Le profil social des lycées en France : une analyse de l’IPS (indice de positionnement social) par la DEPP
La DEPP (direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance), service statistique du ministère de l’Éducation nationale, publie une note d’information portant sur la composition sociale des lycées français (publics et privés). L’objectif est de mesurer les inégalités scolaires en croisant l’origine sociale des élèves, leur environnement familial et les caractéristiques des établissements. Pour ce faire, la DEPP utilise l’Indice de Position Sociale (IPS), qui permet de rendre compte des disparités sociales existantes entre établissements, ainsi qu’à l’intérieur d’entre eux. Chaque situation familiale se voit attribuer une valeur d’IPS reflétant des caractéristiques socio-économiques et culturelles associées à la réussite scolaire. Plus l’IPS est élevé, plus les conditions familiales sont en moyenne favorables à l’apprentissage et à la réussite scolaire. À l’inverse, un IPS bas indique une origine sociale plus défavorisée.
Ainsi, l’IPS d’un lycée correspond à la moyenne des IPS des élèves qui y sont scolarisés et indique donc la composition socio-économique de l’établissement. En 2024-2025, la moyenne nationale de cet indice est de 109 pour tous les lycées publics et privés sous contrat. Les écarts sont marqués, allant de 59 (lycée le plus défavorisé) à 162 (le plus favorisé). Ces disparités reflètent à la fois des mécanismes internes au système éducatif et des mécanismes plus globaux de ségrégation sociale : le statut public ou privé sous contrat, le type de lycée (général, professionnel, polyvalent) et la localisation géographique.
L’IPS contient une marge d’erreur puisqu’il se base sur les PCS déclarées par les familles. Par ailleurs, comme tout indice, l’IPS est une construction statistique et d’une simplification de la réalité, qui ne peut rendre compte à lui seul de la complexité de la situation socio-économique et culturelle des élèves d’un établissement.
Disparités géographiques : une France scolaire fracturée
Document 1. Moyenne des IPS des lycées par département à la rentrée 2024
Champ : lycées publics et privés sous contrat à la rentrée 2024, France. Source : système d’information Scolarité, note d’Information, n° 25.21. DEPP, 2025. Réalisation de la carte : Lucie Kouadria, Géoconfluences, 2025.
Le document 1 montre que les DROM (Mayotte, Guyane, La Réunion) et certains territoires métropolitains comme la Seine-Saint-Denis ou le nord-est de l’Hexagone concentrent les lycées les plus défavorisés, avec des IPS moyens souvent inférieurs à 90. À l’inverse, Paris (IPS 129), les Yvelines (125) et les Hauts-de-Seine (125) illustrent une concentration de lycées favorisés. La composition sociale des lycées reflète les inégalités socio-économiques avec des quartiers favorisés et des stratégies résidentielles, tandis que les zones périphériques ou ultramarines cumulent difficultés économiques et précarité éducative. Les IPS sont généralement plus élevés dans le département où se situe une métropole régionale, et globalement plus bas dans le nord et l’est du pays.
La sectorisation public-privé : une ségrégation institutionnelle
Le secteur privé sous contrat présente un IPS moyen de 125 contre 105 pour le public. Cette différence s’explique d’une part par l’absence de sectorisation : les lycées privés sélectionnent leurs élèves, échappant aux règles d’affectation géographique, ce qui permet une homogénéisation sociale ascendante, attirant des familles favorisées capables de contourner la carte scolaire. D’autre part, les contributions financières demandées par certains établissements privés sous contrat excluent les ménages modestes, renforçant une logique de « club social » scolaire. Ainsi, toujours selon la DEPP, plus de 90 % des lycées privés ont un IPS supérieur à 100, contre seulement la moitié des lycées publics.
Une hiérarchie des filières selon le milieu social
Les lycées généraux et technologiques (LEGT) affichent un IPS moyen de 121, contre 92 pour les professionnels (LP). Les lycées polyvalents (LPO), combinant filières générales et professionnelles, se situent à 104. Ces écarts traduisent une division sociale des parcours : les filières qui orientent vers les plus hauts niveaux de diplômes (générales) attirent les élèves issus de milieux culturellement favorisés, tandis que les lycées professionnels accueillent majoritairement des jeunes de classes populaires.
Au sein des lycées généraux et technologiques, les 10 % les plus favorisés atteignent un IPS de 143, contre 101 pour les 10 % les lycées moins favorisés. Les lycées professionnels, eux, présentent un écart d’IPS plus resserré (de 79 à 109), signe d’une homogénéité par le bas.
CPGE et STS : des formations post-bac qui polarisent les inégalités
Les classes préparatoires (CPGE), implantées à 78 % dans les lycées généraux et technologiques, accueillent des élèves favorisés (IPS 141) dans des lycées qui sont déjà plus favorisés que la moyenne, ce qui renforce les inégalités entre les lycées les plus favorisés et les moins favorisés. À l’inverse, les sections de techniciens supérieurs (STS), présentes dans 53 % des LEGT mais aussi 81 % des LPO, scolarisent des étudiants d’origine modeste (IPS 101).
Cette répartition crée un effet cumulatif : les lycées déjà favorisés (souvent privés ou LEGT) accueillent des CPGE, attirant davantage de familles favorisées, tandis que les établissements défavorisés (publics, LP) proposent des STS, qui ont tendance à faire encore descendre l’IPS.
Lucie KOUADRIA
Étudiante en licence 3 à l'université de Bourgogne, stagiaire à Géoconfluences
Édition et mise en web : Jean-Benoît Bouron
Pour citer cette brève
Lucie Kouadria, « Le profil social des lycées en France : une analyse de l’IPS (indice de positionnement social) par la DEPP », Géoconfluences, mai 2025.
URL : https://geoconfluences.ens-lyon.fr/actualites/veille/liens/ips-lycees-france-analyse-depp-2025