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Banlieue rouge, banlieue bleue

Publié le 09/10/2025

La banlieue rouge désigne historiquement les communes communistes de la petite couronne parisienne, particulièrement dans le Val-de-Marne et surtout en Seine-Saint-Denis après la réforme départementale de 1964. Cette réforme a débouché sur la création de sept nouveaux départements : Paris, les trois départements de petite couronne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne) et les trois de grande couronne (Val-d'Oise, Essonne, Yvelines) à la place de ceux de la Seine et de la Seine-et-Oise, celui de Seine-et-Marne restant inchangé. Fief électoral du communisme, qui fut longtemps la troisième force politique du pays, elle reposait sur une base électorale constituée d’ouvriers alors majoritaires dans la composition sociologique des banlieues de Paris. Le terme a aussi été appliqué à d’autres banlieues urbaines françaises comme à Lyon (Lévêque, 2019) ou à Marseille. La banlieue rouge est ce que Philippe Subra appelle un « système géopolitique local », dans lequel des acteurs politiques locaux forment un système cohérent (Subra, 2016). 

Comme la banane bleue, elle est un exemple de toponyme métagéographique attribué à un espace à partir d’une représentation cartographique de cet espace. En l’occurrence, il s’agit de la couleur rouge attribuée par convention aux communes de banlieue sur les cartes électorales. La banlieue rouge a été un laboratoire du communisme municipal, par exemple en matière d’aides sociales, d’accès à la culture et à l’éducation pour les masses populaires. Elle s’est matérialisée dans les paysages urbains, notamment à travers l’érection de logements sociaux et de bâtiments publics, et dans l’odonymie, avec l’usage récurrents de certaines figures du communisme français (Maurice Thorez, Gabriel Péri…) ou international (Lénine, Youri Gagarine…). Elles sont confrontées aujourd’hui à la fois au recul du parti communiste comme force politique et à l’évolution du profil sociologique de leurs habitants : Hervé Vieillard-Baron écrivait déjà en 2006 : « le caractère populaire des communes des anciennes banlieues rouges se maintient assez bien, mais il est associé à trois faits majeurs : leur baisse démographique, le déclin des ouvriers au profit des employés, la gentrification des marges proches de la ville-centre ».

Si la banlieue rouge est un moment de l’histoire urbaine, étudié par exemple par Annie Fourcaut (1986) ou Emmanuel Bellanger (2017), elle est encore en partie une réalité sociologique et géographique, en raison du poids des permanences et des héritages (Gouard, 2014).

Par symétrie, une banlieue bleue, en référence à la couleur attribuée par convention à la droite française sur les cartes électorales, est identifiée dans les Hauts-de-Seine après la conquête de ce département par la droite à partir des années 1970 (Pennec, 2017). Après l’implantation réussie de personnalités politiques telles que Charles Pasqua, Patrick Balkany, Patrick Devedjian ou Nicolas Sarkozy, la droite a fait de ce département un bastion électoral formant un système géopolitique local complet et intégré. Les ressources économiques du quartier de la Défense, le contrôle de plusieurs mairies, de la majorité au département et d’organismes publics (office HLM) ont permis de consolider durablement cette position.

Dans le cas de la banlieue rouge comme de la banlieue bleue, une forme de clientélisme local finit par devenir la norme, au point d’être revendiqué ouvertement par certains élus, affirmant gérer la mairie comme une entreprise dont les administrés seraient les clients (Pennec, 2025).

(JBB), octobre 2025.


Références citées
  • Bellanger Emmanuel (2017), Ivry, banlieue rouge. Capitale du communisme français, XXe siècle, éditions Creaphis.
  • Fourcaut Annie (1986), Bobigny, banlieue rouge, Presses de Sciences Po.
  • Gouard David (2014), La banlieue rouge. Ceux qui restent et ce qui change, Le Bord de l'eau, coll. « Clair & Net ».
  • Lévêque Antoine (2019), « Un gouvernement métropolitain de la relégation urbaine ? Politiques intercommunales de transport et banlieue populaire, l’exemple de Vaulx-en-Velin », Géoconfluences, juin 2019.
  • Pennec Tangui (2017), Géopolitique d’une « banlieue bleue » : les Hauts-de-Seine dans le Grand Paris : un essai d’analyse géopolitique locale. Thèse de doctorat en géopolitique soutenue à Saint-Denis, sous la direction de Philippe Subra.
  • Pennec Tangui (2025), « Quel avenir pour la "banlieue bleue" du Grand Paris ? », intervention au Festival international de géographie, 4 octobre 2025.
  • Subra Philippe (2016), Géopolitique locale : Territoires, acteurs, conflits, Armand Colin.
  • Vieillard-Baron Hervé (2006), « La banlieue au risque des définitions », Géoconfluences, avril 2006.
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