Diégétique (espace, paysage...)
L'adjectif diégétique désigne tout ce qui est relatif à l'espace-temps dans lequel se déroule l'histoire narrée par un film, un livre, ou par tout autre récit. Les paysages diégétiques ont été particulièrement étudiés en géographie des représentations.
Si la géographie littéraire a été l’objet de nombreuses analyses, ce sont surtout les paysages diégétiques créés par le cinéma et les séries télévisées qui ont été étudiés du fait de l’existence d’un marché mondialisé du film. Ce que le spectateur voit sur l’écran est imaginé, sélectionné, non par lui, mais par le réalisateur. De ce fait, tout film induit un dialogue entre ce réalisateur et le spectateur, qui répond à une « esthétique de la réception » (Jauss, 1990) : pour être efficace, le film doit correspondre aux « horizons d’attente » du spectateur mais aussi provoquer ce dialogue. Le paysage diégétique est donc le produit d’une co-construction qui passe par un processus d’encodage par le réalisateur (qui donne des clés, des codes pour que l’on aille dans le sens du scénario) et de décodage par le spectateur. C’est ce décodage qui est fondamental car il est une libre réinterprétation en fonction de valeurs culturelles et de choix inconscients du spectateur (Bourgeat, 2017).
Ainsi, certains films présentent un paysage diégétique très restreint qui ne parlera qu’à peu de spectateurs. À l’inverse, les films à gros budget (les « blockbusters »), visant un marché mondialisé, s’adressent au public le plus large possible et inventent donc un espace qui s’adresse à des cultures très différentes. C’est par exemple le cas de la série James Bond, qui depuis 1962 propose une représentation d’espaces qui parlent au monde entier. La familiarité avec ces lieux est systématiquement recherchée ; en conséquence, ceux-ci doivent être mondialement connus en tant que monuments (Karnak à Louxor, Big Ben, le Golden Gate…), sites (les chutes d’Iguaçu) ou en tant que cartes postales : les stations autrichiennes et leurs traîneaux, la Côte d’Azur et ses yachts, les marchés flottants de Thaïlande... (Bourgeat et Bras, 2014).
(SB et CB), 2020, réécrit en décembre 2024.
Références citées
- Bourgeat Serge (2017). « La montagne de Shining (Stanley Kubrick 1980) : légendes noires et territoire de la folie ». Les cafés géographiques. Janvier 2017.
- Bourgeat Serge et Bras Catherine (2014). « Le monde de James Bond : logiques, pratiques et archétypes ». Annales de géographie, 2014, n° 595–596.
- Jauss Hans Robert. Pour une esthétique de la réception. 1990. Tel Gallimard. 2002
Pour compléter avec Géoconfluences
- Simon Renoir, « Cinéma et production audiovisuelle : la France dans la mondialisation culturelle », Géoconfluences, octobre 2024.
- Serge Bourgeat et Catherine Bras, « Carte à la une. Le modèle de l’île tropicale à l’épreuve de nos représentations : la carte de Saint-Marie (Antilles britanniques) », Géoconfluences, août 2020.