurs, fournit des acteurs et des contre-pouvoirs essentiels au bon fonctionnement d'une démocratie. Ils peuvent, par exemple, peser sur le respect des droits de l'Homme, les choix d'aménagement du territoire et sur l'ensemble des questions environnementales.
On constate qu'il n'y a jamais eu de société civile épanouie en Russie. La population a longtemps vécu abandonnée à son sort, passive et silencieuse, en marge du système politico-économique que lui impose le pouvoir, ce que le politologue Alexeï Berelovitch appelle la "démocratie contemplative", où "le peuple se contente d'aller aux urnes, puis de regarder ce qui se passe". Il vote "mais sans vraiment choisir". "Notre société est restée une société sans convictions véritables", constate Elena Bonner (veuve d'Andreï Sakharov) qui y voit un héritage de l'époque totalitaire, plus encore qu'une conséquence du désastre social : "Je parle de l'absence de critères moraux ainsi que de notre incapacité à distinguer la vérité du mensonge, le bien du mal". L'une des hypothèses de Nicolas Werth est que la violence d'État de l'ex-URSS n'était pas exclusivement alimentée par l'idéologie, mais par la perception qu'avaient les dirigeants de la vulnérabilité du système face à un corps social difficilement maîtrisable.
L'absence de réel mouvement syndical indépendant en Russie survit durablement à l'effondrement du système soviétique. Certaines associations et ONG sont davantage actives et parfois médiatisées et connues en Occident pour leur engagement en faveur des droits de l'Homme : Memorial, Comité des Mères de soldats, le Contrôle civique, le Groupe moscovite de Helsinki, par ex. Mais une nouvelle loi entrée en vigueur le 17 avril 2006, oblige - entre autre - les ONG étrangères travaillant en Russie à se conformer à une procédure stricte d'accréditation auprès d'un Service fédéral d'enregistrement (FSR) dont la justification officielle est de "recueillir des statistiques sur les ONG en Russie". En conséquence, près de 3 000 ONG pourraient cesser leur activité, des organisations souvent les plus actives dans la promotion de la société civile, seraient touchées.
Mais une large part de la population russe reste à l'écart de ces mobilisations et pourrait être tentée de cristalliser ses frustrations sur "l'ennemi" extérieur ou intérieur : l'étranger, le Tchétchène, le terroriste islamiste, les minorités juives. Selon un sondage publié dans Nezavisimaâ Gazeta le 21 novembre 2001, à une question sur la définition de la société civile 55% des personnes interrogées répondent qu'elles n'en ont jamais entendu parler, 22% ne peuvent pas expliquer de quoi il s'agit (rapporté par M. Fainberg et A. Loussenko*).
Remarquons cependant les capacités, à la fois, d'adaptation, de résistance et de résilience dont la société civile russe a dû faire preuve au fil des décennies de son histoire tumultueuse.
Sources et pour prolonger :
- en corpus documentaire :
Le défi démographique russe > Flux et politiques migratoires
- dans la rubrique Savoir faire : Mémoires et territoires en Fédération de Russie
- Iouri Levada est considéré comme le fondateur de la sociologie en URSS, discipline considérée comme "bourgeoise", interdite du temps de Staline et mise ensuite "sous surveillance". Sous la présidence de Mikhaïl Gorbatchev il entre au Centre d'étude de l'opinion publique (VTsIOM) créé en 1987. Mais en 2003, le pouvoir, mécontent de la publication de certains sondages peu conformes au "politiquement correct" prend le contrôle du Centre que Iouri Levada quitte alors, avec l'ensemble de ses collaborateurs, pour créer, en toute indépendance, le VTsIOM-A, devenu en mars 2004 le Centre analytique Levada, au sein duquel il poursuit des enquêtes d'opinion sur la vie politique et sociale, outils indispensables pour tous les chercheurs. Décédé le 16 novembre 2006, Iouri Levada a notamment publié :
> Entre le passé et l'avenir : l'homme soviétique ordinaire, enquête (Paris, Presses de Sciences Po, 1993, traduit par Jacqueline Tordjman et Alexis Berelowitch, préfacé par Alexis Berelowitch) et
> À la recherche de l'individu (en russe, Moscou, Novoe Izdatel'stvo, 2006)
- Le Centre analytique d'étude de l'opinion publique Iouri Levada : www.levada.ru/eng
- Marie Fainberg et Anna Loussenko - Memorial ou l'émergence d'une société civile russe en Russie - CERI-Sciences Po, mai 2002 : www.ceri-sciences-po.org/archive/mai02/artmfal.pdf
- Point de vue d'un ethnologue, Boris Cyrulnik, sur la résilience :
www.diplomatie.gouv.fr/label_france/FRANCE/IDEES/cyrulnik/page.html
Mise à jour : septembre 2007
|
Statistiques et économie informelle
Au temps de l'URSS, lorsque les données fournies par la direction de la statistique ne plaisaient pas au pouvoir, plutôt que de s'interroger sur la réalité qu'elles reflétaient, elles étaient remises en cause. Lorsqu'un chiffre mettait en évidence un échec, c'est qu'il était faux et les producteurs de ces données devenaient des "ennemis du peuple". Les statistiques soviétiques étaient "simples": quand des chiffres étaient diffusés, ils étaient compilés de façon aussi sérieuse qu'ailleurs dans le monde. Quand le régime souhaitait masquer un problème, il n'y avait tout simplement pas de chiffres diffusés (par exemple, il n'y avait plus aucun chiffre sur la répartition des productions agricoles par régions). De leur côté, les unités de production fournissaient des chiffres conformes aux Plans mais sans préciser les conditions dans lesquelles les objectifs avaient été atteints et sans indication sur la qualité et la réelle valeur d'usage des productions.
A. Blum note, pour la démographie historique, qu'il faut distinguer ce qui était publié et ce qui était archivé dans des dossiers tenus secrets. C'était au niveau de la diffusion qu'il y avait manipulation : on donnait les bons chiffres, on occultait les autres. Les résultats du recensement de 1937 ont été annulés.
Dans la Russie post-soviétique, les statistiques sont tributaires de la qualité des chiffres fournis par les différents acteurs. Toutes les observations montrent que ceux-ci n'ont aucune envie de rendre leur activité transparente. Deux exemples :
- En 2000, sur 145 millions d'habitants, 3,5 millions de foyers avaient remis une déclaration de revenus au fisc, soit moins de 10% d'entre eux. Parmi ces 3,5 millions de documents, 90% déclaraient un revenu annuel inférieur à 1 790 USD, ce qui leur permettait de rester dans la tranche d'imposition de 12% (franchir ce seuil les aurait fait entrer dans la tranche suivante qui passait directement à 30%) ( Les Échos du 3 janvier 2001). Une réforme instaurant un taux d'imposition unique à 13 % a été instauré à partir de 2002 mais la méfiance continue à régner entre le fisc et le citoyen.
- Le nombre de passagers transportés par services de minibus (11-25 places) dans la région de Saint-Pétersbourg était de 74 millions en 2001, d'après les données fournies par les transporteurs. Ce chiffre cadrant mal avec l'observation visuelle, les économistes de l'université de Saint-Pétersbourg ont procédé par enquête et ont sélectionné un échantillon représentatif correspondant à 10% des lignes desservies (sur 250). Pour chaque service, huit relevés ont été faits sur toute la longueur de la ligne, à des heures différentes de la journée, à des jours différents de la semaine. L'observateur enregistrait chaque passager qui montait ou descendait. En extrapolant les données observées à l'ensemble du réseau, ils estiment qu'on peut "évaluer avec prudence le nombre de passagers à 225 millions de passagers par an", soit trois fois plus que l'estimation officielle.
Par ailleurs, selon les données du Comité du transport de l'administration de Saint-Pétersbourg, il y aurait en réalité, non pas 250 lignes comme déclaré, mais 436. Dans ces conditions, le trafic réel du segment considéré peut être évalué à 330 millions de passagers par an, soit un chiffre d'affaire supérieur à 3 milliards de roubles … qui échappe à la statistique … et au fisc.
(source : Veikher et ali, in " Les régions de Russie à l'épreuve des théories et pratiques économiques" L. Bensahel et P. Marchand, publications du Pôle d'Études en Politiques Sociales et Economiques, Grenoble II)
Pour compléter :
- Alain Blum et Martine Mespoulet - L'Anarchie bureaucratique. Statistique et pouvoir sous Staline - La Découverte - 2003 : www-census.ined.fr/histarus
- Goskomstat, les statistiques fédérales officielles de la Russie : www.gks.ru/eng
Mise à jour : février 2005
|
Système d'information
Des médias indépendants sont indispensables au bon fonctionnement de toute démocratie alors que des médias inféodés au pouvoir ne peuvent que le renforcer. La liberté acquise par les médias en Russie était à mettre au crédit de la présidence de Boris Eltsine. Mais, depuis l'arrivée de Vladimir Poutine, le pouvoir central, par étapes successives, est intervenu pour museler bon nombre de médias indépendants.
Ainsi, en 2001, Media-Most, l'empire médiatique de l'oligarque Vladimir Goussinski (arrêté, puis libéré, aujourd'hui en exil en Espagne), a été démantelé et sa filiale, la chaîne NTV, appartient désormais à Gazprom sous contrôle du pouvoir. Boris Berezovski, aujourd'hui en exil à Londres, a perdu en 2002 ORT, première chaîne de télévision russe puis TV6 qui a réouvert sous contrôle du Kremlin. Désormais, toutes les chaînes de télévision sont placées, directement ou indirectement, sous le contrôle de l'État. Or, la télévision hertzienne est le seul média qui couvre tout le territoire de la Fédération.
La presse écrite, les journaux, paraissent, en apparence, avoir conservé davantage d'indépendance. Ils doivent cependant souvent composer pour conserver la possibilité de se faire distribuer et leur diffusion sur l'ensemble du territoire est limitée. Internet est devenu un moyen alternatif très utilisé pour diffuser l'information. Mais la liberté d'expression peut y être mise à mal au nom de la législation "anti-terroriste" et certains sites se trouver ainsi bloqués (voir RSF*). Selon Marie Mendras (Lettre prospective du Sénat, 2004) :
"Actuellement, nous observons une situation "d'entre-deux", ni tolérante et respectueuse des droits de l'Homme, ni systématiquement répressive. Il ne règne pas un climat de peur mais d'incertitude et de menace diffuse. Un journaliste indépendant peut certes travailler à peu près librement - certains sujets d'investigation portant sur le risque nucléaire et l'armée demeurent toutefois dangereux - tout en sachant qu'il peut, du jour au lendemain, être dissuadé d'approfondir ses enquêtes. Il en est de même pour le dirigeant d'une grande société productrice de matières premières." -
Anna Politkovskaïa, assassinée en octobre 2006, était la 42e journaliste tuée en Russie depuis l'effondrement de l'URSS. Trois journalistes ont été assassinés en 2006 ce qui porte à 21 le nombre de professionnels des médias tués dans le cadre de leur activité depuis l'élection de Vladimir Poutine en 2000. En 2007, le centre de formation des journalistes, Educated Media Foundation (ex Internews Russie), financé notamment par un programme Tacis européen et la Fondation Ford, a cessé d'exister.
- Le site de Reporters sans frontières (RSF) : www.rsf.org/une_pays-31.php3?id_mot=145&Valider=OK
- Lettre du Groupe de prospective au Sénat - Quelle puissance pour la Russie ?
www.prospective.org/gps_front/index.php?...lettre=
- Actualité et rapports annuels de Reporter sans frontières (RSF) sur la Russie :
www.rsf.org/rubrique.php3?id_rubrique=31
- Le Comité pour la protection des journalistes (Committee to Protect Journalists) :
www.cpj.org/regions_06/europe_06/europe_06.html#russia
Mise à jour : septembre 2007
|
Tchétchénie
Ce conflit n'a, en fait, jamais cessé depuis la guerre du Caucase au début du XIXe siècle. Il rebondit en 1942 lorsque les Tchétchènes espèrent leur indépendance de l'invasion nazie. Les représailles s'ensuivirent : à partir de février 1944, Staline ordonne la déportation de la totalité de la population tchétchène et ingouche vers le Kazakhstan et l'Asie centrale.
Après le retour des Tchétchènes de leur exil kazakhstanais, les relations russo-tchétchènes n'ont cessé de se dégrader, notamment au niveau local. La montée des tensions entre les deux communautés avait conduit un grand nombre de Russes à faire leurs bagages dès les années 1960. Ces départs se sont multipliés en 1991, après la déclaration unilatérale d'indépendance de la Tchétchénie et l'arrivée de Djokhar Doudaëv au pouvoir. Boris Eltsine instaure alors l'état d'urgence et envoie des troupes dans la capitale. Elles se retirent au bout de trois jours face à la très forte résistance tchétchène.
En décembre 1994 commence véritablement la première guerre de Tchétchénie : Moscou envoie une force de 30 000 hommes pour remettre au pas la province rebelle. En 1995, l'armée russe pénètre dans la capitale, Grozny, après l'avoir massivement bombardée. En 1996, Alexandre Lebed, secrétaire du Conseil de sécurité, est envoyé sur place avec des pouvoirs élargis et il négocie l'arrêt des combats en échange du retrait des troupes russes.
La guerre reprend en septembre 1999 (seconde guerre de Tchétchénie) avec une intervention massive de l'armée russe. Le Kremlin tente une issue politique électorale pour maintenir la Tchétchénie dans la Fédération.
Au cours de ces années de guerre en Tchétchénie, l'OSCE a été la seule institution internationale à avoir un statut d'observateur extérieur et de médiateur dans ce conflit. Les résultats concrets en sont limités : les accords élaborés en 1995 n'ont pas eu de lendemains et elle n'a pu assister qu'impuissante au déclanchement de la seconde guerre de Tchétchénie. Depuis, les observateurs de l'OSCE se cantonnent à un rôle humanitaire pour l'essentiel.
Début 2005 le bilan provisoire peut s'établir ainsi :
- L'islamisme radical a fortement progressé en Tchétchénie et la lutte des Tchétchènes a pris d'autres formes (prises d'otages, par exemple en septembre 2004, l'école de Beslan en Ossétie du Nord). Ces nouvelles "forces du mal" (Tchétchènes et "wahhabites") sont considérées par l'opinion publique russe comme les principaux agents subversifs lancés à l'assaut de la nation. Au-delà du conflit tchétchène, c'est tout le problème de l'"intégration" de la communauté musulmane de Russie, forte d'une dizaine de millions d'individus, dans la société russe qui se pose.
- Des experts allemands évaluent à 80 000 le nombre de victimes tchétchènes depuis le début de la guerre lancée en août 1999. Côté russe, près de 4 500 membres des forces fédérales ont été tués, selon des chiffres officiels. Ceux-ci sont contestés par l'ONG des Mères de soldats, qui estime à 11 000 le nombre d'appelés tués en Tchétchénie depuis octobre 1999. Les Mères de soldats ne prennent pas en compte les Kontraktniki (mercenaires russes, qui constituent 80% des recrues). Les ONG internationales évaluent à 30 000 le nombre de victimes russes en incluant les Kontraktniki.
- De 1991 à 1999, plus de 250 000 Russes ont quitté la Tchétchénie, mais aussi des Tatars, des Ingouches et des Juifs. Les Tchétchènes eux-mêmes ont fui massivement la République pour des territoires périphériques (Ingouchie, Géorgie, etc.)
Au total, la Tchétchénie aurait perdu plus de la moitié de sa population.
Pour compléter, prolonger :
- Dans la rubrique "corpus documentaire",
La Fédération de Russie et ses périphéries (tour d'horizon ; identités et influences) ainsi que :
Le dessous d'une carte : un regard polonais sur la Tchétchénie (par Lydia Coudroy de Lille)
- Un dossier de la Documentation française, La deuxième guerre de Tchétchénie
www.ladocfrancaise.gouv.fr/dossier_actualite/tchetchenie/index.shtml
Mise à jour : février 2005
|
Transition et privatisations
En engageant le processus de transition économique en 1991, Boris Eltsine avait promis à ses compatriotes que les réformes leur apporteraient la prospérité. Aujourd'hui, nombre d'entre eux éprouvent le sentiment d'avoir été laisés par les privatisations. Elles auraient dû permettre une redistribution démocratique des biens détenus collectivement mais elles ont été détournées au profit d'un petit nombre, en particulier de ceux qui vont être qualifiés d'oligarques.
L'interférence entre les affaires et le monde politique reste une donnée fondamentale du paysage économique russe et la transition économique et politique des années 1990 ne s'est, de ce point de vue, pas traduite par de grands changements par rapport à la période antérieure. Cette amertume, ces frustrations, expliquent la popularité de la croisade anti-oligarques menée ensuite par Vladimir Poutine.
La Cour des comptes de la Fédération a remis, en 2004, un rapport à la Douma sur les dix années de privatisations de 1993 à 2003. Basé sur l'étude des cas de 54 entreprises (dont Loukoïl, Magnitogorsk Metal, Sibir Airlines, Slavneft, etc.), le rapport établit que nombre de ces privatisations étaient douteuses, accompagnées de "nombreuses violations" conduisant "à des cessions illégales de biens d'État, y compris d'importance stratégique, à des russes et à des étrangers, à des prix trop bas". Le plan "dette contre actions" avait permis à Mikhaïl Khodorkovski d'acquérir Ioukos pour une somme dérisoire. Le gouvernement Poutine a pu s'appuyer sur ce rapport pour réclamer aux groupes incriminés des arriérés d'impôts compensatoires qui ont pu les mettre en difficulté ou les pousser à la faillite (comme dans le cas de Ioukos, le groupe de Mikhaïl Khodorkovski) mais aussi pour justifier les poursuites judiciaires contre les oligarques qui ne sont pas proches du pouvoir et pour arrêter certains de ceux qui n'ont pas fui à l'étranger, tel M. Khodorkovski en 2003. Plus récemment, en juillet 2007, Mikhaïl Goutseriev a été contraint de quitter son poste à la tête du groupe pétrolier Roussneft. En fuite à l'étranger, il fait l'objet d'un mandat d'arrêt parallèlement au gel des actions de l'entreprise qui pourrait revenir au major du pétrole russe, Rosneft, société d'État aux mains d'oligarques proches du Kremlin (le "clan des Petersbourgeois").
En effet , depuis 2003 - 2004, un net infléchissement a été apporté aux mécanismes de la privatisation. Désormais le Kremlin s'efforce de réaffirmer sa suprématie en posant les fondations d'un nouveau capitalisme d'État russe. Ainsi, en 2006, l'État a porté sa participation dans Gazprom de 38% à 50,1%, ce qui lui redonne le contrôle sur l'exploitation gazière, hautement symbolique de l'économie et de la géostratégie russes. En matière pétrolière, l'entreprise publique Rosneft a avalé les plus beaux morceaux de Ioukos après l'arrestation de M. Khodorkovski et Moscou contrôle en 2007 le quart de la production pétrolière russe contre 10% en 1999. Toujours dans le domaine de l'exploitation des ressources énergétiques on observe que les accords de partage de production (APP / PSA) conclus avec des firmes étrangères sont systématiquement négociés ou renégociés dans le sens d'une participation majoritaire des compagnies publiques russes.
Ainsi le Kremlin affirme-t-il sa volonté de contrôler les secteurs de l'économie jugés "stratégiques". "Il ne s'agit pas d'un capitalisme d'État, mais de la formation de grandes compagnies que l'on va soutenir, notamment à l'étranger. Elles seront sous contrôle de l'État pendant une période de transition mais doivent se comporter comme des compagnies privées" selon les propos de M. Dvorkovitch, chef du groupe d'experts auprès de V. Poutine, à des investisseurs à Moscou en 2006.
Dans ce contexte, en 2004, l'OCDE estimait que la Russie doit "offrir des règles du jeu équitables, de sorte que les sociétés étrangères puissent concurrencer les entreprises nationales dans le processus de privatisation des entreprises publiques". Et, si les privatisations des monopoles d'État ont donné surtout naissance à des grands groupes, le tissu des PME reste encore insuffisant : elles ne représentent que 10 à 15% du PIB, contre 30 à 50% dans la plupart des pays en transition d'Europe médiane et orientale.
Enfin, concernant les activités agricoles, la Douma d'État a adopté, en juillet 2002, la loi sur le transfert des terres agricoles, autorisant les particuliers et les personnes morales à acheter ou vendre légalement des terres agricoles à compter de 2003. Toutefois, de nombreux obstacles doivent être surmontés avant qu'un marché des exploitations agricoles pratique et fonctionnel ait pu s'épanouir.
Mise à jour : septembre 2007
|
Villes et métropoles, système urbain
À quelles conditions l'espace post-soviétique peut-il s'insérer dans l'espace-monde ? À l'échelle de la Fédération, sur quelles bases un réseau urbain peut-il se recomposer en tenant compte de l'héritage d'une période pendant laquelle Moscou, la ville-capitale, siège du pouvoir, commandait tous les développements urbains dans le cadre d'un espace de développement autarcique.
Le système urbain russe compte 13 villes de plus d'un million d'habitants. Moscou compte 9 millions d'habitants et Saint-Pétersbourg 5 millions. Mais les autres villes, même les plus grandes, n'étaient conçues que comme des agrégats de combinats industriels et comme lieu de résidence de la main d'œuvre nécessaire. Ainsi, à la fin des années 1980, la grande ville soviétique différait profondément de la grande ville occidentale (Marchand, 2001). Chaque unité territoriale de l'Union avait son centre, mais ce pôle était réduit à la surveillance administrative et à des fonctions universitaires et hospitalières ; ses compétences ne débordaient pas sur les unités voisines. On avait ainsi une sorte d'"égalitarisme spatial", dans lequel même les grandes villes millionnaires centres d'oblast n'exerçaient pas plus d'influence que des villes hiérarchiquement et démographiquement inférieures. Seules émergeaient Novossibirsk (pôle scientifique de premier ordre) et Leningrad (pôle scientifique et culturel).
La nouvelle Russie de 1991 n'a pas vraiment rompu avec cette tradition. Or, dans un monde globalisé, où les métropoles et leurs régions sont des acteurs de l'économie mondiale, l'espace russe ne peut fonctionner selon des schémas anachroniques. Compte tenu de ses dimensions, il est trop vaste pour être animé par une seule métropole de rang international. La présence d'un certain nombre de métropoles extérieures à proximité des frontières de la Russie peut conduire des régions frontalières russes à passer sous l'influence économique de ces centres métropolitains (Riga, Tallin, Helsinki, Istanbul, voire, à terme, Kiev, à l'ouest ; Sapporo, Harbin, à l'est).
Des villes pourraient cependant être candidates aux fonctions de métropole, par exemple, à l'ouest, Saint-Pétersbourg, Nijni Novgorod, Kazan, Novossibirsk, voire Rostov au sud. À l'est, le poids démographique d'Irkoutsk, de Khabarovsk et de Vladivostok semble insuffisant. Mais trois obstacles freinent les dynamiques de métropolisation : l'hypercentralisation moscovite, le fractionnement de l'espace économique russe, les incertitudes politico-économiques.
L'institution, par le décret présidentiel n° 849 du 13 mai 2002, de sept représentants plénipotentiaires du président (dits "Polpreds") et donc du pouvoir fédéral, à la tête de sept nouveaux districts fédéraux (Moscou, Saint-Pétersbourg, Rostov, Nijni Novgorod, Ekaterinbourg, Novossibirsk et Khabarovsk) couvrant l'ensemble du territoire auraient pu participer à une stratégie de métropolisation de l'espace russe.
La réussite d'une métropolisation supposerait aussi de lancer une véritable politique d'aménagement du territoire en Russie, s'inspirant des expériences réussies dans le monde tout en les adaptant aux spécificités russes : politiques d'accompagnement de pôles de croissance, création d'externalités favorables à l'exercice des fonctions de hub de la métropole (infrastructures de transport, formation, etc.), allègement des contraintes administratives, nouveaux outils législatifs.
L'affirmation d'un réseau de métropoles de niveau mondial en Russie favoriserait la diffusion du développement et de l'innovation et lui permettrait peut-être de sortir du dualisme qui a marqué toute son histoire.
D'après P. Marchand, Métropoles et développement économique en Russie - Rubrique Papers du Pôle d'Études des Politiques Sociales et Économiques (PEPSE) :
www.upmf-grenoble.fr/pepse/article.php3?id_article=69
Pour compléter :
- Le dossier : De villes en métropoles
- en corpus documentaire : Institutions et maillages territoriaux de la Fédération de Russie
Mise à jour : février 2005
|
Les auteurs et références bibliographiques évoqués ci-dessus renvoient aussi à la partie "ressources" du dossier.
Glossaire proposé par Sylviane Tabarly, avec la participation de Pascal Marchand,
dernière mise à jour partielle : 27 septembre 2007
Mise à jour partielle : 27-09-2007
|
|
|