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Protéger la nature bleue à Mayotte : aires marines protégées, rapports de force et conflictualités

Publié le 21/10/2024
Auteur(s) : Emmanuelle Surmont, agrégée et docteure en géographie, enseignante en CPGE - lycée Notre-Dame-de-la-Paix, Lille

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Les environnements maritimes mahorais sont protégés par plusieurs dispositifs. Si tous les acteurs insistent sur l’importance de la concertation et l'indispensable participation des acteurs locaux à la protection, la verticalité et la conflictualité ne disparaissent pas complètement de la gouvernance de ces aires marines protégées, dont la mise en place reste impulsée depuis Paris et la gestion en grande partie assurée par des représentants de l'État sur place.

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Les aires marines protégées (AMP) couvrent, en 2024, près de 24 % des eaux métropolitaines et ultramarines alors qu’elles ne représentaient que 0,0001 % des eaux françaises en 2000 ! En un peu plus de vingt ans, les ministères successifs en charge de l’environnement peuvent se targuer d’avoir créé 565 AMP (MTES, 2023).

Les premières préconisations d’AMP remontent à la Convention de l’UNESCO concernant la protection du patrimoine mondial naturel et culturel de 1972 qui prévoyait la préservation des biens naturels présentant un « intérêt exceptionnel ». La Convention suit de peu la Convention de Ramsar de 1971  sur « la conservation et l’utilisation rationnelle » des zones humides. La Convention des Nations unies sur le droit de la mer (ou Convention de Montego Bay) de 1982 exige que les États parties mettent en place des mesures de conservation et d’utilisation durable des ressources marines. Ces objectifs sont rappelés lors du Sommet de la Terre à Rio en 1992. La Convention sur la diversité biologique alors signée, prescrivant la conservation de la biodiversité et l’utilisation durable de celle-ci. Lors de la conférence de Nagoya en 2010, les objectifs de protection (objectifs d’Aichi) sont précisés, notamment pour le milieu marin : « à l’horizon 2020, au moins 10 % des zones marines et côtières seront conservées au moyen de réseaux représentatifs et bien reliés d’AMP gérés efficacement et équitablement ». À l’échelle européenne, les directives « oiseaux » de 1979 et « habitat faune-flore » de 1992 prévoient aussi la création d’un réseau d’aires protégées, y compris marines (Natura 2000).

Pour remplir (voire dépasser) au plus vite les objectifs de protection pris à Rio en 1992 puis à Nagoya en 2010, la France, à l’instar de nombreux autres États, a privilégié la mise en protection de très grands espaces. C’est dans ce contexte que le vaste parc naturel marin (PNM) de Mayotte a été officiellement institué le 18 janvier 2010 grâce à la Loi du 14 avril 2006 relative aux parcs nationaux, aux parcs naturels marins et aux parcs naturels régionaux. S’étendant sur l’ensemble de la zone économique exclusive (ZEE) française (69 000 km²), ce parc a ouvert la voie aux grandes AMP françaises couvrant systématiquement l’intégralité de la ZEE ultra-marine. Il s’inscrit également dans la stratégie française de création d’une nouvelle forme d’AMP, le « parc naturel marin », remplissant de nombreux objectifs allant de la protection des écosystèmes au développement local des activités liées à la mer.

Voir aussi, de la même autrice : Emmanuelle Surmont, « Le parc naturel marin de Mayotte : une aire marine protégée consensuelle ? », Géoconfluences, septembre 2024.

Le terme générique d’AMP désigne une aire géographiquement définie (dimension spatiale), réglementée et gérée (dimension juridique/réglementaire) en vue de remplir des objectifs spécifiques de conservation sur le temps long (dimension écologique). Ce terme ne désigne donc pas un statut officiel, mais renvoie à une grande variété de dispositifs et de statuts, avec des niveaux de protection très divers (Laslaz, Milian et Cadoret, 2023) : sites Natura 2000, réserves naturelles, parcs nationaux avec une portion marine, parcs naturels régionaux, parcs naturels marins, etc. Si ce flou a permis aux États de créer de nombreuses AMP sans y associer de réels dispositifs de protection – ce qui a fait l’objet de critiques très vives de la part de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) et de certains chercheurs et chercheuses (Claudet et al., 2020 ; UICN, 2012 ; UICN CMAP, 2018), il a aussi contribué à démultiplier les objectifs associés aux AMP, notamment en en faisant des outils de développement durable des activités littorales et marines pour des espaces « en panne de développement ».

Document 1. Le réseau des aires marines protégées françaises

carte des aires marines protégées en France 

Source de la carte : Office français de la biodiversité, Gérer et restaurer les espaces protégés. La France a ainsi mis en place de très grandes AMP dans ses outre-mer, comme la réserve naturelle nationale des Terres Australes Françaises créée en 2006 et étendue en 2016 puis en 2022 (1,7 million de km²) et le parc naturel de la Mer de Corail en Nouvelle Calédonie en 2014 (1,3 million de km²). À l’occasion du Grenelle de l’environnement de 2007, la France s’était engagée à créer dix PNM d’ici 2012, dont deux en outre-mer. Au final, neuf PNM seront créés entre 2010 et 2017 : six en métropole et trois en outre-mer, dont les parcs naturels marins de Mayotte (68 381 km²) en 2010 et des Glorieuses (43 000 km²) en 2012. En 2021, le PNM des Glorieuses est devenu une réserve naturelle nationale (sur les différents statuts d’AMP, voir en complément Laslaz, Milian et Cadoret, 2023).

C’est dans ce contexte « d’aide au développement local », qu’a été mis en place un parc naturel marin à Mayotte le 18 janvier 2010, peu avant la départementalisation de ce territoire, le 31 mars 2011. Tout comme la départementalisation, ce nouvel outil de gestion de la mer et du littoral s’accompagne de nouvelles réglementations et modalités de contrôle. Les AMP entraînent ainsi une profonde modification des pratiques et des perceptions des lieux, ce qui s’avère parfois conflictuel.

Comment la mise en place du parc naturel marin de Mayotte modifie-t-elle les pratiques littorales et les activités marines à Mayotte ? Comment les conflits, liés à la présence de cette AMP, (re)modèlent-ils ces espaces naturels protégés ?

Je vais dans un premier temps présenter le fonctionnement du parc naturel marin de Mayotte et la manière dont les gestionnaires œuvrent pour cette AMP. Dans un second temps, je montrerai que la conflictualité se déploie à plusieurs niveaux : entre les gestionnaires et les populations locales, mais aussi au sein des instances décisionnelles. Je vais enfin analyser les stratégies mises en œuvre pour limiter cette conflictualité, qui se traduisent parfois par un affrontement (éventuellement violent, avec répression de comportements « déviants »), mais qui prennent le plus souvent la forme d’un évitement et d’un contournement individuel du conflit ou d’interventions en amont des conflits (sensibilisation des populations au sein d’espaces de concertation). Dans cet article, je souhaite ainsi montrer comment se dessine une ligne de front écologique incomplète, en « pointillés », et une géographie différentiée de la protection au sein des aires protégées mahoraises.

1. Les aires marines protégées de Mayotte : des dispositifs de protection qui font « bouger les lignes »

Les AMP regroupent différents dispositifs dont la puissance publique peut s’emparer afin de remplir ses obligations de protection des environnements marins, dont la clé de voûte institutionnelle est, à Mayotte, le Parc naturel marin.

1.1. Les aires marines protégées, un dispositif recouvrant des réalités très variées

Le vaste Parc naturel marin de Mayotte a été créé par le décret n°2010-71 du 18 janvier 2010. Composé de sept articles, ce décret délimite le parc, définit la composition du conseil de gestion du PNM et précise les orientations de gestion. Le parc est une AMP juridiquement peu contraignante : sa création ne s’accompagne pas d’interdictions ou de restrictions d’activités, au contraire des arrêtés préfectoraux. Par contre, le parc englobe d’autres aires protégées et se superpose à d’autres dispositifs de protection préexistants, comme les arrêtés préfectoraux, qui eux prévoient des contraintes juridiques. Il convient donc d’étudier le PNM dans son environnement régional et de préciser ses liens avec les autres instances de gestion (document 2).

Document 2. Les aires marines protégées à Mayotte

aires marines protégées Mayotte carte

Document 3. Une variété d’acteurs et de dispositifs dans la protection et la mise en valeur des milieux marins à Mayotte

Saziley

La presqu’île de Saziley, l’une des principales plages de ponte pour les tortues vertes dans l’océan Indien, est protégée par le parc naturel marin et par un site du conservatoire du littoral. Elle est aussi réglementée par un arrêté préfectoral de protection de biotope. Clichés d’Emmanuelle Surmont, 2018-2019.

vasière des Badamiers

La vasière des Badamiers sur Petite-Terre est une étendue d’eau saumâtre bordée de mangrove est labellisée « site Ramsar » pour son importance comme zone humide d’intérêt international depuis 2011. Elle joue un rôle écologique essentiel pour l'alimentation et le repos des oiseaux limicoles et marins. Elle est aussi protégée par un arrêté de protection de biotope. Elle est gérée par le Conservatoire du littoral.

L’îlot Choazil

L’îlot Choazil, périodiquement fréquenté par les touristes pour des « apéros au soleil couchant » organisés par les prestataires nautiques. Les îlots de Mayotte sont gérés par le Conservatoire du littoral.

port de pêche de Petite Terre

Le port de pêche de Petite Terre. Le poisson est débarqué et directement vendu par les pêcheurs. Clichés d’Emmanuelle Surmont, 2018-2019.

Antérieure au PNM, la réserve naturelle nationale (RNN) de l’îlot M’Bouzi, créée en 2007, est la première véritable AMP de l’île de Mayotte. La partie terrestre protège une flore rare, dont les reliques d’une forêt sèche primaire endémique, et la partie marine des écosystèmes sous-marins coralliens fréquentés par des dauphins, des tortues et des dugongs. Toute petite aire protégée de 0,6 km², elle fait partie du réseau national de protection des réserves naturelles de France. Elle est actuellement gérée, et ce depuis sa création, par une association environnementale : Les Naturalistes de Mayotte. Ses objectifs sont principalement des objectifs de protection et de restauration des milieux.

Document 4. Le quotidien de la protection dans la réserve naturelle nationale de l’îlot M’bouzi

îlot M'bouzi

Source : planche extraite de la thèse de l’autrice (2021).

Le PNM de Mayotte prévoit non seulement la protection du lagon, mais aussi celle de l’ensemble de la ZEE attenante à l’île, soit environ 69 000 km². Cette gigantesque AMP englobe donc un vaste merritoire au sein duquel interviennent de nombreux autres acteurs en charge de la protection de l’environnement marin. Le PNMM est actuellement géré par l’Office Français de la Biodiversité (OFB) ((Lors de la création du PNM, il s’agissait de l’Agence des Aires Marines Protégées (AAMP) devenue ensuite l’Agence Française pour la Biodiversité (AFB) puis finalement l’Office Français de la Biodiversité (OFB). Voir le glossaire.)) suppléé par un conseil de gestion. Ce « parlement de la mer » rassemble plusieurs collèges représentatifs des acteurs de la mer sur l’île.

Lire aussi : Emmanuelle Surmont, « Le parc naturel marin de Mayotte : une aire marine protégée consensuelle ? », Géoconfluences, septembre 2024.

Certains services de l’État interviennent sur les questions relatives au milieu marin ou à l’environnement : la DM SOI (Direction de la mer sud océan Indien : surveillance des eaux, police des pêches), la DEAL (Direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement : mise en œuvre de la protection de l’environnement), la préfecture et la gendarmerie (compétence en police des pêches). Leurs actions se complètent et se conjuguent à celles menées par les agents du PNM. En 2023, la DM SOI et la DEAL ont été fusionnées pour former la DEALM (Direction de l’environnement, de l’aménagement, du logement et de la mer).

Depuis 2018, la coordination entre les différents services a été renforcée. Par exemple, un lien plus direct a été mis en place entre les gestionnaires, les services de l’État et les tribunaux pour améliorer les procédures concernant les infractions environnementales. Dans un tout autre registre, le PNM réalise un certain nombre d’études partiellement mutualisées avec celles de la RNN de l’îlot M’bouzi. Le partenariat avec le parc permet de compenser le faible investissement des gestionnaires sur la partie marine, d’autant plus que la réserve dispose d’un budget beaucoup plus modeste que le PNM.

L’ensemble des acteurs mentionnés précédemment agit dans le cadre des décrets de création et des plans de gestion des AMP, auxquels s’ajoutent des décrets préfectoraux concernant à la fois le contrôle des espèces, des espaces et des activités humaines. Le rôle de tous ces « écogestionnaires » est à la fois incitatif et prescriptif et repose sur des actions d’animation, mais aussi de surveillance et sur des sanctions.

Document 5. Acteurs participants à la gestion des aires marines protégées à Mayotte

fonctionnement organigramme

1.2. Filtrage et contrôle des activités au sein des AMP

La logique qui sous-tend l’instauration des AMP n’est pas l’exclusion des activités humaines, mais l’encadrement de celles-ci, voire dans certains cas leur renforcement.

Deux systèmes de légitimation des activités coexistent au sein des AMP. D’une part, les activités « tolérées », autorisées et encadrées par la loi. Il s’agit d’activités légales, comme la pêche, par opposition aux activités illégales, « criminalisées », comme le braconnage.

D’autres part, d’autres activités, comme le tourisme et la recherche scientifique, sont considérées comme les plus légitimes et font alors l’objet d’une promotion et d’une valorisation de la part des gestionnaires.

2. Conflits sur la ligne de front

Après cette rapide présentation des acteurs de la protection de l’environnement et de leurs activités, il faut désormais s’attacher à montrer la réalité de leurs actions sur le terrain et les conflictualités qui en découlent. Celles-ci se déploient à plusieurs niveaux : entre les gestionnaires et les populations locales, mais aussi au sein des instances décisionnelles.

2.1. Escalade des violences et conflictualités : confrontation entre deux systèmes socio-spatiaux

L’ensemble des gestionnaires interviewé lors d’entretiens soulignent la dangerosité de certaines de leurs missions de surveillance et de contrôle liés aux questions environnementales. Ils et elles soulignent que les contrôles requièrent beaucoup de personnel formé et équipé, parfois armé. Ils et elles insistent sur leur inquiétude qu’un « contrôle tourne mal » (notamment les contrôles de pêche). Par exemple, le directeur de la brigade nature de l’OFB à Mayotte évoque des contrôles de « routine » effectués sur mer, nécessitant pourtant un nombre conséquent d’agents, disposant d’un armement, voire la présence de la gendarmerie. Ceci tient au fait que les personnes contrôlées ou interpellées sont possiblement « armées » et que tout contrôle suppose, avant tout, d’assurer la sécurité des personnes en charge des contrôles. Lors de cet entretien (réalisé en mai 2018), il pointe le fait que les « gens sont énervés » par les contrôles, ce qui semble bien démontrer que ces contrôles ne sont pas vus comme légitimes et qu’ils génèrent des crispations, pouvant déboucher sur des violences (verbales voire physiques) à l’encontre des agents.

« On est armés. On a affaire à des gens, qui dans le bateau, ont à disposition soit des fusils de chasse, soit des chambos [machette], soit des cailloux, soit des rames, soit des choses comme ça. […] Je pense à des professionnels qui pêchent au filet, en une année, qu'on aura contrôlé trois ou quatre fois, qui systématiquement sont en infraction. Les gens sont énervés. Quand on les contrôle, ils ont comme par hasard des filets au mauvais endroit... si jamais le contrôle tourne mal, et ça peut très mal tourner. »

Témoignage d’un ou une agent de contrôle

On comprend bien que deux systèmes se confrontent ici : celui des pêcheurs et celui des gestionnaires. Les contrôles effectués par les gestionnaires restent encore très souvent considérés comme illégitimes. Ils sont perçus comme l’instauration, à toute force, d’un cadre de gestion national et rigide qui se heurte aux réalités du terrain. À Mayotte, les pêcheurs –notamment professionnels – pêchent très souvent, voire quasiment exclusivement, dans des zones interdites, avec des techniques non réglementaires (par exemple au filet, comme mentionné dans l’extrait d’entretien ci-dessus) ou dans des zones autorisées mais en infraction vis-à-vis du code des transports. La majorité des gestionnaires déplorent le caractère « usant » de cette chasse aux braconniers et les échecs répétés, successifs, des politiques de confrontation. Les violences subies de part et d’autre n’enrayent pas les illégalismes, pas plus que les condamnations ne permettent de réellement préserver l’environnement. En effet, le seul intérêt des poursuites réside dans la symbolique de l’action judiciaire et dans une éventuelle récupération de dommages et intérêts – le plus souvent limités.

Les peines encourues peuvent pourtant être lourdes. À titre d’exemple, la destruction d’une espèce protégée est punie d’un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende. En 2015, une femelle dugong, espèce protégée à Mayotte depuis 1995 avait notamment été pêchée et tuée par un braconnier. Celui-ci avait été condamné à 8 mois de prison, dont 3 mois ferme. La « pêche maritime avec un engin dans une zone où son emploi est interdit » est un délit punissable de 22 500 euros d’amende pouvant donner lieu à des peines complémentaires telles que la saisie et la destruction du matériel de pêche ou le retrait de l’autorisation de pêche pour les pêcheurs professionnels. Régulièrement, les autorités effectuent donc des contrôles débouchant sur des sanctions, comme tout récemment en janvier 2024 : la préfecture a autorisé la saisie de centaines de poulpes et de poissons ainsi que du matériel ayant permis ces captures. Les contrevenants ont été appréhendés et les personnes en situation irrégulière ont été interpellées et reconduites vers leur pays d’origine (Mayotte Hebdo, février 2024)

2.2. Rapports de force et conflictualité parmi les écogestionnaires

Par ailleurs, des tensions existent également au sein des gestionnaires. Ces tensions sont particulièrement fortes lorsque deux organisations se partagent le contrôle d’un même merritoire ou d’un même sujet. De ce point de vue, le PNM vient constituer un échelon supplémentaire dans un espace où interviennent déjà plusieurs services de l’État, notamment la préfecture, et d’autres agences, notamment les services départementaux de l’OFB (police de l’environnement). Mes entretiens montrent que certains acteurs mettent en place des stratégies de délégitimation de partenaires, en s’appuyant soit sur un dénigrement de leurs compétences du fait de différences de cultures administratives, soit sur une négation de leur autorité sur la zone en vertu d’une antériorité historique. Il en résulte des coopérations plus ou moins fructueuses au fil du temps. Ainsi, l’efficience des actions menées dépend de la capacité et de la volonté de certains acteurs à travailler ensemble à un moment donné, à construire des alliances et des coopérations.

Des tensions aiguës existaient en 2019 entre les agents du PNM et la nouvelle équipe de la DM SOI concernant les prérogatives du parc sur les questions de pêche. Par exemple, l’adjointe au directeur des Affaires maritimes mentionnait éviter sciemment d’inclure l’instance du PNM dans les actions qu’elle mène, alors que ces deux instances devraient travailler de concert.

« Je vais demander deux autres opé[rations de contrôle des pêches]. Le parc marin n'y est pas, on ne les tient pas au courant. Il n'en est même pas question. Ce n'est pas l'État. » 

Adjointe au directeur des Affaires maritimes, entretien en mai 2019.

Elle distingue très nettement les services de l’État (la DM SOI, devenue depuis DEALM) et les agences de l’État (l’Office français de la biodiversité qui gère le Parc), dans une logique corporatiste. Très attachée à la défense de l’État et aux prérogatives régaliennes, elle distingue les actions relevant de la protection de l’environnement de celles relevant de son service, gérant les pêches – prérogative du préfet. Pour elle, les agences ne sont pas l’État et doivent donc être traitées avec circonspection. Plus loin dans l’entretien, elle juge le PNM peu au fait des réglementations et outre-passant ses prérogatives.

« Personne au parc marin ne peut se prévaloir de la qualité d'OPJ [Officier de police judiciaire] pour opérer les vérifications d'identité et les auditions – parce qu’apparemment il y avait une petite confusion. Elle a été levée […] Et deuxième chose, les PV transmis aux Affaires Maritimes c'est les Affaires Maritimes qui donnent un avis. […] La réglementation est assez complexe et ils ont vite fait de se tromper. […] Parce qu’un procureur, s’il poursuit et qu’il dit : "Monsieur le juge c’est inadmissible, le monsieur fait ça" et que l'avocat lui dit "Non mais attendez ce n’est pas la bonne qualif ou ce n’est pas le bon texte, manque de base légale, manque de base matérielle ou manque d'éléments intentionnels", [ça ne va pas]. »

Adjointe au directeur des Affaires maritimes, entretien en mai 2019.

Au-delà de l’attaque personnelle contre quelques agents avec lesquels elle semble avoir des relations difficiles, cette illustration est significative des freins existants dans la mise en commun des moyens et dans le montage d’actions conjointes et coordonnées. Ce cloisonnement va à l’encontre même de la mise en place d’une coordination générale sur les questions environnementales marines.

Les agents du parc, conscients de cette difficulté relationnelle, critiquent en retour l’action de la DM SOI qui dépend de la préfecture :

« Sur la pêche à pied, ils [la DM SOI] ont imposé des quotas pour la plaisance, ils ont interdit certaines espèces à la capture... Ils ont imposé des dates de fermeture, d'interdiction sur tout le territoire, pendant que nous [au PNM] on était en train d'essayer de mettre en œuvre les réserves volontaires, communautaires pour justement inciter un peu les communautés, donc au sens large, pêcheurs, consommateurs, collectivités, à prendre conscience de leur rôle dans la gestion des ressources et à avoir des démarches qui sont plus bottom-up pour une fois, et pas un truc imposé par l'État [du style] « à partir de maintenant on fait comme ça et pas autrement ». C'est quelque chose que toutes les administrations essayent de faire depuis que Mayotte est française, en vain. Enfin, je veux dire l'arrêté pêche c'est le meilleur exemple en soi. Personne ne le connaît. Ça va bientôt faire un an qu'il est en vigueur, personne ne sait ce qu'il y a dedans. Et il n’est absolument pas appliqué. […]

— Mais pourquoi alors avoir pris cet arrêté ?

— Parce que c'était pas les mêmes personnes... parce que [l’agent qui] était à la rédaction, il est parti, […] le secrétaire de la Préfecture qui l'avait signé, il est parti aussi. Et les nouvelles personnes n'assument pas ce qui a été arrêté. Enfin, moi, c'est comme ça que je vois les choses. »

Agent du parc, entretien en mai 2019.

Ce témoignage est révélateur de l’absence de coordination entre ces deux services sur la question de la pêche. Alors que les agents du parc ont monté un projet de fermeture temporaire des zones de pêche restreintes à certains villages dans une approche de cogestion, la DM SOI a pris un arrêté très strict sur la question de la pêche, imposant des fermetures sur l’ensemble du territoire. Selon l’interviewé, l’action de la DM SOI est contre-productive dans la mesure où elle ne s’adapte absolument pas au territoire. De plus, revenir sur le turn-over des services de l’État pour en pointer les incohérences et les changements de politique permet de légitimer l’action du PNM, en prise avec le territoire sur le long terme. Le PNM se trouve donc relégitimé dans son action grâce à son antériorité sur le terrain, sa constance et finalement, son légalisme.

Il se dessine ainsi sur le terrain des situations conflictuelles liées à l’imposition du système des AMP sur des espaces où préexistaient déjà des pratiques, notamment vivrières. Sur le territoire de Mayotte, les actions de protection de l’environnement en mer sont entravées par des conflictualités latentes entre les autorités et les populations locales, et au sein des institutions. Les exemples présentés ci-dessus permettent aussi de cerner les différences d’approches entre les acteurs de l’environnement sur le territoire de Mayotte et l’originalité de la démarche du PNM, qui se veut participative, innovante et adaptée au territoire.

3. Un front à trous : entre affrontements et stratégies d’évitement

Il convient de regarder plus en profondeur les conséquences spatiales de ces conflictualités. J’en distingue trois : affrontements (à l’occasion violents), évitements individuels du conflit et interventions en amont des conflits. Finalement, face aux « aspérités du terrain », le merritoire de la conservation apparaît réduit et réticulaire.

3.1. Affrontements localisés

Le manque de moyens et de personnel ne permet pas aux agents d’assurer une présence continue et ubiquiste dans tout le PNM. À l’instar d’autres AMP, la création rapide du parc marin de Mayotte ne s’est pas accompagnée de la création d’un nombre suffisant de postes pérennes ni d’une formation des personnels. En 2017 par exemple, le PNM ne comptait que 27 agents au lieu des 41 prévus dans l’organigramme. Aux agents en poste fixe, s’ajoutaient des personnels non-pérennes : volontaires du service civique, fonctionnaires territoriaux en disposition, postes financés sur crédits européens ou autres financements externes, agents recrutés dans le cadre des emplois d'avenir, etc.

Certaines zones s’apparentent ainsi à des angles morts de la protection environnementale. L’espace au-delà du littoral et du rivage proche est difficilement appréhendé et peu surveillé. En conséquence, on observe un repli des contrôles et des surveillances sur certaines zones pour lesquelles les enjeux sont considérés comme étant les plus importants, d’où des zones de frictions limitées, pour des activités spécifiquement ciblées. On note une focalisation de la part des gestionnaires sur certaines questions (l’encadrement de l’écotourisme, la lutte contre le braconnage), sur certaines espèces charismatiques et emblématiques (tortues braconnées pour leur viande et mammifères marins, comme le dugong) ou sur certains espaces (zone des 12 milles, à l’intérieur du lagon et quelques sites comme la Passe en S, site pourvu d’une biodiversité remarquable).

Encadré 1. Le dugong, une espèce emblématique du lagon de Mayotte

dugong

Document 6. Un dugong et deux touristes en plongée. Cliché de Kora27, septembre 2018, sous licence CC (source)

Le Dugong est un mammifère exclusivement marin appartenant à l’ordre des siréniens. Gros herbivore pouvant atteindre 4 m de long et peser 420 kg, il absorbe en moyenne 30 à 40 kg de nourriture par jour prélevé dans les herbiers marin. Du fait de ce régime alimentaire, le dugong se cantonne aux zones côtières, ce qui en fait une espèce particulièrement vulnérable aux pressions humaines.

Les dugongs sont classés comme « vulnérables à l'extinction » sur la Liste rouge des espèces menacées de l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN). Aujourd’hui, on estime qu’il reste moins de 10 dugongs dans le lagon Mayotte, alors qu’ils étaient bien plus nombreux dans les années 1970. La pêche et la dégradation des habitats côtiers seraient la cause de leur déclin (source : PNM de Mayotte, 2024). De plus, l’espèce reste mal connue.

Un Plan National d’Actions en faveur du dugong à Mayotte (PNA) a été mis en place à Mayotte pour la période 2021-2025, financé par la DEAL Mayotte. Ce projet de conservation a deux principaux objectifs : limiter la mortalité des dugongs en agissant sur les menaces directes et améliorer les connaissances sur l’espèce et son habitat.

3.2. Éthiques personnelles et stratégie de contournement

Si certains gestionnaires semblent apprécier, voire rechercher les confrontations, d’autres refusent d’associer à leur travail une dimension répressive. Ainsi les dynamiques de protection se trouvent modulées par l’existence de logiques d’actions personnelles propres aux agents des AMP, selon leurs valeurs et leurs sensibilités. Un certain nombre d’agents de l’environnement ne sont pas à l’aise avec le conflit et ne veulent pas être assimilés à des policiers, compte-tenu de leur culture professionnelle et politique. Ils ou elles semblent assez peu motivées à se former à des modes d’action répressive, préférant des modalités d’intervention plus douces et plus horizontales.

De plus, dans plusieurs cas documentés par le terrain, les actions de police de l’environnement se révèlent être prétextes à d’autres actions sans lien direct avec l’environnement. À Mayotte, la lutte contre les atteintes à l’environnement se trouve largement noyée sous d’autres préoccupations plus politiques comme la lutte contre l’immigration clandestine (LIC). La LIC constitue une priorité politique affichée par les préfets successifs (El Idrissi, 2018 ; Geisser, 2016 ; Legeard, 2012 ; Wu-Tiu-Yen, 2015). En effet, les missions de contrôle de l’environnement peuvent nécessiter des moyens importants et présenter des risques, pour des résultats finalement assez peu politiquement valorisables, ce qui pourrait expliquer qu’elles ne soient pas priorisées. Pour autant, les contrôles de police de l’environnement peuvent être instrumentalisés à des fins autres que la préservation de l’environnement. Selon certains acteurs rencontrés, le contrôle des pêches permet de servir la politique migratoire française. L’un des agents de la DM SOI mentionne que le contrôle des pêches autorise les contrôles d’identité et en conséquence peut aboutir à des expulsions.

« Et c'est ça qui intéresse le préfet. C’est pour ça qu'on me donne les moyens, parce que je lui dis : "Écoutez, moi j’ai aucune compétence en immigration clandestine mais je peux vous jurer qu'on en voit tous les quatre matins [des clandestins]". […] C’est toute la spécificité mahoraise. […] Pour vous donner une idée, l’autre jour, le parc marin m'appelle […] parce qu'il venait de trouver une pirogue. Pirogue de sept mètres, motorisée, trois personnes à bord, non quatre. Cents kilos de poulpes, des masques-tubas, les quatre avec des combinaisons de plongée. Trois clandos. Où vous avez vu que les clandestins ont des combinaisons de plongée neuves ? Avec des palmes masques tuba neufs ? Où est ce que vous avez vu ça ? On n'a jamais vu ça nulle part. Donc j'ai une infraction de pêche. J’ai aussi des clandestins. Vous voyez ce que je veux dire. Alors il faut être très clair, cette pirogue n'est pas à eux. […] Donc moi mon problème, […] il est de remonter jusqu’à celui qui exploite ces gens-là. Le problème c'est que comme ils sont clandestins, ils vont être renvoyés. Ils reviendront, hein, le lendemain. […] Moi, quand je les vois en mer le dimanche – quand je suis en mer à titre perso – je vois passer le Maria Galanta, je leur dis "À demain". Parce qu’avec un peu de chance, ils vont arriver à Anjouan à 19 heures. Normalement ils doivent pouvoir prendre le kwasa [pirogue] de 23 heures. Je ne m’inquiète pas beaucoup. Mais en fait ce qui nous intéresse c'est de choper le Mahorais à qui appartient la barque, qui finance les combinaisons, les palmes et qui va récupérer la pêche et qui de toutes les façons les tient. Parce qu’ils travaillent pour lui et je suis sûre qu'il les loge. Cent kilos de poulpes à dix euros le kilo, ça lui fait mille euros. Il va donner dix euros à chacun des types et il garde huit cents ou neuf cents euros pour lui. Et le procureur et moi, c'est celui-là qui nous intéresse. »

Entretien avec un ou une agent, mai 2019.

L’objectif (à peine) caché de la préfecture est de « faire du chiffre » et de démontrer que les missions de lutte contre l’immigration clandestine sont efficaces. Les expulsions restant coûteuses, la Préfecture préfère agir à l’encontre de citoyens de nationalité française qui ont apporté leur aide à un séjour irrégulier ou commis des infractions vis-à-vis du droit du travail. Ainsi, il semble politiquement plus judicieux de sanctionner celles et ceux qui exploitent la misère et tirent bénéfice de cette immigration clandestine en flux continu depuis les Comores. Ces politiques, cependant, ne sont pas sans conséquence sur les personnes en situation irrégulière, en dépit de la dédramatisation de leur situation dans l’extrait proposé ci-dessus (peut être liée à une habitude du phénomène ou à un besoin de mise à distance). Il y a donc mise en place de stratégies (plus ou moins nettement affirmées) par les gestionnaires pour revaloriser leurs problématiques environnementales. Les gestionnaires usent de la rhétorique la plus politiquement vendeuse (wording) pour servir leurs intérêts environnementaux et les faire valoir auprès des services concernés. Il y a, de leur part, une tentative de relier les questions environnementales à des questions politiques, stratégiques, notamment de souveraineté et de contrôle des frontières.

Cette « instrumentalisation » des questions environnementales favorise occasionnellement une coordination entre les services. Il s’agit plus d’une conjonction d’intérêts que d’une coordination pleine et entière. Cependant, certains et certaines des agents critiquent la politique française et l’instrumentalisation de leurs actions en vue de lutter contre l’immigration clandestine à Mayotte. Pour eux, les conséquences humaines des actions menées en vue d’une protection de l’environnement sont trop graves pour être réalisées sans se questionner. Plusieurs des enquêtés rencontrés, agents de l’État, expriment un malaise vis-à-vis de cette situation qui les met en contradiction avec leurs valeurs personnelles. Une partie des agents de terrain sont tentés d’adopter une posture souple, compréhensive, vis-à-vis des populations pauvres qui braconnent pour se nourrir. Certains agents adoptent également des stratégies personnelles d’évitement des conflits, notamment lorsqu’ils et elles connaissent ou habitent à proximité des personnes braconnant.

3.3. Évitement et négociation : nouveaux usages ?

On comprend bien que la gestion des illégalismes sur le terrain est assez complexe, compte-tenu du manque de moyens, de personnels, mais aussi des stratégies personnelles mises en place. Le PNM propose un fonctionnement permettant théoriquement de limiter ces conflits en intervenant en amont de ceux-ci (voir cet article). Dans le cas de Mayotte, le PNM a, par exemple, instauré des mesures de cogestion de zones de pêche avec les communautés locales. Aucune des actions du PNM n’est cependant exempte de rapport de forces.

Conclusion

À Mayotte, plusieurs AMP permettent de protéger cette « nature bleue » exceptionnelle. Si le grand PNM qui couvre toute la ZEE allie objectifs de protection et souci de développement durable, les réserves naturelles ainsi que les arrêtés préfectoraux imposent un cadre de protection plus strict, plus contraignant pour ce qui est des activités de pêche notamment. L’ensemble de ces aires protégées encadrent, contraignent, favorisent ou limitent les activités prenant place sur le milieu marin.

L’ensemble de ces AMP participent d’une forme « d’accaparement de l’océan » (blue grabbing) (Bennett, Govan & Satterfield, 2015). En effet, le souci de préserver un « océan mondial » de plus en plus dégradé et surexploité consiste concrètement à la mise en place, sur des territoires donnés, d’actions de protection. Il s’agit in fine d’une appropriation d’un espace marin de grande valeur écologique par un ou plusieurs groupes d’acteurs, au détriment d’autres groupes et ce, au nom de la protection de la nature. Cette protection repose sur un processus de légitimation de certaines activités au détriment d’autres au sein de l’AMP. Cette sélectivité sous-tend la logique même du « front écologique » maritime, car elle suppose une subversion des valeurs et des pratiques – reposant sur un contrôle et une régulation de celles-ci (Fletcher, 2017 ; Rutherford, 2007) – et le remplacement d’un ordre socio-spatial par un autre (Guyot, 2017).

J’avais donc dans ma thèse (Surmont, 2021) postulé qu’un « front écologique maritime » était à l’œuvre à Mayotte (document 7). Les AMP mahoraises entraînent en effet une profonde modification des pratiques et des perceptions des lieux pour les populations locales. Les AMP ont un effet transformateur sur le territoire mahorais. Ce front écologique ne se construit pas sans résistance (populations locales aux pratiques vivrières préexistantes, pêcheurs) ni conflictualités internes (désaccord entre les gestionnaires, vision différente de ce que devraient être ces AMP). Les exemples présentés dans cet article permettent de montrer les différentes approches coexistant dans la gestion de l’environnement au sein de ces AMP mahoraises. L’originalité de la démarche du PNM, qui se veut participative, innovante et adaptée au territoire ressort particulièrement comme un dispositif à la charnière entre des approches verticales, encore très « top-down » et de nouvelles formes plus horizontales et « bottom-up ».

En conséquence, pour l’heure, nous constatons une ligne de front « en pointillés » avec des zones de force et de faiblesse, des zones d’affrontement et d’évitement, gérée par des éco-gestionnaires aux relations mouvantes. Une géographie différentiée de la protection se dessine ainsi au sein du PNM.

Document 7. Le front écologique maritime

front écologique maritime

Bibliographie

Mots-clés

Retrouvez les mots-clés de cet article dans le glossaire : aire marine protégée | Convention de Ramsar | espèce emblématique | merritoire | Natura 2000 | Office français de la biodiversité | réserves naturelles de France.

 

Emmanuelle SURMONT

Agrégée et docteure en géographie, enseignante en CPGE, lycée Notre-Dame-de-la-Paix, Lille

 

Édition et mise en web : Jean-Benoît Bouron

Pour citer cet article :  

Emmanuelle Surmont, « Protéger la nature bleue à Mayotte : aires marines protégées, rapports de force et conflictualités », Géoconfluences, octobre 2024.
https://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-thematiques/les-espaces-littoraux-gestion-protection-amenagement/articles-scientifiques/amp-mayotte