Mise sous cloche
>>> Voir aussi : cartepostalisation, disneylandisation, muséification
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La mise sous cloche est une expression utilisée pour dénoncer les excès des politiques de préservation et de patrimonialisation, la cloche faisant ici référence, au sens figuré, à la protection en verre permettant de voir les objets mais pas de les toucher. On a parlé aussi de « tout-patrimoine », comme l’aboutissement inéluctable de l’inflation patrimoniale. Les politiques de préservation du patrimoine doivent chercher un juste milieu, délicat à fixer et mouvant en fonction des époques, des sociétés, et des préoccupations politiques des instances décideuses, entre la préservation des héritages du passé et la possibilité de changements futurs. Pour certains, les villes mondiales les plus touristiques comme Venise ou Amsterdam ont cessé d’être des organismes vivants pour être fossilisées dans leur apparence actuelle.
Un bâtiment classé au titre des monuments historiques, un bien inscrit sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, ou encore un milieu naturel concerné par une aire protégée, sont conservées au titre de leur exceptionnalité en fonction de leurs caractéristiques à un instant donné : toute modification humaine (y compris réparation, restauration, renaturation…) doit donc faire l’objet d’une autorisation. Dans le cas de l’UNESCO, l’inscription peut être retirée si l’organisation estime que les interventions (ou l’absence d’intervention si elles se dégradent) ont porté préjudice à l’état du bien tel que présenté dans son dossier d’inscription.
La mise sous cloche ne s’applique pas qu’au patrimoine culturel, on peut appliquer le terme à certaines politiques environnementales, par exemple les (rares) réserves intégrales : en cherchant à figer l’état donné d’un écosystème ou d’un ensemble de milieux naturels, on risque de négliger la dimension intrinsèquement dynamique et évolutive de l’environnement. La conservation ou la restauration de l’environnement nécessite donc, là encore, de trouver un point d’équilibre permettant de contrer les menaces sans obérer les possibilités d’évolutions futures.
Mise sous cloche et politiques du « tout-patrimoine » posent plusieurs questions : celle des critères de sélection justifiant de préserver un site et pas un autre, celle de la possible dépatrimonialisation d’un site, enfin et surtout celle de l’accès du plus grand nombre aux sites protégés. La mise sous cloche peut parfois se faire contre les populations, ou contre une partie de la population, de façon à permettre à une minorité de profiter des paysages et des aménités de l’espace délimité. On peut penser aux aires protégées ou aux parcs naturels soutenus par les habitants qui y voient la possibilité de limiter l’arrivée de nouveaux habitants (Tommasi, 2017), ou aux parcs nationaux africains qui criminalisent les pratiques de subsistance des habitants les plus démunis au profit des seuls touristes étrangers, d’où les notions d’apartheid vert (Guyot, 2006) ou de colonialisme vert (Blanc, 2020).
(JBB), décembre 2021. Dernière modification : février 2023.
Références citées
- Blanc Guillaume, L’invention du colonialisme vert. Pour en finir avec le mythe de l’Eden africain, Flammarion, 2020. Lire un entretien autour du livre par l’APHG.
- Guyot Sylvain, « Les parcs naturels d'Afrique australe : d'autres territoires de conflits », Géoconfluences, mars 2006
- Tommasi Greta, « La gentrification rurale, un regard critique sur les évolutions des campagnes françaises », Géoconfluences, avril 2018.
Lien externe
- AFP, « Protéger sans mise sous cloche : le casse-tête des parcs nationaux », 2 juillet 2018, Géo [en ligne].