Dynamiques démographiques et développement

La dynamique des populations est une des thématiques classiques de la prospective démographique. De nos jours, les thèmes de la dénatalité et du vieillissement des populations s’imposent peu à peu, y compris dans les pays émergents. Mais ces questions ont longtemps été occultées par les démographes : la première alerte internationale sur le vieillissement de la population mondiale ne date que de 2002 (rapport de l’Assemblée des Nations-Unies sur le vieillissement de la population mondiale).

C’est au contraire, la forte augmentation de la population mondiale depuis les années 1970 qui a été au cœur des préoccupations des démographes. On oppose classiquement les thèses dites néo-malthusiennes, pour qui l’augmentation de la population est porteuse de dangers, à des théories inverses pour qui la croissance démographique exerce une pression créatrice sur son environnement (« effet Boserup »).

Ce débat a eu un fort écho à la fin du XX^e siècle avec le succès des thèses néo-malthusiennes prônant une accélération de la transition démographique dans les pays en développement et le contrôle strict des naissances. Elles ont été relayées par la médiatisation mondiale de la thèse erronée de la « bombe P », défendue par le biologiste et démographe américain Paul Erhlich (1968) : selon lui, du fait de l’augmentation générale de la population et donc de la présence d’une surpopulation mondiale, une famine massive aurait lieu avant la fin du XX^e siècle.

Les thèses malthusiennes ont également trouvé un écho dans de nombreux pays du fait de la prise en compte du développement durable. Les sociétés sont productrices de richesses mais elles sont aussi à l'origine de pollutions et peuvent provoquer l'épuisement des ressources lorsqu'elles ne sont pas renouvelables. Les dynamiques de peuplement ou de dépeuplement pèsent sur l'aménagement des territoires et questionnent sa durabilité. Comment faire face à l'abandon des rizières, des terrasses, aux défauts d'entretien des digues et des forêts dans certains espaces ruraux ? Inversement, comment accueillir dans des conditions viables et vivables les populations concentrées au sein des grandes métropoles ?

On pourrait vouloir estimer, à conditions techniques, économiques et culturelles constantes, un « optimum de peuplement », terme souvent utilisé par les biologistes pour caractériser la capacité de charge d’un milieu . Il tiendrait compte de l'état des techniques et des équipements, du volume des ressources utilisables, des possibilités des échanges avec l'objectif d'aboutir à un état d'équilibre idéal entre une population et son territoire (théories malthusiennes). Au nom du développement durable, tout particulièrement soucieux d'économies d'énergie, certains seraient tentés de renouer avec des théories néo-malthusiennes prônant une « croissance zéro », voire une décroissance généralisée.

Si, à l’échelle mondiale, la perspective d’une humanité à 10 milliards de personnes incite fortement à remettre en question le partage actuel des richesses et des ressources, localement, la pression démographique n'a pas que des effets négatifs : elle entraîne aussi la recherche de solutions innovantes. Ainsi, la croissance démographique joue un rôle moteur dans le changement des techniques et exerce une pression créatrice sur son environnement. La sociologue danoise Ester Boserup (1910-1999) avait montré dans ses travaux sur l’île de Java que c’est bien la pression démographique qui a permis l’amélioration des techniques culturales et l’augmentation des rendements agricoles (« effet Boserup »). Ces théories ont connu un certain succès en géographie, notamment grâce aux travaux de François Durand-Dastès qui a montré les caractère vertueux des fortes densités asiatiques (« boucle des fortes densités » ou « boucle du riz »).

(ST) juillet 2009, dernière modification (SB et CB) janvier 2025.

Références citées

• Durand-Dastès François (2015). Les hautes densités démographiques de l’Inde. Géoconfluences, mars 2015
• Ehrlich Paul. The population bomb. Ballantine Books. 1968
• Nations Unies (2002), World population ageing, 1950-2050, New York, United Nations, 483 p.

Pour compléter avec Géoconfluences

• 50 ans après Ehrlich et « La Bombe P », faut-il (re)lire Malthus et les malthusiens ? brève de novembre 2018