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Folklore, folklorisation

Publié le 02/02/2024
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Si l’usage du terme folklore est courant et anciennement mobilisé, dans le sens de mise en scène des traditions d’un groupe culturel, celui de folklorisation est plus récent. Émanant des sciences sociales et humaines (anthropologie, ethnologie, voire sociologie), la folklorisation peut être définie comme un processus de sélection des particularités culturelles considérées comme les plus authentiques, dans le but de les promouvoir, notamment pour une mise en valeur touristique ou une affirmation identitaire. Elle questionne ainsi le rapport des sociétés à l’altérité et à l’authenticité, par l’intermédiaire de leurs pratiques culturelles.

À l’instar de la disneylandisation, de la muséification ou de la cartepostalisation, la folklorisation peut être mobilisée par la géographie, notamment touristique et culturelle. Elle peut compléter le questionnement sur les relations entre le tourisme et les fondements culturels de ses pratiques.

La géographie classique et culturelle avait déjà mobilisé le folklore, notamment dans le cadre de recensions venant compléter une approche régionaliste exhaustive (voir Marthelot, 1948 ou Blache, 1959). À l’époque, il s’agissait de considérer les traditions et leur histoire comme des éléments constitutifs des espaces étudiés. Marius Barbeau (1959), ethnologue et folkloriste canadien, définissait le folklore comme l’ensemble des « traditions orales des indigènes d'un pays autant [que] celles de ses habitants d'origine européenne ». Le folklore a d’abord été une pratique de « loisirs socialement convenables » (les danses folkloriques, par exemple). Il est ensuite devenu un enjeu de mémoire par la muséification des « arts et traditions populaires » ou des « écomusées », par exemple, voire par la patrimonialisation immatérielle de l’UNESCO (tel le Canto a tenore, chant pastoral sarde) à une époque de profondes transformations des sociétés développées (Montagnat, 2019).

La folklorisation, comme tous les processus de patrimonialisation, pose la question de la sélection (qu’est-ce qui fait partie du folklore ou non), et elle pose encore plus vivement la question des acteurs (qui décide ce qui en fait partie). Elle est certes porteuse d’activités économiques et inscrit certains territoires dans la mondialisation touristique (comme l’Indonésie, lire Altamirano, 2016), protégeant certaines traditions locales autant qu’elle accroît les inégalités entre ceux qui en profitent et les autres qui sont délaissés. En sélectionnant les éléments les plus notables, les plus visibles ou spectaculaires des particularismes culturels, le folklorisation reviendrait aussi à n’en garder que certaines, à favoriser certains territoires et acteurs et concourrait ainsi à appauvrir les pratiques sociales ou culturelles par une uniformisation des représentations de l’authenticité. L’exacerbation de traditions anciennes vient, en outre, remettre en cause leur authenticité, telle la région de Mai Châu au Vietnam. « Les effets négatifs sont nombreux : perte des traditions culturelles au profit de la modernité, développement excessif du tourisme au détriment de l’agriculture, paysage dénaturé à cause des constructions bétonnées » (Van Thai, 2017).

Au-delà de l’activité touristique, la folklorisation relève de choix identitaires et politiques. Ce peut être ainsi une pratique d’assise du pouvoir ou de sa contestation par l’émergence d’un contre-pouvoir, comme chez les minorités chinoises (Grillot, 2001) ou de revendications dans le cadre d’une construction identitaire territorialisée, comme dans l’exemple de la jota, danse, chant et musique traditionnels en Espagne (Guiu, 2006).

La folklorisation s’inscrit donc dans le « paradigme d’un individu mondialisé en quête des sens » (Vincent Basset à propos du néo-chamanisme, 2013) : les rapports qu’établissent les sociétés à l’authenticité et l’altérité dans un monde dans lequel les échanges sont facilités et les territoires de plus en plus spécialisés.

(MC) juin 2023


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