Appellations (AOC, AOP, IGP, etc.)
Une appellation désigne le dépôt du nom d'une production, le plus souvent alimentaire mais pas uniquement, afin de protéger le nom et le produit contre les contrefaçons. On parle aussi, plus précisément, de signe d'identification de la qualité et de l'origine (SIQO). La protection des appellations est un exemple de labellisation (qui vient du mot label, signifiant en anglais « étiquette »). Divers procédés ont existé au cours de l'histoire pour protéger un produit des imitations : le duc de Parme serait ainsi à l'origine de la première appellation d'origine, en 1612, pour préserver le parmesan (parmiggiano reggiano) des contrefaçons (Woessner, 2022, p. 284). Mais c'est en France, au début du XXe siècle, que s'est institutionnalisée cette protection, d'abord dans le domaine de la viti-viniculture. C'est alors que se sont mis en place les principaux éléments constitutifs d'une appellation : le dépôt dans un registre, la reconnaissance par l'État (avec la création de l'INAO en 1935), et l'élaboration d'un cahier des charges. C'est la naissance de l'Appellation d’origine contrôlée (AOC).
L'AOC a été créée en France en 1935, principalement pour lutter contre la fraude qui s’est largement développée suite à la crise du phylloxéra (1868-1895). Le principe est simple : une zone délimitée (en fonction de l’exposition, de la nature du sol, etc.), correspondant généralement à un terroir, et des règles communes de production (encépagement, taille de la vigne, etc.). Le tout est strictement noté dans un cahier des charges soumis à l’INAO et à la chambre d’agriculture. Les vins AOC représentaient 49 % de la production viticole française en 2010, les vins d'indication géographique protégée (IGP) – nommés vins de pays avant 2009 – en représentent environ un quart.
Ce modèle s'est propagé dans le reste du monde sous l'influence de l'Organisation internationale de la vigne et du vin (OIV, née en 1923), largement construite autour de la France. L'Union européenne a également intégré ces signes de qualité sous la forme des Appellations d'origine protégée (AOP). De nombreuses AOC françaises sont aussi des AOP. Les Indications géographiques protégées (IGP) sont beaucoup plus souples. Au départ liés au vin, les types de produits protégés se sont diversifiés ensuite à d'autres alcools, aux produits laitiers (fromages notamment), à la viande, aux huiles, ou encore à des productions artisanales non alimentaires (depuis 2013 en France) : coton, cuir, couteaux... En additionnant AOP et IGP, le registre des indications protégées de l'Union européenne reconnaît 3 833 productions au total, dont 1 633 appellations viticoles. Avec 787 appellations, la France représente 20 % du nombre total d'appellations enregistrées au niveau européen (chiffres de 2023).
Le système des appellations a essaimé hors d'Europe tout en s'adaptant aux spécificités culturelles locales. En Amérique du Nord, très peu de productions sont labellisées à l'exceptions des vins californiens (American Viticulture Areas) et du Québec (agneau de Charlevoix, maïs sucré de Neuville...). Au Japon, des appellations existent pour le riz, le saké, le thé ou encore la viande (Charvet et Carré, 2008, cités par Saugemerle, 2022, p. 347). En Amérique latine, on trouve des appellations pour le café en Colombie, pour la viande en Argentine (ibid.), ou encore pour les vins dans le Cône sud. Le Chili possède par exemple plusieurs types de labels, dont la denominación de origen (D.O.). Au Maroc, les appellations prennent le nom de signes distinctifs d'origine et de qualité (SDOQ), par exemple pour labelliser la filière de l'huile d'argan qui assure des revenus aux producteurs tout en contribuant au maintien de la biodiversité (Saugemerle, 2022, p. 348).
(ST), 2011. Dernières modifications (JBB), décembre 2021, juillet 2023.
Références citées
- Charvet Jean-Paul et Carré François (2008), Nourrir les hommes, Sedes, 2008, 318 pages.
- Saugemerle Pierre (2022), « Reterritorialiser l’agriculture » , in Libourel Éloïse et Gonin Alexis, Agriculture et changements globaux, Atlande.
Pour compléter avec Géoconfluences
- IGP sapin de Noël du Morvan : Adrien Baysse-Lainé et Mathilde Bernard, « Le Morvan, principal bassin de production français de sapins de Noël », Géoconfluences, novembre 2024.
- Reblochon : Serge Bourgeat et Catherine Bras, « Entre ancrage local, mondialisation culturelle et patrimonialisation… Une géographie de la tartiflette », Géoconfluences, décembre 2021.
- Rhum de la Martinique : Yves-Marcelle Richer, « La Martinique : de l’île sucrière à l’île-terroir », Géoconfluences, juin 2021.
- Jurançon : Grégoire Berche, « Les campagnes viticoles du Jurançonnais : dynamiques des vignerons indépendants au sein d’un système productif en recomposition », Géoconfluences, juin 2018.
- Bergerac : Éric Rouvellac, Les terroirs de l'aire AOC Bergerac. Géoconfluences, 2007.
- Hélène Velasco-Graciet et Jean-Claude Hinnewinkel, Espace et temporalités du vignoble : une comparaison franco-chilienne. Géoconfluences, 2007.
- Jean-Robert Pitte, La mondialisation au service des vins de terroir. À propos du rapport Pomel de mars 2006. Géoconfluences, 2007.
- Raphaël Schirmer (dir.), Azedine Chaouch, Perrine Gros, Marie-Gabrielle Leclair et Emmanuelle Leclercq, Les vins californiens en quête d’une image territoriale. Géoconfluences, 2007.
Liens externes
- eAmbrosia : registre des indications géographiques de l'Union européenne
- INAO : www.inao.gouv.fr
- OIV : www.oiv.int
- Les signes de qualité en Europe : http://ec.europa.eu/agriculture/quality/index_fr.htm
- Sur le site de l'OMC, les ADPIC : www.wto.org/french/tratop_f/trips_f/trips_f.htm