Anachorisme
Est anachorique ce qui se situe en dehors de l’espace considéré comme pertinent ou légitime, produisant un effet de dissonance géographique ou d’inadéquation spatiale, l'anachorisme.
Le mot peut être employé sur le modèle d’anachronique qui désigne ce qui est « hors du temps » ou en décalage avec la temporalité attendue. En suivant cette logique, anachorique peut désigner ce qui est « hors du lieu », en rupture avec l’espace attendu ou légitime. Ce concept pourrait servir à analyser des pratiques qui déjouent les normes d’usage d’un espace, des objets ou discours transplantés sans tenir compte des contextes locaux, des appartenances spatiales mises en crise ou en conflit, des situations d’exterritorialité ou de déterritorialisation forcée. Un exemple classique serait ce qu’on a appelé parfois des « cathédrales dans le désert » ou des « éléphants blancs », c’est-à-dire des grandes infrastructures (usines, stades, autoroutes…), très coûteuses, construites dans des espaces où elles se sont révélées sans utilité, comme des ratés de l’aménagement du territoire. Autre exemple d’une inadéquation patente : l’organisation des Jeux asiatiques d’hiver en Arabie Saoudite en 2029. La mondialisation conduirait ainsi à des pratiques hors-sol. Les non-lieux, tels que définis par Marc Augé (aéroports, gares…) pourraient aussi être considérés comme anachoriques, parce que construits selon des règles communes, disjointes des territoires où ils s’inscrivent (Augé, 1992). Cette question de l’adéquation à l’environnement, au sens le plus large du terme, renvoie également aux réflexions d’Augustin Berque sur l’idée de chôra, empruntée à Platon pour redéfinir la notion de milieu comme un lieu matriciel (Berque, 2000). Troisième exemple d’anachorisme : peut-on utiliser la notion de territoire pour penser l’espace des sociétés nomades dont le mode de vie est fondé sur la mobilité (Retaillé, 1998) ?
Vincent Capdepuy, novembre 2025.
Références citées
- Augé Marc (1992), Non-lieux : introduction à une anthropologie de la surmodernité, Paris, Seuil, 1992.
- Berque Augustin (2000), Écoumène : introduction à l´étude des milieux humains, Paris, Belin, 2000.
- Retaillé Denis (1998), « L’espace nomade », Géocarrefour, vol. 73, n° 1, p. 71–82.







