Informel
>>> voir aussi : informalité
L'adjectif informel qualifie ce qui échappe aux cadres normatifs. La notion d'informel est née dans les années 1970 en Afrique subsaharienne, et est développée par Milton Santos dans sa thèse, L'espace partagé : les deux circuits de l'économie urbaine des pays sous-développés (1975). Secteur formel et informel ne s'opposent pas, ils sont souvent complémentaires dans les systèmes de production comme dans les agencements des acteurs économiques. C'est ainsi que les entreprises formelles font appel à l'emploi informel, c'est-à-dire un emploi sans contrat de travail et sans protection sociale pour réduire le coût du travail : ce procédé a des conséquences spatiales car il s'accompagne de la relocalisation des lieux de production. La part de l'économie informelle est difficile à mesurer : elle est estimée à un quart du PIB au moins, en moyenne dans le monde.
Le secteur informel ne se confond pas avec l'économie illégale. En effet, il se pratique au grand jour car il résulte souvent de l'inadaptation des cadres normatifs en vigueur : ce peut être le cas pour les micro-entreprises dans certains États. Autrement dit ce qui est informel n'est pas nécessairement interdit, mais peut ne pas être officiellement autorisé, ou ne pas faire l'objet d'une réglementation explicite.
En géographie, il est utile, à la suite de Karine Bennafla, de distinguer les « espaces de l’informel » des « espaces informels ». Si ces deux formules peuvent se recouper, la première désigne « des lieux et des espaces où se lovent des activités et des pratiques informelles », comme les frontières, les entre-deux, les espaces ruraux isolés, les friches… La seconde désigne « des espaces dont la régulation échappe, totalement ou en partie, à l’autorité légitime conduisant à des situations floutées en termes de pouvoirs exercés : par exemple, des zones d’habitat non réglementaire autogérées ; des quartiers urbains sous le contrôle de bandes ou de gangs ; des espaces où s’entrechoquent plusieurs formes d’autorité ou souveraineté ».
(MCD), d’après Karine Bennafla (2015), dernière relecture (SB et CB), mai 2023.
Source
- Karine Bennafla, « Notion à la une : informalité », Géoconfluences, 2015.
Pour compléter avec Géoconfluences
- Fahad Idaroussi Tsimanda, « Migrer pour un bidonville. La vulnérabilité socio-économique des migrants comoriens à Mayotte », Géoconfluences, janvier 2023.
- Yves Duchère, « L'État-parti et la ville. Le moment post-moderne de l'urbanisation vietnamienne », Géoconfluences, janvier 2023.
- Joseph Samba Gomis, « Quand la débrouille des habitants pallie une politique urbaine défaillante : l’extension de l’habitat informel dans l’agglomération de Ziguinchor (Sénégal) ». Géoconfluences, septembre 2021.
- Camille Reiss, « Téléphérique ou taxis collectifs ? Vers un désenclavement des quartiers informels de Medellín (Colombie) », Géoconfluences, mai 2021.
- Christophe Imbert, Julie Chapon et Madeleine Mialocq, « L’habitat informel dans l’ouest de l’Ariège : marginalité ou alternative à la norme ? », Géoconfluences, avril 2018.
- Jean-Baptiste Lanne, « Portrait d’une ville par ceux qui la veillent. Les citadinités des gardiens de sécurité dans la grande métropole africaine (Nairobi, Kenya) », Géoconfluences, 2017.
Pour aller plus loin
- Karine Bennafla, Pour une géographie des bordures à l’heure globale : frontières et espaces d’activités « informelles », HDR Université Paris-Ouest La Défense, volume 1, 2012, 145 p.