Bidonville, quartier informel, quartier d'habitat spontané, habitat précaire, autoconstruction
Un bidonville désigne, dans le langage courant, un quartier d'habitat autoconstruit avec des matériaux de récupération. En géographie, on utilise davantage les expressions de « quartier informel » ou de « quartiers d'habitat informel », pour insister sur l'installation de leurs habitant en dehors d'un cadre juridique formalisé (voir >>> informalité), ou bien celle de « quartier d'habitat spontané » pour insister sur l'autoconstruction sans plan préalable. Martin Luther Djatcheu (2018) préfère le terme plus englobant d' « habitat précaire ». Quel que soit leur nom, ces quartiers ont en commun un ensemble d'habitations précaires, dans des secteurs non viabilisés, parfois faites de matériaux de récupération et dont les habitants ne possèdent pas de titre de propriété. Il résulte d'une occupation de fait, illégale, du sol dans les secteurs des périmètres urbains ou périurbains considérés comme inutilisables, dangereux, plus ou moins insalubres (fortes pentes, zone inondable et lagunes, décharge, etc.) et laissés vacants. L'apparition de ces constructions est souvent rapide, parfois en une nuit, afin de prendre de court les autorités. La version nomade du bidonville est le camp de tentes correspondant souvent à la migration précipitée d'un grand nombre de personnes, notamment en cas de conflits.
Alimentés par les flux de populations rurales, souvent pauvres, attirées vers les grandes villes mais ne pouvant s'y loger décemment, ces quartiers sont liés aux migrations rurales (et plus généralement insérés dans les circuits migratoires villes-campagnes, ce qui implique également des retours). Dans les pays riches, les bidonvilles ont été synonymes de forte croissance urbaine à une époque de croissance économique rapide reposant sur une main d'œuvre abondante et mal rémunéré (en France pendant les Trente glorieuses par exemple). Aujourd'hui, il sont le symptôme d'une crise du logement et d'une difficile insertion des populations les plus précaires dans la ville.
À l'origine, le mot bidonville désignait les « maisons en bidons » bricolées par les migrants des campagnes vers les villes marocaines. Comme son équivalent anglais, le slum, utilisé par les instances internationales, le terme n'est pas exempt de misérabilisme. Or il masque une réalité très diversifiée. En effet, les quartiers réalisés en matériaux de récupération donnent souvent naissance, à plus ou moins long terme, à des quartiers consolidés aux habitations construites en dur et en voie progressive de reconnaissance et de viabilisation, avec toute une gradation de formes intermédiaires. De plus, autoconstruction ne veut pas toujours dire matériaux de récupération : les matériaux de construction sont parfois achetés, notamment grâce au système de la tontine. Dans certaines villes, les quartiers autoconstruits sont la norme, ou au moins une forme de norme, et au fil des générations leurs habitants ont pu consolider leur position socio-économique. Lorsqu'il n'a pas été détruit au bulldozer par les autorités municipales ou d'échelon supérieur, le devenir habituel d'un quartier autoconstruit est d'être légalisé, raccordé aux réseaux, et finalement inséré dans la trame urbaine. Beaucoup de quartiers aujourd'hui patrimonialisés des faubourgs historiques des vieilles villes européennes furent, à l'origine, des quartiers d'habitat spontané. On doit aussi tenir compte d'un habitat informel et nomade, sous tente parfois, de sans-abris en nombre croissants dans certaines grandes agglomérations.
Les termes pour désigner ces quartiers dans différentes langues sont innombrables et ils peuvent désigner des réalités très différentes en fonction des situations urbaines locales.
Quelques-uns des nombreux mots désignant les quartiers d'habitat spontané
(1) La favela est un arbre caractéristique du sertão et le nom d'une colline proche de Rio de Janeiro où étaient cantonnés des soldats au XIXe siècle (De Almeida, 1994). |
En raison de leur nature même, les statistiques sur ces habitats précaires sont approximatives. Cependant, selon l'ONU-Habitat (UN Habitat), une quinzaine de villes auraient au moins un million d'habitants en bidonvilles (4 millions à Mexico, 2,2 à Caracas). 1 milliard d'individus environ vivraient aujourd'hui dans des bidonvilles ou dans des taudis, un chiffre en augmentation absolue, mais en diminution en part de la population mondiale, entre 1990 et 2010.
(Coll.) dernières mises à jour (JBB) : janvier 2017, mars 2020, mai 2021, septembre 2021.
Références
- De Almeida Abreu Mauricio, Le Clerre Gérard (trad.). « Reconstruire une histoire oubliée. Origine et expansion initiale des favelas de Rio de Janeiro ». Genèses, 16, 1994. Territoires urbains contestés. p. 45-68.
Pour compléter
- En France (Mayotte) : Fahad Idaroussi Tsimanda, « Migrer pour un bidonville. La vulnérabilité socio-économique des migrants comoriens à Mayotte », Géoconfluences, janvier 2023.
- Au Vietnam : Khac Minh TRAN, « La métropolisation de la région de Hô Chi Minh Ville : industrialisation globalisée, urbanisme de projet et concurrence intra-régionale », Géoconfluences, octobre 2021.
- Au Sénégal : Joseph Samba Gomis, « Quand la débrouille des habitants pallie une politique urbaine défaillante : l’extension de l’habitat informel dans l’agglomération de Ziguinchor (Sénégal) ». Géoconfluences, septembre 2021.
- Au Venezuela : Camille Reiss, « Téléphérique ou taxis collectifs ? Vers un désenclavement des quartiers informels de Medellín (Colombie) », Géoconfluences, mai 2021.
- En Indonésie : Judicaëlle Dietrich, « Politiques de l’eau et lutte contre la pauvreté à Jakarta, un rendez-vous manqué », Géoconfluences, juin 2020.
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Au Cameroun : Martin Luther Djatcheu, « Fabriquer la ville avec les moyens du bord : L’habitat précaire à Yaoundé (Cameroun) », Géoconfluences, septembre 2018.
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Au Kenya : Jean-Baptiste Lanne, « Portrait d’une ville par ceux qui la veillent. Les citadinités des gardiens de sécurité dans la grande métropole africaine (Nairobi, Kenya) », Géoconfluences, 2017.
- Au Brésil : Hervé Théry, « Portrait de São Paulo (2) : contrastes, problèmes, défis », Géoconfluences, 2016.
- Rémy Knafou, « Touristes dans les bidonvilles : après la télé réalité, le "tourisme réalité" », Géoconfluences, 2011.