Mangrove
La mangrove est une formation végétale des littoraux intertropicaux, constituée par l’association de plantes arborescentes ou arbustives halophiles regroupées sous le terme de palétuviers et qui se développent dans la zone de balancement des marées (l’estran).
Ainsi, entre 25°N et 25°S, les mangroves colonisent presque 75 % de la côte en situation abritée de la houle, y compris les deltas, et les estuaires, couvrant une surface estimée à 182 000 km². Localement, elles peuvent se maintenir jusqu’à 32°N et 28°S sous l’effet de courants marins chauds.
Colonisant un milieu très contraignant (hydromorphie du substrat, inondations périodiques, salinité...), les palétuviers se caractérisent par leurs adaptations morphologiques (racines aériennes, pneumatophores) ou physiologiques (glandes excrétrices de sel).
Les mangroves ont été longtemps considérées comme des milieux inhospitaliers avant tout mais leur utilité commence à être reconnue, tant sur le plan économique qu’écologique. Les mangroves sont des réservoirs de biodiversité et des milieux très utiles pour la protection des sols face à l’érosion et pour l'accroissement de la production piscicole (crevettes et poissons). Elles offrent une réserve de bois de construction et de chauffe ainsi que de nourriture pour de nombreuses communautés villageoises à travers le monde (Gardel, 2021).
En France d’outre-mer, la mangrove est un « espace culturel et naturel » au sens de l'article L. 149-6 du Code de l'urbanisme et elle offre un des exemples de tentative de protection des milieux littoraux à l'échelle caribéenne. Son intégration dans le Parc National guadeloupéen, les tentatives de classement des zones de mangrove en réserve naturelle (baie de Génipa en Martinique…) témoignent d’une prise de conscience de l’importance écologique de ces milieux.
Complément 1. Les palétuviers
Les palétuviers, arbres de la mangrove, sont adaptés à un milieu salé (halophiles) et à un substrat instable qu'ils tendent à fixer : pour lutter contre l'asphyxie des racines, certaines familles de palétuviers présentent des tiges ou rizophores (d'où leur nom de Rhizophora) qui pendent des branches et s'enracinent dans la vase ; les Ceriops ont au contraire des racines émergentes ; chez les Avicennia, des tiges verticales, les pneumatophores, pointent à travers la vase et sont branchées sur des racines traçantes ; protégés par du liège, de petites fentes s'ouvrent à marée basse pour permettre la respiration. Une autre forme d'adaptation est nécessitée par la forte concentration en sel : les cellules des plantes pratiquent le filtrage de l'eau, la transpiration est réduite (les feuilles sont vernissées) et certaines espèces d'avicennia sont capables d'évacuer le sel. Le terme de palétuvier recouvre de nombreuses espèces qui se répartissent selon une zonation qui varie d'un littoral à l'autre et est fonction de la durée de l'inondation et de la salinité des eaux.
Complément 2. La mangrove dans les départements français d'Amérique
Les espèces de palétuviers sont différentes aux Antilles et en Guyane mais la relative pauvreté floristique des premières lignes dans les marais à mangrove est partout la même. Le caractère pratiquement monospécifique en Guyane des peuplements de palétuviers blancs, Avicennia germinans, contribue à uniformiser le paysage et accentue sa monotonie. L'œil profane ne fait pas la distinction avec les palétuviers gris (Laguncularia racemosa), espèce pionnière mais vite supplantée par les Avicennia. Cette homogénéité disparaît dans la mangrove d'estuaire, dont l'espèce ligneuse est le palétuvier rouge (Rhizophora racemosa) mais dont la stabilité autorise une diversité floristique. La zonation des palétuviers dans la baie de Génipa et sur les bords du Grand Cul-de-Sac Marin est aussi créatrice d'uniformité, surtout si on aborde la mangrove depuis la mer. Le palétuvier rouge Rhizophora mangle est omniprésent sur une frange de quelques mètres de large et la hauteur de ses individus, en moyenne dix mètres, rend invisible les Avicennia germinans et les Laguncularia racemosa. On rencontre vers l'intérieur Acrostichum aureum avant de quitter la mangrove pour une forêt marécageuse d'eau douce à Pterocarpus, puis des formations herbacées, voire directement les terres cultivées. La différence fondamentale entre les mangroves antillaise et guyanaise tient à la mobilité des rivages de la France équatoriale, liée à la dynamique des apports amazoniens, à la succession de périodes d'envasement et de dévasement, de progradation et d'érosion des vasières et des palétuviers. Si les modifications de la limite interne de la mangrove ne sont pas observables à l'échelle de la vie humaine, la dynamique côtière est à l'origine de modifications paysagères très rapides.
Dans les vasières et parfois, sur les palétuviers même, vit une faune importante de vers, coquillages, crustacés, poissons et oiseaux. Les ibis rouges (Eudocimus ruber) y trouvent par exemple reposoir et site privilégié de nidification. La présence de cette faune est liée à la très forte productivité de cet écosystème : d'une part la productivité primaire de la composante aérienne ligneuse est très importante, d'autre part les feuilles mortes qui tombent dans l'eau sont à la base d'un réseau trophique de décomposeurs conduisant à une forte productivité secondaire. Les mangroves sont connues pour leur rôle de nurserie, qui n'est pas sans lien avec la productivité des pêcheries côtières (par exemple la pêche crevettière sur le plateau continental guyanais, qui prolonge un littoral bordé de mangrove sur plus de 80% de son linéaire, soit 55 000 à 70 000 hectares).
Complément 3. Géodynamiques du littoral guyanais
En milieu littoral mouvant, comme c'est le cas pour le littoral guyanais, l'imagerie satellite apporte un complément précieux aux cartes IGN dont les mises à jour ne sont pas suffisamment rapprochées pour prendre en compte les modifications géodynamiques du littoral.
Les côtes guyanaises sont des côtes basses, à dominante vaseuse et marécageuse. De vastes bancs de boues sont alimentés par le fleuve Amazone : il envoie dans l'océan Atlantique d'importantes quantités de sédiments entraînés vers les côtes de Guyane par un puissant courant marin (courant des Guyanes, prolongation du courant d'alizé sud équatorial) portant au nord-ouest. Environ 280 millions de m³ de sédiments fins en provenance de l'Amazone migrent annuellement le long des côtes. Phases d'accrétion (ou progradation) et d'érosion alternent selon des cycles pluri-annuels que des variations saisonnières amplifient ou atténuent. Alternent ainsi, dans le temps et dans l'espace, de grands bancs de boue dont la surface intertidale est une vasière colonisée progressivement par la mangrove, et des zones d'érosion ou de non accrétion occupées, soit par de la mangrove stabilisée, soit par des chéniers, cordons sableux côtiers longs et étroits déposés parallèlement au rivage.
(ST) 2003. Dernières modifications (JBB) : août 2021 (SB et CB), janvier 2023.
Pour compléter
- La plus grande mangrove française et la mieux préservée : Antoine Gardel, « Bancs de vase, mangroves et plages en mouvement le long du littoral de Guyane ». Géoconfluences, septembre 2021.
- L'exemple du Timor oriental : Christine Cabasset, « Aménager les zones côtières à la hauteur des risques et des enjeux environnementaux : le cas du Timor oriental », Géoconfluences, mars 2021.
- Judith Klein, « La mangrove : un modèle de développement touristique durable ? », Géoconfluences décembre 2003.