États, territoires et frontières
Formation des États, territoires et frontières sont étroitement liés, notamment dans le cas des États westphaliens. En Europe, antérieurement au XVIe siècle, la spatialisation des entités politiques restait vague et les limites d'exercice de leur pouvoir floues. Les traités de Westphalie (1648) ont engagé progressivement un nouvel ordre géopolitique au sein d'une Europe voulue comme un ensemble d’États, disposant de frontières précises et reconnues, et sur lequel le pouvoir exerce sa pleine et entière souveraineté. Ces règles s'efforçaient de garantir la paix plutôt que la guerre, les processus de négociation plutôt que de conquête : la fixation et le tracé d'une frontière étaient destinés à empêcher tout empiétement d'une souveraineté sur l'autre, toute contestation, et elle impliquait la reconnaissance mutuelle.
En Afrique, appareils étatiques et frontières sont en grande partie un héritage colonial, à la fois commode et encombrant pour les jeunes États issus de la décolonisation à partir des années 1960. Ils hésitent alors entre supprimer les frontières (groupe de Casablanca) ou les déclarer intangibles pour les effacer ensuite (groupe de Monrovia). C’est l’OUA qui tranche en 1964 en déclarant l'intangibilité des frontières coloniales par la résolution du Caire (Desportes et Dobe, 2020). Cela contribue à cristalliser les frontières mais cela explique aussi le nombre relativement faible de différends frontaliers dans l’Afrique post-coloniale (Briot et al., 2021)
De nos jours, au regard du droit international, les frontières de l'État englobent l'intégralité de son territoire terrestre (voies d'eau incluses), ses eaux intérieures et sa mer territoriale, ainsi que la couche atmosphérique surplombant ses territoires terrestre et maritime. D'autres espaces, sur lesquels l'État n'exerce que des droits souverains ou une juridiction fonctionnelle, ne sont pas compris dans le territoire étatique (extraterritorialité : ambassades, consulats).
Mais le droit international ne formule aucune exigence sur le caractère continu ou discontinu du territoire de l'État et donc de son enveloppe frontalière, ce qui permet les exclaves (par exemple la Russie et son exclave de Kaliningrad). Aucune exigence n'existe non plus sur les conditions minimales de droit à l'existence du point de vue de la superficie : on dénombre ainsi de nombreux « micro-États » dont les superficies sont inférieures à 50 km² (Monaco, Nauru, le Vatican par exemple).
(ST) 2006, dernières modifications (JBB) septembre 2024.
Références citées
- Briot Ninon, Jean-Benoît Bouron et Pauline Iosti (2021), « Carte à la une. Les frontières disputées et conflictuelles dans le monde », Géoconfluences, décembre 2021.
- Desportes Coline et Dobe Deklek (2020) « L’intangibilité des frontières coloniales au regard des résolutions de l’OUA/UA ». Les rencontres des Jeunes Chercheur.e.s en Études Africaines. (23 décembre 2020).
Pour compléter avec Géoconfluences
- Stéphane Ondo Ze, « Le « parc marche » dans la militarisation de la conservation des éléphants de forêt au Gabon », Géoconfluences, septembre 2024.
- Louis Le Douarin, « Carte à la une. Déconstruire un récit impérial : le mythe Sykes-Picot », Géoconfluences, mai 2024.
- Frédéric Durand, « Timor, géohistoire des frontières stratifiées », Géoconfluences, juin 2020.
- Patrick Blancodini, « La frontière Suriname – Guyane française : géopolitique d’un tracé qui reste à fixer », Géoconfluences, septembre 2019.
- Pascal Orcier, « Frontières et territoires frontaliers en Europe : une visite guidée », Géoconfluences, février 2019 (mise à jour : juin 2019).
- Stéphane Corcuff : Taiwan, naissance des frontières d'une démocratie insulaire, 2006.