Les sites de ponte des tortues marines en Guyane : un objet pour l'enseignement de la géographie ?
NB. Le contenu de cet article donne des informations disponibles au moment de sa publication en 2003.
Bien que ce thème porte à l'évidence sur la préservation d'un patrimoine biologique naturel, ce dossier ne manifeste pas un retour en force de l'approche naturaliste dans les préoccupations de l'analyse géographique : il s'agit bien de géographie au sens des interactions entre données du milieu naturel et préoccupations sociétales elles-mêmes diverses, complexes, et entre lesquelles s'expriment des concurrences, des convergences, des contradictions.
Outre la mise en œuvre de démarches, notions et concepts propres à l'analyse géographique, un tel dossier se prête parfaitement à une investigation croisée par les sciences de la vie et de la Terre et la géographie dans le cadre de démarches transdisciplinaires ou pluridisciplinaires en collège ou en lycée.
Qu'elles soient mises en oeuvre dans le cadre de l'enseignement de géographie (par exemple dans une étude de cas sur le thème des littoraux en seconde) ou dans un cadre transdisciplinaire, les informations et ressources contenues dans le dossier se rattachent à des entrées notionnelles et conceptuelles parmi lesquelles le choix du professeur peut s'exercer.
Aménagement/environnement
Cette dialectique est désormais centrale dans l'analyse des rapports entre les sociétés humaines et le cadre naturel dans lequel elles agissent.
La géographie a longtemps raisonné en terme de "mise en valeur" des espaces et territoires. Dans cette perspective le milieu naturel était à priori considéré comme étant "sans valeur", celle-ci n'apparaissant qu'avec l'exploitation de ses ressources ou "richesses" en vue d'une activité humaine (extractive, forestière, agricole, touristique …).
L'inversion des points de vue sur les rapports nature/sociétés, amorcée au cours du XIX° siècle avec la naissance de l'écologie scientifique, se manifeste principalement dans les décennies 1970-1980 quand, nourrie par la prise de conscience des limites des ressources planétaires, elle se cristallise dans des expression telles que "protection de l'environnement" ou "développement durable".
En terme de gestion des territoires, les préoccupations de préservation de milieux naturels jugés fragiles et menacés s'expriment dans des "mises en réserve" d'espaces qui sont ainsi soustraits partiellement ou totalement à la pression exercée par les activités humaines (parcs nationaux, parcs naturels, réserves naturelles).
Développement durable
L'expression est désormais largement utilisée, mais elle ne constitue pas un concept encore parfaitement stabilisé.
Il apparaît que l'approche en terme de développement durable met en jeu différentes temporalités :
- celle de l'évolution des espèces : à cet égard les tortues marines renvoient à un stade évolutif très ancien (100 millions d'années), soit antérieur à l'ère des dinosaures ;
- celle des dynamiques naturelles des littoraux, avec le jeu des processus d'accumulation-évacuation de matériaux ;
- celle des sociétés humaines dans leurs actions passées, présentes, et avec la projection vers le futur des effets de celles-ci.
Le développement durable ne peut se concevoir sans une réflexion sur de nouvelles formes de gouvernance : harmonisation des différents cadres législatifs et des processus de gestion des territoires, et implication nécessaire des acteurs locaux, etc.
Par ailleurs le développement durable prend en compte la préservation de la biodiversité, gage de ressources pour l'humanité.
Territoire, frontières, limites
La Guyane, territoire français "ultra-marin" pose la question de contacts frontaliers fortement dissymétriques (en terme de richesse, de législation) avec les territoires voisins, Brésil et Surinam.
Jeu des acteurs
Les concurrences ou conflits d'usages inhérents à tout espace "attractif" ou "convoité" s'expriment de diverses manières.
En terme d'échelles : locale, nationale (ici métropolitaine), internationale.
En terme de valeurs : richesse inégale induisant des points de vue (économiques ou culturels) eux-mêmes différents :
- localement, la consommation des œufs, ou de la chair des tortues peut relever d'une tradition, d'une culture. Pour les populations les plus pauvres (en provenance du Surinam), et les adeptes du braconnage, le prélèvement des œufs est une activité économique de cueillette et un complément de ressource.
- du point de vue métropolitain (pays riche et développé), les valeurs de protection, et un tourisme plus respectueux du milieu, ont pris le pas sur des attitudes destructrices ou prédatrices (tourisme agressif, collection de trophées "exotiques").
- paradoxalement, ici, la demande touristique exogène joue en faveur de la protection, les sites de ponte devenant gisements touristiques. Le touriste constitue en terme d'acteur un allié objectif des mesures de protection exprimées par la nouvelle législation.
Jean-Louis Carnat, Inspecteur d'académie - Inspecteur pédagogique régional - Académie de Lyon
06/12/2003
Pour citer cet article :
« Les sites de ponte des tortues marines en Guyane : un objet pour l'enseignement de la géographie ? », Géoconfluences, décembre 2003.
https://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/typespace/littoral1/popup/JLC.htm