Mixité sociale
La mixité sociale désigne la cohabitation dans un espace local, généralement à l’échelle du quartier, de populations issues de milieux sociaux différents. Elle est souvent mentionnée comme un objectif à atteindre pour les politiques publiques, de rénovation urbaine notamment, ou pour déplorer son absence, qui aboutit alors à une situation de ségrégation sociale. En France, la loi SRU de 2000, renforcée par une loi de 2013, est l’un des principaux dispositifs juridiques contraignant pour renforcer la mixité sociale. Elle imposait 20 % de logements sociaux, puis 25 % après 2013. Son succès a d’abord été terni par le fait que certaines municipalités préféraient payer des amendes plutôt qu’augmenter leur part de logements sociaux, ce qui a aboutir à rendre ces objectifs obligatoires.
Matthieu Adam (2024), faisant le constat que l’impératif de mixité sociale est une évidence partagée par tous les acteurs impliqués dans la production de l’urbain, remarque qu’une critique de la notion est toutefois indispensable, en particulier autour de trois problèmes. Le premier porte sur la mesure de la mixité sociale. Faute de mieux, le seul indicateur chiffré dans les projets d’urbanisme est le taux de logements sociaux. Mais cet indicateur occulte d’une part, la variété des statuts de ces logements, dont certaines catégories sont destinées aux classes moyennes (Adam, 2020, notamment document 5) et d’autre part, les autres formes possibles de mixité sociale, ne reposant pas sur le critère de l’accès au logement.
La deuxième critique est que la mixité sociale est souvent pensée par les acteurs urbains depuis le haut. Dans les quartiers neufs, il s’agit de produire un quartier pour les catégories désirables (solvables) et d’y admettre une dose (minoritaire) de personnes moins aisées mais assimilables (Adam, 2024). Lors des processus de rénovation urbaine, il s’agit de limiter le taux de logement sociaux des immeubles reconstruits après les démolitions. Ces politiques se fondent en grande partie sur l’assimilation des quartiers populaires à des ghettos, alors même que ces quartiers sont quasiment systématiquement plus diversifiés socialement que les quartiers (ghettos) de riches. Par ailleurs, dans le cas du processus de gentrification, les premières étapes correspondent à une augmentation de la mixité sociale. Or, si le processus se poursuit, il aboutit, à terme, à une éviction des groupes sociaux les plus défavorisés.
Plus globalement, en proposant de redistribuer géographiquement les populations pauvres, la mixité sociale peut aussi être vue comme une abdication des autres formes de lutte contre les inégalités et contre la pauvreté elle-même (ibid., p. 79). Sans contester le bien-fondé de ces politiques, elles ne peuvent donc suffire ni se substituer à d’autres mécanismes de justice spatiale et de régulation. La mixité scolaire en est un bon exemple : la dérégulation des systèmes d’éducation depuis le tournant néolibéral des années 1980, aux États-Unis notamment, a accentué la polarisation sociale des établissements, au détriment des élèves les plus fragiles socialement (Nafaa, 2016).
(JBB), novembre 2024.
Références citées
- Adam Matthieu (2020), « Confluence, vitrine et arrière-boutique de la métropolisation lyonnaise », Géoconfluences, novembre 2020.
- Adam Matthieu (2024), Contre la ville durable. Une écologie sans transition, éd. Grevis, 140 p.
- Nafaa Nora (2016), « Quand l’éducation fait son marché : ségrégation, marchandisation et néolibéralisation. L’exemple de Philadelphie », Géoconfluences, avril 2016.