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Urgence et ONG

Publié le 02/07/2024
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Les Organisations non gouvernementales (ONG) ont acquis une place de premier ordre dans les situations d'urgence humanitaire liées aux catastrophes et elles sont désormais des acteurs essentiels dans ce qui constitue un début de société civile internationale. Elles sont importantes par leur nombre (environ 30 000 dans le monde selon le Conseil économique et social de l'ONU, mais le PNUD en recense plus de 200 000), par les fonds qu'elles drainent et mobilisent (elles redistribuent plus de 10 milliards de dollars), par leur professionnalisme, leurs savoir-faire géopolitiques, logistiques et techniques dans les domaines de la santé et de l'urgence médicale.

Alors que l'aide au développement stagne ou diminue, l'assistance humanitaire et les opérations d'urgence des ONG ne cessent d'augmenter car leur action est plus visible et spectaculaire pour les médias et plus facile à quantifier. En effet, la catastrophe, en tant qu’instant de rupture, introduit une temporalité de l’urgence dont les médias se font l’écho avec une dramaturgie rituelle (éditions spéciales, flashs, appels à la solidarité, etc.). La spatialisation du drame a également son importance : le territoire où se produit la catastrophe participe à la mise en scène. La prévention du risque comporte en général les scénarios de l'urgence sous différentes formes.

Apparues, pour la plupart, après 1945, les ONG avaient alors une vision rédemptrice de leur action (racheter les fautes de l’Occident colonialiste). Dans les années 1970 - 1980, les French Doctor mondialisent l’image de la victime dont les photographies emblématiques sont celles des enfants pris dans la tourmente de la guerre du Biafra (1967). Leurs actions se médiatisent et s'insèrent dans des logiques géopolitiques mondiales, les situations d'urgence où elles interviennent concernent divers types de catastrophes : Kurdistan en 1991, Restore Hope pour la Somalie en 1992, la Bosnie en 1993, le génocide au Rwanda suivi de l’épisode de Goma puis, en 1996, des centaines de milliers de disparus de la forêt de Kivu, les victimes de l’ouragan Mitch en 1998, le Kosovo en 1999 (première grande opération militaro-humanitaire), la sécheresse de l’Ogaden en Éthiopie en 2000, l’Afghanistan en 2001, le séisme à Haïti en 2010, la guerre civile en Syrie depuis 2011... Au fil de ces expériences, les ONG se sont professionnalisées.

De nos jours, leurs équipes font preuve d'un haut niveau de technicité dans les domaines logistique, médical, de la nutrition. Elles ont su inciter à l'adoption de nouvelles règles internationales dans le domaine économique et ont mis en place des programmes régionaux de reconstruction et de développement en élargissant leurs premières missions de traitement de l'urgence. Nombre d'entre elles ont reçu des mandats de la communauté nationale ou internationale qui fondent leur légitimité.

Mais elles ont parfois des difficultés pour positionner leurs actions, pour définir leurs relations avec les pouvoirs en place ou avec les forces militaires dans les pays où elles interviennent. Elles doivent aussi arbitrer entre aide d'urgence et aide au développement et la prévention sur le plus long terme. Alors que Jean-Hervé Bradol, président de Médecins sans frontières (MSF), venait d'annoncer qu'il allait désormais refuser les dons, trop importants, au seul profit de l'Asie touchée par le tsunami du 26 décembre 2004, dans une communication au quotidien Le Monde intitulée « Merci à Médecins sans frontières » (Rubrique Horizons Débats du 6 janvier 2005), Sylvie Brunel (géographe et ancienne présidente d'Action contre la faim) faisait observer :

«

« Tout se passe comme si le cœur avait peu à peu pris le pas sur la raison, comme si la générosité s'alimentait d'elle-même (...). Désormais, États, entreprises, ONG, particuliers, collectivités locales rivalisent dans la course aux dons, cravachés par les médias qui donnent le sentiment de s'alimenter et d'alimenter ce qui est en train de devenir une sorte d'hystérie collective de la générosité affichée. (...) Quand le président de MSF rappelle que le travail à effectuer sur place est circonscrit, d'une part par les capacités opérationnelles réelles des ONG, d'autre part par les limites physiques en termes d'infrastructures qui condamnent une partie de l'aide internationale à s'amonceler dans les ports et les aéroports sans pouvoir être distribuée, il ne fait que rappeler une vérité dictée par l'expérience. »

»

(ST) mai 2005. Mise à jour (LF) en 2021.


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