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Marge, marginalité, marginalisation

Publié le 02/07/2024
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Une marge est, au sens premier, un espace situé en périphérie de quelque chose. On parlera par exemple de la marge d’un texte, des marges d’un bois… L’étymologie du terme (en latin margo, bordure, puis dans le monde germanique marka, frontière) est donc la même que celle de marches. Une marge peut donc désigner une limite, une frontière, une bordure (en océanographie, la marge continentale). De même, l’expression « en marge de » signifie à l’écart, en périphérie (« se mettre en marge d’une discussion »). La notion de marge ne peut donc s’analyser seule et renvoie toujours à la fois à un groupe ou à un espace considéré comme central, mais aussi à une dynamique (la marginalisation, c’est-à-dire la mise en marge).

Le terme de marginalité désigne quant à lui une situation : le fait d’être en marge, de ne pas être pleinement partie prenante d’un système. Le terme fut d’abord employé au sens de marginalité sociale, avant d’être utilisé par les géographes (marginalité spatiale). Les historiens comptent parmi les premiers à avoir introduit dans le champ des sciences sociales la notion de marginalité sociale. Ainsi, Bronislaw Geremek s’intéresse à la figure du vagabond dans son analyse de la pauvreté dans les cités médiévales. Toutefois, c’est l’École de Chicago qui suscite de nombreuses recherches sur les individus marginaux (l’étranger, le hobo) puis sur les groupes en marge de la ville. En minorité, coupés de leur communauté d’origine, ils ne sont pas reconnus comme membres de la société urbaine. Ils peuvent être perçus comme transgressant les normes dominantes. Parler de marginalité revient à appréhender sous l’angle moral diverses conduites en lien avec les notions de déviance et d’inadaptation. Le terme de marginalité sociale recoupe donc toujours une dimension culturelle, voire un aspect normatif. C’est dans les années 1970 que la notion de marginalité s’est déployée en France. Plutôt que de parler d’un état (être en marge de la société salariale, ou en être exclu, pour employer un terme très présent dans la littérature scientifique des années 1990, l’exclusion se substituant parfois à la marginalité), plusieurs sociologues soulignent l’importance d’analyser les processus conduisant à ces situations : il est davantage question de marginalisation ou encore de désaffiliation (Castel, 1995). Tendant à se superposer à celle de la pauvreté dans les années 1980 et plus encore 1990, la problématique de la marginalité conduit à analyser les inégalités sociales en lien avec l’étude des rapports de domination : quels sont les enjeux sociaux et politiques autour des catégorisations et placements des individus et groupes au sein d’une société donnée ?

Les expressions de marge, marginalité, marginalisation, ont souvent été utilisées par les géographes selon deux approches complémentaires :

  • à partir des années 1990, dans le cadre d’une analyse centre-périphérie. Dans ce cadre, la marge est alors considérée, soit comme un synonyme pur et simple de périphérie, soit pour qualifier des périphéries extrêmes, caractérisées par une grande faiblesse de relations avec le centre, et ce, au contraire de périphéries dites « intégrées ». Les travaux sur la mondialisation et sur la formation d’un « système-monde » ont notamment permis de décrire des centres, des périphéries intégrées, mais aussi des espaces « en marge » de cette mondialisation. De même, à une autre échelle, s’inspirant à nouveau du binôme centre-périphérie, des géographes étudient par exemple « la France des marges », ou encore les marges rurales et les transformations des espaces périurbains, soucieux d’en discuter les limites et de saisir leurs dynamiques de production, parfois en écho aux travaux sur les discontinuités et processus de différenciations spatiales chers à l’analyse spatiale.
  • depuis le début du XXIe siècle, dans le cadre d’une géographie sociale et culturelle. Les géographes ont alors moins convoqué le terme de marge que ceux de marginalité et de marginalisation. Les travaux sur les inégalités socio-spatiales et sur la fragmentation socio-spatiale ont souvent utilisé les trois termes. L’enjeu est alors de discuter de la place de l’espace dans une approche de la marginalité. Partant de la notion de marginalité sociale, il est question de comprendre comment la référence à l’espace exprime, redouble ou réduit les différenciations sociales et comment sont produits à la fois une marge et des catégories de marginaux. On relèvera que l'étude de la marginalité ne se résume pas à discuter de la pauvreté mais peut aussi conduire à des travaux sur les élites et diverses formes spatiales telles les communautés fermées.

(MCD), juillet 2016, dernière modification (SB et CB) octobre 2022.


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