Colonialisme
Le colonialisme est une doctrine politique qui justifie la colonisation et « prône l'exploitation par la métropole [de territoires] qu'elle a pris en charge à son seul profit ou au profit unique des éléments métropolitains installés sur ces territoires » (CNRTL). Le terme est né en Europe au XIXe siècle, mais la doctrine existait déjà à l’époque moderne : en effet, les traites africaines des XVIIe et XVIIIe siècles correspondent bien à cette doctrine (Ferro, 2003). Le colonialisme est donc, dès ses origines, à la fois une doctrine politique (un souci de « grandeur coloniale », la volonté d’être une puissance mondiale…), une doctrine économique, mais aussi démographique, dans le sens où elle suppose l’établissement de populations métropolitaines, les colons, outre-mer, ou outre-terre dans le cas du colonialisme russe en Extrême-Orient.
Les mécanismes économiques du système colonial sont bien connus : les colonies devaient fournir des matières premières aux métropoles qui, en retour, y déversaient, à l'abri de barrières douanières, les surplus de leur production manufacturière. Sur le plan humain et politique, le colonialisme reposait sur un racisme institutionnalisé selon lequel l'humanité serait divisée en groupes de valeur inégale, et ce même dans les colonies des régions arctiques (Groenland danois, Sibérie russe).
Si cette doctrine n’existe quasiment plus dans sa version initiale, les termes colonialisme ou colonialiste ont servi, dès les années 1960, de repoussoir aux intellectuels des pays nouvellement décolonisés pour critiquer le maintien d’une domination économique de la part des grandes puissances, voire l’ingérence de celles-ci dans leurs affaires intérieures. Le terme de néocolonialisme (nouveau colonialisme) fut ainsi employé pour la première fois en 1965 par le leader ghanéen Kwame Nkrumah. L’idée d’une Françafrique relève de cette même dénonciation d’une poursuite d’une ingérence française en Afrique de l’Ouest malgré la décolonisation. Le colonialisme vert, identifié notamment dans les travaux de l’historien Guillaume Blanc, traduit la façon dont les rapports de force coloniaux perdurent dans les dispositifs de protection de l’environnement.
De nos jours, les séquelles du colonialisme sont nombreuses et marquent encore profondément les sociétés et les économies des territoires ayant connu la colonisation : sociétés africaines, asiatiques mais aussi sociétés des Pays et territoires d’outre-mer : ainsi, par exemple, les départements de Guadeloupe ou de Martinique furent longtemps qualifiées de « vieilles colonies », expression montrant par-là l’ancienneté de leur colonisation. Et de nos jours, les mouvements indépendantistes antillais dénoncent souvent « le colonialisme de l’État français ».
L’Afrique est incontestablement le continent ayant le plus souffert du colonialisme, à la fois par le prélèvement démographique lié à la traite des esclaves à l’époque moderne puis au dépeçage du continent au XIXe siècle par les grandes puissances européennes, et à l’exploitation impitoyable de la main d’œuvre sur place (chemin de fer Congo-Océan). La citation du romancier ivoirien Ahmadou Kourouma (2000) est par exemple signifiante de l’importance de cet héritage : « En France, les quatre années de l'occupation allemande sont encore très présentes dans les mémoires. Nous, nous avons subi un siècle de colonisation et le silence pèse encore ». Cette quête de mémoire pèse encore, et est un enjeu dans les relations internationales. On peut y voir les racines de certaines situations de violence à travers le continent. De nos jours, l'économie africaine hérite encore pour une large part de ce système caractérisé par la dépendance vis-à-vis des capitaux, des technologies, des marchés extérieurs. Ses taux de dépendance envers l’exportation de produits primaires sont très élevés. Ces schémas n’ont pas fondamentalement changé et ils entretiennent frustration et rancœur.
De nos jours, le développement des études postcoloniales, écrites en réaction à l’héritage culturel lié à la colonisation, a contribué à modifier l’angle d’approche des études portant sur le colonialisme. Longtemps envisagé comme un rapport entre des espaces (relation de domination d'un État sur un autre), le colonialisme est aujourd'hui de plus en plus considéré sous l'angle des rapports entre les individus entre eux à l'intérieur d'une société. Le « colonisé », aujourd'hui, ne serait plus l'habitant d'une colonie, mais la personne assignée à une position dominée en raison de son appartenance ethnique, raciale ou religieuse.
(ST), 2004. Modifié en octobre 2016, juin 2020, réécrit (SB et CB) en mai 2025.
Références citées
- Blanc Guillaume (2020), L’invention du colonialisme vert. Pour en finir avec le mythe de l’Eden africain. Flammarion, 2020.
- Ferro Marc (dir., 2003). Le livre noir du colonialisme. Robert Laffont.
- Kourouma Ahmadou (2000) Allah n’est pas obligé. Le Seuil.
Pour compléter avec Géoconfluences
- Louis Le Douarin, « Carte à la une. Déconstruire un récit impérial : le mythe Sykes-Picot », Géoconfluences, mai 2024.
- Vincent Capdepuy, « Le Sud global, un nouvel acteur de la géopolitique mondiale ? », Géoconfluences, septembre 2023.
- Jean Rieucau, « Noms de rue et mémoires en conflit : controverses liées aux odonymes coloniaux dans l’espace public urbain en France », Géoconfluences, novembre 2022.
- Andréa Poiret, « La politique de « danisation » des populations locales groenlandaises et ses effets à travers la mémoire des habitants d’Ilulissat », Géoconfluences, janvier 2021.
- Alain Gascon, « L'Afrique orientale : des civilisations de l’hinterland face à la maritimisation », Géoconfluences, janvier 2017.