Le Bronx, des flammes aux fleurs : combattre les inégalités socio-spatiales et environnementales au cœur de la ville globale ?
Bibliographie | citer cet article
Le regard des enseignants
« Au sein de New York City, le Bronx est un espace à part. »
Cet article nous emmène dans l’un des quartiers les moins bien documentés de New York, la ville globale archétypale : le Bronx. Il nous apprend que le destin de ce borough, auquel colle l’image de « ghetto », a basculé dans les années 1970 lors de la création des grandes infrastructures routières reliant les suburbs à Manhattan. Il nous montre les nombreuses initiatives pour lui redonner vie et permettre un développement durable et donne un coup de pied dans la fourmilière des stéréotypes attachés à ce borough.
Nous faisons ici une plongée dans la ville, à l’échelle locale, dans les spécificités des transformations et des inégalités qu’elle génère, plongée très utile pour les classes de terminales générales et européennes. Des exemples de la ségrégation socio-spatiale, de la gentrification et de la résilience sont analysés et replacés dans le contexte de la ville globale.
Tous les documents, y compris les tableaux statistiques, sont adaptés à l’usage en classe.
Documents et extraits du texte peuvent être utilisés en évaluation dans une étude critique de documents sur les enjeux et les faiblesses des villes globales, en particulier la carte introductive et le schéma de la trajectoire urbaine du Bronx.
A. F. pour l’APHG Lyon
Quand il chante avec Alicia Keys "New York, the Empire State of Mind" [1], le rappeur Jay-Z égrène tous les hauts lieux de la ville globale : l'Empire State Building et autres gratte-ciels emblématiques de la skyline, Wall Street, ou encore Times Square – tous situés dans le cœur historique de New York City. Il mentionne également Brooklyn, dont il est originaire, ainsi que d’autres quartiers périphériques, pour en montrer la vie de rue – dans ses dimensions ethniques, artistiques, mais aussi illégales. Cette chanson internationalement connue illustre les deux faces d’une même ville : la puissance et le rayonnement d’une part, les difficultés et la ségrégation sociale, raciale et spatiale d’autre part. La ville globale (Sassen, 1991) est en effet duale [2] : non seulement s’y côtoient les personnes aux plus hauts postes et revenus et les personnes les plus fragiles socialement et financièrement, mais de plus, l’ensemble forme un système interdépendant, les seconds étant au service des premiers.
Ce qui est vrai des groupes sociaux l’est aussi des espaces : si Manhattan concentre toute la lumière, son développement ne peut être pensé indépendamment des quatre autres boroughs [3] constitutifs de la ville de New York : Brooklyn, Queens, Bronx et Staten Island. Comme de nombreux cœurs d’agglomération états-uniens, New York City a été affectée par des difficultés urbaines dans les années 1960-70, avant de se relever depuis les années 1990 (Greenberg, 2008). Elle affiche aujourd’hui un essor économique, culturel et urbain réaffirmé une fois passé le traumatisme du 11-Septembre, comme en atteste la vitalité de son marché immobilier, véritable moteur de croissance. On peut alors se demander dans quelle mesure ce dynamisme retrouvé alimente ou bien diminue l’écart entre les espaces les plus pauvres et les espaces les plus riches de la ville. Si New York exemplifie la ville néolibérale (Hackworth, 2006), où les forces du marché jouent à plein, elle se caractérise aussi par la densité exceptionnelle et le dynamisme de ses organisations communautaires, porteuses d’initiatives endogènes en termes d’aménagement urbain (Angotti, 2008).
New York City, ville globale
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Complément 1 : Les fondements de la puissance de New York City
Historiquement, la réussite de New York est liée à sa situation sur la façade atlantique et à son site portuaire naturel qui en a fait la porte d’entrée privilégiée de l’Amérique, tant pour les marchandises que pour les migrants. En effet, situé au débouché de l’Hudson River et à l’abri des remous de l’Atlantique, le port de New York a rapidement donné à la ville un avantage comparatif sur ses concurrentes de la côte Est. Cette position d’interface s’est renforcée à la fin du XIXe siècle grâce au creusement du canal de l’Erié (1825) qui relie la façade atlantique aux Grands Lacs et accroît de façon décisive la profondeur de l’hinterland de New York City – la vallée de l’Hudson étant d’origine glaciaire, donc surcreusée, elle rend naturellement possible la navigation des bateaux de grand gabarit. Alors qu’un peu plus d’un tiers des importations nationales passe par New York en 1821 (38 %), ce chiffre atteint presque les deux tiers quinze ans plus tard (62 %).
Le commerce maritime et fluvial est donc au fondement de la puissance économique de la ville, soutenue par une croissance démographique exceptionnelle, alimentée à la fois par le croît naturel et par le solde migratoire positif (migrants européens). Le sud de la presqu’île de Manhattan, autour du port de commerce, devient rapidement trop étroit et la croissance urbaine s’opère vers le nord : l’instauration en 1811 d’un plan en damier, au gabarit strictement établi, vise à organiser la ville en pleine explosion démographique (de 60 000 à 200 000 habitants entre 1800 et 1830).
Cette croissance démographique et économique ne se dément pas au fil des décennies : les premiers gratte-ciels de la fin du XIXe s. sont le symbole de cette puissance étalée à la face du monde. Quant au monde de la finance mondiale, il se structure progressivement autour de Wall Street, site historique de la Bourse de New York (New York Stock Exchange). La puissance économique de New York s’accompagne d’un rayonnement culturel durable, notamment grâce à Broadway, cœur de la vie nocturne des théâtres et comédies musicales. À l’image du renommé quotidien le New York Times (Times Square doit précisément son nom à l’installation de ce journal), la ville est également un centre médiatique de grande ampleur. Enfin, le Museum Mile, regroupant des institutions aussi prestigieuses que le Metropolitan Museum of Art (le Met) ou le Guggenheim Museum, est l’un des éléments du rayonnement artistique de la ville, abritant également de nombreuses galeries à la pointe de la création contemporaine. Si New York n’a que brièvement eu le statut de capitale des États-Unis, son rôle politique lui est conféré par la présence du siège de l’Organisation des Nations Unies (ONU). On retrouve donc l’ensemble des attributs de la ville globale (Sassen, 1991). Récemment, la ville essaye de rattraper son retard en termes de nouvelles technologies par rapport à la Silicon Valley, à Seattle ou à Boston, comme en atteste le développement récent d’une Silicon Alley dans la partie médiane de Manhattan [a].
L'essor retrouvé après la catastrophe du 11-Septembre a contribué à la hausse rapide du coût de la vie, faisant de New York la 22ème ville la plus chère du monde selon le classement établi par l’institut The Economist Intelligence Unit [b]. La pression sur le secteur du logement y est de plus en plus forte, avec des loyers en hausse constante et une pénurie de logements à loyers modérés (affordable housing). Certains pointent deux conséquences néfastes : les jeunes diplômés, notamment dans les domaines artistiques, ont de moins en moins les moyens de venir à New York, qui a pourtant construit une partie de son renouveau sur la « classe créative » (Florida, 2002). En outre, la ville attire de plus en plus d’investisseurs internationaux qui se portent acquéreurs de luxueux appartements sans néanmoins les occuper à l’année : on observe donc une densification renforcée des secteurs prisés de Manhattan (par exemple au sud de Central Park), mais ces appartements étant vides la majeure partie du temps, leurs propriétaires – souvent étrangers et non imposables aux Etats-Unis – ne contribuent que faiblement aux recettes fiscales ou commerciales de la ville [c].
[a] Ainsi dénommée par analogie avec la Silicon Valley, la Silicon Alley s’est développée depuis une vingtaine d’années autour du Flat Iron Building, gratte-ciel emblématique de Midtown, et se concentre aujourd’hui dans le sud de Manhattan. Voir sur le site Digital.NYC, la carte régulièrement actualisée des start-ups à New York, et, par exemple, cet article de Jason Bram and Matthew Ploenzke, "Will Silicon Alley Be the Next Silicon Valley?", Liberty Street Economics, 6 juillet 2015.
[c] Voir par exemple : "Foreign Buyers Snapping Up Luxury Manhattan Apartments", Voice of America, 2 juillet 2014.
Ce texte propose d’envisager le Bronx comme espace emblématique de la coexistence de logiques socio-spatiales extrêmes au sein de la New York, à travers l’analyse de la trajectoire urbaine de ce borough physiquement si près de Manhattan, mais socialement et économiquement si loin du cœur financier de la ville globale. La crise sociale et urbaine extrême que le Bronx a traversée il y a près d’un demi-siècle, laissant littéralement sa partie sud en ruines, est certes moins visible qu'avant, mais les indicateurs socio-économiques sont aujourd’hui encore parmi les plus faibles du pays, en termes de précarité sociale et sanitaire. Dans le tableau ci-contre, les chiffres du Bronx cachent des écarts importants au sein même de ce borough qui abrite des poches de grande pauvreté, notamment au sud, aussi bien que des quartiers résidentiels cossus, au nord. Ce texte se concentre sur la partie sud du Bronx (au sud du Cross-Bronx Expressway [5]) qui a connu les épisodes de délaissement les plus avancés dans les années 1970 et se caractérise aujourd’hui encore par les plus fortes concentrations de populations hispaniques et afro-américaines, les revenus médians par ménage les plus faibles, et une part croissante de sa population au-dessous du seuil de pauvreté : de ce point de vue, le Bronx connaît les mêmes difficultés de ségrégation socio-spatiale que de nombreuses villes états-uniennes où la corrélation entre minorités ethniques et populations en difficultés est un héritage historique [6]. Au sein de New York City, le Bronx est un espace à part : il a longtemps fait l’objet d’un traitement différencié de l’espace par rapport aux autres boroughs, et aujourd’hui encore, il apparaît en décalage avec les autres boroughs davantage bénéficiaires des dynamiques néolibérales à l’œuvre dans la ville (notamment Manhattan et Brooklyn). Certes, ce n’est pas le seul endroit à connaître une crise sociale et économique, mais le phénomène y atteint une telle ampleur qu'il transforme de façon durable ce territoire tant dans son identité que ses paysages urbains. |
Le Bronx, un borough à part dans la ville et le paysSitué au nord de Manhattan, entre l'Hudson River et l'East River, le Bronx compte 1,4 million d'habitants.
Source : US Census Bureau (chiffres du recensement de 2010 et de l’estimation American Community Survey 2009-2013) |
Cet article vise donc d'abord à expliquer les diverses phases et composantes de la crise : comment le Bronx en est arrivé à cette situation d’inégalité socio-spatiale en lisière des quartiers dynamiques de Manhattan, inégalité vécue comme une injustice dans la mesure où il y a une forte corrélation entre les revenus et les origines ethniques des habitants lésés. Puis, seront exposées quelques-unes des solutions mises en œuvre pour y remédier : face à un certain abandon de la part des investisseurs privés traditionnels, renforcé par le désengagement des autorités publiques dans les années 1970, le combat multiforme des populations locales, à travers leurs organisations communautaires, pour reprendre en main leur quartier a permis sinon d’inverser totalement la tendance, du moins d’enrayer le cercle vicieux. Cette étude de cas sur le Sud Bronx illustre donc la difficulté d’articuler les échelles micro-locale, locale et régionale pour construire une métropole qui soit durable non seulement du point de vue écologique, mais également une métropole inclusive, sur le plan social et économique.
1. La construction d’une situation d’inégalités socio-spatiales et environnementales
Au début du XXe siècle, le Bronx est un quartier en plein essor, loin de son image de ghetto, à l’identité à la fois rurale [7] et résidentielle, mais foisonnant également d’activités industrielles et de manufactures (brasseries, fabriques de pianos, etc.). Comment en quelques décennies le Bronx est-il devenu « la figure emblématique de la métropole défavorisée » (Ballon, Jackson, 2007, p 67) [8] ? En effet, au début du XXIe siècle, le Bronx est le borough le plus pauvre de New York City : entre autres indicateurs de pauvreté, le revenu médian par ménage y est nettement inférieur et le taux de chômage nettement supérieur au reste de la ville. En outre, le Bronx est le borough où la part de population d’origine hispanique est la pluks forte (près de 50 %), et où celle des résidents d’origine européenne (14,5 %) est la plus faible. En cinquante ans, le Bronx, initialement blanc à 90 %, devient hispanique et afro-américain à 80 % – donnant naissance à une nouvelle communauté, "Los Africanos" (Gonzales, 2004). Le Sud Bronx en particulier abrite des poches de pauvreté dans des zones peuplées de minorités ethniques. Cette forte corrélation entre espaces de pauvreté et homogénéité ethnique définit une situation de ségrégation socio-spatiale, récurrente dans les villes états-uniennes. Cette situation est le résultat de plusieurs facteurs sociaux et urbains, dont la combinaison a atteint son paroxysme durant la crise sans précédent des années 1970, qu’est venue aggraver l’installation de nouvelles infrastructures porteuses de nuisances dans les années 1990, ajoutant une dimension environnementale aux inégalités sociales et spatiales.
La ségrégation socio-spatiale à New York
Revenu médian annuel par ménage en 2013Bronx County : 34 388 $ |
Part de population blanche en 2013Bronx County : 22,09 % |
Les zones à faible revenu médian annuel recouvrent les zones peuplées de minorités ethniques.
1.1. Rendre le cœur de ville accessible en voiture au détriment des quartiers périphériques paupérisés
Le Bronx s’est construit au cours du XIXe siècle comme un faubourg prospère de Manhattan, mais au milieu du XXe siècle, tous les ingrédients sont réunis pour une dégradation rapide du Sud Bronx : bâti obsolète, chômage, changements sociaux, conflits ethniques (Gonzales, 2004). En effet, la conjonction de plusieurs éléments sociaux et économiques concourt à une déstructuration des réseaux de solidarité traditionnelle porteurs de cohésion.
Les facteurs de création de la situation de ségrégation socio-spatiale dans le Bronx
Conception et réalisation : A. Delage, 2015, en partie d'après les analyses de E. Gonzales (2004) |
Complément 2 : le Bronx, d’un espace rural à un secteur urbain multi-ethnique taudifié
Loin de son image actuelle de quartier délabré, le Bronx est à l’origine un espace rural qui accueille, dès les années 1840, les premières familles fuyant la promiscuité de Manhattan. On vante alors le bon air du Bronx, ses fermes et ses paysages bucoliques. En moins d’un siècle pourtant, le secteur compte plus d'un million d’habitants. L’arrivée du métro aérien (Elevated trains, ou el-trains) en 1886, puis du métro en 1905, renforce l’accessibilité et donc l’attractivité du secteur pour les travailleurs - notamment d’origine allemande - de Manhattan. Si l’avenir du Bronx fait à l’époque débat (suburb ou ville ?), sa morphologie et son niveau de services sont celui d’une ville (Gonzales, 2004). Non seulement le nombre d’activités et d’emplois sur place (ateliers, brasseries, manufactures…) en fait de moins en moins un quartier dortoir, mais en outre, il abrite des équipements dont le rayonnement dépasse le Bronx : deux universités réputées (Fordham, 1841, et une annexe de New York University – qui déménage en 1974), un jardin botanique (1891), un grand zoo (1899), le stade des Yankees (1923). Dans les années 1930, de nombreux bâtiments de style Art Déco ou Art Moderne sont construits [d] (voir carte et photos supra).
Les différents villages multiethniques qui le composent deviennent coalescents, et le Bronx est annexé par la ville de New York en 1895. Il acquiert le statut de borough deux ans plus tard, ce qui lui donne certains pouvoirs locaux par l’intermédiaire de son maire (Borough President). De nombreux logements sont construits, sur le modèle des tenements, c’est-à-dire des immeubles de rapport avec plusieurs appartements de forme standard par palier, et les fameux escaliers escamotables, pour fuir en cas de feu. La plupart des logements sont de bonne facture, et le Bronx bénéficie d’une image globale de nouveauté et de modernité. Dès le début du XXe siècle, la densité croissante du Bronx rattrape celle observée à Manhattan, ce qui met à mal l’image d’espace verdoyant et aéré. En 1920, la partie du sud du Bronx est entièrement urbanisée.
Cependant, le Bronx devient de plus en plus hétérogène : le degré de modernité / vétusté, le prix plus ou moins accessible des loyers, et la composition ethnique varient d’un quartier à l’autre. Dans cette mosaïque de quartiers, le secteur sud du Bronx connaît progressivement une forme de décrochage urbain : la plupart des aménagements réalisés lors de la Grande Dépression l'ont été dans les secteurs centraux (Grand Concourse) et septentrionaux du Bronx. Dès les années 1920, le Sud Bronx est rétrogradé au statut de bas-quartier (slum) sans pour autant atteindre le niveau de dégradation du Lower East Side à Manhattan. Pour preuve, aucun quartier du Bronx n’est concerné par la mesure de démolition des taudis engagée dans les années 1930 [e].
On constate un appauvrissement général des résidents du Sud Bronx, situation que vient encore dégrader la Grande Dépression. Un certain nombre d'habitants perdent leur emploi car la base économique du Bronx est mise à mal par la Prohibition entre 1919 et 1933 (fermeture des brasseries) et les manufactures traditionnelles sont remplacées par des ateliers de misère (sweatshops). Durant les années 1930, certains quartiers du sud commencent à perdre de la population. Ils se caractérisent également par un plus fort renouvellement (turn-over) des occupants : les locataires [f] sont plus jeunes, et déménagent vers un logement plus confortable du nord du Bronx dès que leurs moyens le leur permettent. Les ménages juifs (près de la moitié de la population du Bronx dans les années 1930) sont progressivement remplacés par des familles italiennes, irlandaises, et d’Europe de l’Est. Deux nouveaux groupes font également leur apparition : les Afro-Américains et les Porto-Ricains, qui très tôt se regroupent par affinités communautaires. À cette même époque pointent les premiers conflits entre bandes rivales (notamment Italiens contre Juifs et Juifs contre Irlandais), ce qui constitue un terreau fertile pour les conflits ethniques ultérieurs. La délinquance juvénile s’accroît durant la Seconde Guerre mondiale et s’étend aux communautés afro-américaines et porto-ricaines.
[e] Un groupe de réformateurs sociaux, sous la houlette de Robert Moses, avait monté un comité de réflexion pour la démolition des taudis (Slum Clearance Committee) », dans le but de promouvoir la création d’une agence municipale de logements sociaux. Ce groupe avait établi 14 secteurs d’action, à Manhattan et Brooklyn seulement (sources : Gonzales, 2004 ; Slum Clearance Maps, Cornell University Library )
La situation fragile du Bronx dans l’entre-deux-guerres est aggravée par le développement rapide de New York et la pénurie de logements. D’une part en effet, de nombreux immeubles publics subventionnés sont construits dans le Bronx : 35 grands ensembles (« projects ») coordonnés par Robert Moses [9], mais aussi des programmes à destination des classes moyennes (Mitchell Lama Housing Program, 1955). Ces nouvelles tours massives ont contribué à vider les anciens immeubles de leurs ménages solvables, eux-mêmes remplacés par des familles plus pauvres, souvent déguerpies des taudis, notamment de Harlem. L’accélération de l’arrivée de populations noires et hispaniques alimente en retour un certain white flight.
D’autre part, la construction de plusieurs autoroutes urbaines pendant plus de trente ans déstructure durablement les quartiers traversés. New York grandit vite en termes de population, les besoins en équipements aussi. Alors que la démocratisation de l’automobile donne naissance aux banlieues (suburbs), il devient nécessaire de faciliter l’accès de leurs habitants (blancs, de classe moyenne) à la ville centre où se trouvent les emplois. Pour cela, il est décidé de construire de vastes pénétrantes autoroutières dans les quartiers périphériques de Manhattan (Brooklyn, Queens et Bronx) qui débouchent directement aux portes de Manhattan. Un homme joue un rôle majeur dans la construction de ce nouveau réseau autoroutier : Robert Moses, figure emblématique de ce qui était considéré à l’époque comme une nécessaire modernisation de New York.
Complément 3 : Robert Moses (1888-1981)
Politiste de formation, Robert Moses a joué un rôle majeur dans l’aménagement et l’équipement de New York durant près de 35 ans (1934-1968). En se hissant progressivement à la tête de nombreux services clés de la ville, il obtient la mainmise sur l’aménagement urbain new-yorkais. À son actif : la construction d’équipements de loisirs (aménagement de plages, création de piscines), des logements sociaux, et des autoroutes (alors qu’il n’avait pas lui-même le permis de conduire...). Surnommé le "master builder" par certains, il est néanmoins fortement controversé par d’autres en raison de ses partis pris d’aménagement qui font table rase de l’existant, et de certaines prises de position racistes (Caro, 2014). Il reste notamment célèbre dans l’histoire de l’urbanisme new-yorkais pour son opposition frontale avec la journaliste Jane Jacobs, à propos du projet de destruction d'une partie de Greenwich Village pour y construire une pénétrante autoroutière. Jane Jacobs, résidente du Village, ardente défenseur de la vie de rue et de l’usage piétonnier de la ville, expose ses positions dans un ouvrage devenu un classique des études urbaines aux États-Unis : Death and Life of Great American Cities, paru en 1961. Robert Moses fait l’objet d’une certaine réhabilitation depuis quelques années, au nom de l’ampleur du travail accompli pour la modernisation des infrastructures de la ville. |
Robert Moses en 1938 devant la carte de New YorkSource : City University of New York
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La construction d’une autoroute dans un tissu urbain constitué est de fait source de dégradation urbaine, par la coupure créée, les nuisances provoquées (bruit, pollution) et la perte de valeur des immeubles qui la bordent. Ce processus est accentué par les méthodes de l’équipe de Moses : les moyens déployés sont colossaux, la façon de faire est radicale et rapide. Les notifications d’expropriation sont massives, et elles laissent aux occupants peu de compensation et peu de temps (ce qui ne leur permet pas de se constituer en groupe de contestation). La construction du Cross-Bronx Expressway entraîne ainsi l’éviction de 5000 ménages le long de son tracé. Ces nouvelles saignées urbaines déstructurent les quartiers traversés, en mettant à mal les sociabilités constituées lors des décennies précédentes.
La construction du Cross Bronx Expressway (1948-1972) déstructure le tissu urbain préexistant au sein du Bronx
Source : NYU Forman Center Archives. Pour voir l'image dans une meilleure résolution, cliquez ici.
La déstructuration du tissu urbain est manifeste : le tracé de l’autoroute traverse de biais la structure urbaine orthogonale préexistante. La coupure urbaine est accentuée dans certains secteurs par l’encaissement de l’autoroute, nécessitant la construction de ponts pour la franchir.
Ainsi, si l’accessibilité de New York est assurée à l’échelle régionale, c’est sans conteste au détriment de l’échelle locale. Les quartiers se vident progressivement des ménages solvables pour laisser la place aux populations les plus récemment arrivées, les plus vulnérables aussi. Le mécanisme d’appauvrissement du quartier engagé dans les années 1920 s’en trouve donc renforcé.
1.2. Le Bronx en feu : chronique d’un désastre urbain (1960-70)
La dégradation des tissus social et urbain entamée dans les années 1920 alimente un cercle vicieux dont les habitants sans moyens ne peuvent plus sortir. La recomposition ethnique s’accélère à la fin de la Seconde Guerre mondiale, quand le Bronx connaît un nouvel essor démographique, grâce à l’arrivée de Porto-Ricains fraîchement débarqués de leur île, et d’Afro-Américains chassés de Harlem (Jonnes, 2002). Elle s'accompagne de l’appauvrissement des ménages : en 1960, un quart des familles du Sud Bronx reçoit des aides sociales. Le cercle est rendu d’autant plus vicieux que les multiples travaux (autoroutes, tours d’habitation) mettent le Sud Bronx dans un état de chantier permanent où les habitants ne cessent de déménager, empêchant ainsi la reconstitution de solides liens de quartier, de solidarités et de contrôle. De même, les propriétaires négligent l’entretien de leurs biens par crainte d’être prochainement expropriés. Le Sud Bronx devient une trappe de pauvreté (« poverty trap ») [10] où les différents groupes ont de plus en plus de mal à cohabiter, sans pour autant avoir les moyens d'en partir. Ce qui était des heurts entre bandes de jeunes devient une véritable guerre des gangs à partir des années 1950. Le mélange est d’autant plus explosif que le quartier devient une plaque tournante du trafic de drogue, notamment le crack et l’héroïne, qui font aussi des ravages parmi la jeunesse locale.
Ce mécanisme n’est pas spécifique au Bronx, mais l’ampleur du phénomène y est exceptionnelle, conduisant à un spectaculaire urban blight (littéralement dégradation urbaine, avec une dimension de fléau) [11]. En effet, la crise culmine à la fin des années 1960 et 1970, à partir du moment où le quartier part littéralement en fumée : de nombreux incendies éclatent chaque jour (33 465 en 1976 soit près d’un départ d’incendie toutes les 15 minutes, Gonzales, 2004) : le Bronx est, selon un journaliste, « la capitale mondiale de l’incendie criminel » [12]. Les explications sont multiples. Un nouveau décret modifie les conditions de versement des primes d’assurance en cas d’incendie : de nombreux propriétaires y voient l’occasion de toucher de l’argent pour des immeubles en mauvais état dont la rénovation excède leurs moyens. Les locataires, eux, mettent le feu à leur logement dans l’espoir de devenir prioritaires en matière de relogement. La propagation de ces incendies criminels est enfin facilitée par le fait que la Ville de New York, sous l'effet d'une grave crise fiscale, a fermé de nombreuses casernes de pompiers dans les quartiers les plus dégradés. Ces fermetures font suite au rapport RAND et aux décisions prises par le responsable du logement de la Ville, Roger Starr : il s’agit de faire des économies dans les quartiers les plus pauvres et de reporter l’argent économisé au profit des quartiers « productifs » [13]. Le but était de parvenir à la dissolution de ces poches de pauvreté en décourageant leurs habitants de rester dans ces quartiers non entretenus [14]. Le ramassage des ordures n’étant plus assuré non plus, les rues ne sont plus qu’un amas de détritus, de gravats et de voitures brûlées.
Ces saisissants paysages urbains de désolation deviennent nationalement connus en 1977, lors d’une finale de baseball au Yankee Stadium : alors que les caméras font un travelling autour du stade, dévoilant les colonnes de fumées noires d’un incendie qui vient de se déclarer dans une école abandonnée, le commentateur se serait exclamé « There it is, Ladies and Gentlemen, the Bronx is burning ». La phrase, qui a fait la une des journaux, est restée célèbre, quand bien même son origine n’est pas avérée [15].
1.3. Tous les waterfronts ne sont pas égaux devant la gentrification
Alors que le Sud Bronx se reconstruit et s’apaise peu à peu au début des années 1980, notamment grâce à l’implication de plusieurs organisations communautaires et des autorités publiques, le quartier subit une nouvelle forme d’injustice spatiale, liée aux recompositions urbaines que connaît la ville de New York à partir des années 1990-2000. En effet, alors que New York City regagne en attractivité, et voit certains de ses espaces anciennement industriels se gentrifier (notamment à Brooklyn), le Sud Bronx ne bénéficie pas de ce mouvement général. Au contraire, il en pâtit puisqu’il accueille sur son front d'eau (waterfront) déjà industriel des « LULUs » (Locally Undesirable Land Uses) [16], infrastructures indésirables dont certaines viennent de ces espaces en mutation. Ainsi sont implantés plusieurs équipements porteurs de nuisances : deux centrales électriques (2001), un agrandissement du marché de gros (relocalisation du marché de poisson historiquement basé à Manhattan), et surtout des infrastructures liées au traitement des déchets de la ville (deux usines de traitement proprement dit, et plus d’une vingtaine de stations de transfert des déchets [17]) [18]. Cette mutation est concomitante de la privatisation du ramassage des ordures et de la fermeture de la décharge municipale de Fresh Kills (Staten Island) par le maire de l’époque, Rudolph Giuliani [19] : les déchets jusque-là acheminés par barge jusqu’à la décharge le sont dorénavant par camion, accroissant le trafic routier d’autant (une organisation environnementale compte 1646 camions par jour [20]). Aujourd’hui, la ville de New York compte 58 stations de transfert des déchets : 13 sont situées dans le Sud Bronx, soit près d’un quart des stations de la ville [21], quand Manhattan n’en compte qu’une seule. Ainsi, la présence de ces équipements est doublement pénalisante pour le Sud Bronx. Premièrement, les habitants souffrent des nuisances quotidiennes liées au trafic de camions, au bruit et à la pollution. Deuxièmement, leur localisation à proximité du front d’eau obère la possibilité de rénovation de ces espaces urbains qui profitent d’une forte attractivité dans les autres boroughs, comme en témoigne l’essor résidentiel fulgurant que connaît depuis une décennie Williamsburg à Brooklyn, et Long Island City dans le Queens [22] (voir carte et photos supra).
Cette concentration d’équipements ayant un impact environnemental négatif dans un espace pauvre – et ségrégé – est caractéristique d’une situation d’injustice environnementale (Sze, 2007). Ce terme [23], et ce combat, sont apparus dans les années 1980 afin de qualifier les effets de la pollution sur des minorités raciales, notamment sur le plan de la santé. Dans le cas présent, les populations pauvres du Sud Bronx, essentiellement issues des communautés afro-américaines et hispaniques subissent une exposition plus grande à la pollution que les autres quartiers de la ville et ont les taux d’asthme infantile les plus élevés de la ville [24].
Ainsi, la trajectoire urbaine du Bronx est celle d’un territoire florissant au XIXe siècle ayant connu une crise sans précédent. L’analyse chronologique des faits révèle que la dégradation du tissu social précède la chute physique du quartier (Gonzales, 2004), s’apparentant à un « urbicide » (Berman, 1987), c’est-à-dire la destruction planifiée d’une ville – en l’occurrence ici, plutôt un arrondissement [25]. Périphérie intégrée puis marginalisée, le Sud Bronx est de nouveau intégré à la métropole, non comme un espace relais de la puissance, mais comme un espace « coulisse » de la ville globale, où sont localisées des infrastructures vitales mais indésirables dans les quartiers les plus cotés : nécessaire au bon fonctionnement de la « scène », l’espace technique doit rester dans l’ombre. Cependant, cet urbicide n’a pas été total, car dès les années 1970, des groupes d’habitants se mobilisent pour sauver leur quartier. Plusieurs organisations communautaires se constituent pour reprendre le destin du Bronx en main (Jonnes, 2002). Leur action d’abord sociale s’est élargie au fil des années dans les champs de l’aménagement et de l’environnement.
La trajectoire urbaine du Bronx
2. Le community planning : une initiative endogène et multiforme pour remédier à la crise extrême
Malgré cet état extrême de désolation, le territoire « bronxite » a fait preuve de résilience grâce à l’initiative de quelques figures emblématiques à l’origine d’un mouvement de régénération urbaine et sociale (Jonnes, 2002). La deuxième moitié des années 1970 marque en effet une prise de conscience des habitants comme des pouvoirs publics : plusieurs organisations communautaires ayant pour but de reconstruire les quartiers sont créées, et l’arrivée d’aides publiques (fédérales et municipales notamment) rend possible la réalisation de leurs projets, sous la forme de partenariat public-privé, parfois avec l’aide de grandes fondations privées. Ces organisations communautaires (communities) ne sont pas de simples associations de riverains mais des groupes de personnes partageant des intérêts communs et la volonté d’agir pour le bien du groupe. Elles ont un rôle très structurant dans la société états-unienne, notamment en termes de solidarité, parfois sur une base confessionnelle ou ethnique mais pas obligatoirement. Héritées des grassroots movements [26] des années 1960, ces organisations communautaires concentrent leur action surtout sur le logement et l’accompagnement des jeunes. Plusieurs d’entre elles ont évolué en Community Development Corporation (organisation à but non lucratif, principalement basée dans des quartiers en difficultés) [27]. Certaines de ces organisations communautaires se sont également engagées dans le champ de l’urbanisme, en impliquant leurs membres dans la définition des aménagements de leur quartier (community planning), au moyen par exemple d’ateliers de travail visant à identifier des secteurs problématiques et à proposer des solutions d’aménagements urbains. Elles sont donc au cœur des politiques d’empowerment des minorités aux États-Unis, visant à donner à ces dernières le « pouvoir d’agir » (Bacqué, Biewener, 2013).
Le renouveau du Bronx repose, en particulier, sur l’action dans deux domaines, le logement et l’environnement urbain, afin de permettre le maintien sur place des habitants dans un cadre de vie rénové, et ainsi de limiter les départs de populations solvables vers un quartier moins dégradé.
2.1. Le logement : ne plus être le « pire quartier de l’Amérique » [28]
Parmi les secteurs les plus touchés par l’urban blight des années 1960 et 1970, Charlotte Street est devenue un symbole du mal urbain qui rongeait le Bronx d’abord, puis de sa renaissance, possible grâce aux efforts des habitants. En effet, ce secteur au sud de Crotona Park fut visité successivement par le président Carter en 1977, puis par le candidat Reagan en 1980. En une dizaine d’années, ce qui n’était qu’un champ de ruines a pris l’allure d’une coquette banlieue (suburb) au milieu d’un tissu urbain dense. A l’origine de cette métamorphose radicale se trouvent les habitants qui se sont rassemblés en organisation communautaire, les "Mid-Bronx Desperadoes" (MBD) [29], sous la houlette de Genevieve S. Brooks, qui portait chaque jour une fleur dans ses cheveux pour signifier la renaissance du Bronx. Ces personnes étaient convaincues que l’action sociale (programmes éducatifs, formation professionnelle, services sociaux) ne pouvait suffire à régénérer le quartier et que le logement était également un enjeu crucial, d’où leur initiative d’engager MBD dans la construction de nouveaux logements. Charlotte Gardens est leur première opération. Les choix retenus tranchent radicalement avec l’existant : des maisons individuelles, basses, en accession à la propriété remplacent les immeubles collectifs en location. Deux maisons témoins préfabriquées sont installées : le succès est immédiat et 92 maisons sont construites au milieu des années 1980. 90 % de leurs occupants viennent du Bronx, beaucoup ont des revenus modestes [30] : ils peuvent accéder à la propriété grâce à un programme conséquent de subventions publiques (État, municipalité) et privées (fondations), réduisant de façon substantielle la somme restant à la charge des ménages. Le quartier retrouve alors calme et sécurité grâce à l’implication des nouveaux habitants. Genevieve Brooks avait en effet tenu à interroger elle-même chacun des candidats à l’achat, prenant en compte aussi bien leur dossier que l’éducation et le suivi scolaire des enfants, et à responsabiliser chacun sur le maintien en bon état du quartier.
Complément 4 : Genevieve S. Brooks
Originaire de Caroline du Sud, Genevieve S. Brooks s'installe dans le Bronx dans les années 1960 et assiste à la dégradation du quartier. Elle prend l’initiative de nettoyer littéralement le quartier, en ramassant elle-même les ordures, puis de le reconstruire. Pour cela, elle fonde, avec notamment le père William Smith, les "Mid-Bronx Desperados" (MDB). Figure emblématique locale, Genevieve Brooks a également siégé dans plusieurs conseils d’organisations communautaires ; elle est devenue la première femme vice-présidente du borough en 1990. Aujourd’hui, elle vit de nouveau en Caroline du Sud. Pour compléter : voir le récit qu’elle fait de son action, vidéo, 4'12 |
Charlotte Gardens : un morceau de banlieue au cœur du Bronx
Les nouveaux logements de Charlotte Street tranchent avec les immeubles traditionnels du quartier qui ont résisté à la vague d'incendies (on en voit encore un exemple en arrière-plan) : maisons individuelles de plain-pied de style "ranch" avec auvent métallique aux portes, petit jardin devant et allée pavée pour la voiture. |
Pour voir Charlotte Gardens, aller sur le fichier .kmz du globe virtuel (40°50'1.15"N et 73°53'31.69"O). Date des images satellite : 12 octobre 2014. Derrière les maisons, un carré de pelouse avec parfois une piscine. |
Bien que critiquée pour ses choix urbanistiques (la densité est notamment trop faible pour être reproductible dans un contexte new-yorkais de très forte tension du marché immobilier), cette opération immobilière est aujourd’hui considérée par beaucoup comme un succès, comme en atteste la multiplication par dix du prix estimé des maisons du secteur [31]. Ce périmètre de trois blocks seulement est mixte d’un point de vue ethnique (hispanique et afro-américain) et connaît un faible renouvellement résidentiel, signe de la grande stabilité du secteur, et de l’attachement de ses occupants au quartier.
Dans la lignée de ce succès, les organisations communautaires ont lancé plusieurs projets immobiliers soutenus par des aides publiques. Certaines montent également des joint-ventures (entreprises communes) avec des promoteurs privés. Petit à petit, ces quartiers ont donc de nouveau gagné des habitants, aidés en cela par une nouvelle vague d’immigration, notamment hispanique, en quête de logements peu onéreux.
2.2. Moins de friches, plus d’espaces verts
À la fin des années 1990, alors que les projets de réhabilitation et de reconstruction contribuent à rendre au Sud Bronx des allures de quartier urbain, et en réponse à l’arrivée de nouveaux équipements polluants, les organisations communautaires commencent à se mobiliser sur de nouveaux thèmes, tels que l’injustice environnementale. Elles s’inscrivent dans le sillage d’un mouvement plus large en faveur de la justice environnementale qui s’est structuré autour de 17 principes [32] énoncés officiellement en 1991, à Washington DC, lors de la première conférence nationale sur la gestion de l’environnement par les personnes de couleur (First National People of Color Environmental Leadership Summit). Le mouvement de justice environnementale déborde les problèmes strictement environnementaux et englobe les questions de santé publique. À l’échelle de la ville de New York, la New York City Environmental Justice Alliance (NYC-EJA) [33] est un réseau qui fédère les organisations communautaires actives sur ces sujets ; c’est un interlocuteur régulier des autorités municipales sur les questions environnementales.
Dans le Sud Bronx, l’attention s’est portée en particulier sur les conditions sanitaires et environnementales du quartier traversé par les nombreux camions se rendant au marché de gros du bout de la péninsule de Hunts Point. Majora Carter est la figure emblématique, et fortement médiatisée, de cette lutte pour la reconquête du front d’eau du Bronx, dont l’accès piéton est impossible en raison de la présence d’infrastructures autoroutières et d’industries. À travers la création de deux organisations communautaires (Sustainable South Bronx et The Bronx River Alliance), elle a rassemblé les forces pour lutter contre les décharges sauvages, et trouvé des fonds pour engager la rénovation de plusieurs espaces le long de la rivière Bronx. L’objectif à terme est de constituer un corridor vert le long de l’eau, jalonné de plusieurs parcs, dont Concrete Plant Park. La création de cette ceinture verte se veut bénéfique à plusieurs titres : la limitation des flux routiers permet de diminuer la pollution atmosphérique et d’améliorer la sécurité routière dans les rues adjacentes, tandis que l’accès à des espaces verts est un moyen de promouvoir l’activité physique dans un secteur où la population, comme dans le reste des États-Unis, connaît des problèmes de surpoids et les soucis de santé corrélés. C’est enfin un moyen d’améliorer la qualité du cadre de vie, avec des espaces publics agréables, propices à la sociabilité locale. |
Concrete Plant Park au bord de la rivière BronxCe parc, situé comme son nom l’indique sur l’emprise d’une ancienne centrale à béton (dont l’infrastructure a été conservée mais n’est pas accessible) a été ouvert au public en 2009. Traversé d’une piste cyclable, c’est un maillon important de la future coulée verte longeant la rivière. Aménagé avec un mobilier urbain de qualité et diversifié (bancs, fauteuils, bains de soleil, tables avec jeux de dames, etc.), il est fréquenté aussi bien par des pêcheurs que des jeunes gens qui viennent par exemple y apprendre à danser la salsa. |
Complément 5 : Majora Carter (1966- )
Originaire du Sud Bronx, Majora Carter est l’une des figures les plus emblématiques de la régénération du quartier, comme en atteste sa représentation ci-contre. |
Portrait de Majora CarterCette peinture murale a été réalisée dans le cadre d’un projet éducatif, par des enfants du quartier encadrés par des artistes, sous la houlette de l’organisation Groundswell. |
- Le récit du renouveau urbain de Majora Carter. TED Talk Vidéo, 2006, 18'36, sous-titres disponibles en français.
- New York Times, "Hero of the Bronx Is Now Accused of Betraying It", 4 avril 2013
2.3. "Don’t move : improve !" [34]
Avec des initiatives telles que Sustainable South Bronx, il ne s’agit plus seulement de reconstruire des quartiers délabrés, mais plus encore d'assurer un certain niveau de qualité de vie. La Southern Bronx River Watershed Alliance [35] va plus loin dans l’articulation des deux enjeux sociaux et environnementaux, en instrumentalisant le débat sur l’avenir d’une autoroute urbaine afin non seulement d’attirer l’attention des pouvoirs publics sur un secteur largement délaissé, mais aussi et surtout de proposer une nouvelle vision globale du quartier en tirant parti de l’espace que la démolition de l’autoroute libérerait.
La mobilisation prend forme dans les années 1990 quand le Ministère des Transports de l’État de New York (New York State Department of Transportation, NYSDOT) annonce sa volonté de rénover la connexion vieillissante entre le Sheridan Expressway et le Bruckner Expressway, voire de prolonger le Sheridan Expressway vers le nord. Son objectif est d’améliorer l’accessibilité de la ville par l’amélioration de la desserte autoroutière. Le spectre d’une barrière urbaine agrandie et d’un trafic automobile renforcé est vite paru intolérable aux yeux de diverses organisations communautaires qui se sont coalisées pour lutter contre ce projet qui pénaliserait un peu plus un quartier déjà défavorisé (200 000 personnes habitent à moins d’1,5 kilomètre de cette autoroute).
L'angle de prise de vue de la photo ci-contre est indiqué en bleu. |
Le Sheridan Expressway, une barrière entre la rivière et le quartierCe barreau autoroutier, hérité de l’ère Robert Moses, long de 2 km et parallèle à la rivière Bronx relie le Bruckner Expressway au sud et le Cross Bronx Expressway au nord. Cette photo est prise de l’un des deux points de passage au-dessus de l’autoroute, en direction du sud. La coupure urbaine engendrée par le ruban de bitume est accentuée par la rue parallèle de West Farm Road (à droite). L’accès au Starlight Park (à gauche), maillon de la coulée verte le long de la rivière Bronx (hors champ à gauche) est donc difficile depuis les quartiers résidentiels (à droite)– sans parler des rues de garages et carrosseries automobiles qui bordent l’arrière de West Farm Road. |
Complément 6 : Démanteler les autoroutes urbaines : un mouvement grandissant
Les villes américaines sont structurées autour de l’automobile. Plusieurs plans fédéraux ont permis au pays de se doter d’un réseau autoroutier de grande ampleur. Après la Seconde Guerre mondiale et la démocratisation de l’automobile, ces plans ont inclus une accessibilité directe au centre-ville en voiture, permettant aux navetteurs de rallier sans peine leur travail au centre depuis leur logement en périphérie. De nombreuses villes se sont retrouvées ainsi enserrées et percées par de larges autoroutes, installées souvent sur le waterfront pour les villes situées au bord de l’eau .
Dans un deuxième temps, des mouvements de lutte pour la destruction des autoroutes urbaines se sont développés. Plusieurs villes américaines ont déjà démantelé, sont sur le point de le faire ou envisagent de supprimer une portion de leur autoroute urbaine, soit volontairement, soit sous la pression des communautés locales. Portland est un cas pionnier (1976). San Francisco est un autre exemple emblématique de destruction d’une autoroute à double étage en front d’eau pour laisser la place à une ligne de tramway et à une large bande de circulation piétons / modes doux desservant les hangars portuaires des quais réhabilités : l’Embarcadero, aménagé dans les années 1990 à la suite d'un tremblement de terre qui avait détruit l’autoroute (1989), est aujourd’hui un lieu de promenade prisé dans la ville. Ce cas est largement diffusé comme relevant d’une « bonne pratique » en matière d’aménagement urbain, notamment par le Congress for the New Urbanism. Cette organisation à but non lucratif milite en faveur du démantèlement des autoroutes urbaines ou de leur transformation en boulevard, et dresse périodiquement la liste des infrastructures à faire muter de toute urgence .
La revendication pour des autoroutes urbaines « apaisées », c’est-à-dire transformées en boulevards urbains, rencontre un écho grandissant aux États-Unis, mais aussi en Europe (Berlin, Marseille, Paris) et en Asie (Séoul) . Cependant, ces divers cas ne sont pas forcément connectés les uns aux autres, et l’on ne saurait parler d’un mouvement coordonné à l’échelle mondiale.
Pour compléter :
- Sur le site du CNU (Congress for the New Urbanism), Highways to Boulevards.
- La ville après l'autoroute, un diaporama d'exemples de réaménagements urbains aux États-Unis, au Canada et en Corée du Sud, IAU/IDF.
Rapidement, la Southern Bronx River Watershed Alliance définit sa position : en vue de retrouver l’accès à la rivière Bronx, et d’améliorer la qualité de l’air, il faut exiger le démantèlement de l’autoroute dont l’utilité dans le réseau autoroutier n’est pas cruciale à ses yeux, et repenser le système de circulation, notamment l’accessibilité du marché de gros afin d’éviter que les camions (15 000 par jour selon ses comptes) ne circulent dans les rues résidentielles. En l'espace d'une vingtaine d’années, la coalition a mis en œuvre plusieurs stratégies, allant de l’activisme classique (occupation de l’espace médiatique par des opérations chocs) à une action constructive de community planning, visant à établir une contre-proprosition sérieuse et aussi précise que possible.
Les différentes stratégies mises en œuvre par la coalition d'organisations communautaires (SRBWA) pour obtenir le démantèlement du Sheridan Expressway
Conception et réalisation : A. Delage, 2015 |
Les propositions issues des ateliers participatifs, intitulées "Community Visions", reflètent une vision large du développement durable, prenant en compte des éléments aussi bien environnementaux, économiques que sociaux. La destruction de l’autoroute permettrait non seulement d’améliorer les mobilités douces, mais aussi de construire des logements abordables dans ce quartier défavorisé, et des commerces adaptés aux besoins de la communauté. Le démantèlement de l’autoroute serait pourvoyeur d’emplois faiblement qualifiés, permettant de puiser dans le bassin d’emploi local. Ainsi, ce projet de renouvellement urbain améliorerait le cadre de vie des habitants tout en assurant les conditions du maintien sur place des populations résidant dans le quartier, et non leur éviction au profit de ménages plus aisés, potentiellement attirés par un quartier rénové mais dont les prix de l’immobilier n’auraient pas encore atteint les prix des secteurs plus cotés de New York.
Ces "Community Visions" datant de 2006 sont en partie reprises par les conclusions de l’étude menée par la Ville de New York en 2011-2013 et financée sur fonds fédéraux [36]. Néanmoins, cette étude préconise la démolition non pas totale mais seulement partielle du Sheridan Expressway : à défaut de consensus sur le sujet, la « boulevardisation » (apaisement des circulations automobiles) d’une partie de l’autoroute a été retenue comme compromis [37]. Mais l’absence de portage politique est un frein majeur à la mise en œuvre de tout changement. En l’état actuel des choses, il semble donc que la logique régionale (et d’accessibilité) prévaut sur la logique locale (qualité de vie des riverains). Du point de vue du fonctionnement du territoire métropolitain, ce sont des logiques inter-urbaines qui l’emportent sur des intérêts intra-métropolitains.
Cette stratégie des petits pas adoptée par la coalition afin de gagner l’appui des acteurs un à un montre combien leur action est un travail de longue haleine qui demande patience et persévérance face à une dilution temporelle (et actorielle) de la décision. Ces organisations communautaires n’en restent pas moins un acteur interface entre les usagers et les décideurs, nécessaire à la remontée des aspirations de communautés peu prises en compte. Le débat sur l’autoroute a donc permis de cristalliser un certain nombre de revendications qui dépassent la seule infrastructure routière, et de mobiliser les acteurs autour d’un problème dans un quartier traditionnellement délaissé de l’action publique et en dehors des logiques de marché. En ce sens, l’autoroute est instrumentalisée par la coalition pour attirer l’attention sur le Sud Bronx, bien moins attractif que les waterfronts en cours de gentrification à Brooklyn (Williamsburg), dans le Queens (Long Island City), à Manhattan (Hudson Yards), trois secteurs cotés de New York surnommés la "Golden Coast" en raison de leur fort potentiel immobilier avec vue sur la skyline de Manhattan ou du New Jersey.
Conclusion : « New York, ce n’est pas les États-Unis »
Alors que le Bronx représente dans bien des esprits la quintessence du ghetto, il n’en présente plus les caractéristiques d’abandon extrême, à la différence des villes de la Rust Belt. Certes, la crise urbaine y a été sans précédent dans les années 1970, mais la résilience des communautés, souvent mobilisées par des personnalités charismatiques ayant su fédérer les habitants mais aussi lever des fonds pour mener à bien leur action, a apporté de nettes améliorations grâce à une action de longue haleine et multi-cibles.
L’image de ghetto colle pourtant au Bronx, qui essaye à grand peine de s’en défaire, comme en témoigne la controverse de l’automne 2013 au sujet d’une œuvre de l’artiste de rue Banksy. Lors de son séjour à New York, le Londonien a apposé un graffiti "Ghetto 4 life" sur un mur du Bronx [38]. Cela a rapidement provoqué une réaction officielle et indignée de la part du président du borough, regrettant que l’artiste « fasse commerce de clichés éculés », « mettant à mal [les] efforts pour donner une nouvelle image du Bronx » [39].
Surtout, le Bronx doit gérer aujourd’hui un double héritage : celui de la concentration spatiale de populations en difficultés, et celui de la ville moderne, construite par et pour l’automobile au cours du XXe siècle. Nul doute que le Bronx bénéficie de l’environnement dynamique de New York City, où la croissance démographique et les contraintes du marché immobilier contribuent à juguler l’abandon de secteurs entiers. Néanmoins, les organisations communautaires sont face au dilemme suivant : comment améliorer la qualité du cadre de vie de quartiers dégradés, en luttant particulièrement contre les infrastructures porteuses de nuisances, sans que cela n’entraîne des modifications sociales du quartier (hausse des loyers et éviction des populations locales) ? Autrement dit, comment, dans ce contexte de la ville néolibérale, éviter la gentrification du quartier qui risquerait de déposséder la population locale de la valeur urbaine qu’elle a créée (Angotti, 2008) [40] ? Quant aux équipements indésirables mais nécessaires au fonctionnement de la métropole, où les localiser si ce n’est dans des espaces à faible capacité de résistance de type NIMBY ? Le Bronx, « dernière limite de la gentrification à New York » [41] ? On ne saurait l’avancer, mais force est de constater que le phénomène fait l’objet de citations de plus en plus fréquentes dans les médias [42], à défaut d’avoir été quantifié et qualifié précisément par les chercheurs.
Notes
[1] Consulter sur You Tube la vidéo de la chanson
[6] Pour en savoir plus sur les ghettos noirs des métropoles américaines, voir dans ce dossier l'article de David Giband, « La fin des ghettos noirs ? Politiques de peuplement et recompositions socio-ethniques des métropoles américaines », Géoconfluences, 2015.
[8] “The Bronx became the poster child of the depressed metropolis”.
[12] Introduction du reportage de CBS par le journaliste Bill Moyers, « The Fire Next Door » sur You Tube.
[14] Voir sur la politique de « rétrécissement planifié » (planned shrinkage), l'article de Florence Nussbaum, « Quartiers fantômes et propriétaires invisibles. Les propriétés abandonnées, symptômes de la crise des villes américaines.», Géoconfluences, 2015.
[15] Voir, par exemple, l'article d’un quotidien new-yorkais : "Why the Bronx burned", New York Post, 16 mai 2010. Cette expression a donné son titre à un ouvrage (Johnathan Mahler, 2006) et à une mini-série retraçant de façon entrecroisée l’histoire politique de New York et du baseball (mini-série de 8 épisodes diffusée sur ESPN, 2007).
[16] Littéralement : usage du sol indésirable localement.
[20] L’autre secteur connaissant une densité particulièrement importante de stations de transfert des déchets se situe au nord de Brooklyn, loin du waterfront en cours de gentrification. Voir la carte de l'ONG Habitatmap, Barge NYC Garbage, en .pdf
[21] Source : ONG Habitatmap, Barge NYC Garbage, en .pdf
[25] La notion d’"urbicide" désigne « les violences qui visent la destruction d'une ville non en tant qu'objectif stratégique, mais en tant qu'objectif identitaire, "comme si la ville était l'ennemi parce qu'elle permettait la cohabitation de populations différentes et valorisait le cosmopolitisme" (François Chaslin, 1997, Une haine monumentale. Essai sur la destruction des villes en ex-Yougoslavie, Paris, Descartes & Cie) ». Source : B. Tratjnek, "La notion d'urbicide : exemples en ex-Yougoslavie", blog Géographie de la ville en guerre, 2008. Le terme a été forgé dans les années 1960 par un auteur de science-fiction (M. Moorcock, 1963), et utilisé à propos du Bronx quelques décennies plus tard (A. L. Huxtable, puis M. Berman, 1987).
[26] Littéralement, les mouvements « de la base », c’est-à-dire issus du peuple.
[27] Voir le rôle des CDCs sur le site Community-wealth.org
[29] Ou « MBD Community Housing Corporation ». Ce nom a dans un premier temps été refusé par les autorités d’enregistrement, croyant qu’il s’agissait d’un gang. Les MBD ont obtenu des financements conséquents et prestigieux, par exemple de la fondation Ford. En 25 ans, ils ont construit ou réhabilité plus de 2300 logements. Voir le site MBD.
[30] Source : “The greatest real estate turnaround ever”, CNN rubrique Money, 25 novembre 2009.
[31] Source : “The greatest real estate turnaround ever”, CNN rubrique Money, 25 novembre 2009.
[32] Voir les 17 principes de justice environnementale sur le site des mouvements de justice environnementale.
[33] Voir le site de la New York City Environmental Justice Alliance (NYC-EJA).
[34] « Ne quittez pas le quartier : améliorez-le ! » : slogan des organisations communautaires.
[35] Littéralement « L’alliance du bassin versant sud de la rivière Bronx ». Coalition de sept organisations communautaires, cinq d’assise locale (quelques blocks) et deux spécialisées dans les transports et l’urbanisme, qui mènent des actions à l’échelle de la ville. La légitimité de cette coalition est donc double : un ancrage fort dans les quartiers et une expertise technique reconnue. Voir le site de la SBRWA.
[36] Le rapport final de cette étude : Sheridan-Hunts Point Land Use and Transportation Study, sur le site du Département City Planning de la Ville de New York.
[37] Les acteurs économiques, notamment les représentants du marché de gros, important employeur local, opposés à tout démantèlement, auraient pesé de tout leur poids dans l’analyse des divers scénarios envisageables (maintien total / maintien partiel / démantèlement). Pour une présentation détaillée des scénarios et de la chronologie des faits, voir Paul Lecroart, 2014, La ville après l’autoroute. Étude de cas : New York Sheridan Expressway, Institut d’Aménagement et d’Urbanisme d’Île-de-France, 53 p.
[38] Voir sur l'observatoire photographique des mutations urbaines, CityStreats, des images de ce graffiti et de son recouvrement.
[39] Source : "Banksy's 'Ghetto 4 Life' Work Upsets Bronx Residents", Gothamist, 22 octobre 2013.
[41] Voir par exemple "It's high time to talk about the anticipated gentrification of the South Bronx", New York Daily News, 4 décembre 2013.
[42] Il commence à être documenté photographiquement : Michael Kamber, "Bracing for Gentrification in the South Bronx", Lens, New York Times, 2 octobre 2015.
Ce travail a été réalisé dans le cadre d'un séjour de recherche post-doctorale de 9 mois à New York (2013-2014), grâce au financement de la bourse franco-américaine Fulbright, et de la bourse Palladio, faisant partie de la Fondation de France.
Pour compléter :
Ressources bibliographiques
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- BACQUÉ M.-H., BIEWENER C. (2015), L’Empowerment, une pratique émancipatrice ?, La Découverte Poche, Paris, 160 p.
- BALLON H., JACKSON K.T. (ed.), 2007, Robert Moses and the Modern City. The transformation of New York. W.W. Norton and Company, NY and London, 336 p.
- BERMAN M., 1987, “Among The Ruins”, New Internationalist, issue 178.
- BLANCHON D., MOREAU S., VEYRET Y. (2009), « Comprendre et construire la justice environnementale », Annales de Géographie 2009/1 n°665-666, p. 35-60.
- CARO R., 1974, The Powerbroker. Robert Moses and the Fall of New York, Vintage, 1344 p.
- Collectif (2014), Les métamorphoses de l’autoroute urbaine, Coédition Gallimard / FNAU, Collection Points FNAU – Alternatives (n°1), Paris, 143 p.
- FLORIDA R., 2002, The Rise of the Creative Class, New York, Basic Books, 389 p.
- GONZALEZ E. (2004), The Bronx, Columbia University Press, New York, 264 p.
- GREENBERG M. (2008), Branding New York. How a City in Crisis was sold to the World, Routledge, 344 p.
- HACKWORTH J. (2006), The Neoliberal City. Governance, Ideology, and Development in American Urbanism, Cornell University Press, 248 p.
- JACOBS J., 1961, Death and Life of Great American Cities, Vintage, New York, 458 p.
- JONNES J. (2002), South Bronx Rising: The Rise, Fall, and Resurrection of an American City, Fordham University Press, New York, 481 p.
- LECROART P. (2014), La ville après l’autoroute. Étude de cas : New York Sheridan Expressway, Institut d’Aménagement et d’Urbanisme d’Île-de-France, 53 p.
- LE GOIX R., 2013, Atlas de New York, Editions Autrement, Paris, 96 p.
- MOLLENKOPF J.H., CASTELLS M. (ed.), 1991, Dual City. Restructuring New York, Russell Sage Foundation, 492 p.
- REICHL A.J., 2007, “Rethinking the Dual City”, Urban Affairs Review, Volume 42, number 5, May 2007, pp. 659-687.
- ROCK H. B. and DASH MOORE D. (2001), A History of New York in Images. Cityscapes, Columbia University Press, New York, 444 p.
- SANJEK, R. 1998. The Future of Us All : Race and Neighborhood Politics in New York City, Ithaca : Cornell University Press, 400 p.
- SASSEN S., 1991, The Global City. New York, London, Tokyo, Princeton University Press, 480 p.
- SZE J., 2007, Noxious New York. The racial politics of urban health and environmental injustice, The MIT Press, Cambridge, Massachussetts, 282 p.
- WALLACE R., WALLACE D., 1998, A Plague on Your Houses: How New York Was Burned Down and National Public Health Crumbled, Verso, New York City, 222 p.
Ressources webographiques
Sur le Bronx des années 1970 :
- New York Times, "When Presidents Visited the South Bronx", 5 octobre 2007, sur les visites présidentielles à Charlotte Street, avec des liens vers d’autres articles sur le sujet dans ce journal.
- CNN, rubrique Money, Diaporama de Charlotte Street dans les années 1970 et de Charlotte Gardens en 2009.
- Duke University Libraries, "In the South Bronx of America", reportage de la photographe Mel Rosenthal, née dans le Bronx. La série comprend également une photo des décalcomanies qui ont été apposées sur les bâtiments abandonnés le long du Cross-Bronx Expressway au début des années 1980 afin de ne pas effrayer les usagers de l’autoroute.
- Portfolio de l’artiste John Fekner qui fit d’immenses pochoirs sur les bâtiments en ruines de Charlotte Street en 1980 :
- Decade of Fire, film documentaire de Vivian Vazquez, Gretchen Hildebran et Julia Steele Allen, en cours de réalisation. Le site du film et la bande-annonce, 2011.
Sur l’action des organisations communautaires
- Le récit de Genevieve Brown sur l’action des Mid-Bronx Desperados, notamment sur l’histoire de Charlotte Gardens. Vidéo, 4'12.
- Le récit du renouveau urbain de Majora Carter. TED Talk Vidéo, 2006, 18'36, sous-titres disponibles en français.
- Pratt Center, la page consacrée au projet Sheridan Expressway
- NYC-EJA (New York City Environmental Justice Alliance), mouvement de justice environnementale.
- La SBRWA (Southern Bronx River Watershed Alliance), coalition de sept organisations communautaires du Sud Bronx.
Sur la politique urbaine de la Ville de New York
- Le Bronx sur le site du Département City Planning de la Ville de New York.
En complément sur les mutations des ghettos noirs des villes américaines, dans ce dossier de Géoconflluences, voir les articles de :
- Florence Nussbaum, « Quartiers fantômes et propriétaires invisibles. Les propriétés abandonnées, symptômes de la crise des villes américaines », 2015.
- David Giband, « La fin des ghettos noirs ? Politiques de peuplement et recompositions socio-ethniques des métropoles américaines », 2015.
et sur le site expert ENS/DGESCO La Clef des Langues, "The black community in New York, past and present", un entretien avec Alondra Nelson, professeur of sociologie à l'Université de Columbia, 2012, 13' (en anglais).
Aurélie DELAGE,
Maître de conférences en aménagement et urbanisme,
université de Perpignan Via Domitia / UMR 5281 Art-Dev
Conception et réalisation de la page web : Marie-Christine Doceul,
pour Géoconfluences, le 15 janvier 2016.
Pour citer cet article :
Aurélie Delage, « Le Bronx, des flammes aux fleurs : combattre les inégalités socio-spatiales et environnementales au cœur de la ville globale ? », Géoconfluences, janvier 2016.
https://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-regionaux/etats-unis-espaces-de-la-puissance-espaces-en-crises/articles-scientifiques/le-bronx-des-flammes-aux-fleurs