Wilderness et nouvelles fonctions des espaces ruraux de l'Ouest américain, l'exemple du Montana : une ruée vers l’environnement à l’origine de fragmentations socio-territoriales
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Depuis les années 1990 surtout, on observe dans l’Ouest américain des montagnes Rocheuses l’installation de nouveaux habitants, délaissant leur ancienne vie pour venir épancher leur soif de wilderness [1]. L’environnement, et plus spécifiquement les représentations qu’ils en ont, sont ainsi au cœur de nouvelles formes de mobilités internes aux États-Unis, s’inscrivant dans la dynamique plus générale du renouveau démographique des espaces ruraux, mais aussi d’un renouvellement de leurs fonctions. Or, alors que certains chercheurs considèrent que l’économie récréative a complètement transformé le territoire, au point d’y voir un New West, les nouvelles fragmentations socio-territoriales que ces dynamiques suscitent m’ont invitée à changer d’échelle pour mettre en lumière les profondes inégalités qui caractérisent l’Ouest américain. À ce titre, les Nations indiennes ont évidemment été les premières populations à subir l’exclusion pour être parquées dans les réserves, et sont encore aujourd’hui parmi les populations les plus pauvres des espaces ruraux américains. Si je n’aborde ici que de manière très transversale la question amérindienne, d’autres publications permettent de mettre davantage en lumière le racisme environnemental historique et contemporain que je ne conçois pas d’ignorer (Saumon, 2024).
Cette analyse s’appuie sur plusieurs mois de terrain réalisés entre 2014 et 2018 dans le Montana, État situé entre le Parc national de Glacier et le Parc National de Yellowstone, et dont la partie Ouest, correspondant aux Rocheuses, est aujourd’hui particulièrement attractive : cet État, sur lequel se concentre l’étude ici proposée, est emblématique des dynamiques contemporaines de l’Ouest américain (document 1). Les matériaux prélevés, via la réalisation de 186 entretiens et l’observation des paysages notamment, en nourrissent la démonstration. Par ailleurs, une session de terrain plus itinérante entre le Montana et le Colorado a permis d’observer les phénomènes considérés à une autre échelle [2].
Document 1. Localisation du territoire d’étude
Lors de mon premier séjour dans le Montana, l’intensité du rapport à la wilderness manifesté par les individus rencontrés, témoignant de pratiques régulières de sports de pleine nature, décrivant spontanément les paysages qui les ont encouragés à migrer et devant lesquels ils s’émerveillent quotidiennement, a rapidement conforté mes premières hypothèses. Mais j’ai également découvert un tout autre Montana, fait de poussières d’amiante, de tragédies familiales et de silences coupables. Je suis rentrée en France convaincue d’une nouvelle urgence scientifique : tout l’enjeu me semblait dorénavant résider dans les interstices de ce qui est appelé le New West, ce qui exigeait de ma part une nouvelle attention portée aux fragmentations d’un terrain pensé au départ homogène. Réflexif, l’article proposé ici ambitionne de respecter la chronologie du processus de recherche, en dévoilant progressivement les éléments d’analyses plus critiques et à même d’éclairer la géographie archipélagique du New West.
De quelle manière l’environnement, au cœur des fonctions renouvelées des espaces ruraux aux États-Unis, fait-il l’objet d’une forme de ruée vers l’Ouest ? Et en quoi le processus est-il dans le Montana à l’origine de nouvelles fragmentations socio-territoriales ?
Dans un premier temps, il s’agit de montrer que la wilderness est au cœur de migrations d’aménités, processus à l’origine de la mutation de l’Old West en New West. Les ranchs, de propriété agricole à terre résidentielle ou protégée, sont des objets géographiques emblématiques de cette évolution des fonctions des espaces ruraux dans l’Ouest américain, et leur étude est au cœur de la seconde partie. Enfin, le dernier temps consiste à éclairer les nouvelles fragmentations des espaces ruraux sur ce territoire, faisant du New West non pas une entité cohérente mais un archipel.
1. La wilderness au cœur d’importantes migrations d’aménités : de l’Old West au New West
L’Ouest américain est marqué, principalement depuis les années 1990, par de nombreuses migrations d’aménités, qui sont motivées par la place encore déterminante du fantasme de wilderness dans l’imaginaire collectif américain – les montagnes Rocheuses jouant à ce titre un rôle très important dans l’attractivité de l’Ouest. Ces dynamiques sont à ce point structurantes dans la nouvelle organisation socio-économique du territoire que les chercheurs américains qualifient la recomposition de l’Ouest des États-Unis de mutation de l’Old West en New West.
1.1. Les montagnes Rocheuses, haut lieu des migrations d’aménités
De nombreux travaux observent en effet l’essor de nouvelles formes de mobilités vers l’Ouest américain, non pas pour l’emploi mais en raison de la présence d’aménités environnementales. Les études statistiques se sont en effet multipliées depuis les années 1990 pour souligner le rôle des aménités dans la croissance démographique des comtés ruraux, et spécifiquement ceux de l’Ouest offrant un accès à des espaces naturels protégés, au point de bouleverser les modèles migratoires établis jusque-là [3]. L’analyste Ray Rasker par exemple constate déjà en 2008 que la population a augmenté de 50 % depuis 1970 dans l’Ouest du Montana (Rasker, 2008). Entre le 1er janvier 2020 et le 1er avril 2024, le Montana a encore gagné 53 017 habitants, soit une augmentation de 4,9 % de sa population, contre 2,6 % de croissance démographique pour l’ensemble des Etats-Unis (source : US census bureau). Les montagnes Rocheuses sont en effet particulièrement attractives. Touristes, résidents secondaires, mais aussi nouveaux habitants, majoritairement originaires de la côte Est ou de la Californie, choisissent de s’installer au plus près des beaux paysages qu’ils convoitent (document 2).
Document 2. Montagnes et sports de nature dans le Montana, des éléments particulièrement attractifs
Vue sur les Rocheuses depuis l’espace protégé National Bison Range. GS, juin 2015. |
Kayak dans la Clark Fork River, Missoula. GS, juin 2015. |
Randonneurs dans la vallée de la Blackfoot, Montana. Clichés de Gabrielle Saumon, juin 2015. |
Les chercheurs américains ont développé la notion de migration d’aménités (Moss, 2006, Martin et al., 2012) pour qualifier ces migrations vers des territoires qui sont appréciés pour leurs qualités environnementales et leurs spécificités culturelles : les personnes concernées privilégient, par rapport à la recherche d’emploi ou de meilleurs revenus, une localisation résidentielle qui leur permet, selon leurs représentations, d'accéder à un paysage, un climat, un patrimoine, une biodiversité ou encore des activités récréatives de pleine nature correspondant à leur idéal. Ce type de migration interne ne peut concerner que des groupes sociaux en mesure de favoriser l’attrait d’un lieu de résidence par rapport à d’autres critères (témoignage ci-dessous).
« J'habite à Bozeman, dans le Montana, et j'y habite simplement parce que... l'accès à la montagne et la qualité de vie, les rivières et... en fait l'accès à la nature et... parce que pour moi Bozeman est […] la ville de montagne la plus vivable que j'ai pu trouver. »
Extrait d’entretien, Bozeman, 13 juin 2014, traduction de l'autrice.
Dans les montagnes Rocheuses, l’environnement est de manière plus spécifique associé dans les représentations collectives à deux éléments qui attirent particulièrement les nouveaux résidents. Le premier est la possibilité d’y pratiquer des sports de pleine nature, soit de manière privilégiée le ski, le VTT, le rafting, le kayak (document 2).
Le second élément est la faune sauvage : une rencontre avec un élan, une chèvre des montagnes, un bison, et plus encore avec un ours noir ou un grizzly, signifie une rencontre avec la nature sauvage – « de faire l’expérience de la wilderness » [4] explique un néo-arrivant dans la vallée de Potomac, dans le Montana. Les sorties récréatives, jumelles à la main, répondent à cette quête d’interaction avec la grande faune, mêlant fascination et angoisse : si dans le Montana presque personne ne part se promener sans s’équiper d’un Bear spray, ce n’est pas tant pour éviter les attaques, rares, que pour ritualiser un accès à la wilderness rendu tangible par cette potentielle interaction avec l’ours. Dès qu’un de ses représentants se manifeste dans un parc national, les attroupements de touristes, mais aussi de photographes amateurs et professionnels, témoignent bien de la place de l’animal sauvage dans les imaginaires partagés de l’Ouest (document 3).
Document 3. La possibilité d’une rencontre avec la faune sauvage, au cœur des imaginaires partagés de l’Ouest
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De gauche à droite : cette apparition d’un ours noir déclenche rapidement un attroupement de touristes dans le Parc National de Yellowstone ; les Bear Sprays sont en vente dans tous les commerces du Montana. Clichés de Gabrielle Saumon, mai 2015. |
J’ai ainsi pu constater lors des entretiens la place fondamentale de l’environnement dans l’appréhension, par les individus rencontrés, de leur trajectoire migratoire comme de leur lieu de vie quotidien. Or cette place est en partie entretenue par des récits littéraires qui continuent à inscrire le fantasme de la nature sauvage au cœur des imaginaires collectifs. Ces récits sont à situer dans la longue histoire littéraire des Nature Writings aux États-Unis [5]. Dans le Montana, Rick Bass, Doug Peacock, ou encore Pete Fromm [6] font partie des écrivains les plus célèbres rattachés à ce genre littéraire. Cette forme de récit séduit de plus en plus aujourd’hui, et est depuis 2005 accessible au lectorat français grâce au travail des éditions Gallmeister, dont le slogan est d’ailleurs « L’Amérique grandeur nature ».
Encadré 1. La pêche à la mouche, de la littérature aux migrations d’aménités
La pêche à la mouche est très présente dans les récits célébrant les montagnes Rocheuses. Le livre de Norman Maclean, Et au milieu coule une rivière (Maclean, 2017 pour la réédition), publié en 1976 et son adaptation par Robert Redford en 1992 ont joué un rôle déterminant dans la diffusion de cette pratique, et surtout dans son association, dans les imaginaires collectifs, avec le territoire du Montana, et spécifiquement Missoula et Bozeman, lieux de la diégèse et du tournage (document 4). La rencontre entre le cow-boy et le pêcheur à la mouche est dorénavant incarnée par l’iconographie d’une silhouette ornée d’un stetson qui, sur son cheval au milieu d’une rivière, manie habilement la ligne, et nombreux sont les néo-arrivants qui rêvent de se fondre dans ce rôle de composition associant deux personnages fantasmés de l’Ouest américain.
Document 4. Et au milieu coule une rivière, affiche du film de 1992 et couverture de la traduction française chez Rivages
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La pêche à la mouche a pris très concrètement, depuis ces productions, une place importante dans la trajectoire migratoire des néo-arrivants rencontrés. Un homme interrogé explique : « J'habite à Missoula, dans le Montana, et j'ai quitté Seattle, dans l'État de Washington, pour venir m'installer ici parce que la pêche y est bonne. J'aime pêcher à la mouche. Et il y a trois rivières à moins de 30 km d'ici ». Originaire de Californie, lui qui partait pêcher dans la région de Yellowstone tous les étés s’est installé dans le Montana à peine sa retraite annoncée pour pratiquer à plein temps cette activité. Je suis par ailleurs allée à la rencontre de gérants et employés de boutiques de pêche à la mouche, qui vendent des accessoires et organisent des sorties guidées. Le nombre de guides sollicités par jour fluctue selon la demande, et pendant la haute saison, de juin à septembre, des indépendants sont recrutés pour compléter l’effectif : il s’agit alors de conduire une cinquantaine de sorties par semaine. À Missoula, 200 à 300 pêcheurs travailleraient comme guides sur cette période. Tous les employés rencontrés s’accordent à reconnaître que l’immense majorité de leurs clients est composée de touristes et de néo-arrivants, originaires de diverses régions des États-Unis : certains sont des passionnés et se réjouissent de venir enfin découvrir le paradis des pêcheurs, quand d’autres n’ont jamais pratiqué mais considèrent qu’il faut pêcher pour vivre pleinement l’expérience du Montana.
Document 5. La pêche à la mouche, argument de vente commercial et territorial
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De gauche à droite : rayon pêche à la mouche d’une boutique de sports de nature à Bozeman, et devanture de magasin à Missoula, Montana. Clichés de Gabrielle Saumon, juin 2015. |
Ainsi, la pêche à la mouche suscite de nombreuses mobilités vers le Montana : valorisée dans la littérature, elle promet une expérience authentique de l’Ouest américain pour des amateurs en quête d’une activité outdoor. Quant aux boutiques spécialisées, en plus de proposer des biens et des services attirant de nombreux touristes et néo-arrivants venus dans le Montana pour la pêche à la mouche, elles contribuent activement à la fabrique d’un paysage urbain de l’Ouest américain particulièrement attractif, leurs enseignes pouvant être considérées comme de puissants marqueurs territoriaux.
Par ailleurs, bien au-delà des Nature Writings, l’environnement joue un rôle central dans de nombreuses fictions dont la diégèse s’inscrit dans le Montana, y compris dans les romans policiers. Chez James Lee Burke par exemple, l’attention portée aux paysages est particulièrement manifeste.
Valorisées dans la littérature ou les productions médiatiques, les aménités environnementales dans l’Ouest américain sont par ailleurs d’autant plus attractives qu’elles sont préservées par les divers dispositifs de protection de l’environnement, surreprésentés sur ce territoire, des National Parks aux Wilderness Areas. Et depuis les années 1990, les États de l’Ouest connaissent une plus importante croissance démographique que ceux de l’Est, surtout dans les comtés qui investissent le plus dans la protection de l’environnement (Rasker, 2008). Se met ainsi en place une nouvelle économie dans l’Ouest américain, centrée sur des fonctions renouvelées des espaces ruraux.
1.2. Une invention toponymique pour signifier les nouvelles fonctions des espaces ruraux dans l’Ouest américain
L’environnement fait alors l’objet d’une nouvelle forme de ruée vers l’Ouest [7], que le géographe américain William Travis qualifie d’« Amenity Gold Rush » (Travis, 2007), soit une conquête contemporaine de l’Ouest dans laquelle les aménités sont le nouveau filon [8]. Car si cette dynamique s’inscrit dans celle, partagée par de nombreux pays, du renouveau des espaces ruraux (Saumon, Tommasi, 2022), dans l’Ouest des Rocheuses son importance est telle qu’elle est à l’origine d’un nouveau toponyme. La littérature scientifique qualifie ainsi la recomposition socio-territoriale de l’Ouest américain de mutation de l’Old West en New West (Bryson et Wyckoff, 2010, Hines, 2012).
Document 6. La mutation de l’Old West en New West
La nouvelle importance accordée à la fonction récréative des espaces ruraux est au cœur de cette mutation : en effet, en plus d’une croissance démographique, les comtés ruraux les plus attractifs de l’Ouest américain bénéficient de l’essor d’une nouvelle économie, principalement récréative, suscitée par l’attrait des espaces naturels protégés et des sports de nature notamment. Alors que l’économie de l’Old West, dès le XIXe siècle, reposait sur l’exploitation de ses ressources, donc l’extraction de minerais, l’exploitation du bois et l’élevage dans les ranchs, celle-ci, en déclin, aurait laissé progressivement place à une nouvelle économie dans laquelle l’environnement n’est plus considéré comme une ressource à extraire, mais comme un paysage à contempler ou dans lequel vivre de nouvelles expériences au contact de la nature. Pour le chercheur américain J. Dwight Hines, cette mutation de l’Old West vers le New West pourrait alors être définie comme le passage d’un paysage de la production/consommation de ressources naturelles à un paysage de la production/consommation d’expériences (Hines, 2012). Il est donc intéressant de constater que, dans ce renouvellement des fonctions des espaces ruraux de l’Ouest américain, l’environnement est toujours au cœur de l’économie, mais en tant qu’aménité et non plus dans une perspective productiviste. Par ailleurs, l'arrivée de nouvelles populations, majoritairement urbaines et des classes moyennes à supérieures, très consommatrices en services (services à la personne, restauration, activités commerciales, etc.) participe au développement d’une économie de service dans les comtés ruraux de l’Ouest américain.
Ainsi, de l’Old West au New West, le nouveau toponyme utilisé par la littérature scientifique américaine vient qualifier la mutation des fonctions des espaces ruraux dans l’Ouest américain. L’évolution du regard porté sur l’animal sauvage, tel qu'étudié dans la partie précédente, est à ce titre éclairante : alors qu’il est aujourd’hui une attraction dans le New West des aménités environnementales, il représentait une menace dans l’Old West du ranch – acccusé d'être un prédateur lorsqu’il s’agissait du loup, ou de détruire les parcelles lorsqu’il s’agissait d’un petit rongeur. Or les ranchs eux-mêmes connaissent également une profonde évolution dans les Rocheuses des migrations d’aménités, à l’image des mutations du New West.
2. Les ranchs d’aménités, objets emblématiques du New West
Devenus pour certains des ranchs d’aménités uniquement dévolus à la fonction résidentielle, pour d’autres des ranchs maintenant une fonction agricole mais principalement pour conserver les beaux paysages, les ranchs dans les montagnes Rocheuses sont des objets emblématiques du renouvellement des fonctions des espaces ruraux dans l’Ouest américain.
2.1. De nouveaux modes d’habiter dans des ranchs vidés de leur composante productive
Les nouvelles installations résidentielles dans les Rocheuses prennent souvent la forme spécifique d’amenity ranchs, soient des ranchs neufs, bâtis sur des parcelles immenses, mais dans lesquels l’activité productive est simplement symbolisée par les traditionnelles barrières blanches encadrant la propriété, ou quelques vaches d’ornement. Par cette mise en scène du monde agricole, les ranchs d’aménités manifestent la récupération et la réinterprétation des codes esthétiques de l’Old West par les nouveaux arrivants (document 7).
Document 7. Ranchs d’aménités et barrières blanches : une mise en scène ostentatoire d’un fantasme pastoral
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Les photographies ont été prises dans la gated community Cowboy Heaven à Big Sky, et dans la vallée de la Bitterroot, près d’Hamilton, deux sites qui attirent des néo-arrivants fortunés dans le Montana. Les barrières blanches en plastique ont remplacé les barrières traditionnelles en bois blanc, métamorphose emblématique du caractère factice de ces ranchs. Clichés de Gabrielle Saumon, mai et juin 2015. |
Nourris d’une culture populaire qui idéalise le modèle pastoral du cow-boy, et notamment séduits par la « ranchisation » de célébrités ou de capitaines d’industries ayant participé à donner du cachet à ce mode de vie, les amenity ranchers viennent en effet vivre la vie du ranch pour les aménités environnementales que le Montana peut leur offrir. Ces anciens citadins inexpérimentés sont en réalité dans leur quotidien à l’écart des aspects moins idylliques de la vie du ranch (dettes, mauvaises récoltes, maladies du bétail, immobilité, etc.). Les rancœurs sont alors perceptibles à l’encontre de ces nouveaux-arrivants « prétendant vivre la vie d’un ranch » [9], dans un contexte socio-économique difficile pour le monde agricole – une concurrence accrue et une compétitivité en baisse, des héritiers qui se détournent des dynamiques familiales : ces tensions sont d’autant plus prononcées que les ranchers traditionnels ne peuvent supporter l’augmentation de la valeur foncière de terres subitement attractives pour des nouveaux arrivants bien plus en mesure qu’eux d’investir.
Encadré 2. L’amenity rancher, un personnage littéraire
La fiction a pris acte de la naissance de ce nouveau personnage qu’est l’amenity rancher, et par son institutionnalisation littéraire, témoigne de la mutation socio-environnementale de l’Ouest américain. Le personnage de l’amenity rancher apparaît ainsi dans les romans des plus célèbres auteurs américains contemporains du Montana, de Dalva de Jim Harrison (extrait 1), à L’Homme qui voulait vivre sa vie de Douglas Kennedy (extrait 2).
Extrait 1 : « la catégorie des "riches" qui faisaient semblant de s'occuper d'un ranch pour la galerie ». Jim Harrison, Dalva, p. 422.
Extrait 2 : « En l'espace de cinq jours, Judy avait récolté quatre propositions de travail, dont deux me plaisaient assez : participer au numéro spécial que le National Geographic voulait consacrer au Montana et, beaucoup moins sérieux, à la demande de Vanity Fair, une série de portraits de grands manitous du show-biz dont le retour à la nature était passé par l'achat de ranchs gigantesques dans ce même État.
— Ils ont déjà le titre du sujet, m'a expliqué Judy : "Hollywood, Montana". Bon, vous voyez donc le style qu'ils attendent : Jane et Ted en jean et bottes de cow-boy, main dans la main, regardant leur maison depuis une colline sous un putain de ciel bleu ».
Douglas Kennedy, L'Homme qui voulait vivre sa vie, p. 434.
Dans ce contexte, la possibilité pour les ranchers traditionnels de contractualiser des servitudes de conservation semble alors être une opportunité à saisir pour maintenir leur activité agricole : or, que révèle ce dispositif, là encore, des nouvelles fonctions dévolues aux ranchs dans l’Ouest américain ?
2.2. Des ranchs pour protéger l’environnement ?
Les servitudes de conservation sont des contrats établis entre un propriétaire de ranch et une organisation environnementale [10], via lesquels le propriétaire s’engage à maintenir son activité mais sans entamer de nouvelle construction : il s’agit simplement de conserver le paysage tel qu’il est. En contrepartie, le rancher reçoit une somme d'argent élevée, correspondant à la différence entre la valeur de la parcelle lorsqu’elle était constructible et celle de la parcelle maintenant non constructible. En plus des subventions fédérales, cet argent provient majoritairement de la population locale, à l’échelle de la ville ou du comté, qui accepte lors d’un referendum une augmentation de ses taxes pour protéger un paysage qu’elle ne pourra par ailleurs pas pratiquer, puisque la majorité des servitudes de conservation concerne des propriétés privées (document 8).
Document 8. Terres sous servitudes de conservation
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Les ranchers de ces parcelles, dans la vallée de la Bitterroot pour la première et en périphérie de Missoula pour la seconde, ont contracté des servitudes de conservation, figeant ce paysage de manière permanente : s’ils vendent leurs terres, la servitude s’appliquera automatiquement au propriétaire suivant. La charrette en bois à gauche, élément décoratif, symbolise la manière dont l’activité agricole participe à entretenir les paysages du New West. Clichés de Gabrielle Saumon, juin 2015. |
Les terres agricoles semblent alors avoir pour nouvelle vocation l’entretien des paysages : si, pour les ranchers, le dispositif garantit le maintien de leur activité dans un contexte de forte vulnérabilité, pour les nouveaux arrivants, il garantit surtout le maintien des paysages pour lesquels ils sont venus. Par cette opération en effet, l’expansion urbaine aux marges des petites villes attractives et les subdivisions des parcelles, considérées toutes deux comme des menaces par l’ensemble des acteurs, sont drastiquement limitées. Il faut par ailleurs souligner que le ranch perd, cette fois symboliquement, sa dimension productive, ses caractéristiques paysagères ayant désormais surtout vocation à agrémenter le cadre des nouveaux-arrivants : pâturages et troupeaux viennent compléter le panel d’aménités environnementales participant à l’attractivité de l’Ouest américain, et les pouvoirs publics s’en saisissent pour le développement territorial (voir le témoignage ci-dessous).
« Imaginons que vous avez un propriétaire foncier traditionnel qui est né dans un ranch, qui travaille à la ferme, qui arrive à l'âge de la retraite et qui se dit « mon Dieu, j'aime vraiment cet endroit, je veux m'assurer qu'il ne sera pas loti et qu'il restera tel quel, parce que j'y ai travaillé toute ma vie... » et donc ils contractent une servitude, c'est très bien. Ils sont propriétaires pendant encore 10 ans. Ensuite, soit ils meurent, soit ils transmettent la terre à leurs enfants, soit ils la vendent. Et lorsqu'ils la vendent, il y a de très fortes chances que ce ne soit pas pour un ranch agricole, mais pour des millionnaires de la Silicon Valley qui ont déménagé dans le Montana, acheté une terre parce qu'ils apprécient la nature, ils se fichent qu'elle soit avec une servitude parce qu'ils ne veulent pas la développer, ils veulent faire de la randonnée, du vélo, peut-être chasser, pêcher [...] Et je dirais que dans cent ans, il y aura surtout des propriétés d'aménités, c’est-à-dire qu'on achète une propriété non pas pour la valeur qu'elle peut rapporter économiquement, comme le bétail ou le bois, mais qu’on achète une propriété en fonction de ses aménités naturelles »
Extrait d’entretien, Missoula, 15 mai 2015, traduction de l’autrice.
Il y a 2 691 servitudes de conservation aujourd’hui contractées dans le Montana, où le dispositif est proposé depuis 1994, ce qui correspond à 150 000 hectares de terres environ [11] : comme dans les autres États des Rocheuses, ce dispositif y est bien davantage déployé que dans la majorité des autres régions des États-Unis, et le nombre continue d’augmenter. Cet essor manifeste le renouvellement des fonctions des espaces ruraux dans les Rocheuses américaines, qui s’exprime ainsi de manière emblématique dans la réinterprétation du ranch, objet tout autant caractéristique de l’économie du New West qu’il l’était de l’Old West.
3. Un New West en archipel : vers de nouvelles fragmentations des espaces ruraux dans l’Ouest américain
Or, la recomposition socio-territoriale de l’Ouest des Rocheuses ne peut en réalité s’observer que dans certaines petites centralités, pour lesquelles la grille de lecture de la gentrification rurale est très éclairante (Tommasi, 2018). Le New West prend alors la forme d’un archipel de petites villes gentrifiées au sein d’espaces ruraux qui maintiennent encore de nombreuses caractéristiques de l’Old West. Par ailleurs, à une autre échelle, on observe qu’au sein même des espaces considérés comme gentrifiés, le processus ne touche que certains quartiers bien spécifiques. L’analyse multiscalaire qui structure cette partie permet alors d’éclairer les multiples fragmentations socio-spatiales des espaces ruraux de l’Ouest américain.
3.1. Un archipel de petites centralités du New West seulement
Disposant généralement de plus de revenus, plus diplômés, bénéficiant d’une plus large sphère d’influence, les nouveaux habitants dans le Montana sont caractérisés par un profil socio-économique bien spécifique et qui généralement les distingue des populations installées depuis plus longtemps, dont le sentiment de rejet voire l’exclusion très concrète sont les conséquences directes de l’appropriation de l’espace par les premiers. Ceux-ci entendent bien en effet mettre en œuvre les capitaux dont ils disposent pour protéger et profiter du bel environnement qui a motivé leur mobilité : soutien financier des ONG environnementales locales, achat de ranchs d’aménités, participation à la vie politique et notamment aux prises de décisions concernant l’aménagement du territoire – ce qui est d’autant plus facile pour eux qu’ils disposent du capital culturel et social pour prendre la parole lors des réunions publiques. Du fait de cette forte influence, renforcée par un entre-soi évident, des petites villes gentrifiées apparaissent depuis les années 1990 dans les Rocheuses américaines. Dans le Montana, ces villes, uniquement à l’Ouest de l’État, où se situent les montagneuses Rocheuses, sont largement identifiées comme telles dans le discours collectif (document 9) : elles enregistrent un regain démographique net, une surreprésentation de populations très diplômées et/ou disposant de forts revenus, et d’ONG environnementales.
Document 9. Un New West en archipel : le cas du Montana
Les processus de migrations d’aménités et de gentrification rurale se concentrent ainsi dans quelques territoires seulement de l’Ouest américain, ce qui donne au New West la forme d’un archipel (Hines, 2012) d’îlots gentrifiés. Alors que de nombreux chercheurs américains travaillant sur le New West, se déplaçant en avion en sauts de puce d’une petite centralité à l’autre, théorisent une mutation généralisée de l’Old West en New West, traverser lentement les espaces ruraux entre les îlots gentrifiés permet de réaliser ce qui compose les interstices du New West. On observe alors de vastes espaces ruraux dévolus à l’extractivisme, dont le secteur est appuyé politiquement et financièrement en raison des ambitions d’autonomie énergétique de la Maison blanche, et des réserves dans lesquelles les Nations indiennes ont été reléguées, caractérisées par une immense précarité sociale et économique. Alors que certains sirotent leurs boissons énergisantes au pied des pistes, d’autres sont soumis à d’importantes nuisances, avec de lourdes conséquences sanitaires : dans des petites villes dont l’économie repose encore essentiellement sur les activités extractives, les paysages sont marqués par les mines à ciel ouvert, les infrastructures de forage ou les cheminées des fonderies (document 10).
Document 10. Des paysages de l’Old West dans le Montana
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De gauche à droite : mine de cuivre à ciel ouvert et infrastructure d’extraction en activité à Butte, opération de décontamination à Libby pour retirer l’amiante des habitations et jardins. Clichés de Gabrielle Saumon, juin 2015. |
À titre d’exemple, Libby dans le Montana est entièrement contaminée à l’amiante, parce que l’extraction de ce minéral a été au cœur du développement de la ville, mais surtout parce que l’entreprise responsable a systématiquement nié les dangers que couraient les ouvriers, qui, en plus des nuisances subies dans le cadre de leur emploi, ont bénéficié de la « générosité » de l’entreprise pour isoler leurs maisons, la piste d’athlétisme de l’école, fertiliser la terre de leurs jardins à l’amiante… Columbia Falls, ville de l’aluminium, est contaminée au cyanure et au fluorure ; Butte, ville du cuivre, ainsi que tout le bassin versant de la Clark Fork, le sont entre autres à l’arsenic (document 9). Cette liste n’est pas exhaustive : les espaces ruraux de l’Ouest américain connaissent ainsi une importante fragmentation socio-territoriale, entre des petites villes gentrifiées caractéristiques du New West, et des espaces d’un Old West extractif dans lesquels les habitants souffrent au quotidien des conséquences environnementales et sanitaires de ces activités.
3.2. Des poches de gentrification au sein des petites villes du New West
Au sein même des petites villes du New West, la gentrification n’opère que par poches, que l’on peut percevoir si l’on change d’échelle uniquement. Les nouveaux arrivants privilégient en effet les hauteurs des collines ceinturant les petites communautés rurales, jouissant ainsi d’une vue sur le reste de la ville. Sortent ainsi de terre de tous nouveaux quartiers résidentiels, souvent privatisés, ou des habitations plus isolées, au plus près des sites récréatifs – au bord des lacs, au pied des pistes de ski (document 11).
Document 11. De nouvelles résidences huppées sur les hauteurs des villes
De nouveaux quartiers résidentiels apparaissent progressivement sur les collines encerclant Missoula. GS 2018. |
À Whitefish, les plus dotés s’installent au bord du Whitefish Lake, au nord de la ville, prisé pour les activités aquatiques. Clichés de Gabrielle Saumon, juin 2018. |
Mais la gentrification de l’Ouest américain s’observe aussi dans les centres-villes des petits bourgs, où certains quartiers affichent des marqueurs nets du processus : au-delà des habitations à l’architecture caractéristique de l’embourgeoisement du quartier, on y trouve des boutiques de vêtements de sports de nature, des galeries d’art, des cafés et restaurants complètement transformés pour satisfaire les habitudes de consommation de ces anciens citadins qui retrouvent ainsi sur ces sites gentrifiés de quoi épancher leur soif d’urbanité chic tout en bénéficiant d’un beau cadre paysager (document 12).
Document 12. Les marqueurs paysagers de la gentrification dans les petites centralités
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De gauche à droite : le processus de la gentrification est en cours dans le quartier de Northside, à Missoula : les habitations de standing des néo-arrivants (10b) remplacent peu à peu celles des populations précaires (10a). Clichés de Gabrielle Saumon, juin 2014. |
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De gauche à droite : à Bozeman, les rues gentrifiées se reconnaissent aux devantures soignées des galeries d’art et librairies (10c et 10d). Clichés de Gabrielle Saumon, juin 2018. |
Encadré 3. Californiens et californication : une critique sociale devenue objet littéraire
Le Californien est considéré dans le Montana comme l’archétype du gentrifieur, ce qui a donné naissance à l’expression très employée de « californication » pour qualifier la mutation des petites centralités se conformant progressivement aux attentes d’une nouvelle clientèle aisée dont les modes de vie seraient typiquement californiens... et donc dépravés : « Nous avons beaucoup de Californiens qui s’installent dans le Montana, et quand ils arrivent ils veulent le faire ressembler à la Californie plus qu’au Montana ». La fiction a enregistré l'expression californication et fortement participé à sa diffusion en identifiant les hauts-lieux du processus, comme Big Sky pour Jim Tenuto (extrait 1). L’écrivain Douglas Kennedy est à cet égard le plus féroce (extrait 2), transformant le phénomène en maladie sexuellement transmissible (extrait 3). La fiction semble ainsi être intimement mêlée à la construction territoriale de l'Ouest américain et ici spécifiquement du Montana : elle joue tour à tour le rôle de moteur et de témoin de sa mutation.
Extrait 1 : « Je roulai jusqu'à Big Sky, le QG de tous les Californicateurs du comté. Un lieu infesté de cafés littéraires et de galeries d'art, et la seule ville à la ronde où l'on puisse acheter de l'encens au patchouli, des galets effervescents et des cristaux thaumaturges. »
Jim Tenuto, La Rivière de sang, p. 240.
Extrait 2 : « Puis le lendemain, il reprend la route, vers le nord cette fois. Les étendues glacées du lac de Flathead, puis la ville de Bigfork. Là, c'était le Montana "californisé" à fond : maisons en bois cérusé flambant neuves, gros 4X4 frimeurs, boutiques de fringues dernière mode, trois magasins d'artisanat "New West". [...] J'ai pris encore en photo deux jeunes skieurs branchés, en stetson et Ray Ban, debout à l'entrée d'un traiteur spécialisé en yoghourt glacé. Le libraire local (chemise qui lui descendait jusqu'aux fesses) a pour sa part été photographié devant un rayonnage qui portait l'écriteau "New West". »
Douglas Kennedy, L'Homme qui voulait vivre sa vie, p. 336–337.
Extrait 3 : « À première vue, on se croirait encore dans la petite ville typique du Far West, le style de bourgade où, jadis, de fines gâchettes défouraillaient à chaque coin de rue, où les crachoirs débordaient tous les deux mètres et où le seul et unique "divertissement" culturel consistait en une visite à la maison de passe locale. Avec sa grand-rue poussiéreuse et son architecture canaille, Bozeman (Montana) se plaçait alors dans le peloton de tête des coins "chauds", et il n'est pas difficile d'imaginer le temps où les affreux coiffés de stetsons noirs se canardaient copieusement en plein milieu de la chaussée. Mais non, c'est fini. Bozeman, où je viens de passer le dernier week-end, a rejoint Kalispell, Bigfork et jusqu'à notre cher Mountain Falls dans la catégorie sans cesse grandissante des cités du Montana ravagées par ce terrible virus que certains nomment la "californication" galopante. Comment savoir si cette maladie s'est déjà attaquée à votre quartier ? Il suffit d'un coup d'œil aux devantures de magasins : si vous y découvrez des jeans Ralph Lauren et des "bottes de cow-boy" à trois cent dollars la paire, c'est que le virus de la californication est à l'œuvre. Entrez ensuite dans votre snack habituel. Tous les plats arrivent-ils garnis de cette herbe folle que d'aucuns appellent maintenant "roquette" ? Est-ce que les serveuses minaudent désormais en s'extasiant sur la "fragrance de cassis" que présente tel pinot noir de la vallée de Napa ? Et ledit snack a-t-il dernièrement été redécoré dans la veine de ces établissements chichiteux qui vous proposent dix-sept sortes d'expressos sur leur carte ? Si c'est le cas, alors vous devez en déduire que la californication ronge le cœur même de votre ville. Et à moins que les bons citoyens de notre État n'entreprennent d'enfermer chaque rue du Montana dans un préservatif géant, l'épidémie va se développer à une vitesse foudroyante... »
Douglas Kennedy, L'Homme qui voulait vivre sa vie, p. 312–313.
Conclusion
À l’issue de cette analyse, il apparaît ainsi clairement que l’environnement est au cœur d’un renouvellement des fonctions des espaces ruraux de l’Ouest américain, mais que celui-ci participe également à de nouvelles fragmentations socio-territoriales, amenant à nuancer l’analyse globalisante qui considère la mutation de l’Old West en New West.
Des résidences somptueuses au petit café branché, les poches gentrifiées de l’Ouest des Rocheuses prennent la forme de micro-paysages de la distinction : s’il ne s’agit finalement que de fragments socio-territoriaux – des quartiers spécifiques, des populations bien distinctes – la mutation de l’Ouest américain en New West est en réalité le fait d’habitants qui, par leurs pratiques et discours, prennent beaucoup de place dans l’espace et dans la vie publique. De quoi probablement expliquer l’émergence de cette grille de lecture, qui a le défaut de participer à invisibiliser les territoires et les groupes sociaux exclus de ces processus très sélectifs.
Bibliographie
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- Hines J.Dwight, 2012. « The Post-Industrial Regime of Production/Consumption and the Rural Gentrification of the New West Archipelago ». Antipode, no 44, p. 74-97.
- Hjerpe Evan, Hussain Anwar, Holmes Thomas, 2020. « Amenity Migration and Public Lands: Rise of the Protected Areas ». Environment Management, vol 66, p.56-71.
- Lewis Michael, 2007. American Wilderness: A New History. Oxford University Press, 304 p.
- Martin Niels, Bourdeau Philippe, Daller Jean-François (dir.), 2012. Les Migrations d’agrément : du Tourisme à l’habiter. Paris, L’Harmattan, 412 p.
- Moss Laurence A. G, 2006. The Amenity Migrants: Seeking and Sustaining Mountains and their Cultures. Santa Fe, CABI Publishing, 329 p.
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- Power Tom, Barrett Richard, 2001. Post-Cowboy Economics. Pay and prosperity in the New American West. Washington D.C., Island Press, 225 p.
- Pughe Tom, Granger Michel, 2005. « Écrire la nature ». Revue française d’études américaines, vol 106, n°4.
- Rasker Ray, 2008. « Economic Change in the American West ». Understanding and Managing Amenity-led Migration in Mountain Regions, Headwaters Economics, Banff.
- Saumon Gabrielle, 2019. Big sky, Montana, une géographie critique. Capital environnemental et recompositions sociales dans l’ouest du Montana. Thèse de doctorat, Université de Limoges, 493 p.
- Saumon Gabrielle, Tommasi Greta, 2022. La néoruralité. Recours à la campagne. Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise Pascal, coll. L’Opportune, 64 p.
- Saumon Gabrielle, 2024. « Penser les conditions d’une normativité blanche, hétéro-masculine et bourgeoise dans les montagnes Rocheuses (États-Unis) ». Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine [En ligne], 112-3.
- Tommasi Greta, 2018. « La gentrification rurale, un regard critique sur les évolutions des campagnes françaises », Géoconfluences.
- Travis William R., 2007. New Geographies of the American West: Land Use and the Changing Patterns of Place. Washington DC, Island Press, 324 p.
Pour aller plus loin sur la néoruralité et les nouvelles fonctions des espaces ruraux
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Pour aller plus loin sur les scandales sanitaires dans le Montana
- Peacock Andrea, 2010. Wasting Libby: The True Story of How the WR Grace Corporation Left a Montana Town to Die. Oakland, AK Press, 270 p.
Lire des écrivains du Montana : des Nature Writings aux romans policiers, une sélection
- Bass Rick, 2007. Le livre de Yaak : Chronique du Montana. Paris, éditions Gallmeister,177 p.
- Bass Rick, 2010. Winter. Paris, Folio Gallimard, 272 p.
- Burke James Lee, 2010. Bitterroot. Paris, Payot et Rivages, 456 p.
- Franzen Jonathan, 2011. Freedom. Paris, éditions de l’Olivier, 720 p.
- Fromm Pete, 2010. Indian Creek. Paris, éditions Gallmeister, 288 p.
- Harrison Jim, 1991. Dalva. Paris, 10/18, 471 p.
- Kennedy Douglas, 2010. L’homme qui voulait vivre sa vie, Paris, Pocket, 512 p.
- Maclean Norman, 2017. Et au milieu coule une rivière. Paris, Payot et Rivages, 173 p.
- Peacock Doug, 2012. Mes années grizzly. Paris, éditions Gallmeister, 396 p.
- Tenuto Jim, 2006. La rivière de sang. Paris, éditions Gallmeister, 323 p.
[2] L’essentiel des données ici présentées sont issues de mon travail de thèse (Saumon, 2019), réalisé alors au sein du laboratoire GEOLAB, à l’Université de Limoges.
[3] Pour une revue de littérature sur ces études statistiques, voir par exemple Hjerpe, Hussain et Holmes, 2020.
[4] Traduction de l’autrice, extrait d’entretien, 19 juin 2015.
[5] « Écriture hybride » entre histoire naturelle, autobiographie, philosophie et fiction (Pughe, Granger, 2005), le Nature Writing est rapidement devenu un genre à part entière, porté par des auteurs reconnus, tels que les transcendantalistes Ralph Waldo Emerson et Henry David Thoreau, puis au tournant du XXe siècle John Muir et Mary Austin, et un peu plus tard, perpétuant cet héritage, Aldo Leopold, puis Rachel Carson et Edward Abbey le saboteur. L’environnement ne constitue pas uniquement le cadre de leurs récits mais en est souvent l’objet même.
[6] Pour quelques recommandations de lecture, voir dans la bibliographie la section « Lire des écrivains du Montana ».
[7] S’il est fait ici mention d’une « ruée vers l’Ouest », certaines trajectoires migratoires se réalisent d’ouest en est (pour les personnes originaires de la côte Pacifique par exemple) : or ce « West » est à ce point historiquement associé au « Wild » aux Etats-Unis, que l’expression populaire « go west » signifie « tout quitter pour les sauvages Rocheuses américaines », et ce peu importe d’où l’on vienne… même d’encore plus à l’Ouest !
[8] Ce vocabulaire renvoie évidemment à la colonialité du processus de conquête, mais aussi de la protection de l’environnement, instrument de la domination coloniale, aux États-Unis et dans les autres anciennes colonies. Cf note [1] ci-dessus pour quelques références.
[9] Traduction de l’autrice, extrait d’entretien, Lincoln, 20 juin 2015.
[10] Ces organisations environnementales peuvent être à l’échelle locale et spécifiquement consacrées aux servitudes de conservation – elles sont alors appelées land trust, comme le Five Valleys Land Trust par exemple dans le Montana – ou agir à d’autres échelles et être investies de missions variées dont les servitudes de conservation, à l’image des actions du Nature Conservancy.
[11] Les données proviennent du site National Conservation Easement Database, accessible ici : https://www.conservationeasement.us.
Mots-clés
Retrouvez les mots-clés de cet article dans le glossaire : aménité | économie présentielle | espaces ruraux | diégèse | gentrification rurale | migration d'agrément | Nature Writings | néoruralité | Old West et New West | paysage | wilderness.
Gabrielle SAUMON
Docteure et agrégée de géographie, PRAG à l'Université de Limoges, laboratoires EHIC et ACP.
Édition et mise en web : Jean-Benoît Bouron
Pour citer cet article :
Gabrielle Saumon, « Wilderness et nouvelles fonctions des espaces ruraux de l'Ouest américain, l'exemple du Montana : une ruée vers l’environnement à l’origine de fragmentations socio-territoriales », Géoconfluences, juin 2025.
https://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-regionaux/etats-unis-espaces-de-la-puissance-espaces-en-crises/articles-scientifiques/wilderness-fonctions-espaces-ruraux-ouest-americain-montana