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Nord et sud, "Nords" et "Suds"

Publié le 26/01/2024
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>>> Ne pas confondre avec : nord et sud (points cardinaux)

En géographie du développement et en géopolitique, l'usage des mots « Nord » et « Sud », avec des majuscules et aujourd’hui souvent au pluriel, est une façon de classer les États du Monde en deux groupes déterminés en fonction des critères de développement. L’étude des inégalités de développement à l’échelle mondiale a fait émerger, suite à un rapport sur le développement de Willy Brandt (1980), une « limite nord-sud » (on lisait aussi souvent une « fracture nord-sud ») (Capdepuy, 2024). Alors que la guerre froide divisait politiquement le monde en deux blocs, l’Est et l’Ouest, l’ancien chancelier allemand alertait sur des écarts de développement entre un « Nord » et un « Sud ». Le « Nord » désignait alors les pays développés et le « Sud » supplantait les termes antérieurs comme « Tiers-Monde » ou « pays sous-développés ». « C’est un terme de substitution, apparu pour en remplacer d’autres devenus obsolètes » (Bret, 2012).

Très utilisée dans les décennies suivantes dans l’enseignement secondaire, cette « limite nord-sud » est aujourd’hui remise en cause dans le cadre des dynamiques spatiales de la mondialisation (Grataloup, 2015). Béatrice Collignon (2005) évoque « une vision binaire du fonctionnement de la mondialisation ». Pour contrer cette simplification, l’usage du pluriel se généralise au travers des expressions « Nords » et « Suds » qui apportent des nuances dans la catégorisation des niveaux de développement, mais cela ne résout pas l’inexactitude toponymique de la localisation des territoires concernés (l’ensemble Australie-Nouvelle Zélande, pays du « Nord » situés dans l’hémisphère sud ; « limite » nord-sud plus proche du tropique du Cancer que de l’équateur ; détours sinueux pour inclure dans les « Nords » des îlots de richesse comme Israël ou Singapour).

Béatrice Collignon (ibid.) précise que « le Nord est aussi une construction culturelle : il n’est pas la même chose pour deux sociétés données. ». Cette remarque sur les représentations géographiques peut aussi bien s’appliquer au sud et aux autres points cardinaux. Ainsi l’Orient ou l’Occident, véhiculant selon les époques des acceptions bien différentes d’un découpage du monde (voir orientalisme), qu’il soit spatial, économique, culturel voire idéologique avec les blocs de la Guerre froide. Cette division binaire du monde pose aussi problème parce qu’elle est uniquement conçue à l’échelle étatique, c’est-à-dire à une échelle de moins en moins pertinente pour comprendre le développement actuel des différents espaces : du fait d’une fragmentation générale des territoires liée à la mondialisation, il y aurait désormais, selon l’expression de Stéphanie Beucher et Magali Reghezza, des « Nords dans les Suds et des Suds dans les Nords ».

L’émergence de certains pays et en particulier de la Chine, pays du « Sud » devenu en quelques décennies une puissance mondiale, semble rendre caduque l’existence des « Suds » qui regroupent désormais à la fois les pays émergés, les émergents ou encore les pays « les moins avancés ». Toutefois, ces États eux-mêmes s'emparent du terme (de plus en plus souvent sous l'expression de Sud global) pour revendiquer un statut différentiel dans les revendications internationales, notamment sur les questions de responsabilité climatique (Capdepuy, 2024). En somme, s'il est aujourd'hui risqué, voire impossible, de tracer sur un planisphère une limite en « nords » et « suds », on aurait bien à l'échelle mondiale une géopolitique polarisée autour de deux groupes fluctuants, un « Nord global » et un « Sud global ».

Dans un article de 2022 publié sur Géoconfluences, un découpage en trois grands groupes chacun composés de deux sous-groupes est proposé : États favorisés, émergents, et précaires. Les inégalités internes, difficiles à saisir statistiquement, sont approchées par les écarts de revenus à l'intérieur de chaque État (Bouron et al., 2022).

(MC et JBB) juin 2021, dernières modifications (SB et CB) octobre 2022, (JBB) décembre 2022, janvier 2024.


Références citées
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