Tropicalité
La tropicalité désigne les caractéristiques physiques des régions de la zone intertropicale. Cette zone a longtemps fait l’objet d’un discours géographique spécifique, la géographie tropicale, avatar de la géographie coloniale, dont elle prit le relais de 1945 au milieu des années 1960. Il s’agissait d’une approche zonale des régions intertropicales, régions supposées avoir des spécificités propres à leur localisation. Elle présentait une approche naturaliste – le facteur clé étant le climat – et expliquait notamment la faiblesse du développement de ces régions par la pauvreté supposée des sols, ceci dans un contexte d’activité agricole dominante.
La tropicalité désigne aujourd’hui un ensemble de contraintes et de potentialités communes aux milieux tropicaux.
Au sens astrophysique, la zone intertropicale est délimitée par le tropique du Capricorne au sud et le tropique du Cancer au nord. En géographie, c’est plutôt la définition climatique de la zone intertropicale qui domine, au sens des régions situées de part et d’autre de l’Équateur, sous l’influence des alizés et ne connaissant pas le gel. L’alternance entre une saison sèche et une saison des pluies, éventuellement couplées à deux saisons de transition, des températures moyennes annuelles élevées, une faible amplitude thermique annuelle (n’excluant pas de très fortes amplitudes à l’échelle de la journée), peuvent être des caractéristiques de la tropicalité. Les contraintes du climat tropical s’expriment très différemment selon les régions, du climat hyperaride au climat de mousson en passant par tous les types de savanes, et selon les situations locales, en fonction par exemple des effets de versant, des effets d'abri et surtout de l’altitude.
La fragilité des sols tropicaux est une réalité, en raison d'une pédogénèse très longue (Balesdent et al., 2023, p. 19), d'un lessivage important lors des pluies intenses. Cependant, certains écosystèmes (la forêt dense) et certaines formes de mises en valeur (l'agroforesterie...) parviennent à des productions végétales très abondantes, mais toute perturbation (déforestation, brûlis trop rapprochés...) peut entraîner une érosion et une dégradation rapide du sol, irréversible à l'échelle de temps humaine. Localement, certains sols tropicaux sont les plus fertiles du monde, comme ceux formés sur les cendres volcaniques récentes de certaines îles tropicales (ibid., p. 79).
Comme la notion de « climat tempéré », celle de tropicalité est commode mais en première approche uniquement. Elle n’est pas exempte d’un certain poids historique de son usage (mêlant déterminisme naturel et européocentrisme), et elle regroupe une très grande variété de situations régionales et locales, deux éléments incitant à la prudence quant à son utilisation.
(JBB) décembre 2019. Dernières modifications (SB et CB), juin 2022 (JBB), juillet 2024.
Références citées
- Balesdent Jérôme, Dambrine Étienne et Fardeau Jean-Claude (2023), 80 clés pour comprendre des sols, éditions Quæ, 1re éd. 2015.
Pour compléter avec Géoconfluences
- Clara Loïzzo, « Crise de l’eau à Mayotte : une question démographique plus que climatique », Géoconfluences, juin 2024.
- Virginie Duvat, « La crise climatique crée-t-elle une situation d’urgence dans les atolls ? », Géoconfluences, mai 2024.
- Arthur Guérin-Turcq, « Les forêts dans le monde, des milieux anthropisés : un état des lieux », Géoconfluences, septembre 2023.
- Pascal Clerc, « "La Terre est le domaine de l’homme". Le développement de la géographie coloniale en France, 1860–1947 », Géoconfluences, mai 2023.