Les territoires ultramarins des États-Unis au cœur de la première ZEE mondiale
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Les États-Unis sont nés en se libérant, au XVIIIe siècle, du joug colonial de la Grande-Bretagne, et ils ont ensuite toujours appuyé les luttes d’autres colonies, jusqu’à la vague d’indépendances des années 1960. Et même au-delà puisque, selon eux, les habitants des « confettis d’Empire » que les pays européens avaient gardé ici et là devraient pouvoir être libérés, eux aussi, de cette tutelle héritée d’un passé honteux.
Cette position de donneur de leçons est toutefois affaiblie par le fait que les États-Unis eux mêmes possèdent encore une quinzaine de territoires d’outre-mer, situés dans les Antilles et l'océan Pacifique, qui bien qu’ils ne soient pas formellement des colonies n’en sont pas moins sous leur contrôle total, et qu’ils ne semblent pas vouloir les « libérer » de sitôt, notamment parce que c’est en partie à ces territoires qu’ils doivent d’avoir la plus grande zone économique exclusive (ZEE) mondiale.
Si certains sont connus, comme Porto Rico, ou l’ont été lors d’épisodes historiques comme de grandes batailles de la Seconde Guerre mondiale (Midway, Guam, Saipan) d’autres le sont beaucoup moins, comme les îles Howland et Baker, l’atoll de Palmyre ou le récif Kingman. Alors que les mers et les océans sont au cœur de la mondialisation et un levier majeur des dynamiques et des rivalités de puissances, les US Territories demeurent un atout capital de la puissance étatsunienne, de la transformation du Pacifique en « lac américain ». Il nous a donc paru intéressant de les présenter.
Après un rapide cadrage cartographique et statistique, on commencera par repérer les traits communs qu’ils ont hérité de quelques épisodes clés et s’interroger sur leur avenir, à la fois sur leur – peu probable – future décolonisation et sur l’importance géopolitique de ces îles dans un monde de plus en plus maritimisé, comme l’illustrent, par exemple, les tensions actuelles en mer de Chine. On pourra ensuite parcourir une par une ces possessions ultramarines des États-Unis, en indiquer les caractéristiques principales et montrer comment elles sont entrées dans leur patrimoine, dans une perspective géopolitique.
Sans prétention ni à l’exhaustivité ni à l’originalité, ce texte vise donc seulement à mettre en lumière ces lieux dont on parle peu, en mettant en forme et à la disposition des lecteurs des informations tirées de sources publiques et des images extraites d’OpenStreetMap, de Google Earth ou fournies par le CNES dans le cadre du partenariat entre Géoconfluences et GéoImages.
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1. Un état des lieux
Cette partie vise à comprendre ce qui différencie légalement un territoire des États-Unis des cinquante États fédérés, ainsi qu’à identifier les grands points communs de ces territoires dans leurs trajectoires.
1.1. Plusieurs statuts juridiques
Juridiquement, « aux États-Unis, un territoire est toute étendue de région sous la juridiction souveraine du gouvernement fédéral des États-Unis » (Hurd, 1968, p. 438-439). Dans ces espaces, « les États-Unis revendiquent des droits souverains pour explorer, exploiter, conserver et gérer leur territoire » (Smith, 1986, p. 467).
Ces « territoires » des États-Unis ne sont jamais qualifiés de « colonies » et de fait ne l’ont juridiquement jamais été. À l’origine le terme désignait des espaces contigus à l’Union mais dont la population n’était pas encore suffisante pour se doter d’institutions lui permettant de devenir un État. Ils diffèrent des États américains et des nations amérindiennes en ce qu'ils ne sont pas des entités souveraines (officiellement, pour ces dernières).
Les territoires actuels sont donc des entités géographiques et politiques qui ne dépendent d'aucun des cinquante États et peuvent avoir l'un, l'autre ou une combinaison de trois statuts :
- « Incorporés », placés sous la souveraineté américaine de façon inamovible et où s’applique l’ensemble des dispositions de la Constitution des États-Unis
- « Organisés », pour lesquels le Congrès des États-Unis a passé une « loi organique » (Organic Act) pour déterminer de manière formelle son système de gouvernement.
- Les autres sont qualifiées d’« îles mineures éloignées » (United States Minor Outlying Islands), une qualification à usage purement statistique
Ces territoires peuvent donc être répartis en trois catégories :
- Les territoires non incorporés et organisés : Porto Rico, les îles Vierges des États-Unis, Guam et les îles Mariannes du Nord, dits aussi Commonwealth, associés aux États-Unis ;
- Les territoires incorporés et non organisés ; il n'en existe qu'un seul : l'atoll Palmyra.
- Les territoires non incorporés et non organisés : les Samoa américaines ainsi que huit des neuf îles mineures éloignées des États-Unis.
De nombreux territoires ont existé avant eux, de 1789 à 1959, créés pour administrer les terres nouvellement acquises. Trente et un de ces territoires (ou parties de territoires) ont finalement atteint le statut d'État, les derniers étant les territoires l'Alaska et Hawaï. D'autres, comme les Philippines, la Micronésie, les îles Marshall et Les Palaos, acquis après la guerre hispano-américaine de 1898 ou les deux Guerres mondiales, sont devenus indépendants.
Ceux qui restent sont donc sous la souveraineté des États-Unis mais n’en font partie qu’à certains égards, et pas à d'autres. Ils ont certes les mêmes symboles que le reste du pays (drapeau, hymne, devise), le même président et la même monnaie, mais même les territoires « non incorporés et organisés » ne sont pas considérés comme faisant partie intégrante des États-Unis. La Constitution ne s’y applique que partiellement, les infrastructures y sont généralement inférieures à celles des États-Unis continentaux et d'Hawaï et les taux de pauvreté plus élevés. Chaque territoire est autonome avec un gouverneur élu localement et une législature territoriale, il élit un membre « sans droit de vote » à la Chambre des représentants des États-Unis, qui possède en principe les mêmes pouvoirs que les autres membres de la Chambre, mais ne peut pas voter en session plénière.
1.2. Un archipel américain
Les « territoires des États-Unis » (« U.S. territories ») sont tous situés outre-mer depuis que les derniers de ceux qui avaient été créés sur leur territoire continental lors de sa conquête progressive sont devenus des États, y compris l’Alaska, achetée à ses premiers colonisateurs russes, et même Hawaï, royaume jusque-là indépendant, annexé en 1898. Ils sont pour la plupart situés dans le Pacifique, sauf trois d’entre eux qui sont dans les Caraïbes.
Document 1. Localisation des Territoires des États-Unis
Voir la carte ci-dessus en haute définition.
Document 2. Les Territoires des États-Unis dans les Caraïbes
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Document 3. Les Territoires des États-Unis dans le Pacifique
Ces territoires ont au total une superficie de 10 456 km2, plus que celle des derniers territoires d’outre-mer des plus anciens empires coloniaux, le Portugal, avec Madère (802 km2) et les Açores (2 322 km2) ou l’Espagne, avec les Canaries (7 445 km2). C’est moins que la France d’outre-mer avec 120 369km2, mais dont 87 % sont formés par la Guyane (86 504 km2) et la Nouvelle-Calédonie (18 575 km2). C’est beaucoup moins, également, que le Groenland placé sous souveraineté danoise, en cours d’autonomisation croissante et peuplé par moins de 60 000 habitants.
Document 4a. Superficies et dates d’acquisition des territoires
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Plusieurs de ces territoires sont inhabités, sauf par des militaires qui s’y relaient sur des bases de la marine ou de l’armée de l’air des États-Unis, mais ceux qui sont ont une population permanente rassemblent plus de 3,5 millions d’habitants (dont près de 3,2 millions à Porto Rico), plus que celle l’outre-mer français (2,8 millions d’habitants).
Document 4b. Indicateurs socio-économiques sur les territoires peuplés
Source : Wikipedia, "Territories of the United States", tableaux "Overview of populated American territories" et "Statistical overview of American territories", avec références des statistiques en notes. |
1.3. Un destin commun
Bien qu’ils soient très différents les uns des autres (voir la présentation détaillée dans les encadrés déroulants ci-dessous) ces territoires ont entre eux plusieurs points communs, apparus lors d’épisodes clés de leur histoire. Ils ont eu des parcours géohistoriques comparables, même si tous n’en ont pas vécu toutes les étapes, que l’on peut résumer comme suit : origines coloniales, îles à guano, implication dans la Seconde Guerre mondiale, bases militaires, et finalement réserves naturelles.
Des origines coloniales
Tous ces territoires ont des origines coloniales même s’ils ont été acquis de différentes façons :
- Acquisition par conquête militaire lors de la guerre hispano-américaine de 1898 qui a permis aux États-Unis de s’emparer d’une partie de l’Empire colonial espagnol : Cuba, les Philippines, Porto Rico et Guam. Cuba était l’enjeu quasi unique du conflit, et l’acquisition des autres territoires, notamment les Philippines, n’était pas le but principal, mais cette guerre a sans aucun doute été un tournant pour les États-Unis. Le 2 juin 1898, le Washington Post publia un éditorial resté célèbre :
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Si une partie de ces conquêtes est ensuite devenue indépendante (les Philippines en 1946 et Cuba en 1902 mais avec une très forte influence étatsunienne jusqu’en 1959), d’autres territoires sont toujours possession des États-Unis, dans le cas de Guam et de Porto Rico.
- Annexation après une dispute avec une autre puissance coloniale et parfois des allers-retours entre la souveraineté de l’une et de l’autre : Îles Baker, Howland, et Jarvis.
- Rachat à une autre puissance coloniale : îles Vierges des États-Unis ((Les îles Vierges sont divisées entre Îles vierges britanniques, territoire d’outre-mer du Royaume-Uni, îles Vierges des États-Unis, et les anciennes îles Vierges espagnoles rattachées à Porto Rico.)) au Danemark, Porto Rico ayant été formellement acheté à l'Espagne après la guerre hispano-américaine.
- Traité de partage avec une autre puissance coloniale : Îles Samoa américaines et Mariannes. On peut y ajouter les traités qui ont partagé les ex-colonies allemandes après la première Guerre mondiale, par lesquels le Japon obtint les îles Mariannes, que les États-Unis récupèrent plus tard, après la Seconde Guerre mondiale
- Annexion à l’occasion d’une entrée d’un territoire dans l’Union, dans le cas de Palmyra, détachée d’Hawaï.
La manie du guano
Dans les années 1840, le guano (dépôts accumulés d’excréments et de cadavres d’oiseaux marins) était très recherché comme source de salpêtre pour la production de la poudre à canon et comme engrais agricole. Il était récolté sur diverses îles du Pacifique, comme les îles Chincha, au Pérou. Ces îles ayant été habitées par les oiseaux marins pendant des siècles, le guano s'y était accumulé, parfois sur plusieurs mètres d’épaisseur.
Les États-Unis ont commencé à en importer en 1843, et la « guano mania » des années 1850 a causé une hausse des prix sur un marché oligopolistique, des tentatives – frustrées – de contrôle des prix et finalement la promulgation du Guano Islands Act du 18 août 1856, qui a encouragé les entrepreneurs américains à rechercher et à exploiter de nouveaux gisements sur les îles et récifs des Caraïbes et du Pacifique.
Il autorisait tout citoyen américain à prendre possession d'une île contenant des gisements de guano, n'importe où sur la planète, pourvu qu'elle soit inoccupée ou qu'elle ne soit pas soumise à la juridiction d'un autre gouvernement. Elle autorisait le président des États-Unis à recourir à la force militaire pour la protéger et établissait que les lois fédérales américaines y auraient cours.
En vertu de cette loi, les États-Unis ont pris le contrôle de 94 îles jusqu’en 1903, dont 66 furent ensuite reconnues comme territoires des États-Unis. C’est ainsi qu’ont été acquises les îles Baker et Howland, l’atoll Johnston, Jarvis, Kingman Reef, Midway, Navassa, et l’atoll Palmyra.
Si l’on ne peut juridiquement qualifier de coloniale cette prise de possession, on peut la trouver pour le moins unilatérale. On pourrait en outre la qualifier de peu respectueuse de l’environnement, car l’exploitation du guano laissait en général les îles en piteux état une fois les gisements épuisés, mais ce serait un anachronisme tant le respect de l’environnement était une notion presque inconnue à la fin du XIXe siècle.
L’épisode décisif de la Seconde Guerre mondiale et la militarisation
Plusieurs de ces territoires ont été soit conquis, soit reconquis après une invasion japonaise lors de la Seconde Guerre mondiale : Guam, Mariannes du Nord, îles Baker et Howland, Jarvis, Midway, Wake et Guam. Les Mariannes du Nord et Midway ont été le théâtre de trois des plus grandes batailles de la guerre dans le Pacifique, qui ont cassé la progression fulgurante de la conquête japonaise et marqué des étapes décisives de la reconquête américaine, d’île en île (tactique des sauts de puce), jusqu’à ce que les bombardiers transportant les bombes atomiques destinées à Hiroshima et Nagasaki décollent de Tinian, dans les Mariannes du Nord.
Les leçons apprises lors de ce conflit expliquent que quelques-unes des îles soient devenues des bases miliaires pour l’U.S. Navy et l’U.S. Air Force. Celles de Baker, Johnston et Palmyra ont été abandonnées mais celles de Guam, Midway et Wake sont encore actives et jouent un rôle essentiel dans la stratégie planétaire des États-Unis.
Document 5. Superficie des bases militaires à Hawaï, dans les territoires étatsuniens et quelques États
Superficie des bases militaires dans des territoires étatsunien et quelques États | Hawaï (143);Japon (120);Guam (32);Corée du Sud (80);Guantanamo-Cuba (1);Porto Rico (34);Mariannes (5);Wake (1);Marshall (11);Johnston (1);Samoa am. (1);Bahamas (6);Îles vierges (6) | Espace (nombre de bases);Superficie des bases (hectares) | true | |
Superficie des bases (ha) | 92527;46531;15347;12542;11662;9126;6260;1052;551;277;219;45;32 | #EE7168 |
Source : département de la Défense des États-Unis, 2018.
Le rôle intégrateur des transports aériens et des câbles transocéaniques
Les distances sont telles dans le Pacifique que les transports aériens – bien plus rapides que la navigation – ont joué un important rôle intégrateur entre les territoires, dès que les avions ont eu assez d’autonomie pour aller d’une île à l’autre. De ce point de vue un épisode décisif a été les lignes d’hydravions de la Pan American Airways, pour laquelle plusieurs des territoires ont joué un rôle de relais pour la traversée des États-Unis vers l’Asie : ce fut le cas pour Guam, Midway, Wake et – brièvement – pour les Samoa américaines et Kingman Reef.
Le service Pacific Clipper a commencé en novembre 1935, avec un premier vol de San Francisco à Manille. Cette première route aérienne du Pacifique a été baptisée FAM14 (Foreign Air Mail route 14), ce vol de 60 heures durait six jours avec quatre escales de nuit, le long vol vers Hawaï étant le seul fait de nuit. De 1935 à 1939, FAM14 a été le seul lien aérien transpacifique entre les États-Unis et l'Asie
Avec le début de la Seconde Guerre mondiale, le volume de courrier transporté par le service Pacific Clipper a commencé à augmenter, ainsi que le nombre de pays qui ont utilisé le service. En juillet 1940, Pan Am a ouvert une « route du sud » de San Francisco à Auckland, en Nouvelle-Zélande, baptisée FAM19. Au cours de la Seconde Guerre mondiale et à mesure que de nouveaux pays étaient entraînés dans le conflit, les routes postales existantes étaient continuellement ajustées et de nouvelles routes étaient développées pour créer des zones de vol sûres pour les avions commerciaux.
Document 6. Les lignes de la Pan American Airways dans les années 1930-1940
Document 7. Les hydravions du Pacific Clipper de la Pan American Airways en 1935
Le Pan American Clipper survole le pont inachevé du Golden Gate et passe Diamond Head à son arrivée à Hawaï en 1935 (source)
Ces lignes ont disparu mais pas le rôle de relais des aéroports. Ils fournissent des points d'atterrissage en cas d’urgence lors de la traversée de l’Océan Pacifique, même s’ils ne disposent que de services commerciaux réguliers limités. Celui de l’atoll Johnston, construit pendant la Seconde Guerre mondiale, a encore connu un trafic commercial important au cours de la seconde moitié du XXe siècle. Il a été abandonné en 2003. Ceux qui demeurent actifs, notamment comme base de bombardiers, B52 naguère, bombardiers furtifs aujourd’hui, permettent surtout une présence militaire dans des zones stratégiques clés. Les principaux sont Henderson Field (Naval Air Facility), sur Sand Island (Midway), Wake et Palmyra.
À ces axes immatériels (supportant des flux matériels) s’ajoutent des infrastructures fixes, les câbles de transmission de données (donc des axes matériels supportant des flux immatériels), pour lesquels ces îles ont un précieux rôle de relais, depuis les premiers câbles télégraphiques transocéaniques, jusqu’aux faisceaux de fibres optiques aujourd’hui. Ils jouent un rôle essentiel dans la transmission des données puisque c’est par les câbles que transitent 95 % des flux d’informations sur Internet. La traversée du Pacifique est essentielle pour relier entre elles les deux principales puissances du Web, les États-Unis et la Chine. Dans les faisceaux du sud du Pacifique les Mariannes du Nord et Hawaï ont un rôle fondamental de transmission et redistribution des flux.
Dans son livre Mémoires vives, Edward Snowden, le lanceur d’alerte qui a travaillé des années pour la CIA (Central Intelligence Agency) puis la NSA (National Security Agency), révèle qu’il a travaillé à Hawaï pour le compte de la NSA dans un ancien établissement militaire souterrain. Il y espionnait les informations qui passaient par les câbles transocéaniques qui y sont relayés : le passage par l’archipel permet donc à la NSA de s’y brancher tranquillement sans entraves ni contrôles.
Document 8. Les câbles de transmission de données, Mariannes et Hawaï en relais
Un intérêt géopolitique actuel
Dans le domaine militaire la localisation de ces atolls jalonnant l’immensité de l’Océan leur donne un évident intérêt stratégique, elle en fait des sortes de porte-avions qui ont l’avantage d’une présence continue, contrairement à ceux de la 3rd Fleet et de la 7th Fleet. Cet intérêt s’est accru depuis qu’un des soucis majeurs des États-Unis est la confrontation avec la Chine, qui développe sa marine et crée des bases navales ex-nihilo en aménageant des îlots dans l’archipel des Spratleys, une initiative que le Pentagone a vivement critiquée. Ces territoires des États-Unis sont certes loin de la mer de Chine mais leur position dans toute la largeur de l’océan Pacifique a largement contribué à en faire un « lac américain » ou les États-Unis sont encore très largement dominants.
La ZEE au cœur d’un intérêt géoéconomique
Malgré leur taille limitée, ces îles ont, outre leur intérêt stratégique, celui de donner aux États-Unis le contrôle de vastes zones économiques exclusives (ZEE), qui peuvent receler des richesses à prospecter, ressources halieutiques, hydrocarbures, nodules polymétalliques ou autres ressources encore inconnues : leur ZEE est la première au monde en surface, devant celle de la France (document 9).
États classés par superficie de la ZEE décroissante | États-Unis; France; Australie; Russie; Nouvelle-Zélande; Royaume-Uni; Indonésie; Canada; Japon; Brésil |
État;superficie | true | |
Superficie de la ZEE (km²) | 12168352; 10070754; 9025053; 7734475; 6712847; 6621856; 6025110; 5793222; 4317017; 3677581 |
#47B9B5 | ||
Superficie terrestre (km²) | 9629091; 671308; 7692060; 17125191; 270479; 242900; 1910931; 9984670; 377930; 8515767 |
#EE7168 |
Le tableau ci-dessous reprend les données du graphique.
Sources : Bouron 2017/ VLIZ maritime boundaries geodatabase, 2016 et Division statistique des Nations Unies, Demographic Yearbook, 2008 (pdf) |
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Document 10. Les six principales ZEE mondiales
Les zones économiques exclusives des États-Unis dans les Caraïbes sont limitées, dans un espace étroit et partagé entre de nombreuses souverainetés. Leur localisation n’en est pas moins stratégique, les mettant au contact d’un très grand nombre d’îles indépendantes ou appartenant à d’autres ex-puissances coloniales. C’est dans le Pacifique Nord que les États-Unis se sont taillé les plus vastes zones économiques exclusives, dont la plupart ne rencontrent pas de concurrence en raison de l’isolement des îles (il en va différemment dans le Sud, où elles sont enserrées par celles d’autres pays). Leur forme est caractéristique du cercle dessiné par la règle des 200 milles marins autour d’un territoire exigu. Ajoutées à celles que leur donne la façade pacifique de leur territoire continental et de l’Alaska, c’est ici que se trouvent les principales étendues qui en font la plus vaste ZEE au monde.
Document 11. Les ZEE dans les Caraïbes
Document 12. Les ZEE dans le Pacifique
Un intérêt écologique récent
Quand les territoires n’ont plus d’intérêt économique ou stratégique immédiat, la tendance actuelle semble d’être d’en faire des réserves naturelles, notamment ornithologiques, comme aux îles Baker et Howland, Jarvis, Midway, Wake et Palmyra. Elles peuvent être directement gérées par l'United States Fish and Wildlife Service ou sous-traitées a des organisations comme The Nature Conservancy, à Palmyra mais dans tous les cas il est interdit d’y aborder, officiellement pour ne pas déranger les animaux qui y vivent. Mais sans doute est-ce aussi une manière habile – et la moins coûteuse – d’être à la fois écologiquement correct et de les garder sous la souveraineté nationale, au cas où… Après avoir été des mines de guano, ces îles redeviennent des habitats pour les oiseaux.
2. Tour d’horizon des Territoires
Passons en revue ces territoires, d’abord les plus peuplés, des Caraïbes et du Pacifique, puis les îles inhabitées. On y ajoutera des archipels qui sont formellement indépendants depuis les années 1990 car leurs situations sont semblables à celles des actuelles possessions des États-Unis.
2.1. Les territoires non incorporés et organisés
Porto Rico, le 51e État ?
Porto Rico ((En espagnol et en anglais, l’île s’appelle Puerto Rico. La graphie « Porto Rico », héritée de celle anciennement employée chez les anglophones, reste celle recommandée en français même si elle est désuète ailleurs dans le monde. Voir notre guide de la graphie des toponymes.) est le plus vaste et le plus peuplé des territoires, avec un peu plus de 9 100 km2 et un peu moins de 3,2 millions d’habitants il représente à lui seul 85% de leur superficie et 90 % de leur population.
L’île a été envahie par les États-Unis le 25 juillet 1898, lors de la guerre hispano-américaine. Ils en ont acquis la possession le 10 décembre 1898, par le traité de Paris signé avec l'Espagne, celle-ci leur cédant, pour 20 millions de dollars, ses dernières possessions coloniales d'Amérique latine – Cuba et Porto Rico – ainsi que Guam et les Philippines.
Il n’aurait pas été impensable que Porto Rico devienne ensuite un pays indépendant, avec une population et un niveau de développement largement comparable à celui de ses voisins caribéens. En 1952, le territoire avait obtenu une autonomie partielle vis-à-vis des États-Unis. En juillet 2000 et juin 2007, le Comité spécial de la décolonisation de l'ONU avait demandé aux États-Unis de permettre « d’engager un processus permettant au peuple portoricain d’exercer pleinement son droit inaliénable à l’autodétermination et à l’indépendance » ainsi que la restitution des terres occupées par les bases militaires de Vieques et de Ceiba. Et le 29 avril 2010, la Chambre des représentants des États-Unis avait permis d’engager un processus formel d'autodétermination pour l'île.
Mais cela ne semble pas être le souhait d’une bonne part de ses habitants, d’autant que c’est le territoire qui s’est le plus avancé vers une intégration complète aux États-Unis. Depuis 1917, les Portoricains ont la citoyenneté américaine ; le 6 novembre 2012, le gouverneur de Porto Rico avait organisé un référendum demandant aux Portoricains de proroger jusqu'en 2020 le statut actuel d'« État libre associé » et de choisir la forme future de l'administration de l'île au-delà de cette date. La volonté de changer de statut avant 2020 avait alors été approuvée à 53 % des suffrages et la volonté de devenir un État des États-Unis par 65 % des votes.
Document 13. Porto Rico
En 2017, un référendum (non contraignant) sur le statut de Porto Rico a eu lieu alors que le territoire, lourdement endetté, subissait une politique d'austérité. Le rattachement aux États-Unis a été choisi par 97 % des votants portoricains, mais le référendum avait été largement boycotté, le taux de participation n’étant que de 22,7 %.
En mai 2020, la gouverneure Wanda Vázquez avait annoncé qu’un référendum serait organisé en novembre 2020, au moment de l’élection présidentielle, pour décider si Porto Rico devait ou non devenir un État des États-Unis, et l'accession au statut d'État a été approuvée par un peu plus de 52 % des votants, pour une participation également légèrement supérieure à 52 %.
Document 14. San Juan, capitale de Porto Rico
Source : Géoimage (CNES)
San Juan, sa capitale, ne compte que 350 000 habitants, mais la population de son aire métropolitaine, qui comprend neuf autres communes cumulant 941 000 habitants, représente au total 1,29 millions d’habitants, soit un tiers de la population du territoire.
Îles Vierges américaines, attrape-croisiéristes
Les Îles Vierges des États-Unis sont situées entre Porto Rico et Îles Vierges britanniques, au nord du chapelet des petites Antilles qui ont été colonisées par diverses nation européennes, Français, Anglais, Hollandais et Danois (ce qui leur donne une diversité linguistique, culturelle et architecturale qui fait les délices des passagers des croisières y faisant escale). Les États-Unis se sont joints aux colonisateurs européens en rachetant ces îles au Danemark et en gardent fermement le contrôle, alors que la plupart des colonies britanniques et néerlandaises sont devenues indépendantes.
Document 15. Îles Vierges américaines
En 2010, selon le recensement, la population des îles Vierges américaines était de 106 405 habitants, et elle était estimée en 2018 à 107 000 habitants. Selon le même recensement – les États-Unis ayant des statistiques ethniques – 76 % sont « Noirs ou Afro-Caraïbes », 15,7 %, « Blancs » (dont 13,5 % de « Blancs non hispaniques »).
Le territoire compte trois îles principales, Saint-Thomas, Saint-John et Saint-Croix. La principale, Saint-Thomas, comptait en 2010 51 334 habitants, dont ceux de Charlotte Amalie, le chef-lieu (17 489 habitants) et Tutu (7 356). Saint-Croix en avait 50 601, dont 3 027 à Frederiksted et 2 433 à Christiansted, qui ont gardé leurs noms danois. Saint-John, dont le National Park Service gère plus de la moitié du territoire, en a seulement 4 170, dont 2 866 à Cruz Bay.
Saint-Croix, la plus grande des trois îles, se trouve au sud et a une topographie plus plane, en raison de son origine corallienne. C’est là que se situe Hovensa, l'une des plus grandes raffineries de pétrole du monde, qui était exploitée par Hess Oil Virgin Islands Corp., une division de la société américaine Hess Corporation, et Petroleos de Venezuela, SA, la société pétrolière nationale du Venezuela. Le 18 janvier 2012, la société a annoncé que la raffinerie serait définitivement fermée, ce qui a eu un effet négatif majeur sur l'économie de Saint-Croix et de l'ensemble des îles Vierges américaines, car la raffinerie avait 1 200 employés directs et 950 sous-traitants. La raffinerie a rouvert depuis lors sous un nouveau propriétaire.
Document 16. L'île de Saint-Thomas
Le tourisme est la plus grande activité économique des îles, avec 2,5 à 3 millions de visiteurs annuels, la plupart arrivant sur des bateaux de croisière. Le secteur est responsable d'environ 60 % du PIB, le secteur manufacturier consiste principalement en distilleries de rhum.
Ces îles ne sont devenues un territoire des États-Unis qu’après avoir changé de mains plusieurs fois. Lors de son deuxième voyage d'exploration, en 1493, Christophe Colomb les avait nommées les îles « Santa Ursula y las Once Mil Vírgenes » (« Sainte Ursule et les Onze Mille Vierges », en raccourci en « Las Vírgenes ») d'après le jour de leur découverte, la Sainte Ursule, et à la légende des onze mille vierges qui lui est associée.
La Compagnie danoise des Indes occidentales et de Guinée s'était ensuite établie sur l'île inhabitée de Saint-Thomas en 1672, s'étendant jusqu'à l'île Saint-John en 1683 et rachetant l'île de Saint-Croix à la Compagnie française des Indes occidentales le 15 juin 1733. En 1754, les îles furent revendues au roi du Danemark, devenant ainsi des colonies royales danoises administrées par un gouverneur.
Comme sur les autres îles des Antilles, les Danois exploitèrent la canne à sucre et introduisirent des esclaves africains dès 1763. Le Danemark étant le premier pays à interdire la traite négrière dans ses possessions, en 1792, la production de sucre y cessa, mais l'esclavage lui-même n’y fut aboli qu'en 1848. L'économie des îles périclita alors, de nombreux colons quittèrent les îles et le royaume danois se désintéressa de ses possessions antillaises. Le 1er avril 1917, le Danemark a transféré aux États-Unis (contre 25 millions de dollars), la propriété des îles, qui avaient alors 26 000 habitants, auxquels la citoyenneté américaine fut accordée en 1927.
Document 17. Quartier colonial de Charlotte Amalie
Bank of Saint-Thomas, Charlotte Amalie, îles Vierges des États-Unis, 24 décembre 2011, domaine public (source).
Charlotte Amalie, capitale des Îles Vierges américaines, a gardé une architecture coloniale, exploitée par le tourisme d’escale, ainsi qu’un autre élément pittoresque : les îles sont la seule partie des États-Unis où l’on conduise à gauche, comme au moment du transfert, en 1917. Cependant, comme la plupart des voitures du territoire sont importées des États-Unis continentaux, les voitures du territoire ont leur volant à gauche ((Pour en savoir plus sur la conduite à gauche avec le volant à gauche, lire Matt Wade, « We Drive on the Left » (en anglais).)).
Guam, porte-avions permanent
Guam est la plus grande île (549 km2) de l'archipel des îles Mariannes, dont elle est l'île la plus méridionale (elle se situe à 217 km au sud de l’île de Saipan). Elle est territoire des États-Unis depuis 1899, à la fin de la guerre hispano-américaine. Son statut a été « organisé » par la loi organique de 1950, qui a accordé la citoyenneté américaine aux habitants et leur a donné un gouvernement local.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, Guam a été attaqué par l'Empire du Japon et conquise trois jours après l'attaque de Pearl Harbor, en décembre 1941, puis reconquise par les États-Unis lors de la seconde bataille de Guam, pendant l'été 1944, juste après l'invasion de Tinian, dans le cadre de la campagne des îles Mariannes et des Palaus.
Lors du recensement de 2010, Guam comptait 159 358 habitants, dont 49 % d'« Océano-Américains », y compris 37% de Chamorros, la population indigène de l'île avant la colonisation par l'Espagne au XVIe siècle, 32,2 % d'« Asio-Américains » (d’origine philippine, coréenne ou chinoise) et 7,1 % de « Blancs américains ».
Document 18. Guam
Guam, 2019, source Géoimage (CNES). Voir en haute définition. Coordonnées 13.4858, 144.8026. |
L’île abrite depuis juillet 1944, une des plus importantes garnisons de tous les territoires, dont la base aérienne Andersen (Andersen Air Force Base, AFB) ainsi que la base navale Guam (Naval Base Guam, NBG), intégrées en 2009 dans la Joint Region Marianas (source), 12 000 militaires et leurs familles vivent sur l’île, dont les bases occupent environ 30 % des terres. Elle est par ailleurs très dépendante des aides sociales américaines, près de 45 000 habitants reçoivent une aide alimentaire et bénéficient du système de santé publique.
La base navale de Guam (NBG) est une base navale stratégique, en particulier après la fermeture des bases aux Philippines dans les années 1990. Elle abrite le commandement du Submarine Squadron 15, la garde côtière du secteur Guam et le Naval Special Warfare Unit One. C'est aussi le support pour une trentaine d'autres commandements qui fournissent un appui à la flotte américaine dans cette partie du monde comme le Military Sealift Command Ship Support unit Guam et le Navy Munitions Command Unit East Asia Division Guam. La base emploie environ 6 300 militaires (source). Elle est aussi le port d’attache d’une dizaine d’unités de l’United States Pacific Command, de l’United States Pacific Fleet et de la Septième flotte américaine. Cette impressionnante concentration d’unités navales justifie pleinement que les commandants militaires américains aient qualifié l'île de « porte-avions permanent ».
Document 19. La base navale de Guam en 2006
Source : US Navy, domaine public, voir en haute définition sur Wikipédia.
La base aérienne Andersen (AFB) est la plus importante à l'ouest d'Hawaï (source). Créée en 1944 sous le nom de North Field, c’est la seule base du Pacifique occidental qui peut en permanence desservir les bombardiers stratégiques lourds américains B-1B, B-2 et B-52, le Japon, la Corée du Sud et la Corée du Nord sont à portée de vol de ses avions. En raison de l'espace aérien presque illimité de Guam et de la proximité de l'île Farallon de Medinilla, un champ de bombardement naval situé à 296 km au nord, la base est un lieu d'entraînement idéal. C’est l'une des deux bases critiques de la région Asie-Pacifique, l'autre étant Diego Garcia dans l'océan Indien.
Document 20. Andersen Air Force Base et Naval Base Guam
Andersen Air Force Base (Andersen AFB). Source Géoimage (CNES) 2019. |
Naval Base Guam (NBG). Source Géoimage (CNES) 2019. |
Document 21. Les Mariannes du Nord
Source : Géoimage (CNES). Coordonnées : 15.111083347574896, 145.71748598114138.
Les Mariannes du Nord comptent trois îles principales, Saipan, la plus peuplée, Tinian, et Aguijan, inhabitée. Fernand de Magellan avait abordé ces îles en 1521 et en avait revendiqué la possession pour l’Espagne. Mécontent du comportement de ses habitants sur ses navires, il les baptisa, d'après Antonio Pigafetta, « Las islas de los Ladrones » (les îles des Voleurs), puis en 1688, leur nom devint « las Marianas », en l’honneur Marianne d’Autriche, veuve de Philippe IV d’Espagne. Vendues à l'Empire allemand en 1899, elles furent occupées par l'Empire du Japon dès 1914, qui les transforma en camps militaires.
Durant la Seconde Guerre mondiale, les Marines américains y débarquèrent le 15 juin 1944. La conquête des îles Mariannes a permis d’établir des bases-clés pour la poursuite de l'offensive dans le Pacifique et mis le Japon à portée de l'aviation américaine. Tinian devint la plus grande base aérienne du monde, en mesure d'abriter cinquante mille hommes et un millier de B-29. Le 26 juillet 1945, le croiseur USS Indianapolis y livra les éléments des deux bombes atomiques qui furent lâchées sur Hiroshima et Nagasaki les 6 et 9 août 1945.
Après la guerre, l’archipel a été administré par les États-Unis comme partie du « Territoire sous tutelle des îles du Pacifique », statut accordé par les Nations Unies, dont la défense et les affaires étrangères étaient sous le contrôle américain. Pendant les années 1980, l’une des pistes de l'aéroport de Tinian est resté active afin de permettre aux C-130 de l’US Air Force de décoller et atterrir dans le cadre des exercices d'entraînement.
Après quatre referendums (1958, 1961, 1963 et 1969) tenus dans les îles et le rejet par Guam (lors d'un referendum local en 1969) de l'intégration demandée, les Mariannes du Nord décidèrent de ne pas chercher à devenir indépendantes, mais au contraire de se rapprocher davantage de la puissance tutélaire. Un accord établissant un commonwealth fut approuvé en 1975, dont la constitution entra en vigueur en 1978. En 2005, une loi permit aux Mariannes du Nord d'élire un délégué sans droit de vote au Congrès des États-Unis, à compter de l'élection présidentielle américaine de 2008.
Le Commonwealth des îles Mariannes du Nord a longtemps bénéficié de son statut de territoire des États-Unis et d'une main-d'œuvre à bon marché en provenance d'Asie. Historiquement, son économie a reposé sur le tourisme, principalement japonais, et sur le secteur de la confection. Mais l'économie a décliné depuis la levée des quotas en 2005, ce qui a finalement conduit toutes les usines de confection de Saipan à fermer en février 2009. Le tourisme a également diminué après 2005 lorsque Japan Airlines a cessé de desservir les Mariannes.
Les îles Mariannes du Nord avaient utilisé avec succès leur position de zone de libre-échange avec les États-Unis, tout en n'étant pas soumises aux mêmes lois du travail. Le salaire minimum dans le commonwealth, qui a été en vigueur de 1997 à 2007, était inférieur à celui des États-Unis et d’autres protections des travailleurs étaient plus faibles, ce qui baissait les coûts de production, la majorité des employés étant des femmes venues de Chine. Cela permettait aux vêtements d'être étiquetés « Made in USA » sans avoir à se conformer à toutes les lois du travail américaines. Mais l’exemption de la législation du travail américaine avait conduit à de nombreux cas d’exploitations (ateliers clandestins, travail et prostitution d'enfants). La loi de 2007 sur le salaire minimum a entraîné des augmentations progressives du salaire minimum des Mariannes du Nord, en 2018, il a finalement atteint le salaire minimum fédéral américain.
En partie en raison de ces crises, la population a diminué, selon le recensement de 2010, la population était de 53 883 habitants, contre 69 221 en 2000, soit une diminution de 22,2 %. À l'exception des îles mineures éloignées des États-Unis, les îles Mariannes du Nord sont aujourd’hui le territoire le moins peuplé des États-Unis. Les Asiatiques (entre autres des Philippins, Chinois, Coréens, Japonais, Bangladais) y sont 49,9 % du total, les Chamorros et autres insulaires du Pacifique 34,9 % et la catégorie « multiracial » 12,7 %.
La capitale, Hagåtña ((Le « å » est utilisé dans les transcriptions du chamorro, la langue des premiers occupants, où il est une lettre de l’alphabet à part entière, comme en danois, suédois, norvégien et wallon.)), ne comptait en 2010 qu’un peu plus de 21 000 habitants avec les « villages » (nom local des subdivisons administratives) qui l’entourent, et la région centrale (qui inclut la base navale) 48 755, alors que la région nord, où se situe la base aérienne Andersen, en avait 85 167.
Les Samoa américaines comptent cinq îles principales : Tutuila (principale), Aunu'u, Ofu-Olosega, Ta‘ū et l'île de Swains, située plus au nord. Elles sont le territoire le plus méridional des États-Unis et l'un des deux situés au sud de l'équateur, avec l'île inhabitée de Jarvis. Ce sont les parties émergées d’une chaîne de reliefs sous-marins, « proches » - à l’échelle du Pacifique – de Wallis et Futuna, un peu plus de 540 kilomètres, mais à environ 3 700 km de Hawaï. Leur superficie totale est de 199 kilomètres carrés, un peu plus que celle Washington, D.C. ou deux fois celle de la ville de Paris.
La population des Samoa américaines est d'environ 55 000 personnes, 89 % sont des Samoans indigènes, 3,7 % sont d'autres îles du Pacifique, 3,6 % sont asiatiques, 2,7 % d’origines mixtes et 1,2 % d'autres origines.
Document 22. Les Îles Samoa américaines et fonds marins environnants
Source Google Earth. Localisation : -14.27235567880703, -170.70140729812172
Les îles ont été explorées vers 1800, et sont rapidement devenues un enjeu de domination coloniale entre Grande-Bretagne, États-Unis et Allemagne. La conférence de Samoa du traité de Berlin (1889) avait établi un territoire neutre sous protectorat conjoint (condominium) des trois puissances. Mais des chefs de tribus combattaient fréquemment entre eux et contre le pouvoir en place. La situation aboutit à une crise à la mort du roi élu par les tribus car les Allemands soutenaient un héritier différent de celui appuyé par les Anglais et les Américains.
Le sort des îles fut décidé par un traité tripartite signé entre l'Empire allemand, le Royaume-Uni et les États-Unis à Washington, le 2 décembre 1899. Il divisait en deux les îles Samoa, la partie occidentale des Samoa devint protectorat allemand et la partie orientale fut attribuée aux États-Unis. L'Empire britannique, dans le contexte international tendu par la guerre des Boers, renonça à ses droits sur les îles mais obtint en échange les droits allemands sur les îles Tonga, ce qui lui permit d'y établir une base de ravitaillement de charbon et d'y jouir de l'extraterritorialité. Les Samoa américaines ont le statut de territoire depuis 1900, les personnes nées aux Samoa américaines sont ressortissantes, mais pas citoyennes, des États-Unis.
La mise en conserve de thon et les entreprises auxiliaires locales étaient l'épine dorsale de l'économie des Samoa américaines, la première conserverie ayant été ouverte en 1954. En 1993 Pago Pago était le quatrième transformateur de thon au monde, exportant environ 445 millions de dollars de thon en conserve vers le continent américain.
Au milieu des années 1960, des efforts ont commencé pour développer une industrie du tourisme. Ces efforts ont été retardés en raison de problèmes tels que des services aériens incohérents, des hébergements de qualité insuffisants et le manque de travailleurs bien formés. L'agriculture et la pêche assurent toujours la subsistance des familles locales.
Aujourd’hui la seule conserverie de thon en activité est StarKist, une filiale de H.J. Heinz, qui exporte chaque année plusieurs centaines de millions de dollars de thon en conserve vers les États-Unis. L'autre conserverie de thon était Samoa Packing, mais elle a fermé en 2009 et ses 2 041 employés ont été licenciés en raison de la hausse du salaire minimum accordé aux Samoans américains.
L'emploi sur l'île se divise aujourd'hui en trois catégories de taille à peu près égales, d'environ 5 000 travailleurs chacune : le secteur public, la conserverie de thon restante et le reste du secteur privé. Le poisson en conserve, la nourriture en conserve pour animaux de compagnie et la farine de poisson à base de peau et d'os représentent 93 % de la production industrielle, tandis que les dollars fédéraux entrent dans l'économie par le biais de crédits du Congrès, de subventions catégorielles, de paiements de sécurité sociale et de pensions versées aux Samoans retraités de l'armée.
Document 23. Tutuila, Samoa américaines
Pago Pago, la capitale, compte un peu plus de 3 500 habitants, mais 15 000 avec les villages voisins autour du port et des conserveries. L'une de ses attractions touristiques était la montée vers le mont Alava, qui offre une magnifique vue panoramique sur le port et la ville. Jusqu'en 1980, on pouvait y accéder par un téléphérique, mais un avion de la marine américaine, le survolant dans le cadre des célébrations du Flag Day, a heurté le câble et s'est écrasé sur l'hôtel Rainmaker. Le téléphérique est toujours inutilisable car en décembre 2010, le câble a été endommagé par le cyclone tropical Wilma, il est tombé dans le port et n'a pas été réparé
Document 24. Le front de mer de Pago Pago
Source : Google Earth. Localisation : -14.272, -170.697.
2.2. Les territoires non incorporés et non organisés
Les territoires qui ne sont ni « incorporés » ni « organisés » (sauf Palmyra) sont regroupés dans la catégorie United States Minor Outlying Islands (îles mineures éloignées des États-Unis). Ces îles ne sont regroupées que par commodité statistique, elles ne sont pas administrées collectivement et elles n’ont en commun que d'être des îles inhabitées sous la souveraineté des États-Unis.
En 1936, un programme de colonisation avait commencé sur Baker, Howland et Jarvis, mais les trois îles ont été évacuées en 1942 à la suite de l’entrée des États-Unis dans la Seconde Guerre mondiale. En 2019, aucune n'avait de résidents permanents, leur seule population étant constituée de personnel scientifique et militaire qui y est stationné temporairement. Sur l'atoll Johnston le recensement de 2000 avait dénombré 315 personnes, et 94 personnes sur l'île de Wake. La plupart des îles sont fermées au public. L'atoll de Palmyra est ouvert, mais il n'y a pas de moyen facile d'y accéder.
Tous ces territoires se situent dans le Pacifique, avec une seule exception, Navassa Island (L'île de la Navasse en français), un atoll inhabité des Antilles.
L'île de la Navasse (Navassa Island) est petite (5,2 km²) mais elle a une situation stratégique, entre Haïti et la Jamaïque dans le canal de la Jamaïque et surtout à 160 km au sud de la base navale de Guantanamo, enclave appartenant aux États-Unis à Cuba. En dépit des protestations haïtiennes, l'île a été revendiquée au nom des États-Unis en 1857 en vertu du Guano Islands Act de 1856, et de fait ses gisements de guano ont été exploités commercialement entre 1865 et 1898.
Document 25. L’île de la Navasse
En 2010, les autorités américaines ont déclaré vouloir maintenir leur présence dans une région hautement stratégique au nom de la lutte contre le trafic de drogue. De son côté, le gouvernement haïtien maintient que cette île fait partie intégrante de son territoire depuis 1801 et a réitéré la position inscrite dans l'article 8a de sa constitution de 1987. Elle permettrait surtout aux autorités de ce pays d’accroître l’étendue de leur zone économique exclusive (ZEE), limitée actuellement par la frontière terrestre avec la République dominicaine et la proximité géographique de Cuba, de la Jamaïque et des Bahamas.
De plus, sa propriété est revendiquée par des institutions privées, et des pêcheurs, originaires pour la plupart d'Haïti, pêchent dans les eaux autour de Navassa. Un groupe de Colombiens, invoquant le principe du droit international de l'uti possidetis iuris, a constitué par internet le 12 octobre 2005 la Principauté fictive de Navassa.
Document 26. Les îles mineures du Pacifique
Les îles Midway (en hawaïen Pihemanu) sont situées à 2 113 km à l'ouest-nord-ouest de Honolulu. Ce sont les plus occidentales des îles et atolls composant les îles hawaïennes du Nord-Ouest (ou îles Sous-le-Vent).
Comme son nom l'indique, Midway est à peu près équidistante entre l'Amérique du Nord et l'Asie. Cet atoll fait partie d'une chaîne d'îles volcaniques, d'atolls et de monts sous-marins s'étendant d'Hawaï jusqu'à la pointe des îles Aléoutiennes. L’île s'est formée il y a environ 28 millions d'années au-dessus du point chaud à partir duquel l'île d'Hawaï est maintenant formée. Il se compose d'une barrière de corail en forme d'anneau de près de 8 km de diamètre et de plusieurs îlots de sable.
C'est la seule île de l'archipel hawaïen qui ne fasse pas partie de l'État d'Hawaï. En définissant les îles dont l'État d'Hawaï hériterait le territoire, la loi Hawaii Admission Act a clarifié la question, excluant spécifiquement Midway (avec Palmyra Island, Johnston Island et Kingman Reef) de sa juridiction.
La réserve nationale de l'atoll de Midway, qui couvre 239 166 hectares, est administrée par le United States Fish and Wildlife Service (FWS). Midway avait été désigné comme refuge national de la faune en 1988, tout en restant sous la juridiction principale de la Marine. En 1996, elle est passée au Département de l'Intérieur et le dernier contingent de personnel de la Marine a quitté l’île en 1997, après un ambitieux programme de nettoyage environnemental. En 2000, le Wildlife Refuge est devenu le Battle of Midway National Memorial puis en 2007 Papahānaumokuākea Marine National Monument, géré par le U.S. Fish and Wildlife Service, la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) et l'État d'Hawaï. En 2016, le président Obama l'a étendu et a ajouté le Bureau des affaires hawaïennes en tant que quatrième co-fiduciaire.
L'atoll avait été repéré le 5 juillet 1859 par le capitaine N.C. Middlebrooks et nommé d'après lui les « Middlebrook Islands » ou les « Brook Islands ». Brooks déclara Midway américaine au nom du Guano Islands Act et le 28 août 1867, le capitaine William Reynolds prit formellement possession de l'atoll pour les États-Unis et son nom devint Midway peu de temps après.
La première tentative d'installation eut lieu en 1871 quand la Pacific Mail Steamship Company lança un projet pour percer un canal à travers la barrière du lagon, utilisant de l'argent débloqué par le Congrès américain. Le but était d'établir une station d'approvisionnement de charbon au milieu de l'océan évitant les taxes élevées imposées dans les ports contrôlés par les Hawaïens. En 1903, des ouvriers de la Commercial Pacific Cable Company s'installèrent sur l'atoll dans le but de tirer un câble télégraphique transpacifique. La même année, le président Theodore Roosevelt plaça l'atoll sous le contrôle de l'US Navy, qui y ouvrit une station de radio. Entre 1904 et 1908, Roosevelt stationna 21 marines sur l'île pour maintenir la sécurité des îles Midway comme possession américaine et protéger la station du câble.
De 1935 à 1941, les hydravions de la Pan American Airlines volant de San Francisco jusqu'en Chine (le plus rapide et le plus luxueux moyen de transport vers l'Asie) amenèrent des touristes sur les îles Midway : seuls les plus fortunés pouvaient s'offrir ce voyage qui, dans les années 1930, coûtait trois fois le salaire annuel moyen d'un Américain.
Le 7 décembre 1941 au matin, le même jour que l'attaque de Pearl Harbor, des destroyers de la Marine impériale japonaise bombardèrent Midway. Quatre Américains furent tués lors du raid, dont le lieutenant-général George H. Cannon, commandant la garnison de Midway. En février 1942, un sous-marin japonais bombarda également Midway, sans succès. Le 5 juin 1942, les îles Midway ont été le théâtre d'une importante bataille aéronavale qui marqua un tournant dans la guerre du Pacifique. L'atoll fut occupé par des forces militaires américaines du 1er août 1941 jusqu'en 1945.
Document 27. Midway
Source : Copernicus / Sentinelhub (fourni par Géoimage du CNES). Localisation : 28.205379825839007, -177.37518924874337 |
En 1950, la Navy mit la base aéronavale des îles Midway hors service mais elle la réactiva avec le déclenchement de la guerre de Corée. Des milliers de soldats transitèrent par l'atoll, les avions ou bateaux qui les transportaient devant faire le plein de carburant ou des réparations d'urgence. Durant la guerre froide, les États-Unis installèrent une station d'écoute sous-marine sur l'atoll pour pister les sous-marins soviétiques, qui demeura secrète jusqu'à sa destruction à la fin de la guerre froide. Des avions radars de l'US Navy volaient jour et nuit comme extension de la ligne DEW Line (Distant Early Warning) et des champs d'antenne couvraient les îles. Environ 3 500 personnes vivaient alors sur Sand Island. L'atoll servit aussi de base lors de la guerre du Vietnam, en juin 1969, le président Richard Nixon y tint une réunion secrète avec le président sud-vietnamien Nguyen Van Thieu.
En 2004, son aérodrome de Henderson Field, avec sa seule piste en service d'environ 2 400 m de long, a été désigné comme aéroport de déroutement d'urgence.
Wake est un atoll corallien dans la zone nord-est de la Micronésie, à 2 416 km à l'est de Guam, à 3 698 km à l'ouest d'Honolulu, à 3 204 km au sud-est de Tokyo. C’est l'une des îles les plus isolées du monde, l'île habitée la plus proche est l'atoll d'Utirik dans les îles Marshall, à 953 kilomètres au sud-est.
Le centre d'activité sur l'atoll est son aérodrome, qui dispose de la plus longue piste stratégique des îles du Pacifique, 3 000 m. Il est principalement utilisé comme point de ravitaillement au milieu du Pacifique pour les avions militaires et éventuellement une zone d'atterrissage d'urgence pour des avions civils.
Au sud de la piste se trouve un site de lancement de missiles du Ronald Reagan Ballistic Missile Defense Test Site, exploité par le Commandement de la défense spatiale et antimissile de l'armée américaine et l'Agence de défense antimissile. Environ 94 personnes vivent sur l'île et son accès est restreint. La population fluctue en fonction des opérations menées par les activités de l'Agence de défense antimissile.
Wake avait été annexée par les États-Unis le 17 janvier 1899. En 1935 la Pan American Airways y avait construit un petit village pour servir les vols entre les États-Unis et la Chine. En janvier 1941, la marine américaine y construisit une base militaire, une garnison de 450 hommes y fut affectée, accompagnée de plus de 1 200 travailleurs civils. L'atoll fut attaqué le 8 décembre 1941 et le 23 décembre 1941 les forces américaines présentes sur l'île se rendirent à l'armée japonaise. L'île fut occupée par les Japonais jusqu'au 4 septembre 1945, date à laquelle la garnison japonaise se rendit à un détachement de US marines, deux jours après la signature des Actes de capitulation du Japon.
L'île fut un poste avancé durant la guerre froide et fut administrée par le Army Space and Missile Defense Command. Depuis 1974, l'aéroport est utilisé par les militaires américains et quelques vols cargo commerciaux. Deux ports offshore peuvent accueillir de gros navires mais l'atoll n'est plus habité de façon permanente. Près 150 fonctionnaires fédéraux, militaires ou civils, se relaient pour gérer l'aérodrome et les infrastructures de télécommunication car l'île reste une position stratégique. Elle a servi de plateforme de lancement pour plusieurs fusées destinées à tester les systèmes anti-missiles américains. Depuis le 6 janvier 2009 elle est incluse dans une vaste zone classée monument national.
Document 28. Wake
L’aéroport occupe presque toute la surface utilisable de l’atoll.
L'atoll est situé à environ 1 390 km au sud-ouest d'Hawaï. De sa plate-forme de récif corallien émergent quatre îles. L'île Kalama et l'île Sand ont toutes deux été agrandies, tandis qu'Akau (au nord) et Hikina (à l’est) sont deux îles artificielles formées par le dragage de corail. En 1964, les opérations de dragage et de remblayage avaient porté la taille de l'île principale à 241 ha par rapport à ses 19 ha d'origine, augmenté la taille de l'île Sand de 4,0 à 8,9 ha et ajouté les nouvelles îles, de 10,1 et 7,3 ha.
Document 29. Agrandissements successifs de l'île Kalama
En 1926 le président Calvin Coolidge avait créé la réserve de Johnston Island en tant que « refuge et lieu de reproduction pour les oiseaux ». Elle avait été rebaptisée Johnston Island National Wildlife Refuge en 1940. Son accès est limité aux besoins de gestion et se fait uniquement avec l’autorisation de l'US Air Force et un permis d'utilisation spéciale du US Fish and Wildlife Service.
Les îles Baker (anciennement New Nantucket) et Howland sont des atolls inhabités situés juste au nord de l'équateur, respectivement à 3 090 km et 3 100 km au sud-ouest d'Honolulu. Baker se trouve presque à mi-chemin entre Hawaï et l'Australie et l'île Howland à 68 km à son nord-nord-ouest
Baker forme maintenant le Baker Island National Wildlife Refuge, où l'entrée n'est autorisée qu’avec un permis spécial du US Fish and Wildlife Service et est généralement réservée aux scientifiques. Des représentants de l'agence visitent l'île en moyenne une fois tous les deux ans.
La réserve faunique nationale de Howland Island comprend toute l'île et les 130 km2 de terres submergées environnantes. L'île est aussi gérée par l’US Fish and Wildlife Service et fait partie du Pacific Remote Islands Marine National Monument. Elle est peut-être mieux connue comme l'île où l’aviatrice Amelia Earhart aurait dû faire escale lors de sa tentative de vol autour du monde, mais qu'elle n'a jamais atteinte, son avion ayant disparu le 2 juillet 1937.
L'île Baker était inhabitée lorsqu'elle fut découverte en 1832 par le capitaine américain Michael Baker, mais ce n'est que le 14 août 1839 que les États-Unis en réclamèrent officiellement la souveraineté avant de l'annexer le 16 août 1857 en vertu du Guano Islands Act de 1856. L’île fut pourtant annexée par le Royaume-Uni entre 1886 et 1934 avant de repasser sous contrôle américain.
Un programme de colonisation fut alors lancé, le 3 avril 1935, pour affermir la souveraineté américaine sur le territoire mais les colons ont été évacués le 7 février 1942 à l’entrée des États-Unis dans la Seconde Guerre mondiale, après l’attaque de Pearl Harbour. Les militaires remplacèrent les civils à partir du 1er septembre 1943 lorsque l'île devient une base navale et aérienne et une piste d'aviation de 1 665 mètres de longueur fut construite. Avec le départ des forces armées américaines en mai 1944, l'île redevint inhabitée.
De rares restes témoignent de l'occupation lointaine de l'île Howland par des Polynésiens mais elle aussi était inhabitée lors de sa redécouverte vers 1822 lorsqu'elle fut aperçue par le capitaine américain George B. Worth. Elle fut alors nommée île Worth en son honneur mais rebaptisée île Howland le 9 septembre 1842. Elle ne fut annexée par les États-Unis que le 6 février 1857, elle aussi en vertu du Guano Islands Act de 1856, ils réaffirmèrent leur souveraineté sur l'île en 1935 après que le Royaume-Uni l’eut revendiquée à partir de 1886. Jusque vers 1890, le guano y a été exploité par les Britanniques et les Américains.
Le 30 mars 1935, sa colonisation commença dans le but d'établir une présence humaine permanente, qui prit la forme d’un campement composé d'une douzaine de maisons en bois et de tentes. La plus grande partie du travail de ces colons consistait alors à réaliser des observations météorologiques et à développer peu à peu les infrastructures rudimentaires de l'île comme l'aménagement d'une piste d'aviation en 1937.
Le 8 décembre 1941, lendemain de l’attaque contre Pearl Harbour, l'île fut attaquée par des bombardiers japonais et le surlendemain un sous-marin détruisit les derniers bâtiments de l'île. Un bataillon de marines s'installa alors sur l'île à partir de septembre 1943, qui est alors connue sous le nom de base navale et aérienne Howland. En mai 1944, ils quittent l'île, qui reste depuis abandonnée.
Les deux îles sont désormais protégées en tant que « Refuge faunique national de l'Île Baker » et « Refuge faunique national de l'Île Howland », gérés par l'United States Fish and Wildlife Service, ce sont des lieux de vie et de nidification de nombreux oiseaux marins.
Document 30. Îles Baker et Howland
Les îles Baker et Howland sont les sommets (à peine) émergés de volcans sous-marins. Montage Hervé Théry (sources Google Earth et OpenStreetMap).
L’île Jarvis est située à 2 409 km au sud d'Honolulu. Contrairement à la plupart des atolls coralliens, son lagon est entièrement sec, son centre est une lagune asséchée où se sont accumulés de profonds gisements de guano, qui ont été exploités pendant environ 20 ans au cours du XIXe siècle. C’était autrefois l'une des plus grandes colonies de reproduction faunique de l'océan tropical, mais l'exploitation du guano a ruiné une grande partie de la flore et de la faune de l'île. En outre, une population de chats sauvages, descendants de ceux qui avaient été amenés par des colons dans les années 1930, a aggravé les dégâts. Leur éradication a été obtenue grâce à des efforts qui ont commencé au milieu des années 1960 et ont duré jusqu'en 1990 et depuis lors le nombre et la diversité des oiseaux de mer ont augmenté.
L’île avait été aperçue pour la première fois le 21 août 1821 par un navire britannique. En mars 1857 elle fut revendiquée par les États-Unis en vertu du Guano Islands Act et annexée formellement le 27 février 1858. Dès 1858, plusieurs bâtiments y furent construits, ainsi qu’un petit train pour transporter le guano sur la côte occidentale. Il fut exploité pendant les 21 années suivantes mais en 1879, l’île fut abandonnée et une douzaine de bâtiments ainsi que 8 000 tonnes de guano extraits furent laissés sur place. Des entrepreneurs néo-zélandais tentèrent sans succès de reprendre l’exploitation et le gardien laissé seul sur l’île se suicida en 1883.
En 1889, le Royaume-Uni annexa l’île, sans y installer de présence permanente, puis elle fut de nouveau revendiquée par les États-Unis et colonisée à partir du 26 mars 1935. Le président Franklin Roosevelt confia l’administration de l’île au département américain de l’intérieur le 13 mai 1936. Une station météo fut construite et une piste d’atterrissage sommaire dégagée au nord-est de l’île.
Au début de la Seconde Guerre mondiale, un sous-marin de la marine impériale japonaise fit surface au large de la côte occidentale de l’île et tira sur les colons, qui furent évacués le 7 février 1942. À part une visite par des scientifiques lors de l’année géophysique internationale de juillet 1957 à novembre 1958, l’île resta abandonnée. C’est depuis le 27 juin 1974 une réserve naturelle (Jarvis Island National Wildlife Refuge), qui fait partie du Pacific Remote Islands Marine National Monument depuis le 6 janvier 2009.
Document 31. Jarvis Island
Source Google Earth. Localisation : -0.375, -159.997. |
Document 32. Jarvis Island National Wildlife Refuge
Cliché de 2006, domaine public (source).
Kingman Reef est un récif de forme triangulaire largement submergé et inhabité de 17 km d'est en ouest et de 8 km du nord au sud, situé dans le Pacifique Nord, à peu près à mi-chemin entre les îles Hawaï et les Samoa américaines. Il a une superficie de 3 hectares, n'a pas de ressources naturelles et ne permet aucune activité économique. Le point culminant du récif est à moins de 1,5 m au-dessus du niveau de la mer, qui est donc humide ou inondé la plupart du temps, faisant de Kingman Reef un danger maritime.
Au-dessus du niveau de la mer, le récif est généralement dépourvu de macro-organismes. Principalement construit à partir de squelettes de coraux morts et séchés, il ne fournit que de la calcite comme source de nutriments, et les étroites bandes de terre sèche ne sont habitables que par une poignée d'espèces pendant de courtes périodes. Le peu de flore qui commence à pousser au-dessus de l'eau, principalement des cocotiers, meurt rapidement en raison des marées et du manque de ressources nécessaires pour maintenir une vie végétale.
Le récif avait été repéré par le capitaine américain Edmund 14 juin 1798, décrit par le capitaine W. E. Kingman le 29 novembre 1853 et revendiqué par les États-Unis en vertu du Guano Islands Act de 1856. Le 29 décembre 1934, l'US Navy en prit possession et le lagon fut utilisé en 1937 et 1938 comme étape sur le trajet des hydravions de la Pan American World Airways entre Hawaï et les Samoa américaines, quand la compagnie voulait ouvrir une seconde route à travers le Pacifique pour desservir l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Le récif devint une escale des vols vers et en provenance de Pago Pago dans les Samoa américaines, à 2 600 kilomètres au sud du récif.
Un navire d'approvisionnement y stationnait pour ravitailler les hydravions et héberger les passagers. Le premier vol eut lieu le 23 mars 1937 et d’autres lui succédèrent jusqu'à ce que celui du 11 janvier 1938 ne se termine en tragédie, l’hydravion ayant explosé peu après avoir décollé de Pago Pago. La route aérienne fut fermée et une autre fut ouverte en juillet 1940, par l'île de Canton (Kiribati) et la Nouvelle-Calédonie.
Document 33. Le récif Kingman
Cliché de Susan White (USFWS), domaine public (source).
Depuis 1959, l’atoll de Palmyre (Palmyra Atoll) est le seul territoire « incorporé » des États-Unis, ce qui signifie que l'ensemble des dispositions de la Constitution américaine s'appliquent à ce territoire. Toutefois, Palmyra étant aussi un territoire non-organisé, aucun acte du Congrès ne spécifie de quelle façon ce territoire devrait être gouverné. Du fait de l'absence de gouvernement local, l'atoll est administré directement depuis Washington par l'office des affaires insulaires dépendant du département de l'intérieur. La question du gouvernement de l'atoll de Palmyra est toutefois purement théorique du fait de l'absence de population permanente et du peu de probabilité qu'il ait un jour des habitants.
Document 34. L’atoll de Palmyre
Sources : Google Earth (haut) et United States Fish and Wildlife Service, domaine public (bas).
En 1859, l'atoll Palmyra fut revendiqué par les Américains en vertu du Guano Islands Act de 1856, bien qu’aucune trace de guano n’existe sur l'île. L'atoll fut annexé au Royaume d'Hawaï le 15 avril 1862, sous le règne du roi Kamehameha IV et malgré divers rebondissements, il resta un territoire hawaïen jusqu'à l'annexion de l'archipel par les États-Unis en 1898 et resta inclus dans le Territoire d'Hawaï lorsque celui-ci fut créé lors de l'annexion. En 1911, un second acte d'annexion de l'atoll par les Américains fut proclamé pour mettre définitivement fin aux revendications britanniques.
Lorsque Hawaï fut admise comme 50e État des États-Unis, en 1959, l'atoll Palmyra fut explicitement exclu du nouvel État et devint un territoire fédéral incorporé administré par le département de l'intérieur américain. En 1962, le département américain de la défense utilisa Palmyra comme site d'observation pour les essais nucléaires en haute altitude au-dessus de l'atoll Johnston.
Il n'existe aucune activité économique sur l'atoll, à part un peu de tourisme : avec l'accord préalable de l’U.S. Fish & Wildlife Service, des bateaux privés sont autorisés à accéder à l'atoll pendant au maximum 7 jours pour voir et profiter des ressources naturelles du refuge : Ne sont acceptés que deux bateaux à la fois et pas plus de six en un seul mois.
L'île Cooper y est détenue par The Nature Conservancy qui a acheté les droits de propriété de la famille Fullard-Leo en 2000, l'atoll a été reconnu comme refuge faunique national l'année suivante, intégré au Pacific Remote Islands Marine National Monument le 9 janvier 2009.
La plupart des routes ont été construites durant la Seconde Guerre mondiale et sont maintenant hors d'usage et envahies d'herbes et de buissons. Il subsiste une piste d'atterrissage de 2 000 mètres de long construite par l'US Navy à la même époque, remise en état en 2006 par The Nature Conservancy, qui l’utilise toujours pour amener sur l’île scientifiques, donateurs et le personnel de ses installations. C’est une piste de corail concassé et une mise à niveau est envisagée pour pouvoir continuer à l'utiliser pour les liaisons avec Hawaï.
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Conclusion
Depuis une quarantaine d’années on a vu fleurir, principalement dans des universités des États-Unis ou de leurs émules d’autres pays, des études « post-coloniales » et « décoloniales », qui mettent l’accent sur les effets pervers de la colonisation et sa responsabilité dans la plupart des malheurs du temps. Certes, depuis la fin des vagues de décolonisation il y a soixante ans, ces études visent à « décoloniser » les esprits plutôt que les territoires, en montrant que la colonisation a encore des effets dans les sociétés et les comportements. Certes aussi ceux qui portent ce mot d’ordre, s’ils sont états-uniens, sont souvent également critiques envers l’impérialisme de leur propre pays.
Mais peut-être pourraient-ils/elles – et même devraient-ils/elles – tenter de convaincre d’abord leurs propres gouvernants de prêcher par l’exemple en débarrassant leur pays de son propre héritage « colonial », au sens large où ils l’entendent. Car pour le moment il semble très peu probable que les États-Unis libèrent ces territoires et concèdent l’indépendance à leurs habitants, pour ceux qui en ont, ou fassent des îles désertes des biens communs de l’humanité.
Ce serait tout à leur honneur, étant donné le rôle moteur joué par les États-Unis et par l’ONU (dont ils sont à l’origine), dans la décolonisation, de mettre fin à l’étrangeté qu’il y a pour eux à garder, comme les anciennes puissances coloniales, des « confettis d’empire ». Quel intérêt peuvent avoir les États-Unis à conserver ces territoires qui semblent n’être que des relais de câbles, des ZEE à peu près vides et des réserves ornithologiques ? Ou pour grossir le trait : une fois gratté tout le guano, à quoi peuvent bien servir ces cailloux ? Probablement cela a-t-il à voir avec leur rivalité avec l’autre superpuissance du XXIe siècle, la Chine (y compris l’appui militaire indirect à ses voisins, Inde comprise) et le contrôle d’un domaine maritime, en prévision d’un futur toujours plus maritimisé.
Bibliographie
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Mots-clés
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Hervé THÉRY
Directeur de recherche émérite au CNRS-Creda, professeur à l'Université de São Paulo (PPGH-USP).
Mise en web : Jean-Benoît Bouron
Pour citer cet article :Hervé Théry, « Les territoires ultamarins des États-Unis au cœur de la première ZEE mondiale », Géoconfluences, avril 2021. |
Pour citer cet article :
Hervé Théry, « Les territoires ultramarins des États-Unis au cœur de la première ZEE mondiale », Géoconfluences, avril 2021.
https://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-regionaux/etats-unis-espaces-de-la-puissance-espaces-en-crises/articles-scientifiques/territoires-des-etats-unis