Évènement
Un évènement est d’abord un fait, une manifestation qui se produit, qui a lieu. Il peut être hiérarchisé du banal à l’exceptionnel, selon l’importance qu’il revêt. Plus l’évènement est rare ou attendu, plus il prend une dimension spéciale (le « méga-évènement », Vo Thanh et al., 2014), que ce soit positivement (les Jeux olympiques, un concert, une exposition, une grande manifestation, type marche des fiertés ou environnementale) ou négativement (une catastrophe naturelle, un attentat). « L’évènement géographique », dans la définition proposée par Jacques Lévy (2007) à propos de la mondialisation, est « un événement historique qui porte sur l’espace, ici l’émergence d’un espace pertinent d’échelle mondiale ».
L’évènement culturel permet de mobiliser la géographie par les rapports qui se tissent entre un acte qui s’inscrit dans des temporalités et des espaces dans lesquels il se produit. L’approche géographique, plus exactement territoriale, se pose sur les espaces et les acteurs. Les espaces peuvent y être vus à différentes échelles et diversement. Ils sont d’abord le support matériel de l’évènement, en tant que lieu d’accueil, aménagés pour l'occasion, dans une perspective opérationnelle immédiate (pour que l'évènement puisse se produire). Le lieu choisi et aménagé est aussi étudié du côté des choix politiques et sociaux qu’il révèle, ce qui n’est pas neutre dans le cadre d’une politique d’aménagement (transformation d’anciennes friches industrielles – stade de France pour la coupe du monde 1998 –, revitalisation de quartiers périphériques comme Stratford pour les jeux olympiques de Londres 2012, mise en avant de lieux symboliques, comme les chantiers navals de Gdansk pour l’anniversaire de Solidarność avec le concert évènement de David Gilmour en 2006).
Étudier l’espace évènementiel permet de mettre en évidence le jeu des acteurs : les organisateurs (Cojo, festival, Exposition universelle), les protagonistes directs de l’évènement (sportifs, artistes), les spectateurs (qui se déplacent pour y assister, à l’instar des « Swifties », ces fans dont les mobilités ont été mises en avant lors du passage en France de la tournée mondiale de Taylor Swift en 2024), les riverains directement affectés pendant les travaux d’aménagement, pendant l’évènement en lui-même (mobilités, accès limités) et parfois postérieurement en profitant au quotidien des équipements créés (lignes et stations de transport, piscine, logements) ou du prestige du lieu, voire de ses vestiges (installations olympiques hivernales laissées à l’abandon, par exemple). L’évènement peut aussi être porteur de conflits d’acteurs et d’usages (les fêtes techno et leur appropriation sauvage de l’espace, les nuisances liées aux déplacements de supporteurs...)
Même s’il n’y est pas toujours directement lié, l’évènement en géographie est à rapprocher des effets territoriaux des grands équipements culturels, notamment à travers la recherche d’un effet Bilbao, puisqu’il met en lumière des espaces à différentes échelles. Ce peut être celui de l’équipement (le grand musée, le lieu d’exposition) ou de l’évènement en lui-même, le quartier dans lequel il est installé ou se produit (ainsi les fronts d’eau dans le cas des « festivals market place »), la métropole (jeux olympiques, exposition universelle) ou la ville moyenne (telles Clisson pour le Hellfest, Carhaix-Plouguer pour les Vieilles Charrues) qui l’hébergent. La production culturelle joue alors un rôle dans « l’émergence des lieux » (Gravari-Barbas et Violier, 2003). Le marketing territorial en assure la pérennité, voire le transforme en haut-lieu (Woodstock ou l’île de Wight associées au mouvement du rock hippie, les circuits de Monaco, du Mans ou d’Indianapolis pour le sport automobile, le palais des festivals de Cannes, les lieux de tournage du Seigneur des Anneaux en Nouvelle Zélande ou de Game of Thrones en Europe). À d’autres échelles, c’est une région ou un État qui peuvent profiter de cet effet, notamment grâce à une forme de qualification certificative dans leur capacité à organiser ou recevoir un très grand évènement (Euro 2012 en Pologne et Ukraine, coupe du monde de football au Qatar en 2022, exposition universelle de Doubaï de 2021-2022, méga-concerts réguliers de Rio et leurs centaines de milliers de spectateurs).
La géographie, par le truchement d’une « conscience nouvelle de qu’est la culture et de ce que sont les processus culturels » (Claval, 2001) peut s’emparer de l’évènement comme un objet qu’elle étudie. L’approche culturelle a alors deux angles : l’étude des pratiques culturelles (dont l’évènement peut être un exemple : le festival est autant un évènement culturel qu’une pratique spatiale pour les festivaliers), celle des espaces culturels (musées, opéras, stades) ou celle des territorialités qui naissent des phénomènes culturels (recomposition spatiales, conflits d’acteurs…).
(MC), août 2024.
Références citées
- Augustin Jean-Pierre, Géographie du sport. Spatialités contemporaines et mondialisation. Armand Colin, 2007.
- Claval Paul (2001), « L’approche culturelle : ouvertures et pistes nouvelles », Géographie et cultures, 40 | 2001.
- Gravari-Barbas Maria et Violier Philippe (dir., 2003), Lieux de culture, culture des lieux. Production(s) culturelle(s) locale(s) et émergence des lieux : dynamiques, acteurs, enjeux. Presses universitaires de Rennes, 2003.
- Lévy Jacques (2007), « La mondialisation : Un événement géographique », L'information géographique - vol. 71 (2/2007), p. 6-31, Armand Colin.
- Vo Thanh Tan, Kirova Valentina et Daréous Roxane (2014), « L’organisation d’un méga-événement sportif et l’image touristique de la ville hôte », Téoros, 33, 1 | 2014.
Pour compléter avec Géoconfluences
- Stéphane Merle, « Les Jeux olympiques de Paris 2024 et leurs effets territoriaux », Géoconfluences, juillet 2024.
- Nicolas Lebrun, « Regard géographique. Les liens entre la fonction marchande et la valorisation patrimoniale : au-delà du tourisme », Géoconfluences, février 2024.
- Ninon Briot, « Mettre en scène l’appartenance à l’UE : la Semaine européenne des régions et des villes », Géoconfluences, septembre 2020.
- Boris Grésillon, « Marseille-Provence 2013, analyse multiscalaire d’une capitale européenne de la culture », Géoconfluences, novembre 2013.